Impact de l’engagement visuelle du conducteur sur la conscience de la situation et la qualité de reprise en main

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Phénomène de sortie de boucle

Cette section présente la définition du concept de la sortie de boucle (section A.3.1), puis le lien entre la sortie de boucle et les différents niveaux d’automatisation (section A.3.2). La section aborde également le concept de la conscience de la situation et son lien avec la sortie de boucle (cf. section A.3.3), les déterminants internes au conducteur de la sortie de boucle (cf. section A.3.4), et enfin l’impact du phénomène de la sortie de boucle sur les performances de conduite (cf. section A.3.5).

Définition

La première référence au phénomène de la sortie de boucle apparaît en 1972 (Meilander, 1972) dans le contexte de l’automatisation de l’aéronautique (pilote automatique). Le pilote n’a plus besoin de piloter l’avion et peut donc être laissé hors de la boucle de pilotage. Des premières recherches ont examiné la conséquence de la sortie de boucle sur la capacité des pilotes à détecter des changements de la dynamique de l’avion. Les pilotes en dehors de la boucle de contrôle détectaient les changements plus lentement que les pilotes qui contrôlaient manuellement l’avion (Wickens, 2002; Wickens & Kessel, 1979; Wickens & Kessel, 1981). Endsley & Kiris (1995) et Kaber & Endsley (1997) sont les premiers à avoir formalisé le concept de la sortie de boucle : « lorsqu’un opérateur est sorti d’une boucle de contrôle du fait de la délégation d’une partie de ses fonctions à un automate, le niveau d’interaction système-humain est limité, et par conséquent la connaissance de l’état du système par l’opérateur peut être réduite » (page 127). La capacité des opérateurs humains à intervenir dans les boucles de contrôle du système, pour reprendre le contrôle manuel lorsque cela est nécessaire, est diminuée. En plus des retards dans la détection d’un problème nécessitant une intervention, les opérateurs peuvent avoir besoin d’une plus grande période de temps pour réorienter leur attention vers l’état actuel du système et développer une compréhension suffisante de l’état afin d’agir de manière appropriée. Ce retard peut empêcher les opérateurs d’exécuter les tâches qu’ils sont tenus de réaliser ou diminuer l’efficacité des mesures prises pour reprendre le contrôle (Kaber & Endsley, 2004).
En conduite automobile, la référence à la problématique de la sortie de boucle est employée dès que le conducteur n’a plus le contrôle du véhicule (Brookhuis et al., 2001). Comme pour l’aéronautique, la problématique est appliquée aux véhicules équipés de systèmes automatisés et est due au changement de rôle du conducteur, d’un rôle d’acteur à un rôle de superviseur du système et de l’environnement routier (Strand et al., 2014). La sortie de boucle ne se limite pas à l’aspect physique de l’activité de conduite mais également à un aspect cognitif lié à la surveillance de l’automate/ou de la scène de conduite (Louw & Merat, 2017; Radlmayr et al., 2014).
En 2019, une communauté scientifique a proposé une définition de référence de la sortie de boucle (Merat et al., 2019). Cette définition s’organise autour de 3 niveaux de la sortie de boucle (cf. Figure A.8). Le 1er niveau est appelé « dans la boucle », le conducteur contrôle manuellement le véhicule et effectue les opérations de surveillance. Au 2ème niveau, le conducteur est « sur la boucle », il n’a plus le contrôle du véhicule cependant il doit continuer à surveiller l’environnement de conduite. Le 3ème niveau correspond à un état « hors de la boucle », le conducteur ne contrôle pas le véhicule et ne surveille pas la route, ou le conducteur contrôle le véhicule mais ne surveille pas la route.
La section suivante présente les liens entre la sortie de boucle de conduite et les différents niveaux d’automatisation (SAE). L’objectif est de définir, en fonction du niveau d’automatisation, dans quels niveaux de sortie de boucle les conducteurs peuvent se trouver.

