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Définition du NIEL et du LET
Dans une gamme d’énergie assez grande, il est possible de simplifier les pertes non ionisantes (NIEL, Non Ionizing Energy Loss) aux interactions particules / noyaux qui génèrent des défauts de déplacements 20 :dx noyau dE NIEL ⎟ ⎞ ⎠ – ∝.
Le reste de l’énergie est transférée sous forme ionisante, appelée dans le domaine spatial Linear Energy Transfer (LET). C’est donc la somme du rayonnement de freinage et des pertes d’énergies dues aux interactions entre particules incidentes et cortège électronique 20 :
Dans le cas des particules chargées, le principal facteur de perte d’énergie de la particule incidente provient de l’ionisation du matériau cible par interaction avec le cortège électronique. L’ensemble de ce type d’interaction se sommera dans le LET qui est la grandeur caractéristique utilisée dans le domaine de la microélectronique. Dans le cas des composants actifs optoélectroniques, les effets de dose sont le plus souvent négligeables car ces composants ne contiennent pas ou peu d’oxydes susceptibles de capturer les charges générées. Par conséquent, lors de l’ionisation du matériau, les charges sont évacuées. Pour ces composants, les mécanismes qui induisent les dégradations sous irradiations sont dus aux défauts de déplacement générés lors de l’interaction particule / matière, dont les contributions sont rassemblées dans le NIEL 22.
Impact sur les propriétés des semi-conducteurs
Dans le cas d’une irradiation avec des protons de basse énergie (< 10 MeV), le mécanisme prédominant dans la génération des défauts de déplacement est l’interaction coulombienne 22, qui conduit à la génération de défauts ponctuels. Au-delà de 10 MeV, les interactions élastiques nucléaires doivent être considérées, conduisant à la prise en compte de cascades de défauts. Pour des énergies supérieures à 20 MeV, les interactions inélastiques avec les noyaux rentrent également en ligne de compte, ce qui peut entraîner la création de cascades de défauts complexes 22. Pour les électrons, on retrouve les mêmes phénomènes, mais les énergies de transition entre les différents mécanismes diffèrent. Les cascades simples de défauts apparaissent pour des électrons d’énergies supérieures à 2 MeV, alors que les cascades complexes n’apparaissent que pour des électrons d’énergies supérieures à 5 MeV 22. Les neutrons sont un cas un peu particulier, car comme ils ne sont pas chargés, ils ne sont pas sensibles à l’interaction coulombienne 20, 22. Par conséquent, même à faible énergie, les neutrons ont la possibilité d’interagir avec le noyau et ont tendance à générer des cascades de défauts plutôt que des défauts ponctuels (pour des neutrons d’énergie supérieure à 1 MeV) 20, 22.
Utilisation du NIEL
La relation entre énergie de la particule incidente et énergie déposée de façon non ionisante est englobée dans le concept de NIEL (cf. a)i)). Pour compléter l’équation (2-3), il nous faut ajouter que le NIEL est inversement proportionnel à la densité du matériau cible, ρ, ce qui explique qu’il s’exprime généralement en MeV.cm2/g 22: dx noyau dE NIEL ⎟ ⎞ ⎠= ρ 1 (2-5)
Le NIEL est défini à une énergie donnée, car nous avons vu que les mécanismes d’interaction diffèrent selon l’énergie de la particule incidente. Le spectre de NIEL définit donc la dépendance énergétique de perte d’énergie non ionisante pour un matériau donné et pour un type de particule incidente fixé. Ce concept de NIEL est intéressant car il laisse transparaître que le nombre de défauts de déplacement générés lors d’irradiations est indépendant du type de particules incidentes ainsi que de leur énergie 22. Seule la quantité de défauts de déplacement générés dépend de l’énergie incidente. Cette densité est alors proportionnelle au NIEL selon la nature des matériaux composant le dispositif étudié 25. Ce modèle repose sur trois hypothèses. La première est que le nombre de défauts de déplacement initiaux est proportionnel à l’énergie du premier atome déplacé. La deuxième est que dans le régime de cascade de défauts de déplacement, la nature des défauts générés est indépendante de l’énergie de la particule incidente. La troisième hypothèse est que l’effet des défauts de déplacement sur les propriétés électriques est proportionnel à la concentration globale de ces défauts.
Méthodologie : le NIEL, irradiation monoénergie, monoparticule.
