Impact de l’inoculation rhizobienne sur les légumineuses
Les légumineuses fixatrices d’azote occupent maintenant une place considérable dans les plantations d’arbre en zone humide et semi-humide d’Afrique. Les légumineuses ont un bon potentiel de restauration de la fertilité des sols à travers la fixation d’azote comme dans les systèmes agroforestiers ou elles sont utilisées comme des espèces de jachère. Depuis un certains nombre d’années de multiples méthodes biotechnologiques ont été utilisées pour l’amélioration de la production végétale. Dans le cas précis des légumineuses, l’inoculation avec des microorganismes a été préconisée dans le but de rehausser la production mais également de réhabiliter les écosystèmes dégradés. Si l’inoculation en conditions contrôlées fournit des résultats satisfaisants, les résultats en milieu naturel sont plutôt tout azimut. La plupart des échecs des inoculations en milieu naturel est surtout due à une absence d’études préalables des conditions environnementales, des interactions entre l’espèce végétale, les microorganismes et le milieu.
La taille de la population de rhizobia indigènes influe sur le succès de la nodulation et la persistance des rhizobia inoculés (Dowling & Broughton, 1986; Howieson & Ballard, 2004). La survie des rhizobia inoculés dans une population indigène de petite taille (<100 cellules / g de sol) dépendra principalement de la tolérance des rhizobia à l’environnement édaphique. En revanche, la survie des rhizobia introduits dans le sol avec une grande population indigène dépendra de la capacité respective des souches indigènes et introduites à compétir pour la formation de nodosités (Vlassak & Vanderleyden, 1997; Denton et al., 2003). Ainsi, la persistance des rhizobia est cruciale pour la nodulation, la fixation de l’azote et la productivité continue des légumineuses. Lorsque des rhizobia tolérants à l’acide ont été utilisés pour inoculer Medicago polymorpha dans un sol légèrement acide, la nodulation a été augmentée et a été supérieure à celle atteinte par aucune inoculation ou l’inoculation d’une souche sensible à l’acide (Denton et al., 2007). Cela indique la valeur de l’utilisation de souches qui sont bien adaptées aux conditions édaphiques. Dans cette optique, Diouf et al. (2005) ont montré que la symbiose rhizobienne joue un rôle vital sur l’augmentation de la croissance et la nutrition en azote et en phosphore des plants d’espèces d’acacia soumis à un stress salin mais que cet effet était plus marqué avec une double ou triple inoculation avec de microorganismes symbiotiques. Ainsi, la réduction de la croissance et la détérioration physiologique des espèces d’acacia induites par l’application de sel sont modérées par la présence de microsymbiontes spécifiques. Des études de Galiana et al. (1998), menées dans différents pays sur différents types de sol ont montré que l’inoculation avec des souches de rhizobia isolées à partir des zones naturelles de l’espèce hôte en Australie a un effet positif sur la croissance des arbres d’Acacia mangium. Ces mêmes auteurs ont trouvé que l’effet positif de l’inoculation avait persisté deux à trois ans après plantation des arbres in situ. Récemment, les études de Faye et al. (2006) et de Fall et al. (2007) ont montré que l’inoculation in situ des arbres matures d’A. senegal avec des souches de rhizobia sélectionnées, durant la saison des pluies augmente significativement la production de gomme arabique.
Acacia senegal
L’arbre d’Acacia senegal (L.) Willd. (Acacia verek Guill.et Perr) est très apprécié depuis des siècles pour l’alimentation sous forme de fourrage pour le bétail, la restauration de la fertilité des sols par la fixation de l’azote atmosphérique et les systèmes agroforestiers (Gaafar et al., 2006). En effet, il a une remarquable aptitude à fixer et à enrichir le sol en azote du fait de son association symbiotique avec des rhizobia et de la grande extension de son système racinaire (Vassal, 1985; Dione, 1986). Il est également utilisé pour la lutte contre la désertification grâce à son action sur la stabilisation des dunes de sable. L’espèce est appréciée également comme brise vent mais également pour la fourniture de bois de chauffage et de construction, et sa valeur ornementale. Cependant, la production de gomme arabique est de loin l’utilisation la plus importante d’A. senegal (Boer, 2002). Ainsi, A. senegal sert pour tous projets de revégétalisation.