Sortie de boucle et niveaux d’automatisation

L’avantage de cette définition est qu’elle s’adapte à l’automatisation des véhicules. Avec une conduite manuelle (SAE niveau 0-1), le conducteur est dans la boucle. Par contre si une distraction détourne l’attention du conducteur de la route, il est considéré comme hors de la boucle.
Au niveau 2, le conducteur est censé superviser la route ce qui le place sur la boucle.
Cependant, s’il ne le fait pas, il sera considéré hors de la boucle.
Au niveau 3, la supervision continue de la route est également déléguée à l’automate, le conducteur n’a pas d’obligation de regarder la route. Le conducteur est alors considéré comme hors de la boucle. Cependant, il doit être capable de reprendre le contrôle du véhicule si l’automate le requiert. Autrement dit, il doit être capable de revenir sur, puis dans la boucle en un temps donné.
A partir du niveau 4, l’automate est capable de gérer le véhicule dans toutes les situations (avec un domaine de validité plus restreint pour le niveau 4 comparé au niveau 5). Aux niveaux 4 et 5, le conducteur peut rester hors de la boucle en permanence sans compromettre sa sécurité. Que le conducteur soit en niveau 2 ou niveau 3, il n’a plus le contrôle physique du véhicule. D’après l’effet du niveau d’automatisation sur le modèle de Michon (1985) (cf. Figure 4 et cf. Figure 5), cette perte de contrôle correspond à la perte du niveau opérationnel. Pour ces deux niveaux, c’est la supervision de la route par le conducteur qui va permettre de déterminer si le conducteur est sur la boucle ou hors de la boucle de conduite. Si le conducteur supervise la route, il va pouvoir construire la conscience de la situation (section A.3.3).
La conscience de la situation
La conscience de la situation est décrite comme « la perception des éléments dans l’environnement dans un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification et la projection de leur statut dans le futur proche » (Endsley & Kiris, 1995). Endsley propose un modèle à trois niveaux : la perception, la compréhension et la projection. Au premier niveau, l’opérateur va percevoir l’état, les attributs et la dynamique des éléments nécessaires à la réalisation de son but. Au niveau intermédiaire, les éléments vont être interprétés en fonction des objectifs de l’opérateur. Au dernier niveau, à l’aide des connaissances acquises grâce au niveau 1 et 2, l’opérateur va pouvoir anticiper l’influence des éléments perçus sur son environnement futur (cf. Figure A.9). Appliqué à la conduite, au niveau 1, le conducteur va être conscient de la présence d’autres usagers autour de lui mais ne sera pas capable d’anticiper leurs trajectoires et leurs impacts sur son environnement futur. Dès le niveau supérieur, il va être capable de comprendre les actions des autres conducteurs. Au dernier niveau, le conducteur va projeter ces actions dans les secondes suivantes et va pouvoir adapter son comportement à cette projection.
Les niveaux de la conscience de la situation sont hiérarchiquement dépendants. Une mauvaise perception des éléments dans l’environnement (SA niveau 1), amène à une interprétation incomplète de la situation (SA niveau 2) et donc à une projection inadéquate (SA niveau 3). A l’inverse, une projection erronée (niveau 3 SA), peut amener à une mauvaise interprétation des éléments du niveau 2 et à une perception inexacte des éléments dans l’environnement (niveau 1 SA) (Ward, 2000). Par exemple, lors de la conduite sur une route en dévers, le véhicule se déplace latéralement. Le conducteur doit percevoir le déplacement latéral du véhicule (SA niveau 1) et comprendre la cause (SA niveau 2). Au niveau 3 SA, le conducteur doit anticiper l’effet futur du déplacement latéral du véhicule. A la fin de ces 3 étapes, le conducteur prend la décision nécessaire pour corriger la direction du véhicule. De même, si le modèle mental de l’itinéraire n’est pas correct (SA niveau 3), les éléments du contexte routier seront mal interprétés (SA niveau 2) et la perception des éléments (SA niveau 1) sera guidée par le modèle mental inadapté. L’activité de conduite dépend donc d’une connaissance adéquate de la situation à tous les niveaux (cf. Figure A.10).