Pour tester la tenue des composants aux radiations au sol, ceux-ci sont le plus souvent irradiés avec des faisceaux mono-particule et mono-énergie, ce qui diffère de l’environnement spatial rencontré lors d’une mission, où les types de particules sont multiples et couvrent un large spectre énergétique. Le concept de NIEL permet de décrire l’impact de l’énergie des particules sur la densité de défauts de déplacement générés et est particulièrement intéressant puisqu’il permet de réduire l’étude de l’impact d’un spectre large de radiations à l’étude de l’impact d’une irradiation par un faisceau mono-énergétique. En utilisant ce concept, et pour un matériau cible défini, il est possible de réduire l’intégrale de dose reçue durant une mission à une dose de défauts de déplacement totale déposée dans un matériau 30 : ∫ ∞ où Φ(E) est la fluence reçue à une énergie donnée (spectre de radiations reçu), et NIEL(E) est le NIEL du matériau pour une énergie donnée. Cette fonction est même proposée en standard par les modèles OMERE ou SPENVIS que nous avons utilisés pour modéliser des orbites « classiques » des missions GALILEO. Cette énergie peut alors être convertie en une fluence équivalente à la mission pour un type de particule à une énergie fixée et pour un matériau cible donné. Il est donc possible de déterminer grâce à ces logiciels la fluence équivalente à une mission pour une irradiation mono particule et mono énergie. C’est cette fluence équivalente calculée pour le matériau cible et pour le faisceau d’irradiations utilisé lors des tests au sol qui sera envoyée sur les composants à tester. La limite d’application de cette méthode concerne les conditions de validité du concept de NIEL.
État de l’art : impact des radiations sur les diodes laser
Les premiers travaux ont porté dans les années 1970-1980 sur l’impact des neutrons sur les diodes laser à couches actives massives issues de la filière (Al)GaAs 1, 3, 31. L’effet des neutrons a été étudié car ce sont les principales particules générées au sein des centrales nucléaires civiles ou dans les accélérateurs de particules. Leur impact n’est pas une priorité pour les applications spatiales où l’environnement est constitué de particules chargées. Toutefois, les neutrons génèrent des défauts de déplacement dans le matériau cible, tout comme les électrons et les protons, responsables des dégradations des propriétés des diodes laser. Par conséquent, les dégradations observées après irradiations aux neutrons, sont similaires à celles observées après irradiations aux protons et électrons. Les premiers travaux portant sur l’impact des protons sur les diodes laser datent eux de la fin des années 1970 et portent également sur les diodes laser à couches actives massives de la filière (Al)GaAs 4, 32. D’autres études, moins nombreuses portent sur l’impact des électrons 33 et des rayons gamma sur les diodes laser 30, 34, 35.
Cette partie présente les résultats des études antérieures portant sur l’impact des irradiations sur les diodes laser. Nous commencerons par détailler les effets des irradiations sur les propriétés des diodes laser. Ces effets sont présentés ici selon les caractéristiques observées sur les diodes laser et non pas selon le type de particule incidente. En effet, pour un type de défaut donné, les effets sur les diodes laser sont les mêmes quelle que soit la particule à l’origine du défaut. Puis nous détaillerons les impacts observés en fonction des conditions d’irradiation (durée, énergie des particules, axe du faisceau de particules incidentes).
Influence des conditions d’irradiation
Ce paragraphe présente les études menées sur d’autres aspects et mécanismes de la dégradation. La confrontation entre NIEL et dépendance énergétique des facteurs de dommages sera abordée, de même que l’étude des phénomènes de recuit sous injection de porteurs, ou encore l’influence des conditions de polarisation et enfin l’influence du positionnement des composants par rapport au faisceau de particules incidentes sur la magnitude des dégradations observées.
Etude en énergie / comparaison au NIEL
Le passage des études mono énergétiques à l’estimation de la contrainte en environnement spatial repose sur le concept de NIEL (cf. 2.3a)ii)). Il est donc essentiel de vérifier la validité de ce modèle, en comparant le NIEL à l’évolution des facteurs de dommage en fonction de l’énergie des particules incidentes. Des études portent sur ce sujet à travers le suivi de différents paramètres (courant de seuil, temps de vie des porteurs, …) lors d’irradiations avec des particules d’énergies variées, aussi bien sur des diodes laser 9, des LEDs 47, 62, que sur des résistances GaAs 63.
