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Le changement climatique
Le changement climatique est aujourd’hui avéré et constitue un des enjeux majeurs de notre société. De nombreuses études ont montré l’importance et la rapidité de ce changement, et mis en cause les émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), dans son dernier Rapport de synthèse, conclut entre autres que (GIEC, 2014) :
• Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beau-coup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, et le niveau des mers s’est élevé (voir Figure 1.1).
• L’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie et, aujourd’hui, les émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont les plus élevées jamais observées. Les chan-gements climatiques récents ont eu de larges répercussions sur les systèmes humains et naturels.
• Si elles se poursuivent, les émissions de gaz à effet de serre provoqueront un réchauffement supplémentaire et une modification durable de toutes les composantes du système climatique, ce qui augmentera la probabilité de conséquences graves, généralisées et irréversibles pour les populations et les écosystèmes.
• Les projections réalisées sur la base de tous les scénarios d’émissions considérés indiquent une augmentation de la température de surface au cours du XXIè siècle. Il est très probable que la fréquence et la durée des vagues de chaleur augmenteront et que les précipitations extrêmes vont devenir plus intenses et plus fréquentes dans de nombreuses régions. Les océans vont continuer de se réchauffer et de s’acidifier, et le niveau moyen de la mer de s’élever.
Ce rapport qui fait état d’une situation préoccupante, n’exclut pas une aggravation et une accé-lération de ce changement climatique si les pratiques actuelles se poursuivent. Ce changement a et aura donc des conséquences sur les écosystèmes naturels et humains aussi bien aux échelles globale et régionale qu’à l’échelle locale.
Des conséquences à l’échelle globale
Les effets à l’échelle du globe sont nombreux, allant de la modification des conditions climatiques présentées sur la Figure 1.1 aux impacts sur la biodiversité et la santé. A titre d’exemple, ce chan-gement s’accompagne, à l’échelle du globe, d’une hausse moyenne des températures associée à une augmentation du nombre et de la fréquence des évènements extrêmes : précipitations intenses, sé-cheresses, vagues de chaleur (GIEC, 2014). Le réchauffement serait même en mesure de s’accélérer selon Meehl and Tebaldi (2004) provoquant des modifications de la biodiversité. Le cycle de vie et à septembre) et dans l’Antarctique (février). d) Niveau moyen des mers par rapport à la moyenne 1986–2005. e) Évolution des précipitations observées entre 1951 et 2010. Source : GIEC (2014)
la distribution des espèces sont déjà modifiés, ce qui crée une perturbation de leur fonctionnement pouvant engendrer une extinction massive d’espèces (Bellard et al., 2012). Ces conséquences ont des répercutions sur les activités économiques et la santé. McDonald et al. (2011) prévoient ainsi une augmentation de 100 millions d’habitants en manque d’eau potable par rapport à aujourd’hui. Les villes de certaines régions du globe auront du mal à trouver suffisamment d’eau pour répondre aux besoins de leurs résidents, et devront investir massivement pour assurer un approvisionnement en eau adéquat et protéger les écosystèmes d’eau douce pour les générations futures.
Des conséquences à l’échelle régionale
Les conséquences globales se répartissent de manière non-homogène en fonction des régions et des climats. Ainsi, le rapport du GIEC souligne que ce sont les régions défavorisées qui subissent les premiers les effets du changement climatique. Dans ces pays, le changement climatique devrait pro-voquer une détérioration des conditions sanitaires, tels que des risques accrus de maladies d’origines alimentaires ou hydriques, et des traumatismes et décès engendrés par des vagues de chaleur plus intenses (GIEC, 2014). Des conséquences sur l’hydrologie sont également attendues avec une fonte plus rapide des glaciers et une augmentation de la température des rivières combinée à une diminu-tion de leurs débits dans le sud-est des États-Unis, l’est de la Chine, l’Afrique australe et le sud de l’Australie van Vliet et al. (2013). A l’échelle du continent européen, une diminution des précipita-tions estivales couplée à des risques d’inondations pourrait survenir (Christensen et al., 2007). En France métropolitaine, une amplification des évènements extrêmes et du nombre de jours de cani-cule (voir Figure 1.2) est à prévoir (Déqué, 2007) malgré des disparités de températures maximales marquantes selon les régions (Moisselin et al., 2002).
Des conséquences à l’échelle locale
A des échelles spatiales plus locales, les études d’impacts prises en compte par le GIEC (2014) montrent que le changement climatique devrait amplifier les risques pour les personnes, les écosys-tèmes et les économies. A titre d’exemple, dans le bassin parisien, l’augmentation, par rapport à aujourd’hui, en durée et en intensité des périodes de canicule pour la période 2070-2100 (Beaulant et al., 2012; Lemonsu et al., 2013), accentuerait les risques liés au stress thermique. La montée des niveaux de la mer et les précipitations intenses dans certaines régions pourraient causer des inondations le long des côtes et à l’intérieur des terres (GIEC, 2014). Dans les Alpes, Gobiet et al. (2014) prévoient un réchauffement de 0.25 °C par décennie jusqu’à la moitié du 21ème siècle, s’accélérant par la suite à 0.36 °C par décennie. Selon cette même étude, ce réchauffement sera probablement associé à des précipitations plus intenses et un potentiel d’inondation plus précoce dans l’année. Il entraînera aussi une diminution de la couverture de neige au-dessous de 1500-2000 m d’altitude et une retraite des glaciers. D’un point de vue humain, le rapport du GIEC souligne des risques liés à l’approvisionnement en eau et en énergie dans les zones urbaines et rurales.
Parmi les divers impacts attendus face aux effets du changement climatique, les enjeux humains et sociétaux sont aujourd’hui au cœur des préoccupations du GIEC. Les villes, qui concentrent la majorité de la population mondiale, sont donc le siège d’études approfondies. Sans compter qu’à cette échelle locale, les interactions entre l’atmosphère et les zones urbaines développent un climat urbain particulier qui peut encore accroître les conséquences du changement climatique, notamment dans les régions densément peuplées (Europe, Amérique du nord, Chine, métropoles et mégalopoles).
