En 1928, Alexander Fleming dรฉcouvre le premier antibiotique et cโest le dรฉbut de lโรฉre de lโantibiothรฉrapie : toute une classe de mรฉdicaments sont alors dรฉveloppรฉs afin de combattre des infections bactรฉriennes ร la fois chez lโHomme et chez les animaux (Gould, 2009).
Puis, dans les annรฉes 50, les Etats-Unis, puis lโEurope commencent ร utiliser ces antibiotiques comme facteurs de croissance en production animale. Afin dโencadrer cette nouvelle pratique, la Commission Interministรฉrielle et Interprofessionnelle de lโAlimentation Animale, crรฉรฉe en France en 1960, รฉtablit une liste de substances pouvant รชtre utilisรฉes pour supplรฉmenter certains aliments. Par la suite, au niveau europรฉen, la Directive 70/524/CEE prรฉcise les conditions dโutilisation, les espรจces destinataires, les doses applicables et les dรฉlais de retrait. Dรจs la fin des annรฉes 60, les premiรจres alertes concernant la transmission de bactรฉries rรฉsistantes et de gรจnes de rรฉsistance de lโanimal vers lโHomme entrainent une rรฉflexion plus approfondie concernant lโutilisation de ces antibiotiques chez lโanimal de rente (Coffman et al., 1999; Sanders et al., 2011). En Europe, des retraits successifs des autorisations prรฉcรฉdentes dโantibiotiques comme additifs alimentaires sont enregistrรฉs en 1997 (avoparcine), en 1999 (bacitracine-zinc, spiramycine, virginiamycine, tylosine) et en 2006 (avilamycine, flavophospholipol). A compter de 2006, lโutilisation des antibiotiques comme facteurs de croissance dans les aliments pour animaux est interdite dans les pays de lโUnion Europรฉenne. Cependant, leur administration en tant quโadditifs alimentaires reste en usage sur dโautres continents, et en Europe, les antibiotiques sont encore malheureusement parfois utilisรฉs en invoquant un but prรฉventif afin de traiter des animaux sains susceptibles dโรชtre exposรฉs ร un facteur de risque pour une maladie infectieuse, lโadministration pouvant รชtre individuelle ou collective. Des modes de traitement comme la mรฉtaphylaxie sont prรฉconisรฉs afin de cibler non seulement des animaux malades prรฉsents dans un lot, mais aussi des animaux cliniquement sains susceptibles dโรชtre infectรฉs du fait de leur proximitรฉ avec les malades. Enfin, une administration ร but curatif, quโelle soit individuelle ou collective, est effectuรฉe lorsque tous les animaux traitรฉs prรฉsentent les symptรดmes dโune maladie infectieuse ร endiguer. Toutes ces modalitรฉs dโusage des antibiotiques favorisent la sรฉlection de bactรฉries rรฉsistantes dans le microbiote digestif (en particulier, mais pas uniquement, lorsque les antibiotiques sont donnรฉs par voie orale). Ces bactรฉries commensales rรฉsistantes sont alors un rรฉservoir de gรจnes de rรฉsistance pour les bactรฉries pathogรจnes des animaux, et peuvent diffuser dans lโenvironnement ou la chaine alimentaire par le biais de carcasses souillรฉes. Il est donc fondamental dโรฉvaluer les consรฉquences des traitements antibiotiques prescrits aux animaux dโรฉlevage de faรงon ร limiter le risque de sรฉlection de bactรฉries rรฉsistantes ou multirรฉsistantes ร lโorigine dโรฉchecs thรฉrapeutiques en mรฉdecine vรฉtรฉrinaire ou chez lโHomme.
