Impact de l’intervention coordonnée du binôme médecin pharmacien chez les patients sous immunothérapie anticancéreuse

Cancer et immunité

Généralités Le cancer prend une large place dans les préoccupations médicales comme sociétales. Cette pathologie est synonyme de menace, elle est source d’angoisses irrationnelles et toujours associée à la mort. Le mot « cancer » était déjà utilisé en latin ; le grec ancien parlait de « karkinos » (καρκινος) qui signifie « crabe », d’où l’utilisation fréquente de ce terme en dehors de la communauté médicale, qui permet d’éviter de prononcer le terme consacré. Le terme initial aurait été proposé par Hippocrate autour de 400 avant JC par analogie morphologique entre le crustacé et une tumeur du sein étendue à la peau. Cette idée est plus tard reprise par Galien (1). Sa définition, selon l’INCa (Institut National du Cancer) est : « Maladie provoquée par la transformation de cellules qui deviennent anormales et prolifèrent de façon excessive. Ces cellules déréglées finissent par former une masse qu’on appelle tumeur maligne. Les cellules cancéreuses ont tendance à envahir les tissus voisins et à se détacher de la tumeur. Elles migrent alors par les vaisseaux sanguins et les vaisseaux lymphatiques pour aller former une autre tumeur (métastase). » (2). Le cancer a une origine cellulaire monoclonale, et résulte de l’accumulation progressive d’anomalies au cours des divisions successives, qui permet une prolifération cellulaire incontrôlable par l’organisme. Le délai entre l’initiation et la phase observable de la maladie varie selon le type de cancer. Il est généralement de plusieurs années.

Cycle immunitaire antitumoral

   Un cancer résulte de la transformation progressive d’une cellule siège de l’accumulation de mutations. Le « soi » se transforme en « non soi » et induit une réponse immunitaire semblable à celle qui est mise en jeu lors des processus infectieux, on parle d’immunité antitumorale (20). Ce processus nécessite l’existence et la reconnaissance d’antigènes spécifiques présentés aux lymphocytes T par le Complexe Majeur d’Histocompatibilité à la surface des cellules cancéreuses ou immunitaires présentatrices d’antigènes, qui vont activer le système immunitaire. L’implication du système immunitaire dans la croissance des cellules tumorales a été évoquée il y a environ 150 ans à partir d’observations réalisées chez l’homme et l’animal (21) puis précisées avec l’observation d’anticorps et de lymphocytes T spécifiques des tumeurs, les TIL (Tumor-Infiltrating Lymphocytes). Des arguments épidémiologiques ont également été avancés, comme l’incidence plus élevée des cancers chez les sujets immunodéprimés (22). L’immunité innée agit en première ligne de défense antitumorale. Elle n’est pas spécifique, car ne dépend pas de la reconnaissance d’antigènes tumoraux, et favorise la réponse immunitaire adaptative. Elle fait intervenir plusieurs acteurs notamment les macrophages, polynucléaires, Natural Killer (cellules NK) et cytokines possédant une activité antitumorale (IFNγ). Les cellules NK jouent par ailleurs un rôle majeur de cytotoxicité directe (exocytose de granzyme et de perforine) et de cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC). L’immunité adaptative, humorale ou cellulaire, agit en deuxième ligne. Elle est conditionnée par la reconnaissance des antigènes tumoraux et implique les cellules dendritiques présentatrices d’antigènes, les lymphocytes T auxiliaires CD4 et cytotoxiquesCD8, mais également les lymphocytes B et les anticorps qu’ils fabriquent. Les cellules dendritiques captent les antigènes libérés par la tumeur, migrent dans les organes lymphoïdes secondaires où elles subissent une maturation et présentent les antigènes aux lymphocytes T (CPA). A leur tour, ils se différencient et passent à l’état activé. Un schéma du cycle immunitaire antitumoral en 7 étapes a été proposé dès 2013 (23) (Figure 3) : après la cytolyse des cellules cancéreuses, il y a successivement libération d’antigènes tumoraux dans l’environnement tumoral, présentation des antigènes par les CPA, activation lymphocytaire T dans le ganglion, après passage d’un point de contrôle qui régule la balance stimulation/inhibition de la réponse immunitaire. Les lymphocytes activés migrent par la circulation sanguine vers les cellules cancéreuses, dirigés par les antigènes tumoraux présents à la surface des cellules tumorales. Un signal d’induction de l’apoptose est alors émis au niveau du point de contrôle de cette étape (24).