Caractéristiques botaniques de l’arbre
A. senegal est un arbre de 2 à 6 m de hauteur, au port flabelliforme (Fig. 1). L’écorce est grise à brun rougeâtre, rugueuse ou lisse, et peut se desquamer. Les jeunes rameaux sont glabres à densément pubescents. Ils portent des aiguillons disposés par trois à l’insertion des feuilles et dont l’un, médian, est orienté vers le bas. Les aiguillons latéraux sont parfois absents. Les feuilles sont petites, vertes grises, bipennées, alternes et portent généralement 2 à 6 paires de pennes, elles-mêmes composées de 7 à 25 paires de foliolules. Le pétiole porte souvent des glandes. Les inflorescences pédonculées très odorantes, de couleur blanche sont sur des épis de 3 à 8 cm, insérées par 2 ou 3, ou isolées à l’aisselle des feuilles. Les fleurs blanchâtres ou crémeuses sont groupées en longs épis (jaunâtres) de 2 à 10 cm. Elles apparaissent en saison des pluies. Les fruits sont des gousses de 7 à 10 cm de long, de 2 cm de large, aplaties, finement pubescentes et grisâtres. La plupart du temps, elles se rétrécissent en pointes aux deux bouts et sont déhiscentes. Elles contiennent 3 à 6 graines aplaties, rondes, brunes claires .
Taxonomie
A. senegal (L.) Willd. est un arbre de la famille des Leguminoseae. Il appartient à la Sous Famille des Mimosoïdeae qui est constitué de trois tribus : les Acacieae (1200 espèces dans les régions tropicales et subtropicales) est le groupe le plus large; les Mimoseae (400 à 500 espèces) et les Ingeae (350 à 400 espèces). Le Genre Acacia compte douze espèces selon Vassal (1998). Les Acacias peuvent êtres regroupés en deux séries (Bentham, 1842):
– Les Vulgares qui sont des arbres, arbustes ou lianes sans épines stipulaires à aiguillons éparses ou infra stipulaires, dans laquelle on retrouve A. senegal.
– Les gummifères qui comprennent des arbres et arbustes non lianescents et à épines stipulaires plus ou moins développées, dépourvues d’aiguillons.
L’espèce comprend 4 variétés (Brenan, 1983) :senegal, kerensis Schweinf, rostrata Brenan et leiorachis Brenan. La variété senegal est la plus représentée en Afrique.
Diversité génétique des populations d’A. senegal
La diversité génétique et la structure de la population de la variété senegal de A. senegal ont été évaluées en utilisant les isoenzymes au Sénégal et une diversité faible a été notée (H=0,175); (Bergonzini & Joly, 1992; Chevallier et al., 1994). Une autre étude de différentiation des population dans la variété senegal avec des échantillons en provenance du Kenya, du Soudan, du Pakistan, du Mali et de la Mauritanie a montré une séparation claire entre les populations africaines de l’Ouest et de l’Est (Chevallier & Borgel, 1998), une distinction très probablement due essentiellement à la distance. Les travaux de Chiveu et al. (2008) sur les populations d’A. senegal du Kenya ont été effectués en utilisant les RAPD (random amplified polymorphic DNA) et ISSR (inter-specifique simple sequence repeat) et ont montré une diversité modérée (H=0,283). Cependant, cette étude n’avait pas fait de distinction entre les variétés bien que la gomme commercialisée produite au Kenya est entièrement de la variété kerensis (Omondi et al., 2010). Il existe donc des informations limitées sur les ressources génétiques d’A. senegal, variété Kerensis (Chikamai & Banks, 1993; Chikamai & Odera, 2002) contrairement à son importance biologique, sociale et économique. Pour autant, Omondi et al. (2010) ont montré une diversité génétique élevée, une différentiation génétique inter-populationnelle faible dans la variété kerensis d’A. senegal au Kenya.
