La relation soignant-soigné
Dans la discipline infirmière, la relation soignant-soigné s’appuie sur un processus interpersonnel qui lie le patient à l’infirmier(e). C’est un processus thérapeutique basé sur la communication avec, comme but, la promotion des valeurs, des intérêts de la santé et du bien-être de la personne soignée (Pazargadi, Moghadam et al., 2015). Dans les institutions de santé, ce sont les soins qui déterminent les motifs et les objectifs de la relation. Cette relation soignant-soigné fait partie du travail de l’infirmier(e). Aucun geste, soin technique ou mesure de confort ne peut être entrepris sans que le soignant ne communique, n’entre en relation avec le soigné. En outre, cette relation ne se fait pas qu’au travers de la parole ; la communication non-verbale, les gestes, le positionnement du corps et les mimiques, ainsi que la tenue vestimentaire transmettent également une information (Manoukian, 2014, p.3). En psychiatrie, un des aspects formels de la relation soignant-soigné, est l’entretien infirmier. Il s’agit d’un soin dont l’un des buts est d’apaiser le patient, de le soulager d’une angoisse. L’entretien motivationnel, une forme d’entretien infirmier, est aussi un moyen de communication qui va permettre au patient de reprendre conscience du sentiment de responsabilité humaine. Par un processus empreint de non-jugement, l’infirmier va amener le patient à explorer la partie « saine » de luimême et à exploiter les parties de sa personnalité où il se sent à l’aise. Le soignant adopte donc une attitude d’écoute, un positionnement empathique et un discours rassurant afin de faire surgir chez le patient la sensation qu’il a la capacité de guérir par lui-même (Eparvier, 2013).
Selon Miller et Rollnick (2006), l’entretien motivationnel est centré sur le patient pour faire surgir ses motivations intrinsèques dans le but de provoquer un changement de comportement pour une amélioration de son état de santé psychique. « Le changement apparaît du fait de sa cohérence avec les valeurs et les croyances de la personne » (Miller & Rollnick, 2006, p.32). De surcroit, lors d’une prise en charge basée sur une vision holistique de la personne, il incombe à l’infirmier(e) de considérer l’identité culturelle de l’individu et les besoins qui lui correspondent (McCarthy, Cassidy, Graham, Tuohy, 2013). En effet, l’infirmier(e) à la responsabilité éthique de dispenser des soins qui soient culturellement congruents. Ainsi, l’établissement d’une relation patient-soignant est dépendant de l’habilité à communiquer et de partager une compréhension culturelle commune (Duffy, 2001 ; Cortis & Kendrick, 2003, cités par McCarthy et al. 2013). Lors de prise en charge de patients migrants, cette compréhension culturelle est essentielle. Vega (2012) promeut une approche anthropologique des soins qui suggère une sensibilisation à la culture de la personne soignée. Il s’agit d’être conscient des différentes manières de soigner propres aux systèmes culturels, des attitudes face à la maladie et des façons d’appréhender, entre autres, la douleur.
La migration, un facteur de risque pour la santé psychique En 2015, l’ONU a recensé 244 millions de migrants internationaux, c’est-à-dire des personnes vivant dans un autre pays que celui dans lequel elles sont nées. Ce chiffre représente une augmentation de 40% par rapport à l’année 2000 et équivaut à 3,3% de la population mondiale. Dans les vingt années à venir le nombre de migrants dans le monde atteindra les 500 millions (Organisation internationale pour les migrations, 2009, cité par Pestre, 2014, p. 29) Selon l’Office cantonal de la statistique (OCSTAT), la population étrangère à Genève augmente de 6 380 personnes par an, soit une augmentation de 3,3 %. A la fin de l’année 2014, le canton de Genève comptait 199 454 personnes résidentes de nationalités étrangères, ce qui correspond à 41,3 % de la population totale. Concernant les requérants d’asile, 2 184 demandes d’asile ont été déposées à Genève en 2015 et le nombre total de personnes dans le processus de demande d’asile s’élève à 7 586 dans le canton, pour la même année. Ces chiffres témoignent de l’importance du phénomène migratoire actuel. Il s’agit de chiffres qui augmentent d’année en année. En outre, la croissance de la mobilité internationale, un meilleur accès à l’information et aux moyens de communication rendent le phénomène migratoire de plus en plus complexe (Secrétariat d’Etat aux migrations [SEM], 2016).
