Epidémiologie des infections nosocomiales
En France, 5 à 10% des patients hospitalisés contractent une infection nosocomiale (10) due à des germes présents dans l’environnement ou apportés par les autres patients et transmis via le personnel soignant. Le risque d’infection nosocomiale croît d’une part avec la pratique de procédures invasives et notamment la mise en place de cathéters veineux centraux, d’autre part avec l’immunodéficience initiale du patient ainsi que la durée du séjour dans la structure de soins. La lutte contre les infections nosocomiales est un axe majeur de santé publique. Elle est prise en charge par les Centres de Coordination des actions de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CCLIN) créés en 1992 par le Ministère de la Santé (11). En moyenne, un million de cathéters veineux centraux sont mis en place chaque année en France. Les infections liées à ces cathéters ont une incidence d’1,23/1000 jours-cathéters soit 14400 épisodes par an et sont responsables de 1580 décès par an (12). Dès lors, il est évident que les conséquences en termes de prolongation de durée de séjour (9,5 à 14 jours en moyenne) et de coût (7730 à 11380 € par épisode) ne sont pas négligeables. De même, la répétition des épisodes infectieux grève le pronostic vital et fonctionnel des patients. Il apparaît donc comme essentiel de faire de la diminution des infections sur voie veineuse centrale une préoccupation quotidienne dans la prise en charge globale des patients de réanimation.
Anatomie de la peau
La peau est un tissu indispensable à la vie qui peut et doit être considéré comme un organe à part entière. Elle constitue la première barrière entre l’organisme et l’environnement extérieur. Elle représente en effet l’organe le plus étendu du corps humain avec une surface totale d’environ 2 m2 chez un adulte, et donc le plus grand organe, notamment immunitaire. La peau est constituée de trois couches, de la superficie vers la profondeur :
• Epiderme : épithélium stratifié pavimenteux constitué de kératinocytes, mélanocytes, cellules immunocompétentes et cellules de Merkel. Son épaisseur est faible, de l’ordre du millimètre mais variable selon les zones du corps. Il est recouvert d’un film hydrolipidique, le sébum, produit par les glandes sébacées du derme et le protégeant des agressions extérieures. Il n’est irrigué par aucun vaisseau sanguin mais contient de nombreuses terminaisons nerveuses.
• La membrane basale sépare l’épiderme du derme. Sa perméabilité régule les échanges de molécules, notamment de nutriments entre l’épiderme et le derme.
• Derme : tissu conjonctif composé de macromolécules protéiques, de mucopolysaccharides et de cellules (fibroblastes et cellules du système immunitaire). Il joue un rôle primordial dans la thermorégulation, l’élimination de produits toxiques et la cicatrisation. On distingue usuellement les dermes papillaire, réticulaire et profond.
• Hypoderme : tissu conjonctif lâche richement vascularisé qui contient selon les endroits plus ou moins de tissu adipeux. C’est un lieu de passage des vaisseaux et nerfs à destination du derme qui fait le lien entre la peau et les structures sous-jacentes. Les adipocytes servent de réserve énergétique, d’isolant thermique, d’amortisseur mécanique et ont un rôle endocrine de par la sécrétion de leptine et d’aromatase.