En conduite manuelle, la réalisation d’une tâche secondaire ou même simplement discuter avec une autre personne peut affecter négativement la conscience de la situation (Gugerty et al., 2003; Heikoop et al., 2018; Kass et al., 2007; Ma & Kaber, 2005). Lorsque les conducteurs choisissent de réaliser une activité non liée à la conduite (conduite niveau 3 SAE), la conscience de la situation est détériorée dû à une surveillance de la route moins efficace (Carsten et al., 2012; Merat et al., 2012). Yang et al. (2020) ont comparé l’impact de différentes activités non liées à la conduite lors d’une conduite automatisée de niveau 3. Ils ont mis en évidence que lors de la réalisation d’activités avec une interaction active (jouer à un jeu vidéo ou répondre à un questionnaire sur une tablette), les conducteurs étaient moins sensibles au changement de la situation de conduite comparé aux conducteurs qui avaient des activités passives (lire l’actualité ou regarder un film sur une tablette). Ce qui suggère que l’activité active aurait un impact négatif plus important qu’une activité passive sur la conscience de la situation.
La capacité des conducteurs à percevoir des dangers est un concept proche de la conscience de la situation (Horswill & Mckenna, 2004). Elle se traduit par la capacité à détecter des indices montrant qu’une situation dangereuse est potentiellement en train de se développer. Des études ont montré un risque de collision plus élevée lorsque les conducteurs ont de mauvaises capacités de détection d’aléas (Horswill & Mckenna, 2004; Horswill et al., 2015), une faible expérience de conduite (Scialfa et al., 2012) ou sont distraits (Borowsky et al., 2015). Samuel et al., (2016) ont étudié la détection de danger chez les jeunes conducteurs. Les conducteurs réalisaient une activité non liée à la conduite sur une tablette en console centrale pendant une conduite autonome de niveau 3 lorsqu’il leur a été demandé de reprendre en main le véhicule. Les auteurs ont manipulé différents temps de transition (2s, 4s, 6s, 8s et 12 secondes) entre la conduite automatisée et la conduite manuelle. Leurs résultats ont montré qu’à partir de 8 secondes, le nombre de danger détecté n’augmentait plus et était similaire au nombre de danger détecté en conduite manuelle. Les conducteurs novices avaient donc besoin de 8 secondes pour reconstruire une conscience de la situation de façon comparable à celle d’une conduite manuelle. Wright et al., (2016) ont reproduit l’étude de Samuel et al., (2016) avec des conducteurs plus expérimentés et montré que ces conducteurs n’avaient besoin que de 6 secondes pour reconstruire la conscience de la situation.
Il existe plusieurs façons de mesurer la conscience de la situation. La première consiste à utiliser la méthode des sondes. Une des méthodes des sondes est le rappel impromptu. Elle a été mesuré par la première fois à l’aide du SAGAT (« Situation Awareness Global Assessement Technique » – technique d’évaluation globale de la conscience de la situation) (Endsley, 1995).
Endsley (1995) a utilisé cette technique lors de l’entraînement de pilote de ligne sur simulateur. A un moment du vol, les écrans étaient coupés et des questions sur la conscience de la situation étaient posées aux pilotes. Les réponses étaient enregistrées et comparées à la réalité pour calculer un score de conscience de la situation. L’avantage de cette méthode est qu’elle est directe et objective. Cependant, elle est difficile à mettre en place pendant la réalisation d’activité dans le monde réel. Un autre désavantage est que cette méthode s’appuie sur la mémoire et qu’un faible rappel des éléments de l’environnement peut impliquer des difficultés de rappel de ces éléments plutôt qu’une faible conscience de ces éléments. La seconde technique de sondes est utilisée en temps réel. Des questions sur la conscience de la situation sont posées pendant la réalisation de la tâche sans interruption de cette dernière. La conscience de la situation est évaluée à l’aide de la méthode d’évaluation de la situation actuelle (SPAM) (Durso et al., 1999). Cette méthode utilise le temps de latence de la réponse aux questions sur la conscience de la situation comme variable dépendante et ne s’appuie pas sur le rappel des éléments en mémoire. L’avantage de ce questionnaire est qu’il permet de récupérer la conscience de la situation pendant l’activité en cours. Cette méthode ne peut être appliqué que dans des environnements facilement prévisibles car les questions doivent être générées en temps réel. L’autre difficulté vient du fait que poser des questions sur la conscience de la situation pendant la réalisation de l’activité peut amener les sujets à réorienter leur attention vers les informations pertinentes à la question.