Comme présenté sur la figure 2-6, le NIEL des protons dans le GaAs décroît jusqu’à environ 30 MeV pour se stabiliser jusqu’à des énergies de l’ordre de 100 MeV, puis il augmente. Les travaux de Lee 9 confirment une évolution similaire du facteur de dommage du courant de seuil pour des énergies allant jusqu’à 200 MeV. Les travaux de Johnston 47 confirment également une diminution du facteur de dommage du courant de seuil pour des énergies atteignant 50 ou 100 MeV selon le composant considéré ; en revanche une stabilisation du facteur de dommage est observée pour des énergies supérieures, ce qui est en contradiction avec l’augmentation prévue par les calculs de NIEL. Un tel désaccord entre NIEL et facteur de dommage pour des énergies supérieures à 100 MeV est également observé sur des LEDs 62, 64, 65 et sur des résistances GaAs 63. Toutefois les interprétations diffèrent.
Une des études sur les LEDs 64 suggère que ce désaccord pourrait être attribué à la plus grande formation d’agrégats de défauts lors d’irradiations à fortes énergies, qui auraient moins d’impact sur les propriétés des composants que les défauts pris isolément. Cette hypothèse explique le désaccord entre NIEL et résultats expérimentaux par une violation des hypothèses de validité du NIEL (cf. 2.4). Une autre étude sur les LEDs 65 met en avant une explication différente. D’une part, les mécanismes de dégradation des LEDs sont indépendants de l’énergie du proton incident, et d’autre part la dépendance énergétique des facteurs de dommage mesurés suit soit le NIEL, soit seulement la composante élastique du NIEL, selon les composants optoélectroniques étudiés, comme le présente la figure 2-12. Le NIEL sous 10 MeV est égal à sa contribution élastique. Au-delà, la contribution élastique continue de diminuer alors que le NIEL total se stabilise puis augmente, sous la contribution de plus en plus importante des interactions inélastiques nucléaires. Sur la figure 2-12, il est possible de constater que le facteur de dommage des porteurs minoritaires dans les LEDs massives à base de GaAs (symboles carrés) 64 suit le NIEL élastique, alors que le facteur de dommage du courant de seuil mesuré sur des diodes à multi puits quantiques (cercles) suit le NIEL total 9. Les résultats sur les diodes à multi puits quantiques sont symbolisés par les diamants, et sont situés entre le NIEL total et le NIEL élastique. L’explication évoquée pour ces différents comportements repose sur une différence entre les défauts générés par interaction nucléaire en zone de déplétion, et ceux générés en zone de diffusion 65.
Etude des conditions de polarisation
Lors de l’irradiation, le composant peut être, selon les travaux, dans différentes conditions électriques : polarisé, court-circuité, ou encore en circuit ouvert. Ces conditions de polarisations n’influent pas sur les effets observés (augmentation du courant de seuil, etc…) mais sur l’importance de ces effets. Il a été montré que les composants polarisés pendant irradiation se dégradent moins que les composants non polarisés 6, 54. Cette observation est directement liée aux effets de recuit sous injection de porteurs. Une étude détaillée concernant l’impact des conditions de polarisation sur l’importance des dégradations a montré que plus le courant de polarisation est élevé, moins les irradiations ont d’impact sur les performances de la diode laser 10. Il y est également démontré que les composants en circuit ouvert sont plus sensibles aux irradiations que les composants court-circuités (aussi appelé circuit fermé) durant irradiation. Cette observation s’explique par l’existence de courants induits par les particules ionisantes lors de l’irradiation. Cette influence des conditions de polarisation peut se résumer, en termes de facteur de dommage du courant de seuil 10 :
ouvert )(I S | fermˇ )(I S | polarisˇ )(I S | (2-19) |
Κ | Κ> | > Κ |
Ces études indiquent que pour simuler au plus près une mission, il est conseillé de placer le composant dans une configuration électrique la plus proche possible de sa configuration lors de la mission. Ces études impliquent qu’irradier un composant au sol en circuit ouvert surestime les contraintes par rapport à la mission future dans laquelle le composant sera polarisé.
Etude selon l’axe des irradiations
L’amplitude de l’impact des irradiations sur les propriétés des diodes laser diffère aussi selon l’orientation de la diode laser par rapport au faisceau de particules 10, 32. Une des études portant sur la relation entre l’orientation de la diode laser par rapport au faisceau incident et le facteur de dommage du courant de seuil montre que 10 :
( eHorizontal )I S | Parall¸le )(I S | Normale)(I S | (2-20) |
Κ | Κ> | > Κ |
Les différentes directions incidentes des particules par rapport à la diode laser sont représentées sur la figure 2-14. La direction horizontale correspond à une irradiation le long de l’axe d’émission de la diode laser. Les directions parallèles et normales correspondent respectivement à des irradiations parallèles et perpendiculaires au plan des couches.