Inhibition de l’immunovigilance antitumorale

   Progressivement, plusieurs protéines ont été identifiées dans l’inhibition de l’immunovigilance antitumorale, en particulier CTLA-4 (Cytotoxic T-Lymphocyte-Associated protein-4), PD-1 (Programmed Cell Death-1) et son ligand PD-L1 (Programmed Cell DeathLigand 1). CTLA-4 est une protéine exprimée au niveau membranaire par les lymphocytes T. Ses récepteurs, les protéines CD80 et CD86, sont présents sur les CPA. L’interaction entre la molécule d’adhérence CTLA-4 et CD80/CD86 constitue un point de contrôle qui induit des signaux inhibiteurs de la réponse immunitaire antitumorale, à l’inverse de l’interaction entre CD80/CD86 et CD28, qui active la réponse immunitaire mais se retrouve surpassée par son homologue compétiteur CTLA-4 (31). La voie PD-1/PD-L1 est impliquée au niveau périphérique et au niveau du microenvironnement tumoral (32). Elle maintient l’homéostasie immunitaire en modulant la durée, l’amplitude de la réponse immunitaire et l’inflammation associée, limitant ainsi les dommages des lymphocytes T lors d’infections virales (33). PD-1 est exprimé à la surface des lymphocytes. Son ligand naturel, PD-L1 est une autre protéine transmembranaire, présente notamment sur les macrophages et les cellules dendritiques à l’état normal, tout comme PD-L2, le second ligand de PD-1. Les cancers exploitent ce système pour éviter la lyse des cellules tumorales en surexprimant PD-L1 (et/ou PD-L2), qui en se liant aux cellules T activées compromet l’activité immunitaire des lymphocytes (30). Cette liaison constitue un point de contrôle de co-inhibition qui permet aux cellules tumorales de continuer à se développer

L’immunothérapie en pratique quotidienne

   L’immunothérapie par ICIs a été qualifiée de véritable révolution thérapeutique par le laboratoire Bristol Myers Squibb, titulaire de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) de l’OPDIVO® (Nivolumab) et du YERVOY® (Ipilimumab) (41). Cette avancée majeure a été mise en lumière par le prix Nobel de médecine qui a été décerné en 2018 à deux immunologistes, l’américain James P. Alisson et le japonais Tasuku Honjo pour leurs découvertes respectives des points de contrôle immunitaire CTLA-4 et PD-1, et des moyens de les inhiber pour en faire une nouvelle approche thérapeutique en cancérologie (42). Les recherches ont commencé par les cancers à charge mutationnelle élevée (mélanome, cancer du poumon et de la vessie), ceux-ci étant mieux reconnus par le système immunitaire (21). Depuis la découverte des points de contrôle immunitaire et de leurs inhibiteurs il y a plus de 10 ans, leurs indications s’élargissent régulièrement. Les cancers qui répondent le mieux à l’immunothérapie par ICIs sont les cancers du poumon non à petites cellules (CBPNC), les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, les carcinomes rénaux à cellules claires, les carcinomes urothéliaux, les lymphomes de Hodgkin et les mélanomes. De bons résultats ont également été observés pour certains cancers digestifs (43). Une association Ipilimumab/Nivolumab a par la suite montré son efficacité dans le mélanome avancé ou métastatique, qui, d’après les données d’un essai clinique de phase III, est plus efficace que chaque substance en monothérapie (44). L’intérêt d’associer l’Atézolizumab ou le Pembrolizumab à la chimiothérapie a aussi été démontré dans la prise en charge du cancer du poumon (45,46). Depuis d’autres ICIs ont également obtenu une AMM (Tableau 1). Il s’agit d’anticorps monoclonaux thérapeutiques, synthétisés par un seul clone cellulaire, très onéreux.