Evaluation de la gravité d’une brûlure
La gravité de la brûlure est proportionnelle à son étendue et à sa profondeur ainsi qu’à l’existence de lésions associées. Des moyens d’évaluation rapide de la surface cutanée brûlée sont disponibles comme la règle des « Neuf de Wallace » chez l’adulte, le fait que la paume de la main représente 1% de la surface corporelle et la table de Lund et Browder en pédiatrie. L’utilisation récente de logiciels de calcul de surface brûlée permet d’augmenter la précision de cette évaluation. Il est admis que toute lésion supérieure à 20% de la surface corporelle totale chez un adulte entraine la survenue d’un état de choc hypovolémique nécessitant des soins spécifiques. Les brûlures du premier degré n’entraînant pas de perturbation hémodynamique, elles ne doivent pas être comptabilisées dans le calcul de la surface brûlée. La gravité de la brûlure est également déterminée par sa profondeur. Il est nécessaire d’évaluer la profondeur pour prévoir l’évolution de la cicatrisation et déterminer la prise en charge thérapeutique spécifique. Cependant, le diagnostic de profondeur est difficile et modifiable les premières 48 heures et c’est l’évolution sur 7 à 10 jours qui permettra de faire un pronostic plus précis des lésions. Le diagnostic de profondeur peut être aidé par la réalisation d’une imagerie de type Laser Doppler entre 48 et 72 heures après la brûlure. Plusieurs degrés de brûlure sont déterminés en fonction de l’aspect clinique :
• Premier : seul l’épiderme est touché, il s’en suit une rougeur et une sensibilité accrue de la région touchée (érythème douloureux).
• Deuxième superficiel : la totalité de l’épiderme est touchée mais la jonction dermoépidermique est respectée ce qui entraîne l’apparition de phlyctènes avec un fond rosé, douloureux, saignant et souple. Le test à la vitropression est positif. La guérison se fait sans séquelle en une dizaine de jours.
• Deuxième profond : la jonction dermo-épidermique est atteinte et la membrane basale est détruite ce qui entraîne l’apparition d’une phlyctène avec un fond blanc, peu douloureux, exsangue et dur mais les poils résistent à la traction. Le test à la vitropression est difficilement positif. La cicatrisation spontanée est inconstante avec un risque élevé de séquelles fonctionnelles et/ou esthétiques.
• Troisième : destruction totale de l’épiderme et du derme avec une hypoesthésie, une sècheresse et une susceptibilité importante aux infections. Toutes les cellules cutanées sont absentes, il n’y a donc pas de possibilité de régénération spontanée.
• Quatrième ou carbonisation : les structures sous-cutanées (os et muscles) sont atteintes et la peau présente un aspect cartonné. L’étendue et la profondeur de la brûlure permettent de déterminer trois indices pronostiques :
• L’indice de Baux (âge + pourcentage de surface cutanée brûlée) indiquant un décès probable s’il est supérieur ou égal à 120.
• Le score UBS ou Unité de Brûlure Standard (pourcentage total de surface cutanée brûlée + trois fois le pourcentage de surface cutanée brûlée au troisième degré) : la brûlure est grave s’il est supérieur à 100 et le pronostic vital est engagé s’il est supérieur à 150.
• Le score ABSI permet de prédire la probabilité de survie approximative d’un brûlé. Il prend en compte le sexe et l’âge du patient, la surface totale brûlée et certains critères de gravité que sont : l’incendie en espace fermé, la brûlure de la face, la présence d’expectorations noires ou d’un tirage et la présence de zones brûlées au troisième degré.
D’autres critères de gravité sont à prendre en considération :
• L’âge : inférieur à 5 ans ou supérieur à 70 ans.
• Les comorbidités : patient avec un score ASA > 3, femme enceinte.
• La localisation : atteinte des mains, des pieds ou des articulations (risque fonctionnel), atteinte du périnée ou des organes génitaux (risque infectieux), atteinte du visage et des voies aériennes supérieures (risque d’asphyxie).
• Les circonstances : milieu clos (risque de lésions de l’appareil respiratoire par inhalation), explosion, traumatisme.
• Les lésions associées : intoxication au monoxyde de carbone ou au cyanure, polytraumatisme.
L’accord des comités d’éthique
Cette étude a été soumise à l’avis des comités d’éthique locaux et nationaux. Le comité d’éthique de la SFAR a soulevé que : « Cette étude, observationnelle, ne soulève pas de problème éthique particulier et ne relève pas du domaine d’application de la réglementation régissant les recherches biomédicales, au sens de l’Article L.1121-1-1 et l’Article R.1121-3 du code de Santé Publique. » La fiche de demande de conformité à la loi Informatique et Libertés a été transmise au Correspondant Informatique et Libertés de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. Celui-ci l’a validée et inscrite au registre de l’établissement après accord du Responsable de la Sécurité des Systèmes d’Information.
