Le Languedoc, plus gros bassin viticole français (FranceAgriMer, 2018), a connu des mutations importantes depuis une trentaine d’années. La fin de la rémunération au «kilo-degré », les primes à l’arrachage, la limitation des rendements en appellation, la restructuration variétale etc. illustrent les modifications profondes entreprises dans la région. Aujourd’hui, les objectifs et les défis sont multiples : changement climatique, adaptation aux marchés nationaux et internationaux, baisse généralisée des rendements, dégradation des sols… L’adaptation et les réponses à ces défis passeront principalement par l’actionnement de leviers viticoles.
Une fertilisation raisonnée et efficiente fait partie de ces leviers. C’est une dimension essentielle du maintien de la pérennité d’un vignoble et de l’obtention d’un vin de qualité. Satisfaire les besoins physiologiques de la vigne est essentiel pour répondre aux objectifs de production actuels et futurs.
L’enherbement est un autre levier. C’est un outil de gestion durable de la fertilité et du maintien des sols. Cependant sa mise en place et sa gestion demande une certaine expertise et son éventuel impact négatif sur le rendement, paramètre décisif de rentabilité, limite son adoption par la filière, notamment en régions méridionales.
C’est dans ce contexte que plusieurs structures de la filière languedocienne ont fondé la Société de Recherche et Développement Viticole (SRDV). Son objectif est d’initier et d’accompagner des réflexions nouvelles en matière viticole au travers d’outils d’aides à la décision performants. Elle s’appuie pour cela sur un cortège d’analyses : pétiolaire, sarment, sol, engrais. Reflets de la dynamique d’absorption minérale de la vigne et des éventuels déséquilibres, ces outils de diagnostic permettent de piloter les pratiques viticoles vers un équilibre physiologique satisfaisant. Ceci dans une approche agro-œnologique qui fait le lien entre viticulture et équilibre des vins.
L’assimilation minérale de la vigne est au cœur de la démarche de la SRDV. Elle est complexe et plusieurs facteurs biotiques et abiotiques entrent en jeu. L’enherbement, via son impact sur les propriétés du sol, peut modifier cette assimilation. Il convient donc d’étudier cet impact aux travers d’essais pour nuancer les analyses et les conseils en fonction des stratégies culturales et du millésime.
Les sols viticoles sont parmi les plus dégradés à cause du labour répété qui favorise l’érosion et la minéralisation du carbone organique (Komárek et al., 2010; Martıń ez Casasnovas and Sánchez-Bosch, 2000). Or, ils sont un facteur clé du terroir viticole (Van Leeuwen et al., 2018). Face à ce constat, une certaine prise de conscience voit émerger des pratiques culturales favorisant la conservation des sols, comme les couverts végétaux.
Un couvert végétal (exemple figure 1) est une culture visant à fournir des services écosystémiques non-marchand (SSSA, 2008). Sa mise en place s’inscrit dans la démarche actuelle d’agriculture de conservation des sols. En effet, « une gestion performante de la fertilisation des sols viticoles s’appuie en premier lieu sur la préservation de la fertilité et l’entretien des fonctionnalités naturelles des sols » (Lempereur et al., 2017). La réduction du travail du sol, la mise en place d’un couvert et son incorporation ont fait leur preuve comme mesures efficaces de conservation et de restauration d’un sol. Principalement via une augmentation de la MOS, une réduction de l’érosion et en préservant la fertilité biologique des sols (Lal, 2015). Plusieurs services et/ou dysservices agronomiques peuvent ainsi être attendus d’un enherbement (Garcia et al., 2018). La date et le mode de destruction du couvert (stratégie d’entretien) sont déterminants. Ils conditionnent en effet les services/dysservices obtenus.
Par ailleurs, dans un contexte réglementaire incertain, l’enherbement et le travail du sol peuvent se présenter comme des alternatives sérieuses au désherbage chimique en évitant le salissement.
➤ L’enherbement est une pratique agronomique qui permet la restitution progressive des potentialités du sol. Ce faisant, il fournit un ensemble de services agronomiques bénéfiques à l’équilibre nutritionnelle de la plante. Mais, sans gestion adaptative, il peut être source de dysservices et impacter négativement la nutrition minérale de la vigne.
Cette synthèse aborde dans un premier temps la physiologie de la vigne, plus précisément les mécanismes de sa nutrition minérale au cours du cycle végétatif. Dans un second temps, l’examen de l’ensemble des facteurs d’influences qui régissent cette nutrition permet finalement de s’intéresser à l’influence de l’enherbement.