Le climat urbain
Le climat urbain se caractérise par une couche limite atmosphérique particulière que l’on appelle couche limite urbaine. Le développement de cette couche varie quotidiennement de quelques cen-taines de mètres d’épaisseur la nuit jusqu’à plusieurs kilomètres en journée (Dupont et al., 1999). Les conditions météorologiques sont différentes entre la ville et son environnement. Ainsi, en milieu urbain, la couche limite urbaine donne naissance à un microclimat distinct qui se caractérise princi-palement par ce qu’on appelle communément l’îlot de chaleur urbain.
L’îlot de chaleur urbain
On appelle îlot de chaleur urbain (voir Figure 1.3) la différence de température qui s’établit entre la ville et sa périphérie. Cette différence est généralement positive, la ville est donc plus chaude que la campagne, mais peut être négative dans certains cas, on parle alors d’îlot de fraîcheur. Les surfaces imperméables présentes en milieu urbain (routes, bâtiments) stockent pendant la journée l’énergie solaire reçue et la redistribuent la nuit, créant donc une hausse de température dans les zones urbanisées (Oke, 1976; Gartland, 2012). Ce phénomène observé pour la première fois à Londres en 1820 (Landsberg, 1981) a depuis été largement documenté, notamment par Stewart (2011) qui retrace la chronologie de son étude.
A travers la lecture des différentes études scientifiques, on peut diviser l’îlot de chaleur urbain en trois catégories :
• L’îlot de chaleur urbain souterrain définit la différence de température entre le sous-sol de la ville et le sous-sol de la campagne environnante (Taniguchi et al., 2008).
• L’îlot de chaleur urbain de surface caractérise les différences de températures entre les surfaces urbaines (routes, murs, toits) et les surfaces naturelles (sol, végétation). Ce phénomène est notamment observé à l’aide des produits satellitaires (Peng et al., 2011).
• L’îlot de chaleur urbain « atmosphérique » (ainsi nommé par Stewart (2011)) correspond à l’écart de température entre l’air en milieu urbain et l’air en milieu rural, et est habituellement mesuré près de la surface au niveau des piétons. Dans le cadre de cette thèse, c’est de cet îlot de chaleur uniquement dont il sera question et on le nommera ICU. Il est essentiellement nocturne et dépendant des conditions atmosphériques. Il s’intensifie par temps de ciel clair sans vent et peut atteindre par exemple 4 °C en hiver à Toulouse (Masson et al., 2008) et même 8 °C à Paris lors de la canicule en 2003.
Le climat urbain est également caractérisé par une couche limite de surface qui est le siège d’inter-actions particulières entre l’atmosphère et les zones urbaines. Cette couche de surface est subdivisée en trois sous-couches (Oke (1976), voir Figure 1.4) et comprend : la sous-couche inertielle qui carac-térise le haut de la couche limite urbaine et est affectée par la structure globale de la zone urbaine à travers sa rugosité moyenne ; la sous-couche rugueuse, au-dessous de la sous-couche inertielle, qui est définie par des flux turbulents inhomogènes et s’établit entre le sommet des bâtiments et 1.5 à 4 fois leur hauteur (Grimmond and Oke, 1999) ; et la couche limite de canopée urbaine qui qualifie la couche d’atmosphère comprise entre le sol et le sommet des bâtiments. Cette dernière couche est influencée par les caractéristiques du paysage urbain : la géométrie et l’agencement des éléments urbains, les revêtements et matériaux, les caractéristiques des sols naturels et de la végétation. Cette zone concentre les habitants et les activités humaines, elle est donc la plus importante du point de vue des impacts sur la population.
Les causes de l’îlot de chaleur urbain
La création d’un l’îlot de chaleur vient d’une modification du bilan d’énergie dans les villes. Ce bilan d’énergie pour un environnement naturel peut s’exprimer ainsi : RN = H + LE + G + Adv (1.1)
RN est le rayonnement net défini comme l’énergie absorbée par la surface considérée, et issu du bilan radiatif entre les rayonnements solaire et infrarouge descendants (SWd et LWd) et montants (SWu et LWu) : RN = SW d + LW d − SW u − LW u (1.2)
H le flux de chaleur sensible, LE le flux de chaleur latente, G le flux de stockage de chaleur dans le sol, et Adv le flux net d’advection horizontale de chaleur par le vent (qui peut être négligé lorsque le site est homogène).
En milieu urbain, le métabolisme des individus et les activités humaines comme l’usage de la cli-matisation et du chauffage, le trafic routier et les activités industrielles contribuent, à travers une modification du bilan d’énergie, au réchauffement des villes. Dans ce cas, le bilan d’énergie inclut un terme source supplémentaire intégrant l’ensemble de ces contributions, noté FANTH et appelé flux de chaleur anthropique : RN + FANTH = H + LE + G + Adv (1.3)
Notons que pour les zones urbaines, G est le flux de stockage de chaleur dans le sol et les bâtiments.
Le flux anthropique peut jouer un rôle important sur l’îlot de chaleur urbain sous certaines condi-tions, par exemple en hiver lorsque la contribution du chauffage est très importante, ou pour certaines villes asiatiques équipées massivement en climatiseurs. Néanmoins, ce n’est pas la source principale de l’îlot de chaleur urbain. Ce dernier est essentiellement dû au remplacement des surfaces dîtes perméables (forêts, cultures, prés) par des couverts imperméables (routes, bâtiments) qui modifient la redistribution du rayonnement net entre les flux de chaleur sensible, de chaleur latente et de stockage de chaleur. Les processus à l’origine des causes de l’ICU ont été détaillés et présentés par Stewart and Oke (2012) et la hausse de température expliquée en cinq points (voir Figure 1.5) :
• Stockage de chaleur plus important : les propriétés radiatives (albédo, émissivité) et thermiques (capacité thermique) des routes et des bâtiments favorisent une absorption du rayonnement solaire, et la structure 3D de la ville augmente la surface d’échange (et donc d’absorption) avec l’atmosphère.
• Piégeage radiatif : la structure 3D de la ville emprisonne une partie du rayonnement solaire et terrestre qui n’est plus rejeté vers l’atmosphère mais se réfléchit sur les différentes parois. Ce piégeage est notamment présent pour des rues étroites bordées de grands bâtiments.