Selon Baubet et Moro (2013), différents motifs poussent les populations à migrer. On peut nommer des motifs socio-économiques, politiques ainsi qu’environnementaux. Il existe aussi des raisons d’ordre psychique qui y sont implicitement associés : « Il peut s’agir de se « sacrifier » pour la famille, ou encore de se poser en « sauveur » de celle-ci, etc. » (Baubet & Moro, 2013, p.49). Pour les requérants d’asile et les réfugiés, les motifs de la migration sont d’ordre prioritairement politique. En demandant l’asile dans un pays tiers, le migrant échappe à des menaces vitales et à des persécutions. C’est l’instinct de survie qui prévaut. Selon Baubet et Moro (2013) il s’agit alors davantage d’exil que de migration, et de fuite plus que de départ. Dans ce contexte, aucune préparation préalable n’a été entreprise et la promesse d’un retour au pays d’origine est inexistante. Que la migration soit volontaire ou forcée, elle représente un acte courageux qui engage la vie et elle a un impact sur le psychisme de la personne migrante. Mises à part les expériences prémigratoires que la personne migrante a pu subir, l’acte migratoire en lui-même est parfois perçu comme traumatique (Baubet & Moro, 2013, p.49). De surcroit, en arrivant dans le pays d’accueil, ces personnes migrantes sont confrontées à une nouvelle forme de violence liée à des différences culturelles qu’ils doivent intégrer et auxquelles ils doivent s’adapter (Bodenmann, Madrid, Vannotti, Rossi & Ruiz, 2007).
Impact des conceptions de la maladie sur le processus thérapeutique Dans la prise en charge de patients migrants, la barrière de la langue est, bien entendu, l’un des premiers obstacles à une compréhension mutuelle et à une bonne prise en soin. Mais la conception de la maladie, qui varie d’un patient à un autre et d’une culture à une autre, ainsi que leurs attentes vis-à-vis du traitement approprié influencent également la prise en charge. La capacité d’une personne à s’adapter à une expérience traumatique dépend de facteurs personnels ainsi que de l’environnement social et culturel. Maier et Straub (2011) distinguent le concept de « maladie-illness » de celui de « maladie-disease ». Le premier est subjectif à chacun et varie selon les cultures. Il est lié à la compréhension par la personne des causes et des facteurs provoquant sa maladie ainsi que les moyens de la surmonter. Le concept « maladie-disease » renvoie aux aspects physiopathologiques de la maladie d’un point de vue médical. Maier et Straub (2011) précisent donc : lors de maladies chroniques ou psychiatriques, les stratégies auxquelles a recourt la personne pour se soigner traduisent la perception de la maladie selon le patient et reflètent les valeurs culturelles de la personne. Les auteurs, dans une étude de 2011, se sont penchés sur les différentes conceptions de la maladie et attentes vis-à-vis du traitement en regard de patients migrants requérants d’asile et réfugiés traumatisés issus d’une clinique ambulatoire de Zurich, en Suisse. Beaucoup de patients migrants de la cohorte sont réticents à parler des évènements traumatisants. Lorsqu’ils arrivent à s’exprimer, ils n’attribuent pas leurs troubles psychiatriques à des évènements violents et traumatisants en soi. Leurs maux seraient plutôt la conséquence de conditions de vie atroces endurées dans leur pays d’origine. Ce sentiment perdure souvent après leur arrivée en Suisse car ils savent que leurs proches, restés sur place, vivent encore dans les mêmes conditions.
Cependant, c’est certainement à cause d’un sentiment de honte et de gêne, influencé aussi par des codes culturels, que les patients sont réticents à partager leur récit et les expériences traumatiques. De plus, selon certains patients, se faire prendre en charge pour des soins psychiatriques est stigmatisant socialement. D’autres patients expriment que d’avoir un contact avec le monde des soins psychiatriques est équivalent à être fou (Maier & Straub, 2011). Les sociétés occidentales font face, de nos jours, à une grande demande en soins pour ces patients atteints d’ESPT. Leur prise en charge s’avère compliquée, voire impossible, car la différence de représentations et de perceptions de la maladie mentale et de ses traitements rend difficile la compréhension des besoins et attentes réelles des patients par les soignants (Maier & Straub, 2011). Bodenmann, Madrid, et al. (2007) affirment que les divergences culturelles, la barrière de la langue et une mauvaise compréhension du système de santé sont sources d’erreurs diagnostiques et de traitement des maladies mentales. En outre, Baubet et Moro (2013, p.144) soulignent, à propos des représentations culturelles sur la maladie mentale, qu’elles ne sont que rarement communiquées spontanément. Dans la relation soignant-soigné, il est cependant essentiel qu’elles puissent être exprimées par le patient afin d’éviter que le sentiment d’exclusion de l’univers culturel d’accueil n’empire.
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Table des matières
1.Introduction
2. Problématique
2.1 La relation soignant-soigné
2.2 La migration, un facteur de risque pour la santé psychique
2.3 L’état de stress post-traumatique
2.4 Impact des conceptions de la maladie sur le processus thérapeutique
3. Etat des connaissances
3.1 Définition de la culture
4. Cadre théorique
4.1 La théorie de l’universalité et de la diversité des soins selon la culture
4.2 Ancrage disciplinaire
4.3 Méta-concepts
5. Question de recherche
6. Méthode
6.1 Source d’informations et stratégie de recherche documentaire
6.2 Mesh terms
6.3 Diagramme de flux
7. Résultats
7.1 Analyse critique des articles
7.2 Tableau comparatif
8. Discussion
8.1 Besoins d’intégration sociale
8.2 Besoins de compréhension culturelle
8.3 Soins infirmiers transculturels en pratique
9. Conclusion
10. Références
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