Impact des procedes de transformation sur le contenu en antioxydants des fruits

IMPACT DES PROCEDES DE TRANSFORMATION SUR LE CONTENU EN ANTIOXYDANTS DES FRUITS 

Les études s’intéressant au devenir des antioxydants ont débuté vers les années 1990 et se sont réellement intensifiées depuis les années 2000. En effet, si le procédé de séchage convectif est pris comme exemple, et si l’on en croit Sablani (2006), les premières recherches s’intéressaient à rallonger la durée de vie du produit sans faire attention à la rétention des nutriments et ce n’est que récemment qu’un effort a été fait pour œuvrer vers le développement de produits séchés à haute qualité nutritionnelle. Un sous-chapitre sera, tout d’abord, consacré à l’influence de deux facteurs post récolte, le stockage et la découpe, et deux sous-chapitres suivront sur l’impact de différents procédés de transformations : les procédés thermiques et les procédés de déshydratation. Une abondante littérature scientifique traite du devenir de l’acide ascorbique et des polyphénols pendant les traitements appliqués aux pommes pour fabriquer du jus ou du cidre et aux autres fruits lors de la fabrication du vin. Ces technologies ne seront pas traitées en tant que telles ; les informations relatives à la dégradation de ces composés en fonction des paramètres physicochimiques qui peuvent être tirées des études consacrées à ces technologies seront intégrées dans la partie traitant des procédés thermiques.

Facteurs post-récolte 

Stockage 

La conservation à basse température et sous atmosphère contrôlée est une technique de préservation courante. Le stockage, à -12, 4 ou 30 °C, n’a pas d’effet sur la teneur en polyphénols totaux de pêches (Asami et al., 2003). Dosés séparément, les acides hydroxycinnamiques et les flavonoïdes de la pomme (van der Sluis et al., 2001 ; Awad et de Jager, 2003) et de la framboise (Mullen et al., 2002) sont également stables lors d’une conservation à 4 °C. Par contre, Napolitano et al. (2004) ont constaté une augmentation de 30% de la concentration en (–) épicatéchine lors d’un stockage de 4 mois à 2 °C de pommes (Empire, Golden Delicious et Red Delicious). Des évolutions différentes sont également possibles entre la chair et la peau d’une pomme (Granny Smith). En effet, alors qu’aucun changement de concentration en composés phénoliques n’est observé dans la pulpe, une diminution de la concentration en acides hydroxycinnamiques et une augmentation de celle en catéchines monomères et en procyanidines ont été observées dans la peau et seraient due à l’action de l’éthylène (Perez-Ilzarbe et al., 1997).

Dans des conditions similaires, l’acide ascorbique n’est pas aussi bien conservé. Un stockage d’une journée à 18 °C et de trois jours à 4 °C entraîne la perte de 10% de l’acide ascorbique contenu dans les framboises (Mullen et al., 2002) et après six mois de conservation de pommes (Delicious et McIntosh) à 0 °C, plus de 50% de perte en acide ascorbique est enregistrée. Ces pertes sont réduites en stockant les pommes sous atmosphère contenant seulement 3% d’O2 et augmentées sous atmosphère de CO2 (Lee et Kader, 2000). Néanmoins, même sous atmosphère modifiée (7% d’O2 + 10% de CO2) et à 10 °C, Awad et de Jager (2003) rapportent que 50% de l’acide ascorbique initial est perdu après huit jours. Ainsi alors que les composés phénoliques sont bien conservés lors d’un stockage à froid, l’acide ascorbique subit d’importantes pertes qui peuvent néanmoins être réduites en utilisant une atmosphère pauvre en oxygène. De plus, même si la conservation des pommes, en vue de nos expériences, est prévue à 4 °C, il sera pertinent de ne pas les conserver trop longtemps et donc de faire les différentes expériences le plus rapidement possible après la récolte.