• Diminution du vent : la rugosité élevée de la ville engendre une diminution du vent pouvant atteindre -50 % (Gartland, 2012) et réduit donc les échanges de chaleur par convection entre la ville et l’atmosphère.
• Modification de la répartition des flux d’énergie : le rapport de Bowen (Bo=H/LE) est inversé entre la ville et la campagne. En zones rurales, le flux de chaleur latente lié à l’évapotranspi-ration des sols et de la végétation est important alors que les flux de stockage de chaleur et de chaleur sensible sont limités (Bo<1). A l’inverse en ville, l’absence de zones humides (éva-cuation de l’eau dans les réseaux d’assainissement) et de végétation limite le flux de chaleur latente et favorise les flux de stockage de chaleur et de chaleur sensible (Bo>1).
• Flux de chaleur anthropique : le trafic routier, les activités industrielles et l’utilisation des climatiseurs et du chauffage rejettent de la chaleur dans l’atmosphère, ce qui favorise l’îlot de chaleur urbain.
Une dépendance météorologique et climatique
A travers le détail des conditions favorisant le développement d’un îlot de chaleur urbain, on com-prend que ce dernier est d’abord contrôlé par les conditions météorologiques puis par la typo-morphologie particulière à la ville. En effet, alors que l’ICU est favorisé par des conditions anti-cycloniques, il est limité lors de conditions nuageuses qui minimisent l’apport de rayonnement solaire (Morris et al., 2001; Alonso et al., 2007). Lors de la présence de vents forts favorisant l’advection de chaleur au dessus de la ville et les échanges convectifs ville/atmosphère, l’ICU est également faible (Alonso et al., 2007; Memon and Leung, 2010).
En outre, en influençant l’humidité des sols, les propriétés physiologiques de la végétation, et donc la température de l’air, les conditions climatiques jouent un rôle non négligeable dans la formation d’un îlot de chaleur urbain. Une température rurale élevée donnera en effet un îlot de chaleur faible. L’ICU est donc également contrôlé par l’environnement immédiat de la ville : cultures (irriguées ou non), prés, sols nus, forêts, mer.
Des enjeux sanitaires
L’îlot de chaleur urbain a évidemment des conséquences économiques liées à l’augmentation de la consommation en climatisation ou à la diminution de la consommation en chauffage (Taha, 1997). Mais il sous-tend également d’importants enjeux sanitaires et humains. En chimie atmosphérique, les fortes températures favorisent les réactions chimiques à l’origine de la production d’ozone. Ainsi, Lai and Cheng (2009) ont mis en évidence une augmentation de la pollution de l’air lors d’ICUs intenses, pollution responsable de nombreuses affections et maladies (Anderson et al., 2012). De plus, l’ICU a un impact direct sur le confort thermique de la population. Cet impact est d’autant plus négatif en période de canicule où les conditions sont déjà critiques. Ainsi, lors de la canicule 2003, la surmortalité recensée à Paris est en partie imputable à l’îlot de chaleur urbain nocturne et aux chaleurs extrêmes (Laaidi et al., 2012).
Evolution du climat urbain
Comme on vient de le voir, les impacts du changement climatique se déclinent de l’échelle globale
à l’échelle locale. Les zones urbaines sont nécessairement impactées, notamment par l’augmentation de la température et la fréquence des évènements extrêmes.
Lors des périodes de vague de chaleur, les conditions anticycloniques créent un déficit d’humidité dans les sols qui empêche le rafraîchissement de l’air par évaporation et s’ajoute à la réduction de l’intensité du vent (Li and Bou-Zeid, 2013). Ces deux phénomènes induisent des températures éle-vées à l’échelle régionale qui favorisent des situations de fort stress thermique pour les populations. En outre, la recrudescence et l’intensification attendues des canicules sont d’autant plus préoccu-pantes pour les villes et les populations urbaines que les températures élevées atteintes lors de ces évènements sont exacerbées pendant la nuit par l’îlot de chaleur urbain (Li and Bou-Zeid, 2013). Notamment, l’étude de Lemonsu et al. (2013) sur la bassin parisien montre une augmentation très significative du nombre de nuits chaudes (Tmin>20°C) et de nombre de jours en alerte canicule à la fin du siècle, avec des tendances beaucoup plus marquées pour les zones urbanisées que pour le reste de la région.
Le GIEC (2014) souligne dès lors l’importance d’envisager certains outils d’atténuation et d’adap-tation possible afin de créer des villes plus respectueuses de l’environnement et de faire face aux synergies entre vague de chaleur et îlot de chaleur urbain, pour préserver les populations et les écosystèmes urbains.
Atténuation de l’îlot de chaleur urbain
La croissance démographique mondiale favorise l’expansion urbaine, qui pourrait encore accroître à l’avenir les problématiques déjà existantes d’îlot de chaleur urbain et de stress thermique. Toutefois, le bâti existant peut être amélioré et adapté, l’urbanisation peut être raisonnée et l’anthropisation des sols limitée afin d’atténuer ces effets urbains. Des scénarios de planification urbaine, d’aména-gements urbains, et de végétalisation à différentes échelles spatiales voient le jour.
L’implantation de ceintures vertes (végétation) et bleues (lac) autour des agglomérations peut per-mettre de rafraîchir le cœur des villes en modifiant localement les écoulements d’air autour et au-dessus des villes. Par exemple, en période de canicule, l’implantation de forêts autour de la ville de Paris pourrait réduire de 2°C la température de l’air dans le centre ville (Masson et al., 2013b). Les politiques urbaines favorisant des villes moins compactes et plus vertes peuvent réduire l’exposition des populations aux fortes chaleurs nocturnes (Lemonsu et al., 2015). Plus localement et selon le tissu urbain, l’implantation de végétation (De Munck, 2013), l’utilisation de matériaux réfléchissants sur les bâtiments (Santamouris and Kolokotsa, 2013) ou encore l’aspersion d’eau sur les chaussée (Daniel et al., 2016) sont autant de leviers d’action qui peuvent être mis en œuvre pour réguler le microclimat et améliorer le confort dans l’espace extérieur.