Selon (Champagnol, 1984), dix-sept éléments sont essentiels au fonctionnement d’une plante et sont puisés dans le sol. Leur concentration et transport dans la plante sont finement régulés par l’homéostasie . Son maintien conduit à différents mécanismes de régulation dans le continuum sol-plante à travers les processus d’assimilation et de translocation (Marschner, 2011). Trois éléments organique, le Carbone (C), l’Oxygène (O) et l’Hydrogène (H) représentent plus de 90% des résidus secs (Delas, 2000).
La composition minérale varie cours du cycle en fonction des stades et des besoins : en début de cycle, les réserves assurent la redistribution des éléments minéraux, puis, une fois opérationnel, le système racinaire absorbe les éléments minéraux dissous sous forme ionique dans la solution du sol. A maturation, les feuilles adultes et les sarments élaborent et accumulent des métabolites qui migrent vers les organes en croissance ou les parties vivaces (Reynier, 2012). Les racines prélèvent l’eau et les éléments minéraux dont la plante a besoin par leurs poils absorbants, en contact avec la solution du sol. La diffusion de l’eau et des ions se fait par des mécanismes passifs et actifs. La phase d’absorption passive répond au principe de l’osmose et du différentiel de potentiel entre la solution du sol et la cellule racinaire. Le pompage actif résulte de l’énergie libérée au cours de la respiration. L’intensité de cette phase dépend de la température, de la teneur en O2 et de l’importance des réserves organiques (Reynier, 2012). Le mouvement ascendant de la sève brute, composée d’ions minéraux, d’eau, d’azote et de composés organiques, est dû en début de cycle à la poussée racinaire jusqu’à ce que la transpiration des feuilles soit suffisante pour être moteur de la nutrition.
L’assimilation de l’azote se fait sous deux formes ioniques : nitrates (NO3- ) et ammonium (NH4+ ). Le reste de la fraction azotée du sol est intégrée de manière réversible à la MO sous forme non assimilable et libérée par le processus de minéralisation (Morot-Gaudry, 1997). Il peut aussi être perdu par dénitrification. Deux pics d’absorption se distinguent. Le premier commence après le débourrement, s’intensifie à la floraison et pendant la croissance rapide des rameaux. La seconde phase dure de la véraison jusqu’à la chute des feuilles . Cette deuxième phase représente seulement 34% de l’assimilation totale de la saison.
La contrainte hydrique en conditions estivales limite la mobilité de NO3- en asséchant les sols. Cette assimilation est principalement stockée dans les racines. (Conradie, 1980). La fenêtre d’assimilation printanière, plus importante, est donc déterminante. Elle conditionne le développement du système foliaire et de la photosynthèse (l’Azote est un composé structurant majeur de la RuBisCO, enzyme de la photosynthèse). L’assimilation lors de cette phase assure donc le basculement vers l’autotrophie. Avec le phosphore, elle conditionne aussi la croissance racinaire, dont dépendra l’absorption hydrique et minérale (Dubernet et al., 2015). Plus tard dans le cycle, l’assimilation de l’azote participe au grossissement des baies et ensuite au bon déroulement des fermentations via les niveaux d’azote assimilable.
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Table des matières
Partie 1 Introduction
Partie 2 Contexte, état de l’art et problématique
2.1 L’enherbement en viticulture
2.2 Synthèse bibliographique : l’alimentation minérale de la vigne et l’enherbement
a) La nutrition minérale de la vigne
b) Facteurs d’influence de la nutrition minérale
c) Enherbement et travail du sol
2.3 Formulation de la problématique
a) Contexte Languedocien
b) Création de la Société de Recherche et Développement Viticole (SRDV)
c) Problématique
Partie 3 Matériels et méthodes
3.1 Dispositif expérimental
a) Parcelle à l’étude
b) Caractérisation agronomique du sol
c) Protocole expérimental
3.2 Mesures et méthodes de suivi
a) Suivi du couvert
b) Assimilation minérale
c) Évaluation de la vigueur et de la contrainte hydrique
d) Estimation du rendement
3.3 Stratégie d’analyse des données
Partie 4 Résultats et interprétations
4.1 Caractérisation des conditions pédoclimatiques, de l’évolution du couvert
a) Caractérisation du millésime 2020
b) Suivi du couvert végétal
c) Assimilations minérales
4.2 Vigueur et statut hydrique
a) Mesures liées à la vigueur et à la canopée
b) Mesures liées à l’état hydrique
c) Rendement
4.3 Mise en relation avec les autres indicateurs viticoles et œnologiques
Partie 5 Limites, perspectives et conclusion de cette étude
5.1 Limites à l’interprétation des résultats et perspectives
a) Limites
b) Perspectives
5.2 Conclusion
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