En raison de lโimportante utilisation dโantibiotiques en รฉlevage porcin pour traiter des maladies respiratoires ou digestives, de nombreuses รฉtudes sont actuellement en cours afin de trouver dโรฉventuelles alternatives ร lโutilisation de ces mรฉdicaments tout en maintenant des performances de croissance optimale. Cโest dans ce contexte quโest nรฉ ce projet de thรจse ayant comme premier objectif de mieux comprendre lโimpact potentiel de traitements antibiotiques sur le microbiote digestif de porcelets. Par ailleurs, les rรฉglementations actuelles visant ร rรฉduire le nombre dโanimaux utilisรฉs en expรฉrimentation animale justifient le deuxiรจme objectif de cette thรจse, ร savoir le dรฉveloppement et la validation dโun modรจle in vitro colique porcin qui permettrait de se libรฉrer des contraintes de lโexpรฉrimentation animale pour รฉvaluer, par exemple, lโimpact de diffรฉrents antibiotiques ou alternatives aux antibiotiques.
Le porc domestique Sus scrofa domesticus est un mammifรจre monogastrique. Cette espรจce est composรฉe de plusieurs races, dont le Large White, originaire dโAngleterre et introduite en France dans les annรฉes 1920. Cette race de grands porcs est destinรฉe ร la production de viande et de produits de charcuterie. Le marchรฉ europรฉen annuel reprรฉsente 152 millions de porcs, soit 10% du cheptel mondial. Pour lโUnion Europรฉenne (figure 1), ceci reprรฉsente environ 22 millions de tonnes en 2013 dont prรจs de 2 millions de tonnes pour la France, placรฉe 3รจme producteur derriรจre lโAllemagne et lโEspagne (Eurostat, 2013).
Lโobjectif dโun รฉleveur de porcs franรงais est dโobtenir des animaux atteignant un poids vif dโenviron 115 ร 120 kg (IFIP, 2014) aux alentours de 26 semaines dโรขge, ceci en diminuant au maximum les coรปts de production, tout en respectant les normes dโรฉlevage imposรฉes.
En France, la reproduction porcine se fait essentiellement par insรฉmination artificielle (Bรฉraud, 2011), la durรฉe de gestation de la truie รฉtant de trois mois, trois semaines et trois jours. La truie donnera alors naissance ร une dizaine de porcelets et pourra avoir un peu plus de deux portรฉes par an (IFIP, 2014). La sรฉparation du porcelet de la mรจre, plus communรฉment appelรฉ sevrage, se pratique principalement ร lโรขge de 28 jours, ร un poids moyen de 6 ร 8 kg (IFIP, 2014). La pรฉriode suivant cet acte de sรฉparation, appelรฉe post-sevrage, dure un mois. Durant le post-sevrage, lโanimal va endurer de multiples stress physiologiques, physiques et psychiques allant du changement de local au changement dโalimentation (passant ainsi dโune alimentation liquide ร une alimentation solide). La phase dโengraissement, ou finition, commence au moment oรน lโanimal atteint 25 ร 35 kg et se continue jusquโร atteindre 115 ร 120 kg (IFIP, 2014), ร un รขge dโenviron 26 semaines pour le porc. Ce dernier est ensuite envoyรฉ ร lโabattoir.
Lโรฉlevage porcin industriel prรฉsente la particularitรฉ dโรชtre conduit ยซ en bandes ยป (Pellois et al., 1998; Hebert et al., 2007), cโest-ร -dire par lots dโanimaux ร un mรชme stade physiologique et ceci, afin de rรฉpondre spรฉcifiquement ร leurs besoins (alimentation, conditions de logement,. . . ). Ce mode de conduite dโรฉlevage, ร partir de la synchronisation des insรฉminations des truies, permet รฉgalement une organisation optimale du travail de lโรฉleveur, une rentabilitรฉ meilleure de lโutilisation des bรขtiments et un contrรดle sanitaire facilitรฉ (Ice et al., 1999; De Grau et al., 2005). La conduite en 7 bandes appelรฉe aussi ยซ conduite ร trois semaines ยป est la plus rencontrรฉe en France (adoptรฉe par 86% des รฉlevages naisseurs-engraisseurs selon les donnรฉes de lโITP en 2000, Hebert et al. (2007)). Dโun point de vue sanitaire, elle permet un vide sanitaire de 7 jours dans tous les postes de lโรฉlevage.