Le confort thermique dans les bâtiments peut aussi être régulé, grâce au renforcement des perfor-mances d’isolation des bâtiments (Porritt et al., 2012) ou au développement plus systématique des systèmes de climatisation (de Munck et al., 2013). Mais en contre-partie, l’usage de la climatisation dégrade les conditions microclimatiques dans la rue en rejetant de l’air chaud depuis les bâtiments vers l’extérieur. Sur Paris en période de canicule, de Munck et al. (2013) ont mis en évidence une augmentation de 2°C de la température dans la rue avec un usage intensif de la climatisation. Cet exemple souligne le rôle des pratiques habitantes, notamment les comportements énergétiques, qui peut s’avérer capital pour l’efficacité réelle de certaines stratégies.
Rétroaction du climat urbain vers le climat
Si le changement climatique impacte sans équivoque les environnements urbains, il est également nécessaire de s’interroger sur l’importance et les conséquences de l’anthropisation des sols sur le cli-mat. L’expansion des villes est en effet en mesure d’influencer le climat à travers l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre d’une part et l’imperméabilisation croissante des sols d’autre part. Si les émissions urbaines liées à l’industrie et au commerce jouent un rôle majeur dans le changement climatique et sont prises en compte dans les études climatiques à travers la création de scénarios d’émissions, les impacts liés à l’artificialisation des sols sont moins documentés. Les zones urbaines sont pourtant le siège d’interactions thermodynamiques particulières qui modifie les échanges ther-modynamiques entre la surface et l’atmosphère et peuvent être susceptibles d’influencer le climat à l’échelle régionale.
Ainsi, dès le début des années 2000, Houghton et al. (2001) s’interrogent sur la contribution au changement climatique des modifications de l’occupation des sols (agriculture, urbanisation). Plus récemment, Parker (2010) s’est concentré sur l’influence des zones urbaines sur les tendances clima-tiques. Il conclut que l’impact de l’urbanisation des sols est d’une proportion marginale dans l’expli-cation du changement climatique. Ainsi, bien que l’urbanisation s’accélère de manière exponentielle (Seto et al. (2011) prévoient une vitesse d’urbanisation 26 fois plus grande pour la période 2000-2030 que pour 1970-2000), celle-ci ne couvre actuellement que 1 à 3 % des continents et ne modifiera pas de manière significative les tendances en terme d’augmentation de la température moyenne du globe.
Toutefois, si cet effet reste mineur à l’échelle globale, les zones urbaines ont un impact sur le climat
à l’échelle régionale. Ainsi Kalnay and Cai (2003) ont étudié les données d’observation de tem-pératures de surface aux USA entre 1950 et 1999 et ont conclu que la moitié de la réduction de l’amplitude quotidienne de température est imputable aux changements d’occupation du sol (+0.27 °C par siècle). Cependant, il faut noter que cette étude ne peut distinguer les effets urbains des effets non-urbains (agriculture). Sur le même domaine d’étude Stone (2007) montre une possible augmen-tation de température de 0.5 °C par siècle (en plus de la tendance globale) dans les zones urbaines par rapport aux zones rurales. Ces tendances ont également été observées en Chine par Hua et al. (2008) et à une échelle plus locale au Japon où l’urbanisation peut avoir un impact de l’ordre de grandeur du changement climatique (Fujibe, 2009). A cette échelle plus locale, l’étude d’une longue série d’observation par Hamdi (2010) a montré que l’urbanisation historique de la ville de Bruxelles a contribué à hauteur de 38% au réchauffement total observé à la station d’observation d’Uccle (sud de Bruxelles). A travers l’étude des températures maximale et minimale Hamdi (2010) a également montré que le réchauffement lié à l’urbanisation était plus marqué la nuit. Enfin, Shepherd et al. (2010) pour Houston et Kusaka et al. (2014) pour Tokyo ont montré que les villes peuvent aussi être responsables d’une augmentation des précipitations.
La modélisation du climat
La modélisation du climat s’effectue en premier lieu par des modèles dits de circulation générale (GCM). Ces modèles représentent l’ensemble de l’atmosphère terrestre. Ils constituent un outil primordial dans la compréhension du climat passé et présent, et sont donc capables d’estimer ce qui pourrait être une évolution possible du climat dans le futur à l’échelle du globe. L’augmentation progressive des puissances informatiques de calcul permet aujourd’hui d’atteindre pour les GCMs des résolutions horizontales d’une centaine de kilomètres. Cette résolution permettant de reproduire la variabilité du climat aux grandes échelles, reste insuffisante pour la représentation des processus de fine échelle et la modélisation du climat et de ses impacts à l’échelle régionale. Des outils et méthodes dits de descente d’échelle ont été développés pour raffiner les simulations climatiques produites par les GCMs. Elles se basent sur des approches statistiques ou dynamiques.
La descente d’échelle statistique
Cette technique consiste à établir des relations statistiques entre les variables de grande échelle simulées par les GCMs et les données observées des paramètres que l’on veut représenter à plus fine échelle (Wilby and Wigley, 1997). On applique ensuite ces relations statistiques à l’ensemble du domaine modélisé et à l’ensemble de la période souhaitée en tenant compte des hétérogénéités de surface (topographie, modes d’occupation des sols). Toutefois, cette méthode, permettant d’aboutir à des résultats proches des observations en climat présent et à des résolutions très fines, est purement statistique et ne tient pas compte des processus physiques ; il est alors difficile d’évaluer ses perfor-mances dans un contexte d’évolution du climat. Afin de résoudre ce problème, deux autres méthodes de descente d’échelle statistique sont apparues (Fowler et al., 2007) : les schémas météorologiques (Weather typing scheme) et les générateurs de temps (Weather generators).
Dans les schémas météorologiques, les régimes de temps à l’échelle synoptique définissent des classes météorologiques distinctes en fonction des conditions synoptiques de pression atmosphérique. Les journées considérées sont ensuite réparties dans les classes obtenues et pour chacune de ces classes, les variables climatiques locales (températures, précipitations) sont expliquées à partir des variables de grande échelle. En climat futur, la modification de l’occurrence des différentes classes météorolo-giques simulées par les GCMs permet alors d’appréhender les effets du changement climatique. Cette méthode suppose cependant que les caractéristiques des classes météorologiques ne changeront pas au cours du temps et que la dispersion des variables locales à l’intérieur des classes est négligeable (Brinkmann, 2000).