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Table des matières
1. INTRODUCTION GENERALE
1.1. CONTEXTE DE L’ETUDE
1.2. PLAN DE LA THESE
2. CHAPITRE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
2.1. LES LEGUMINEUSES
2.1.1. Généralités sur les légumineuses
2.1.2. Impact de l’inoculation rhizobienne sur les légumineuses
2.1.3. Acacia senegal
2.2. TAXONOMIE BACTERIENNE
2.2.1. Méthodes génotypiques
2.2.2. Les rhizobia
2.3. SYMBIOSE LEGUMINEUSES-RHIZOBIA
2.3.1. Spécifité de la symbiose et mode d’infection des rhizobia
2.3.2. Etablissement de la symbiose
2.3.3. Autorégulation de la nodulation par la légumineuse
2.3.4. Fonctionnement de la symbiose fixatrice de N2
2.4. CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES SUR LA FIXATION BIOLOGIQUE DE L’AZOTE
2.4.1. Influence des caractéristiques du sol
2.4.2. Influence des facteurs climatiques
2.5. SYMBIOSE MYCORHIZIENNE
2.6. COMMUNAUTES MICROBIENNES DU SOL
2.6.1. Diversité génétique de la communauté microbienne
2.6.2. Diversité fonctionnelle de la communauté microbienne
2.6.3. Activité de la communauté microbienne du sol
3. CHAPITRE II : DISTRIBUTION ET DIVERSITE DES POPULATIONS DE RHIZOBIUM DES ZONES ARIDES ET SEMIARIDES DU SENEGAL ASSOCIEES A DIFFERENTES PROVENANCES D’ACACIA SENEGAL (L.) WILLD
3.1. INTRODUCTION
3.2. DEMARCHE EXPERIMENTALE
3.2.1. Caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques des sols
3.2.2. Piégeage des rhizobia
3.2.3. Isolement des rhizobia
3.2.4. Caractérisation de la diversité des isolats de rhizobium nodulant A. senegal dans les zones arides et semi-arides du Sénégal
3.3. RESULTATS
3.3.1. Caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques des sols
3.3.2. Piégeage des rhizobia du sol
3.3.3. Diversité génétique des souches de rhizobium nodulant A. senegal dans les zones arides et semiarides du Sénégal
3.3.4. Diversité phénotypique des rhizobia nodulant A. senegal dans les zones arides et semi-arides du Sénégal
3.3.5. Diversité symbiotique des souches de rhizobium nodulant A. senegal dans les zones arides et semiarides du Sénégal
3.4. DISCUSSION
3.5. CONCLUSION
4. CHAPITRE III : IMPACT DE L’INOCULATION AVEC DES SOUCHES DE RHIZOBIUM SELECTIONNEES SUR LA CROISSANCE DES PLANTS D’A. SENEGAL (L.) WILLD. ET LA DIVERSITE DES COMMUNAUTES BACTERIENNES ET LE BIO-FONCTIONNEMENT DU SOL RHIZOSPHERIQUE
4.1. INTRODUCTION
4.2. DEMARCHE EXPERIMENTALE
4.2.1. Germination des graines d’A. senegal
4.2.2. Inoculation des rhizobia
4.2.3. Dispositif expérimental
4.2.4. Analyse minérale des plants
4.2.5. Analyse de l’effet de l’inoculation sur la structure et la diversité de la communauté bactérienne rhizosphèrique
4.2.6. Mesure de l’effet de l’inoculation sur l’activité microbienne totale du sol rhizosphèrique
4.2.7. Analyse statistique
4.3. RESULTATS
4.3.1. Effet de l’inoculation rhizobienne sur la croissance et la nodulation des plants d’A. senegal
4.3.2. Impact de l’inoculation sur la communauté microbienne du sol rhizosphèrique
4.4. DISCUSSION
4.5. CONCLUSION
5. CONCLUSION GENERALE