Une augmentation du facteur de dommage du courant de seuil de 25% à 60% est mesurée lorsque le flux de protons passe d’une incidence normale à une incidence horizontale. Cette différence s’explique par le fait qu’en incidence normale, la distance d’interaction particule / zone active est plus faible qu’en incidence horizontale, ce qui veut dire que la densité de défauts générés dans la zone active est plus faible. Toutefois, la variation du facteur de dommage du courant de seuil n’est pas directement proportionnelle à la distance d’interaction entre particule incidente et zone active.
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Table des matières
1 INTRODUCTION
2 CONTEXTE DE L’ETUDE
1 INTRODUCTION
2 LA PROBLEMATIQUE SPATIALE
2.1 Description de l’environnement
2.2 Modélisation de l’environnement spatial
a) Modélisation des ceintures de radiations
b) Modélisation des protons solaires
c) Estimation des contraintes pour une mission
d) Conclusion
2.3 Interactions particules / matière
a) Les différents types d’interactions
b) Impact sur les propriétés des semi-conducteurs
2.4 Méthodologie : le NIEL, irradiation mono-énergie, mono-particule.
2.5 Conclusion
3 ÉTAT DE L’ART : IMPACT DES RADIATIONS SUR LES DIODES LASER
3.1 Etat de l’art par caractéristique observée
a) Caractéristique Puissance-Courant
b) Caractéristique Tension-Courant
c) Emission spectrale
d) Propriétés dynamiques
e) Conclusion
3.2 Influence des conditions d’irradiation
a) Etude en énergie / comparaison au NIEL
b) Recuit sous injection de porteurs
c) Etude des conditions de polarisation
d) Etude selon l’axe des irradiations
e) Equivalence électrons/protons
4 CONCLUSION
3 METHODOLOGIE D’ANALYSE DE DIODES LASER
1 INTRODUCTION
2 METHODOLOGIE MISE EN PLACE
2.1 Le modèle de gain
2.2 Les mesures expérimentales
3 MESURES MISES EN PLACE
3.1 Photoluminescence et temps de vie des porteurs
3.2 Emission spontanée
3.3 Emission spontanée amplifiée
3.4 Emission optique dans l’axe de la diode laser
3.5 Tension-courant
4 ANALYSE DES MESURES
4.1 Pertes et rendement internes
4.2 Mécanismes de recombinaison et temps de vie des porteurs
4.3 Propriétés dynamiques
5 CONCLUSION
4 APPLICATION A L’ETUDE DE L’IMPACT DES IRRADIATIONS
1 INTRODUCTION
2 COMPOSANTS ETUDIES ET METHODE D’ANALYSE
2.1 Composants laser
a) Diodes laser GaInAsP/GaAs
b) Diodes laser GaInNAs/InP
c) Diodes laser à îlots quantiques InAs/InP
2.2 Echantillons dédiés à la photoluminescence
3 IRRADIATION PROTONS
3.1 Protocole expérimental
3.2 Résultats de photoluminescence
3.3 Résultats sur les composants
a) Evaluation du recuit sous injection de porteurs
b) Gain
c) Emission stimulée
d) Bruit d’amplitude
e) Conclusion
4 IRRADIATIONS ELECTRONS
4.1 Conditions d’irradiation et composants irradiés
4.2 Matériau (PL/TRPL plaques Thalès)
4.3 Composants (Ridge & Larges Thalès)
a) Propriétés optiques
b) Propriétés électriques
c) Propriétés dynamiques
4.4 Conclusion
5 « ÉQUIVALENCE » ELECTRONS / PROTONS
5.1 Validité de l’équivalence
5.2 Courants de saturation et de seuil
5.3 Conclusion
6 INFLUENCE DES PERTES DE LA CAVITE
7 INFLUENCE DE LA DIMENSIONNALITE
7.1 Comportement à 25°C
7.2 Comportement en température
8 CONCLUSION :
5 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
6 ANNEXE : MODELISATION DE LA DIODE LASER
1 GENERATION ET RECOMBINAISON DE PORTEURS
1.1 Les transitions électroniques
1.2 Génération et recombinaison des porteurs dans une diode laser
2 PROPRIETES OPTIQUES SOUS LE SEUIL LASER
3 GENERATION DE PHOTONS PAR EMISSION STIMULEE
4 PROPRIETES AU-DESSUS DU SEUIL
4.1 Définition du seuil laser
4.2 Puissance optique émise
4.3 Caractéristiques de rayonnement
4.4 Comportement dynamique
5 PROPRIETES ELECTRIQUES
7 LISTE DE PUBLICATIONS
8 REFERENCES
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