Les générateurs de climat sont quant-à eux capables de générer l’évolution de variables climatiques à partir d’un état initial et de conditions météorologiques particulières. Ils se basent sur des rela-tions statistiques établies à partir du temps observé à l’endroit d’intérêt. Les variables calculées sont généralement simulées en deux étapes. La première étape modélise les précipitations quotidiennes et la deuxième étape simule les variables voulues restantes (température, humidité, vent) en tenant compte des précipitations. Le principal inconvénient de ces générateurs réside dans les conditions locales d’application qui font que ces schémas ne sont pas directement transposables à d’autres cli-mats (Fowler et al., 2007).
Ces méthodes de descente d’échelle statistique restent donc encore perfectibles dans un contexte de changement climatique. De plus, elles ne semblent pas susceptibles de parfaire notre connais-sance du système climatique. Elles sont en revanche plébiscitées, notamment en hydrologie (Wood et al., 2004), pour des études d’impacts lorsque des données à très hautes résolutions sont nécessaires (Wilby et al., 2004).
La descente d’échelle dynamique
Une autre approche permettant d’atteindre une résolution spatiale plus élevée dans les modèles atmosphériques est d’augmenter la résolution uniquement sur une région spécifique du globe. Cela peut se faire à l’aide d’un GCM à maille variable (i.e. avec des mailles plus fines sur une région d’intérêt, Déqué and Piedelievre (1995)) ou en utilisant un modèle à aire limitée (Giorgi, 1990). Le temps de calcul des modèles à maille variable restant élevé, les modèles régionaux à aire limitée (RCM) sont privilégiés. Ces modèles sont forcés, à travers les conditions aux limites latérales, par un GCM ou par des ré-analyses quand il s’agit de les évaluer indépendamment de leur GCM forceur. On peut également préciser que ces modèles peuvent aujourd’hui s’accompagner d’analyses statistiques permettant de corriger certains de leurs biais par rapport aux observations (Déqué, 2007).
Ainsi, sur le domaine considéré, les RCMs sont plus performants que les GCMs dans la modélisation des nuages, des précipitations et des températures de surface (Feser et al., 2011). Ils sont également plus à même de représenter les interactions à fine échelle entre la surface et l’atmosphère et donc de prendre en compte, contrairement aux modèles statistiques, les possibles effets d’anthropisation et d’urbanisation des sols.
En effet, puisque l’avènement de super-calculateurs très performants a permis la descente d’échelle des modèles de climat régionaux jusqu’à 10 km (et bientôt 2.5 km) de résolution horizontale, les villes et les paysages urbains doivent désormais être pris en compte. Il est alors primordial de s’interroger sur la modélisation des villes que l’on souhaite représenter.
La modélisation du climat urbain
Afin de pouvoir étudier et comprendre l’évolution du climat urbain, il est nécessaire d’avoir recours à des modélisations numériques. Les modèles urbains sont nombreux et afin de mieux les comparer, Masson (2006) les a classés en trois catégories principales. Plus récemment, Grimmond et al. (2010) ont affiné ces subdivisions en fonction de la géométrie et du degré de complexité des processus pris en compte dans les modèles. On peut alors distinguer :
• les modèles empiriques,
• les modèles slab ou modèles de végétation ’adaptés’,
• les modèles de canopée urbaine.
Les modèles empiriques
Ce sont les premiers modèles qui sont apparus. Ainsi, Oke (1973) établit dès les années 1970 une relation statistique entre la population des villes nord-américaines et l’intensité de l’îlot de chaleur urbain. Par la suite, il reliera cette intensité au rapport d’aspect (i.e. rapport entre la hauteur des bâtiments et la largeur des rues) de l’hyper-centre des villes considérées (Oke, 1981). Ces modèles statistiques se sont ensuite complexifiés afin de modéliser les flux d’échange de chaleur et de stockage dans les environnements urbains (Oke and Cleugh, 1987; Grimmond and Oke, 2002).
Ce type d’approche permet d’utiliser des schémas extrêmement simples. Cependant, puisque les paramétrisations statistiques sont basées sur des données observées, celles-ci sont limitées dans leur utilisation aux conditions météorologiques d’observation et ne peuvent être universelles. Ces types de modèles ne sont donc pas pertinents dans un contexte d’étude climatique régionale.
Les modèles SLAB
Cette approche consiste à adapter un modèle de Transfert Sol-Végétation-Atmosphère (SVAT) au comportement spécifique des environnements urbains. Les modifications appliquées uniquement aux points de grille comportant des zones urbaines peuvent inclure tout ou partie des adaptations sui-vantes : une augmentation de la longueur de rugosité et/ou l’ajout d’un coefficient de traînée (pour augmenter le mélange turbulent et diminuer la vitesse des écoulements), une modification des ca-pacités calorifiques et conductivités thermiques des sols associée à une diminution de l’albédo (les surfaces urbaines stockant plus d’énergie que les surfaces naturelles), une modification du réservoir d’eau (les surfaces imperméables étant moins poreuses), l’ajout d’un flux de chaleur anthropique.
Ce type d’approche (Best, 2005) est répandu dans les études climatiques. En effet, leur utilisation se justifie par leur coût de calcul très faible et la nécessaire perte d’information due à l’agrégation et l’interpolation des paramètres de surface sur des grilles lâches (Taha, 1999). Cependant puisque la ville est intégralement assimilée à un sol plat, la hauteur des bâtiments ainsi que les différences de températures entre la route et les bâtiments ne sont pas pris en compte. Ces modèles ne décrivent donc pas les processus fondamentaux qui permettent aux zones urbaines de modifier le climat local tels que le piégeage radiatif, l’effet dynamique ou l’inertie thermique (Piringer et al., 2002).