Pelage et découpe 

Le pelage et la découpe constituent souvent les premières opérations dans la préparation de fruits transformés. Dans le fruit intact, les polyphénols sont dans les vacuoles alors que la polyphénoloxydase (PPO) se trouve soit dans les organites cellulaires soit parfois associée aux membranes de la cellule. Ces opérations entraînent la perte de l’intégrité cellulaire et provoquent la mise en contact des substrats et des enzymes (Rocha et Morais, 2001). En présence d’O2, toutes les conditions sont réunies pour qu’ait lieu une réaction d’oxydation enzymatique. Comme vu précédemment, l’acide caféoylquinique et les catéchines monomères sont les plus touchés, car ce sont les substrats préférentiels de la PPO (Janovitz Klapp et al., 1990b). Ces opérations sont également responsables de la biosynthèse des enzymes responsables du brunissement. A titre d’exemple, l’activité de la PPO de pommes coupées en cubes de 1,5 cm augmente de 25% pendant les trois premiers jours, puis reste constante pendant trois mois, lors d’un stockage à 4 °C (Rocha et Morais, 2001). Cette augmentation d’activité de la PPO peut être annihilée par un traitement antioxydant contenant 1% d’acide ascorbique et 3% d’acide citrique (Cocci et al., 2006). Le pelage va provoquer la perte des polyphénols préférentiellement localisés dans l’épiderme ou dans les couches sous-jacentes. Par exemple, les flavonols sont réduits de 63 à 97% (Price et al., 1999). Plus généralement, le pelage entraîne en moyenne 40% de pertes en polyphénols pour la pêche, 35% dans le cas d’un pelage manuel et 49% dans le cas d’un pelage caustique (à la soude) (Asami et al., 2003).

D’importantes pertes en vitamine C ont également été reportées après découpe de fruits et légumes (Lee et Kader, 2000). Le pelage entraîne également des pertes conséquentes en acide ascorbique, s’élevant à 16% pour le pelage caustique de la tomate (Marfil et al., 2008).

Impact des traitements thermiques 

A notre connaissance, aucune synthèse n’existe sur l’effet des procédés thermiques sur les antioxydants et sur leurs mécanismes de dégradation. Cette partie est focalisée sur l’impact des procédés thermiques sur l’acide ascorbique et les polyphénols dans le cas des fruits. Elle traite de la congélation et de divers traitements par la chaleur.

Sur la rétention de l’acide ascorbique

La congélation est une des méthodes les plus employées pour préserver la qualité des fruits et des légumes sur une longue période, permettant notamment de conserver, la teneur en vitamine C. Par exemple, la congélation à -20 °C affecte très peu la teneur en acide ascorbique de framboises (de Ancos et al., 2000 ; Mullen et al., 2002 ; Gonzalez et al., 2003). Toutefois, la rétention diminue au cours du stockage à -20 °C, avec des pertes de 30 à 50% selon la variété, au bout d’un an (de Ancos et al., 2000). Cette diminution semble principalement due à l’oxydation, très lente mais non stoppée à ces températures (Rickmann et al., 2007). Dans le cas de la tomate, le traitement thermique réalisé lors de la fabrication d’un jus et lors d’une cuisson, ne permet la rétention que d’un tiers de la vitamine C (Gahler et al., 2003). De plus, lors d’un chauffage à 88 °C, la perte en acide ascorbique est très rapide, de 10% dès 2 min à 30% après 30 min, cette perte étant due principalement à l’oxydation de l’acide ascorbique en acide déhydroascorbique, qui est lui-même hydrolysé en acide 2,3-dicétogulonique, et ce d’autant plus que la température est élevée (Dewanto et al., 2002). L’incidence de la température sur la teneur en acide ascorbique a été étudiée, en chauffant des cubes de pommes de 1,5 cm d’arête de 25 °C à 95 °C, par paliers de 10 °C, en restant 2 min à chaque palier. La teneur en acide ascorbique est stable (92,5%) jusqu’à 55 °C, température à partir de laquelle elle chute pour atteindre 57 % à 95°C (Zuo et al., 2004). Une autre étude comparant la cuisson par ébullition du brocoli et un traitement par micro-ondes à 600W durant 5 min ne montre aucune différence, suggérant que le mode d’apport de la chaleur a peu d’importance ; la rétention n’est que de 30% de l’acide ascorbique initial, le restant ayant migré dans l’eau de cuisson (Zhang et Hamauzu, 2004). La même observation a été faite par Sablani (2006), qui constate que le blanchiment d’épinards à l’eau chaude entraîne plus de perte (par migration) que le blanchiment à la vapeur.