Le SART (technique d’évaluation du taux de conscience) permet de récupérer un score de conscience de la situation basé sur des mesures subjectives à la fin de l’exécution de la tâche (Taylor, 2011). L’avantage de cette technique est qu’elle ne gêne pas l’exécution de la tâche en cours car le questionnaire est passé à la fin de la réalisation de la tâche. Un des inconvénients est similaire à la méthode des sondes avec le rappel impromptu. Le score de la conscience de la situation peut refléter les capacités mémorielles et non pas la conscience de la situation sur laquelle les questions sont posées. De plus, les scores peuvent être influencés par la perception que les sujets ont de leur performance.
L’échelle d’évaluation comportementale de la conscience de la situation (SABARS) est une méthode basée sur l’observation du sujet par un expert. Le score de la conscience de la situation est obtenu sur la base des observations du comportement lors de la réalisation d’une activité. La notation de l’observateur se fait à l’aide d’une échelle de notation en cinq points (Matthews & Beal, 2002). Cette méthode présente l’avantage de ne pas être intrusive. Cependant, un point faible réside dans le fait qu’il peut être difficile pour des observateurs d’évaluer les processus internes de la conscience de la situation des participants. Un autre biais possible est la modification du comportement du participant dû au fait qu’il prend conscience d’être observé.
Une autre méthode consiste à enregistrer les mesures physiologiques du participant lors d’une activité pour estimer son niveau de conscience de la situation. Zhang et al. (2020), dans une revue de la littérature, se sont intéressés au lien entre les mesures physiologiques indirectes et les mesures directes de la conscience de la situation. Les 25 études analysées avaient au moins utilisé une technique d’évaluation directe de la SA, ainsi qu’au moins une mesure physiologique, et avaient fait la corrélation entre les deux mesures. Seize articles ont utilisé des données oculaires, 6 des données cardiovasculaires et 5 d’autres types de données physiologiques (activité électrodermale, respiration, …). Parmi les articles retenus, deux articles concernaient la conduite. Le premier utilisait les données oculaires. Le comportement oculaire peut être enregistré à l’aide d’un oculomètre ou de lunettes d’oculomètrie. Kunze et al. (2019), en conduite autonome, ont montré que lorsque le temps de fixations des conducteurs sur l’activité non liée à la conduite était plus faible alors le score au SAGAT était plus élevé, et les conducteurs présentaient donc une meilleure conscience de la situation dans les 40 secondes avant la demande de reprise en main. Plus récemment, Liang et al. (2021) ont montré que regarder la scène de conduite plus longtemps et avoir une plus grande dispersion visuelle contribuaient à obtenir des scores plus élevés au SAGAT, et par conséquent une meilleure conscience de la situation des conducteur en conduite autonome. Une des difficultés de cette méthode est qu’il peut être compliqué de mettre en place des systèmes d’enregistrement oculaire dans des voitures ou de demander à des conducteurs de porter des lunettes pour enregistrer leurs données oculaires. De plus, il est nécessaire d’évaluer la conscience de la situation du participant en tenant compte des éléments présents dans l’environnement. De plus, il est possible qu’un participant fixe un élément de son environnement sans le percevoir. Ce phénomène « regarder mais ne pas voir » est un facteur de risque lors de la conduite (Brown et al., 2005; Koustanai et al., 2008).
La conscience de la situation est donc importante pour savoir si le conducteur est soit dans la boucle soir sur la boucle soit hors de la boucle de conduite. L’état interne des conducteurs peut être à l’origine de la baisse de la conscience de la situation, ce que la section suivante va aborder maintenant.