Les modèles de canopée urbaine
Plusieurs études ont souligné l’importance d’implémenter une paramétrisation précise des échanges urbains afin d’améliorer les performances des modèles numériques de méso-échelles (Flagg and Tay-lor, 2011; Chen et al., 2011). Des modèles spécifiques appelés modèles de canopée urbaine ont vu le jour. Ils représentent les bâtiments avec une forme 3D et traitent séparément les toits, les murs et les routes. Ce sont des modèles à base physique qui capturent l’essentiel du transport complexe d’éner-gie à l’intérieur de la canopée urbaine et représentent les échanges turbulents avec l’atmosphère. L’écoulement de l’air dans la canopée urbaine est simulé à partir de coefficient de traînée propre aux bâtiments et à la route. Les échanges de chaleur et d’humidité sont calculés distinctement pour les toits, les murs et les routes tandis que les réflexions des flux radiatifs entre ces surfaces sont explicitement modélisées.
On peut néanmoins différencier deux niveaux de sophistication dans la représentation du volume d’air dans la rue (voir Figure 1.7) :
• Les modèles à une couche (Masson, 2000; Kusaka et al., 2001; Oleson et al., 2008) sont centrés sur le bilan d’énergie de la canopée urbaine et sont utilisés comme la condition aux limites pour la surface dans les modèles atmosphériques. Une température de l’air unique est attribuée au volume entier du canyon.
• Les modèles multi-couches (Martilli et al., 2002; Kondo et al., 2005; Hamdi and Masson, 2008) sont généralement inclus dans les premiers niveaux atmosphériques. En plus de représenter le bilan d’énergie, ils ont pour but de modéliser l’écoulement dynamique et les interactions avec les bâtiments. Une discrétisation pronostique des couches d’air dans le canyon est alors utilisée.
Malgré des hypothèses simplificatrices dans la description de la géométrie complexe de la ville, ces modèles, qui se concentrent sur les bilans d’énergie et la résolution de la dynamique dans les basses couches urbaines, sont performants dans le calcul de la température de surface moyenne et du bilan d’énergie moyen de la canopée urbaine servant de conditions aux limites pour les modèles atmosphériques de méso-échelle. Cependant, Grimmond et al. (2010, 2011) ont mis en évidence la mauvaise représentation de la dynamique du bilan d’eau et de chaleur latente à cause d’une absence de processus hydrologique ou d’une trop simple modélisation hydrologique dans la plupart des modèles. Des améliorations ont été récemment proposées par la communauté scientifique avec la prise en compte d’une végétation interactive dans l’environnement urbain (Lee and Park, 2008; Krayenhoff, 2015; Redon et al., 2017) et le développement de modèles hydrologiques dédiés aux zones urbaines (Wang et al., 2013).
Etat de l’art des modélisations couplées climat régional / climat urbain
La modélisation couplée entre climat régional et climat urbain répond à un double objectif. Elle permet de représenter plus finement les processus de surface des zones urbaines désormais primor-diaux aux échelles spatiales appréhendées par les modèles de climat régionaux, mais aussi de mener des études d’impact à l’échelle régionale et de pouvoir étudier les rétroactions potentielles des villes sur le climat.
Lamptey et al. (2005) ont étudié, avec un RCM (MM5) à une résolution de 36 km et pour la période 1990-1995, les effets sur le climat de la modification de l’occupation des sols relative à l’ur-banisation et à l’agriculture. Ils ont mis en évidence des augmentations de 0.8°C (en été) et de 1.0°C (en hiver) des températures de l’air proche de la surface.
Plus récemment, Kusaka et al. (2012b) et Yang et al. (2016) ont étudié avec des RCMs (WRF) l’impact de l’urbanisation sur le stress thermique en climat futur à Tokyo et sur les températures et précipitations à Phoenix. Kusaka et al. (2012b) prévoient pour les mois d’août des années 2070-2079 une augmentation, par rapport aux années 2000, de 50 % des nuits chaudes (c’est-à-dire avec une température supérieure à 26°C). Yang et al. (2016) montrent une augmentation de la température minimale journalière mais n’ont pas trouvé de résultat significatif concernant une éventuelle modi-fication des précipitations.
En Europe, seules quelques études ont examiné l’impact de l’urbanisation à l’échelle régionale. Früh et al. (2011) ont utilisé des RCMs pour évaluer le climat futur de la ville de Francfort. Leur ap-proche consiste à appliquer une méthode de descente d’échelle statistique ou dynamique aux sorties des RCMs afin de pouvoir forcer un modèle de surface à très fine résolution spatiale. Ainsi, bien qu’une partie de l’interaction entre la ville et l’atmosphère soit prise en compte, cette méthode reste centrée sur une ville particulière et ne traitent donc pas les échelles régionales.
Pour résoudre ce problème, Trusilova et al. (2008) ont utilisé le modèle de canopée urbaine TEB couplé au RCM COSMO sur l’Europe occidentale afin d’évaluer l’impact de l’urbanisation pour les mois de juillet et décembre sur la période 2000-2005. Ils ont comparé une expérience urbanisée à une expérience non urbanisée (entièrement végétalisée) et ont constaté que dans les plus grandes villes d’Europe occidentale, l’urbanisation entraîne une augmentation des précipitations (+8 % en hiver et +19 % en été). En outre, un changement de température minimale journalière est apparu au-delà de la délimitation des villes, soulignant un effet régional des villes sur leurs environnements respectifs (voir Figure 1.8). De la même manière, McCarthy et al. (2012) ont utilisé une modéli-sation climatique régionale pour évaluer l’impact du climat régional et du changement climatique sur l’îlot de chaleur urbain de Londres. Ils ont utilisé HadRM3 piloté par le Hadley Center GCM pour simuler le climat sur le Royaume-Uni à une résolution spatiale de 25 km au cours de la période passée 1970-1990 et de la période future 2040-2060. Ils ont constaté que l’ICU à Londres (de 2°C en été et 1°C en hiver) pourrait être affecté par une variation inférieure à 0.1°C à l’avenir.
Prescription des caractéristiques de surface
Les caractéristiques de surface nécessaires au fonctionnement de SURFEX sont la topographie, les textures des sols (fractions de sable, d’argile et de limon), les masques des différents types de couverts (« mers/océans », « eaux continentales », « couverts urbains », « couverts naturels »), ainsi que les paramètres d’entrée nécessaires au fonctionnement des modèles de surface dont ISBA (voir Table 2.3) et TEB (voir Table 2.4). La topographie et les textures des sols sont issues respectivement des bases de données GTOPO30 (U.S. Geological Survey : https://lta.cr.usgs.gov/GTOPO30) et Harmonized World Soil Database (HWSD, Batjes, 2009). Les autres données sont dérivées des bases de données EcoclimapI ou EcoclimapII décites ici.