Co-médications

   Un impact négatif significatif avec effet de dose de la corticothérapie (administrée à des doses > à 10 mg d’équivalent prednisone dans le mois précédent le traitement par ICIs) a été rapportée sur l’efficacité des anti-PD-(L)1 (SG, SSP, taux de réponse globale) dans le CBNPC (65), avec une différence de l’ordre de 6-7 mois de médiane de survie entre les patients sous corticothérapie > 10 mg et les autres. Cette différence était moins marquée lorsque le traitement avait été arrêté avant le début de l’immunothérapie, suggérant l’intérêt d’arrêter ou diminuer la corticothérapie au long cours avant de débuter les ICIs autant que possible. Il semblerait que l’effet le plus délétère soit observé lorsque la corticothérapie est administrée en phase palliative, qui peut donc être un critère péjoratif d’efficacité (66). Lorsque les corticoïdes sont pris de manière concomitante pendant le premier mois de traitement, les effets semblent comparables (67). En 2019, Luca et al. ont obtenu des résultats allant dans le même sens, et ont en plus souligné le fait que l’utilisation de corticoïdes en début d’immunothérapie était associée à une modification de la numération des globules blancs, ce qui peut ainsi contribuer à une moins bonne réponse immunitaire antitumorale (68). En revanche, une revue de la littérature suggère que la corticothérapie pendant le traitement par ICIs n’a pas d’impact sur leur efficacité (69), ces informations différentes ne permettent pas encore d’établir l’impact réel de la corticothérapie. Quelques données sont également disponibles concernant les autres co-médications qui sont aussi une source potentielle d’interactions médicamenteuses avec les ICIs. De récentes études suggèrent que le microbiote intestinal pourrait exercer une influence sur l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (70). Ainsi les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et les antibiotiques, puisqu’ils déséquilibrent la flore gastrique et/ou intestinale pourraient conduire à une baisse d’efficience de l’immunothérapie (71). Dans le même sens, les antibiotiques éliminent certaines bactéries commensales du tube digestif induisant ainsi un déséquilibre du microbiote intestinal qui joue un rôle immunitaire majeur et peut avoir une influence significative sur l’efficacité des ICIs. L’hypothèse est que les bactéries les plus touchées sont probablement les plus immunogènes, celles qui sont requises pour engager la rupture de tolérance immunitaire souhaitée avec les ICIs (72). Cet effet dépendra donc du spectre d’activité des antibiotiques mais aussi de leur voie d’administration (73). Les antibiotiques altèrent ainsi la réponse immunitaire innée et adaptative, et peuvent également être associés au développement de maladies inflammatoires et auto-immunes (74). Un nombre très restreint d’études s’est intéressée à l’efficacité des ICIs en cas de vaccination concomitante. Elle n’a pas montré d’effet délétère, mais une tendance à une diminution de l’efficacité du vaccin de la grippe et à des irAEs plus sévères (75–77). Des alertes de sécurité ont cependant été émises chez des patients sous immunothérapie qui ont reçu des vaccins, alors qu’ils sont particulièrement utilisés pour prévenir les infections dans cette population à risque souvent amplifié par les traitements anticancéreux concomitants ou qui précèdent l’immunothérapie (radiothérapie, chimiothérapie). Devant l’absence de preuve, le vaccin contre la grippe reste recommandé en cas de cancer traité par ICIs.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : PLACE DE L’IMMUNOTHÉRAPIE EN CANCEROLOGIE 
I. CANCER ET IMMUNITE 
A. Généralités
B. Épidémiologie
1. Facteurs de risque
2. Prévention et dépistage
3. Diagnostic
C. Traitements
D. Réponse immunitaire et moyens d’échappement des cellules cancéreuses
1. Cycle immunitaire antitumoral
2. Echappement au système immunitaire
E. Inhibition de l’immunovigilance antitumorale
II. L’immunothérapie 
A. Généralités
B. L’immunothérapie en pratique quotidienne
C. Mécanismes d’action et pharmacocinétique
D. Tolérance et effets indésirables
1. Co-médications
2. Âge au diagnostic de cancer
E. Effets indésirables
1. Délai d’apparition et sévérité
2. Localisation et fréquence des irAEs
F. Fréquence des irAEs
G. Populations à risque d’irAEs
1. Patients atteints de maladies auto-immunes
2. Patients greffés
H. Prise en charge
I. Autres effets indésirables
III. L’immunothérapie à l’Hôpital Européen (Marseille) 
A. Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire utilisés
B. Consultation interniste pré-immunothérapie
C. Conciliation médicamenteuse
D. Contexte épidémiologique des cancers traités par immunothérapie à l’hôpital Européen
1. Cancer du poumon
2. Carcinome urothélial (vessie)
3. Carcinome à cellules rénales (rein)
4. Carcinome épidermoïde de la tête et du cou (ORL)
5. Carcinome hépatocellulaire (foie)
6. Lymphome de Hodgkin classique
E. Préparation, administration du traitement et suivi des patients
DEUXIEME PARTIE : ARTICLE 
TROISIÈME PARTIE : DISCUSSION 
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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