Les conditions de vie des porcelets en รฉlevage sont primordiales afin de limiter lโapparition ou la propagation de maladies bactรฉriennes ou virales. Les paramรจtres dโambiance tels que la tempรฉrature, lโhygromรฉtrie, la propretรฉ des surfaces, la quantitรฉ de poussiรจres, les teneurs en gaz ou encore la vitesse de lโair sont donc ร surveiller (Massabie et al., 1998).
Dans les annรฉes 60, les systรจmes de production รฉtaient encore mixtes (Ilari et al., 2004) et, avec la recherche dโamรฉlioration de rendements, trois spรฉcialisations distinctes ont vu le jour et peuvent รชtre choisies par les รฉleveurs :
โ le naisseur va se prรฉoccuper de la reproduction des truies et des porcelets de la naissance jusquโร la pรฉriode de post-sevrage.
โ lโengraisseur sera, lui, en charge des animaux dans les pรฉriodes de post-sevrage et engraissement et ce, jusquโร leur รขge dโabattage.
โ le naisseur / engraisseur sโoccupera des porcs tout au long de leur vie, ce mode de fonctionnement รฉtant le plus rรฉpandu en France (IFIP, 2014).
Par lโintermรฉdiaire de cette spรฉcialisation pour une certaine pรฉriode de vie de lโanimal, de meilleurs rรฉsultats ont pu รชtre obtenus aussi bien au niveau de la productivitรฉ quโau niveau sanitaire (Corrรฉgรฉ et al., 2011). Lโamรฉlioration de ces rรฉsultats passe par une recherche perpรฉtuelle de performance dans le but dโaugmenter non seulement le prix lors de la vente, le nombre dโanimaux produits et leur vitesse de croissance mais aussi de limiter les coรปts totaux de production (aliments, mรฉdicaments,. . . ). En plus des critรจres dโhygiรจne ร respecter pour favoriser la croissance des porcelets, la composition de lโaliment est un paramรจtre clรฉ ร prendre en compte pour une production optimale.
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Table des matiรจres
Introductionย
1 Le porcelet
1.1 Elevage et alimentation
1.1.1 Lโรฉlevage porcin
1.1.2 Lโalimentation du porcelet
1.1.2.1 Alimentation gรฉnรฉrale
1.1.2.1.1 Alimentation du porcelet sous la mรจre
1.1.2.1.2 Alimentation au cours du post-sevrage
1.1.2.1.3 Alimentation en pรฉriode dโengraissement
1.1.2.2 Autres complรฉments alimentaires ajoutรฉs ร lโalimentation de base
1.1.2.2.1 Gรฉnรฉralitรฉs
1.1.2.2.2 Les probiotiques
1.1.2.2.3 Autres complรฉments alimentaires
1.1.2.2.4 Comparaison de diffรฉrents additifs utilisรฉs comme alternative aux antibiotiques en รฉlevage porcin
1.2 Systรจme digestif du porc et microbiote intestinal
1.2.1 Le systรจme digestif du porc
1.2.2 Le microbiote intestinal du porcelet
1.2.2.1 Implantation du microbiote
1.2.2.2 Composition du microbiote
1.2.2.3 Les facteurs influenรงant le microbiote
1.2.2.4 Le microbiote en pรฉriode de post-sevrage
1.2.3 Les diffรฉrentes mรฉthodes dโรฉtude du microbiote intestinal
1.2.3.1 Les mรฉthodes culturales
1.2.3.2 Les mรฉthodes de biologie molรฉculaire
2 Les antibiotiques utilisรฉs en รฉlevage porcin
2.1 Antibiotiques, dรฉfinitions, rรฉglementation
2.2 Usage des antibiotiques en production porcine
2.3 Focus sur la colistine et mรฉcanismes de rรฉsistance
2.4 Focus sur les C3G et mรฉcanismes de rรฉsistance
2.4.1 Les cรฉphalosporines : dรฉfinition, utilisation chez le porc
2.4.2 Rรฉsistance aux cรฉphalosporines : mรฉcanismes, prรฉvalence et facteurs de risque
Conclusion
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