Base de données EcoclimapI
La base de données EcoclimapI (Masson et al., 2003) a été créée pour initialiser les modèles SVATs (Soil-Vegetation-Atmosphere Transfer) couplés aux modèles météorologiques ou climatiques. Ecocli-mapI est une base de données globale à 1 km de résolution horizontale de modes d’occupation des sols et de paramètres de surface. Sur la base de cartes climatiques ou d’occupation des sols (ex : Corine Land Cover) et de produits satellitaires AVHRR (Advanced Very High Resolution Radiome-ter), 15 types de couverts pour 16 climats différents répartis sur les 5 continents ont été identifiés. Certaines de ces données ont été agrégées, notamment en fusionnant certains écosystèmes supposés peu différents, afin d’obtenir 215 classes sur l’ensemble du globe dont 90 pour l’Europe. Des paramètres de surface ont été associés à chaque classe, selon les principes suivants :
• Chaque classe est définie comme une combinaison des quatre types de couverts « mers/océans », « eaux continentales », « couverts urbains », « couverts naturels » (végétation, sol nu).
• Pour chacun de ces types de couverts, et pour la classe considérée, des paramètres de surface standards sont prescrits (voir par exemple la Table 2.6 pour les paramètres urbains).
• Le type « couverts naturels » est subdivisé en 12 sous-types décrivant la grande variété de ces couverts sur la globe : neige éternelle, roche, sol nu, culture C3, culture C4, arbres à feuilles caduques, confères etc.
• Le type « couverts urbains » est subdivisé en 11 classes urbaines sur l’Europe (voir Table 2.6) sur la base de la classification Corine Land Cover.
Cette base de données ainsi obtenue a fait l’objet de nombreuses études et son utilisation est large-ment répandue, par exemple lors de l’exercice d’inter-comparaison de modèles (The AMMA Land surface Model Intercomparison Project, Boone et al., 2009).
Apport d’une paramétrisation urbaine explicite dans la modé- lisation climatique régionale pour étudier les interactions entre ville et climat
Ces travaux ont fait l’objet d’un article soumis au journal Climate Dynamics et sont donc présentés en l’état. Le résumé préalable présente le contenu et les conclusions de l’article tandis que des informations complémentaires sur les données d’observation utilisées et l’évaluation du modèle ALADIN sont ajoutées après l’article.
Résumé de l’article
Jusqu’à présent, les modélisations climatiques globales ou régionales utilisées pour comprendre et caractériser le climat et le changement climatique n’intègrent pas de modélisation explicite des zones urbaines. Si cela n’est pas primordial pour les Modèles de Circulation Générale, les très hautes résolutions atteintes récemment pas les Modèles de Climat Régionaux (RCM) peuvent justifier et nécessiter une représentation plus réaliste des villes. En effet, bien que celles-ci ne soient a priori pas en mesure d’influencer les tendances climatiques à l’échelle globale (Parker, 2010), elles sont à même de modifier le climat local et régional. Ces modifications ont notamment été quantifiées à l’aide de RCM sur l’Europe par Trusilova et al. (2008) et sur la Grande-Bretagne par McCarthy et al. (2012). Ces études montrent une augmentation des précipitations (+8 % en hiver et +19 % en été) et des températures (îlots de chaleur moyen de 1°C à +2°C) en ville.
A l’échelle de la France, aucune étude à notre connaissance n’a été dédiée à la modélisation des interactions entre villes et climat. Afin de comprendre l’impact potentiel de l’urbanisation sur le climat régional, et d’évaluer les bénéfices que peut apporter un modèle de canopée urbaine détaillé par rapport à une approche plus simple, trois expériences différentes ont été réalisées avec le modèle de climat régional couplé ALADIN-SURFEX à 12 km de résolution horizontale sur la France. Ces expériences se basent sur trois descriptions de l’occupation des sols pour les zones urbaines associées à différentes paramétrisations de surface : (1) l’expérience CITY correspondant à la description ex-plicite et la modélisation des villes avec le modèle de canopée urbaine TEB, (2) l’expérience ROCK représentant les zones urbaines par de la roche (et une forte rugosité) ayant une structure plane mais des propriétés thermiques et dynamiques proches de celles des environnements urbains (approche conventionnelle appliquée dans ALADIN), et (3) l’expérience VEG pour laquelle les villes sont rem-placées par des couverts naturels correspondant à la végétation environnante. Pour les expériences (2) et (3), les processus de surface sont modélisés avec le schéma de sols naturels et de végétation ISBA.
Avant d’étudier l’impact de ces expériences sur le climat local et régional, la nouvelle version d’ALA-DIN est évaluée sur la France métropolitaine par comparaison aux données d’analyse SAFRAN (voir 3.1.3.1). Cette évaluation, effectuée indépendamment par saison, montre des résultats satisfaisants en ce qui concerne les précipitations avec des biais moyens compris entre -0,5 mm jr−1 et +0,5 mm jr−1. Cependant, la sous-représentation de la nébulosité dans ALADIN semble entraîner une surestimation du rayonnement solaire incident comprise entre +12 W m−2 et +40 W m−2. Pour les températures proches de la surface, les biais varient entre -1.1°C pour la température minimale en hiver et +2.8°C pour la température maximale en été. En outre, la variabilité saisonnière inter-annuelle est en adéquation avec les données d’analyse SAFRAN puisque les coefficients de corrélation affichent des valeurs supérieures à 90 %.