L’impact du procédé de friture a été étudié sur la banane plantain. L’acide ascorbique a été suivi lors de différents traitements menant à une même teneur finale en eau (0,8 ± 0,02 kg.kg-1 de produit) et en graisses (0,15 ± 0,06 kg.kg-1 de produit). Il est mieux préservé pour des traitements courts à haute température que lorsque la température est plus faible et la durée plus longue. Une rétention de 72% est enregistrée pour les couples température/temps suivants : 140 °C / 13 min, 160 °C / 7 min et 180 °C / 4 min et diminue à 55% pour la température la plus basse : 120 °C / 24 min (Rojas-Gonzalez et al., 2006). En plus de la température, le taux de dégradation de l’acide ascorbique dépend du pH, de la présence d’oxygène dissous, de métaux et des rayonnements UV (Dhuique-Mayer et al., 2007). La dégradation de l’acide ascorbique lors de la fabrication de jus de fruits suit une cinétique du premier ordre (Vieira et al., 2000 ; Polydera et al., 2005 ; Dhuique-Mayer et al., 2007) et une modélisation est disponible pour la dégradation de l’acide ascorbique et de l’acide déhydroascorbique (60 # T (°C) # 90 et 0 # t (min) # 240) dans un nectar de cupuaçu (Vieira et al., 2000). La dégradation de l’acide ascorbique également suit une cinétique du premier ordre lors du chauffage conventionnel et ohmique. Dans le cas de fraises, la présence d’un champ électrique pulsé (# 20 V.cm-1) n’affecte pas cette dégradation pour des températures comprises entre 60 et 97 °C (Castro et al., 2004), confirmant que le mode d’apport de la chaleur a peu d’importance.

La perte en vitamine C dépend donc de deux phénomènes combinés : l’oxydation de l’acide ascorbique qui augmente fortement avec la température, d’où l’importance du choix du couple temps / température et l’incidence négligeable de la technologie de chauffage, et de l’entraînement vers l’eau par lessivage de la surface et diffusion interne. Une revue dédiée aux pertes en vitamines des légumes (Leskova et al., 2006) indique les mêmes tendances que celles observées ici sur les fruits.

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Table des matières

Introduction generale
I. Synthèse bibliographique
I.1. La pomme, modèle d’étude
I.1.1. Données générales
I.1.2. L’acide ascorbique
I.1.3. Les composés phénoliques
I.1.4. Facteurs de variabilité de la composition
I.2. Les fruits deshydratés
I.2.1. Importance de la filière des fruits déshydratés
I.2.2. Le procédé de Déshydratation-Imprégnation par Immersion
I.2.3. Le procédé de séchage convectif
I.3. Impact des procedes de transformation sur le contenu en antioxydants des fruits
I.3.1. Facteurs post-récolte
I.3.2. Impact des traitements thermiques
I.3.3. Impact des procédés de déshydratation
I.4. Conclusion de la synthèse bibliographique et objectifs de l’etude
II. Matériels et méthodes
II.1. Choix expérimentaux
II.1.1. Choix et conditionnement de la matière première
II.1.2. Organisation des essais
II.2. Réalisation des expériences
II.2.1. Produits chimiques et standards
II.2.2. Préparation des échantillons
II.2.3. Déshydratation-Imprégnation par Immersion
II.2.4. Séchage
II.3. Méthodes d’analyses
II.3.1. Mesure de la teneur en eau
II.3.2. Dosages des sucres et de l’acide ascorbique par chromatographie liquide haute performance (CLHP)
II.3.3. Dosage des polyphénols
II.3.4. Expression des résultats
II.3.5. Expériences en solutions aqueuses
III. Résultats
III.1. Adaptation des protocoles d’analyses
III.1.1. Analyses des sucres et de l’acide ascorbique
III.1.2. Analyses des composés phénoliques
III.2. Caractérisation de la matière première
III.2.1. Influence de la variété
III.2.2. Influence de l’année de récolte
III.2.3. Influence du prétraitement « anti-brunissement »
III.3. Etude de la Déshydratation – Imprégnation par Immersion (DII)
III.3.1. Allure des courbes et répétabilité
III.3.2. Incidence de l’année de récolte sur les transferts de matière
III.3.3. Incidence de la variété
III.3.4. Incidence de la température de la solution osmotique
III.3.5. Conclusion
III.4. Etude du séchage convectif
III.4.1. Allure des courbes et répétabilité
III.4.2. Incidence de l’année de récolte
III.4.3. Incidence de la variété
III.4.4. Incidence de la température et de l’humidité relative de l’air de séchage
III.4.5. Conclusion
III.5. Etude de l’enchaînement DII / séchage convectif
III.5.1. Synthèse de la comparaison des traitements à 45 °C
III.5.2. Test de l’enchaînement retenu
III.5.3. Comparaison des cinétiques de séchage et de pertes en composés antioxydants lors du séchage convectif avec ou sans prétraitement par DII
III.5.4. Conclusion
IV. Discussion générale sur les pertes en acide ascorbique et en composés phénoliques lors d’une DII et d’un sechage convectiF
IV.1. Analyse des mecanismes de perte en DII
IV.2. Analyse des mecanismes de perte en sechage convectif
Conclusions et perspectives
Annexes

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