La mise en place du cathéter
La pose de la voie veineuse centrale est faite par un interne ou un médecin sénior du service de réanimation, sous contrôle écho-guidé. Le site d’insertion du cathéter est laissé au libre choix du praticien réalisant le geste. Chez les patients gravement brûlés, la préférence est donnée aux sites de ponction en peau saine mais les cathéters peuvent être posés en peau brûlée ; ceci sera alors consigné dans le dossier. La désinfection cutanée préalable est la même dans les deux groupes. Elle est faite en 4 temps : détersion avec de la Bétadine® scrub (nettoyage large de la zone d’insertion avec une solution antiseptique moussante par mouvements circulaires du centre vers la périphérie), rinçage à l’eau stérile, séchage, antiseptie avec un antiseptique de la même famille que l’antiseptique utilisé pour la détersion (Bétadine® dermique diluée à 1/10ème), selon les protocoles en vigueur dans le service en accord avec les recommandations de la SRLF de 2002 (27). La pose se fait en conditions d’asepsie stricte : casaque et gants stériles après lavage des mains (savon doux puis solution hydro-alcoolique) pour le médecin réalisant le geste, charlotte et masque pour toutes les personnes présentes dans la pièce.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Justification et rationnel de l’étude
1. 1. Intérêt historique
1. 2. Choix du type de cathéter
1. 3. Choix de la population de l’étude
2. Epidémiologie
2. 1. Epidémiologie des infections nosocomiales
2. 2. Epidémiologie de la brûlure grave
3. Anatomie de la peau
4. Physiopathologie de la brûlure
4. 1. Répercussions locales de la brûlure
4. 2. Répercussions systémiques de la brûlure
5. Evaluation de la gravité d’une brûlure
6. Grandes lignes de la prise en charge d’un brûlé grave
6. 1. Les soins locaux
6. 2. La prise en charge globale
7. Objectifs de ce travail
MATERIEL ET METHODE
1. L’accord des comités d’éthique
2. La population de l’étude
3. Les cathéters utilisés
3. 1. Les cathéters standards
3. 2. Les cathéters imprégnés de chlorhexidine et de sulfadiazine d’argent
4. La conduite de l’étude
4. 1. La mise en place du cathéter
4. 2. L’utilisation et l’entretien de l’abord vasculaire
5. Le recueil des données
5. 1. Généralités
5. 2. Les scores d’évaluation de la gravité
5. 3. Les données bactériologiques
6. Les analyses statistiques
RESULTATS
1. La population de l’étude
1. 1. Caractéristiques démographiques et cliniques des patients
1. 2. Evaluation de la gravité des patients
1. 3. Facteurs de risques d’infection
1. 4. Caractéristiques des brûlures
2. Données concernant les voies veineuses centrales
2. 1. Insertion
2. 2. Utilisation
2. 3. Retrait
3. Les données bactériologiques
3. 1. Facteurs pouvant limiter les infections
3. 2. Les colonisations cutanées
3. 3. Les infections contractées par les patients durant l’étude
3. 4. Les germes responsables de ces infections
3. 5. Les bactériémies liées au cathéter
3. 6. Les bactériémies non liées au cathéter
DISCUSSION
1. Manque de puissance de l’étude
1. 1. Faible effectif des échantillons
1. 2. Non comparabilité initiale des groupes
1. 3. Biais possibles dans cette étude
1. 4. Durée d’utilisation des cathéters
2. Cohérence externe de l’étude
2. 1. Le choix du critère de jugement principal
2. 2. La population de l’étude
2. 3. La méthode de mesure
2. 4. Les germes retrouvés
3. Ce qu’il reste à explorer
3. 1. Le retrait pour « non-utilisation »
3. 2. Impact économique
3.3. L’émergence de bactéries résistantes
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES ILLUSTRATIONS ET TABLEAUX
ANNEXES
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