Facteurs internes au conducteur déterminant pour la sortie de boucle
Dans cette section, on s’intéressera aux états internes du conducteur qui peuvent être à l’origine de la dégradation de la conscience de la situation et donc de la sortie de boucle du conducteur. La première sous-section (cf. section A.3.4.1) concernera la complaisance et la confiance, la deuxième (cf. section A.3.4.2) se focalisera sur la somnolence et la dernière (cf. section A.3.4.3) sur le vagabondage de la pensée
Complaisance et confiance
La complaisance est le phénomène selon lequel les opérateurs adoptent des comportements non adaptés basés sur la confiance excessive envers les capacités du système automatisé en raison d’une minimisation de la probabilité de défaillance de l’automatisation (Innes-Jones & Scandpower, 2012; Moray & Inagaki, 2000; Parasuraman et al., 1993). La survenue de la complaisance arrive quand certaines conditions sont remplies : (1) un opérateur surveille un système automatisé, (2) le comportement de surveillance du système est sous-optimale ou inférieure à un taux normatif et (3) la surveillance sous-optimale entraîne une baisse de la performance (Parasuraman & Manzey, 2010). Körber et al. (2018) sur un simulateur de conduite ont montré que les conducteurs qui avaient le plus confiance dans le véhicule automatisé passaient moins de temps à regarder la route et plus de temps à regarder l’activité non liée à la conduite. Les conducteurs les plus confiants avaient également moins bien réussi l’évitement d’un obstacle suite à une demande de reprise en main avec un temps de reprise en main plus élevé et un temps à la collision (i.e., le temps restant avant l’accident si la trajectoire des véhicules et la vitesse des véhicules sont maintenues (Naseralavi et al., 2013)) plus faible que les groupes ayant une confiance inférieure dans le système. De plus, ils ont également eu plus de collisions avec l’obstacle. Banks et al. (2018) ont analysé des vidéos d’une étude sur route avec un modèle Tesla S. Avec ce modèle, quand les conducteurs activent l’autopilot (Niveau 2 SAE), ils peuvent retirer les mains du volant et les pieds des pédales. Cependant, ils doivent continuer à surveiller l’environnement routier et être prêt à reprendre le contrôle du véhicule si l’autopilot le demande. L’analyse des vidéos a montré que les conducteurs avaient des comportements révélateurs de complaisance et d’excès de confiance envers le système automatisé. De plus, les conducteurs qui font preuve de confiance excessive envers le système automatisé montrent un déficit d’attention envers les systèmes automatisés à la faveur d’autres tâches ou activités (Manchon et al., 2021; Parasuraman & Manzey, 2010) et montrent également un manque de compréhension de ces systèmes dû au manque d’attention (Choi & Ji, 2015).
Pendant la conduite autonome de niveau 4, le niveau de confiance des conducteurs, pour la conduite autonome, augmente même si les conducteurs sont, à priori, méfiant envers la conduite autonome (Manchon et al., 2021).
La confiance peut être évalué de deux manières : la première méthode utilise des questionnaires (méthode subjective) et la seconde est basée sur les indicateurs comportementaux (mesures objectives). Pour la méthode subjective la confiance est mesurée à l’aide de questionnaire de (Jian et al., 1998, 2000; Lee & Moray, 1994; Madsen & Gregor, 2000; Muir & Moray, 1996; Singh et al., 1993). Plus récemment, Merritt et al. (2019) ont développé une nouvelle mesure appelé AICP-R (Automation Induced Complacencey Potential Revised Scale) en proposant une version améliorée du questionnaire de Singh et al. (1993). L’objectif de cette mesure est d’être plus générale vis-à-vis de l’automatisation et non spécifiques à certains technologies comme l’est l’échelle de Singh et al. (1993).
La confiance peut également être mesurée à l’aide de mesures comportementales. Des études ont montré que la surveillance du système automatisé est négativement corrélée avec la confiance dans le système (Hergeth et al., 2016). De plus, les conducteurs qui ont davantage confiance dans le système, surveillent moins la route, et prêtent plus d’attention aux activités non liées à la conduite (Walker et al., 2018). A l’opposé, un manque de confiance dans le système est lié avec une augmentation de la surveillance de ce dernier (Robert 2016).