L’analyse de sensibilité comparant les expériences CITY, ROCK et VEG montre que, même pour une résolution spatiale de 12 km, la modélisation des processus de surface sur les zones urbaines a un impact sur la modélisation de la température de l’air proche de la surface. L’effet des grandes villes françaises, estimé par la différence des champs de température entre les expériences CITY ou ROCK et l’expérience VEG, indique une tendance systématique au réchauffement de la température proche de la surface. Avec des valeurs allant jusqu’à +1.5°C, ce réchauffement est maximal pour Paris qui est la ville française la plus étendue et la plus peuplée, et dont l’empreinte est la plus importante à l’échelle de la maille ALADIN. Au-delà de l’effet très local, il est aussi démontré que les villes peuvent influencer leur environnement à l’échelle régionale, et que l’intensité et l’étendue spatiale de cette signature sur la température de l’air sont plus importantes dans la simulation ALADIN activant le modèle de canopée urbaine détaillé (CITY) que dans la simulation basée sur une des-cription simplifiée (ROCK). Ainsi dans l’expérience CITY, les villes ont un impact significatif sur un domaine plus grand que leur emprise spatiale (+8 % en hiver et +29 % en été).
En outre, sur la base de séries quotidiennes de référence, la distribution annuelle des intensités des îlots de chaleur urbains (ICU) parisiens a été évaluée pour chaque expérience (CITY, ROCK, VEG). Cet îlot de chaleur est défini comme l’anomalie de température entre la température d’une station installée en centre-ville de Paris (parc Montsouris) et la moyenne des température des stations si-tuées à Chartres et à Melun (TRUR ). Spécifiquement pour l’expérience CITY, les modèles TEB et ISBA calculent des températures de l’air distinctes pour les parties urbaine et naturelle du point de grille. L’ICU peut donc dans ce cas également être calculé comme la différence de température entre la température de l’air calculée par TEB à l’intérieur du canyon urbain (sans tenir compte d la partie ISBA) et la température rurale (TRUR ). Les distributions de l’ICU calculées de cette façon sont appelées CITY(TEB). Il est alors souligné que le modèle de canopée urbaine détaillé permet d’améliorer la modélisation de l’îlot de chaleur urbain. En effet, la distribution de l’îlot de chaleur nocturne est mieux représentée dans les expériences CITY et CITY(TEB) avec des biais moyens de 1.2°C et 0.6°C (comparé à 1.4°C dans l’expérience ROCK). Pour les îlots de chaleur diurnes, la végétation entourant la station urbaine de référence (située dans un parc public) contribue à refroidir la température de l’air et peut expliquer les îlots de chaleur trop intenses produits avec l’expérience CITY (biais moyen de 0.6°C comparé à 0.1°C dans l’expérience ROCK). Finalement, l’expérience CITY est utilisée pour évaluer les îlots de chaleur nocturnes des plus grandes villes françaises. Avec des intensités moyennes comprises entre 1.7°C et 3.6°C, Marseille, Lyon et Nice semblent être les villes les plus sujettes à des îlots de chaleur intenses. Toulouse, Nantes, Lille et Bordeaux semblent quant-à elles conserver des îlots de chaleur moyens inférieurs à 1°C.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte et modélisation du climat
1.1 Le climat
1.2 Le changement climatique
1.3 Le climat urbain
1.4 Evolution du climat urbain
1.5 Rétroaction du climat urbain vers le climat
1.6 La modélisation numérique
1.6.1 La modélisation du climat
1.6.2 La modélisation du climat urbain
1.6.3 Etat de l’art des modélisations couplées climat régional / climat urbain
2 Présentation des modèles numériques utilisés
2.1 Modèles de climat régionaux
2.1.1 ALADIN-Climat
2.1.2 AROME-Climat
2.2 Système de modélisation des surfaces continentales SURFEX
2.2.1 Modèle de sols naturels et végétation ISBA
2.2.2 Modèle de canopée urbaine TEB
2.2.3 Modélisation des lacs, des mers et océans
2.2.4 Initialisation
3 Étude des interactions entre ville et climat à l’échelle régionale
3.1 Apport d’une paramétrisation urbaine explicite dans la modélisation climatique régionale pour étudier les interactions entre ville et climat
3.1.1 Résumé de l’article
3.1.2 Article
3.1.3 Informations complémentaires
3.1.4 Evaluation complémentaire
3.2 Impact des conditions atmosphériques sur l’îlot de chaleur
3.2.1 Une dépendance saisonnière
3.3 Interactions entre ville et climat en période d’évènements extrêmes
3.3.1 Présentation des évènements extrêmes étudiés
3.3.2 Effets urbains pendant les vagues de chaleur
3.3.3 Effets urbains pendant les vagues de froid
3.4 Conclusions
4 Étude du climat urbain à l’échelle d’une ville
4.1 Bénéfices d’une descente d’échelle
4.2 Présentation des données d’observation
4.2.1 Données pluviométriques spatialisées COMEPHORE
4.2.2 Ré-analyse atmosphérique UERRA
4.2.3 Campagne de mesures CAPITOUL en milieu urbain
4.3 Evaluation du modèle AROME sur la région toulousaine
4.3.1 Evaluation de la configuration opérationnelle
4.3.2 Sensibilité aux paramètres de surface
4.4 Modélisation des processus urbains
4.4.1 Apports d’un modèle de canopée urbaine
4.4.2 Apports d’un schéma de couche limite urbaine
4.4.3 Etude des interactions à l’intérieur du canyon urbain
4.5 Sensibilité à la résolution horizontale
4.5.1 Evaluation générale
4.5.2 Représentations des processus urbains
4.6 Discussion
4.6.1 Cartographie de l’îlot de chaleur urbain
4.6.2 Amélioration des performances atmosphériques
4.6.3 Apport de la résolution et amélioration des données de surface
4.6.4 Perspectives
Conclusions et Perspectives
4.7 Conclusions
4.8 Perspectives
Annexes
A Influence des régimes de temps sur l’îlot de chaleur
B Présentation des paramètres de surface
C Sensibilité aux paramètres de surface
C.1 Influence des données d’occupation du sol pour le site de Saint-Sardos
C.2 Influence du schéma de végétation pour le site du Fauga
D Apport d’un modèle de canopée urbaine
E Apport d’un schéma de couche limite urbaine
E.1 Effet de la paramétrisation TEB-SBL
E.2 Effet du modèle AROME
E.3 Effet des paramètres de surface Ecoclimap
E.4 Températures à deux mètres
F Apport d’une végétation interactive
G Apport d’une modélisation de l’énergétique du bâtiment
Références bibliographiques
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