La somnolence
Carskadon & Dement (1982) ont défini la somnolence comme la tendance à s’endormir. C’est un état psychophysiologique intermédiaire entre l’éveil et le sommeil, qui réduit le niveau de conscience et d’alerte d’une personne. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la survenue de la somnolence : un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité (Maia et al., 2013; Otmani et al., 2005), les horaires de conduite (Horne & Reyner, 1999; Pack et al., 1995), la durée de la conduite (Otmani et al., 2005), l’environnement de conduite (Philip et al., 2010), la consommation de substances tel que l’alcool (Ebrahim et al., 2013) ou les médicaments (Amato, 2011), la personnalité (Karrer-Gauß et al., 2004; Thiffault & Bergeron, 2003) et l’âge (Philip et al., 2004, 2010). La somnolence s’accompagne de différents symptômes : réduction du tonus musculaire, bâillements répétés, difficulté à garder les yeux ouverts, modification du rythme cardiaque et respiration, …
D’après l’Association Française de la sécurité des autoroutes, la somnolence et la fatigue sont la première cause d’accidents mortels et représentent 22% des accidents mortels sur les autoroutes. MacLean et al. (2003) suggèrent que 20% des accidents sont directement liés à la somnolence. La somnolence est à l’origine d’une détérioration de la qualité du changement de voie (Arnedt et al., 2001; Lenné et al., 1998; Skipper & Wierwille, 1986), d’une variabilité plus élevée de la vitesse et de la position dans la voie (Arnedt et al., 2000, 2001; Hack et al., 2001; Haraldsson et al., 1990; Juniper et al., 2000) ainsi qu’une augmentation du temps de réaction (Haraldsson et al., 1990) et des sorties de la route (Arnedt et al., 2000, 2001; Hack et al., 2001; Haraldsson et al., 1990; Juniper et al., 2000).
En conduite autonome sans activité, la somnolence apparaît plus rapidement qu’en conduite manuelle et certains conducteurs en conduite autonome ferment les yeux pendant de longues périodes de temps (Schömig et al., 2015; Vogelpohl et al., 2019). Merlhiot & Bueno, (2021) ont réalisé une méta-analyse de 14 articles sur comment la somnolence et la distraction peuvent interférer avec la performance de la reprise en main. Ils ont mis en évidence une augmentation du temps de réaction de 0,89 seconde en moyenne lors de la reprise en main en présence de somnolence. Seulement 42% des études ont montré une augmentation significative du temps de réaction lors de la reprise en main et un tiers des études ont montré un effet négatif significatif de la somnolence sur l’accélération longitudinale et latérale lors de la reprise en main. Deux études ont montré une augmentation du taux de collision avec la somnolence (Feldhütter et al., 2019; Wu et al., 2020) et une n’a trouvé aucun effet (Feldhütter et al., 2018).
Il est possible d’évaluer la somnolence à l’aide de l’évaluation subjective. L’échelle la plus utilisée est l’échelle de somnolence de Karolinska (KSS). Les participants doivent évaluer leur niveau de somnolence sur une échelle de 1 à 9. Une autre échelle, l’échelle de Stanford, permet d’évaluer la somnolence de 1 à 7. Ces échelles ont l’avantage d’être faciles à mettre en place cependant les participants peuvent avoir des difficultés à évaluer leur niveau de somnolence avec la KSS lorsque l’expérience dure plus de 3h (Friedrichs & Yang, 2010; Schmidt et al., 2009). L’évaluation subjective peut être intrusive si le participant doit rapporter son niveau de somnolence à un intervalle régulier et il n’est pas possible de connaître le niveau de somnolence en continu. Une autre possibilité est de réaliser un codage vidéo. (Wierwille & Ellsworth, 1994) ont proposé une échelle « Trained observer rating » permettant de classer l’état du conducteur de façon continue de « alerte » à « extrêmement somnolent ». L’avantage de cette analyse repose sur l’ensemble des comportements mais est très coûteuse en post-traitement et nécessite au moins un observateur expert.
L’état de somnolence s’accompagne par des changements psychophysiologiques, il est donc possible de l’étudier à travers des mesures physiologiques telle que l’activité cérébrale (Liu et al., 2009; Otmani et al., 2005). Ces mesures ont l’avantage d’être des indicateurs directs de l’activité cérébrale. Cependant la technique est invasive, demande une pose précise d’électrodes et peut être bruitée par les mouvements du participant. Un autre indicateur physiologique est l’activité cardiaque avec une diminution de la fréquence cardiaque lors de l’augmentation de la somnolence (Lal & Craig, 2001). Le rythme cardiaque présente l’avantage d’être enregistré avec des systèmes moins complexes que les dispositifs enregistrant l’activité cérébrale. Cependant, le signal cardiaque peut être bruité par les mouvements du conducteur ou peut être modifié par la prise de substance (drogue, alcool, médicament). Le rythme cardiaque peut être identique entre différents états du participant et il peut être compliqué de l’associer au niveau de somnolence sans autres méthodes. Wierwille & Ellsworth (1994) ont utilisé le PERCLOS (pourcentage de temps passé avec l’œil fermé) pour mesurer la somnolence. Ils ont considéré le conducteur comme étant somnolent lorsque que le PERCLOS dépassait 80%, c’est-à-dire, lorsque l’œil du sujet participant est fermé plus de 80% du temps. Les données oculaires ont l’avantage de pouvoir être enregistrées à l’aide de système non-invasif.
Les mesures basées sur les données du véhicule peuvent servir à la détection de la somnolence. Ingre et al. (2006) ont trouvé des estimations numériques précises de la déviation de la position latérale du véhicule dans la voie en fonction des niveaux de somnolence mesurés à l’aide de l’échelle KSS. La déviation latérale augmente de façon progressive en fonction du niveau de l’échelle KSS. Thiffault & Bergeron, (2003) ont distingué les mouvements du volant entre petit (de 1 à 5 degrés) et grand (de 6 à 10 degrés). Leurs résultats ont montré une augmentation du nombre de grand mouvement et une diminution des petits mouvements avec l’augmentation de la durée de la conduite monotone. Ces méthodes ont l’avantage d’être non invasives. Par contre, elles sont dépendantes de l’environnement et notamment de la détection du marquage par le conducteur (par exemple, si les marquages sont peu visibles, le conducteur peut réaliser des mouvements similaires à la conduite monotone).

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Table des matières

Introduction générale..
A. État de l’art 
A.1. Activité de conduite manuelle
A.2. Activité de conduite automatisée
A.3. Phénomène de sortie de boucle
A.4. Vision, activité cardiaque et conduite
B. Objectifs et organisation de la thèse
B.1. Charge mentale induite par l’activité non liée à la conduite et qualité de reprise en main
B.2. Conscience de la situation et qualité de reprise en main.
B.3. Influence du niveau d’automatisation sur le vagabondage de la pensée.
C. Matériel 
C.1. Simulateur de conduite.
C.2. IHM du système automatisé.
C.3. Oculomètre Smart Eye Pro.
D. Expérimentation 1 : Effet de la distraction du conducteur sur la charge mentale et la qualité de reprise en main
D.1. Objectifs et hypothèses
D.2. Méthodes.
D.3. Analyse des données
D.4. Résultats.
D.5. Discussion et conclusion.
E. Expérimentation 2 : Impact de l’engagement visuelle du conducteur sur la conscience de la situation et la qualité de reprise en main .
E.1. Objectifs et hypothèses.
E.2. Méthodes.
E.3. Analyse des données.
E.4. Résultats
E.5. Discussion et conclusion.
F. Expérimentation 3 : Effet du niveau d’automatisation sur l’évolution du vagabondage de la pensée
F.1. Objectifs et hypothèses.
F.2. Méthodes.
F.3. Analyse des données.
F.4. Résultats
F.5. Discussion et conclusion.
G. Discussion générale
G.1. Activité non liée à la conduite et qualité de reprise en main
G.2. Vagabondage de la pensée et niveau d’automatisation.
G.3. Perspectives et recommandations.
Conclusion..
Liste des figures
Liste des tables…
Références.

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