Impact de l’atelier sur les soignants
Le handicap psychique
Les psychiatres ont pris en compte, plus tôt que d’autres spécialistes, l’impact de la maladie sur la vie sociale. Au milieu du XXème siècle, les propositions de soins se préoccupent de plus en plus du handicap lié au trouble psychique, par des mesures d’accompagnement spécifiques, et basées sur l’adaptation à l’environnement [4]. La notion de handicap psychique apparaît dans la loi du 11 février 2005 [5] ainsi : « Art. L.114. – Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Le handicap physique est reconnu depuis plus longtemps que le handicap psychique, ce dernier étant moins visible et plus difficile à quantifier. De plus en plus d’auteurs ont étudié ce handicap, afin de pouvoir en comprendre les mécanismes, en mesurer l’impact, et proposer les aides humaines et financières les plus adaptées.
Les pathologies psychiatriques les plus fréquemment responsables d’un handicap psychique sont les troubles délirants, les troubles dépressifs graves, les troubles bipolaires, les troubles obsessionnels compulsifs graves, les troubles graves de la personnalité, les troubles du spectre autistique [6]. Au départ, le handicap psychique est principalement corrélé à la symptomatologie (intensité, type, …) du trouble psychiatrique. Secondairement, des auteurs y associent également le déficit cognitif accompagnant les pathologies psychiatriques. La remédiation cognitive, ainsi que les nouveaux traitements psychotropes, réduisant de manière significative la symptomatologie, ont permis d’améliorer l’impact du handicap psychique chez les patients en psychiatrie. Ces deux dimensions ne sont toutefois pas suffisantes pour caractériser le handicap psychique. Des auteurs ont identifié une dimension supplémentaire qui semble avoir un impact significatif sur le handicap : le retentissement fonctionnel. Pachoud, Leplège et Plagnol [7] ont répertorié les éléments faisant le plus souvent référence au retentissement fonctionnel dans la littérature :
« – la qualité de vie subjective – l’insertion professionnelle – l’étendue et la qualité des relations sociales (ou de la vie relationnelle) – l’autonomie ou l’indépendance dans la vie quotidienne ».
Ces éléments sont intéressants dans le domaine de la recherche afin de pouvoir mesurer l’efficacité d’une pratique donnée, mais également pour améliorer l’accompagnement des patients en leur proposant des aides les plus adaptées à leur situation.
Tenir compte du handicap dans la prise en charge Dans son utilisation courante, ce qui guérit ou soulage les pathologies psychiatriques est considéré thérapeutique. Peut-on alors qualifier de thérapeutique ce qui diminue le handicap psychique ? Les patients en psychiatrie peuvent être désinsérés socialement. Agir sur cet aspect du handicap, sans se substituer à l’assistance, peut diminuer considérablement le recours aux soins en psychiatrie. La prise en charge au long cours des patients en psychiatrie n’est pas toujours simple. Les décisions politiques sont en faveur d’une prise en charge de plus en plus ambulatoire. Il convient de faire des propositions thérapeutiques pertinentes pour ces patients, et les ateliers thérapeutiques à médiation en font partie.
Le rapport des soignants avec les patients suivis au long cours est complexe. L’équipe peut renvoyer inconsciemment au patient son handicap, son désavantage, en se positionnant naturellement comme non porteur de handicap et détenant une forme de savoir. La parole du patient se retrouve même parfois disqualifiée. Ces situations sont fréquentes lorsque le patient n’est pas hospitalisé de son plein gré. Dans les pathologies psychiatriques qui sont les plus pourvoyeuses de handicap psychique, l’objectif thérapeutique qui vise à diminuer les symptômes de la maladie est essentiel dans la prise en charge. Le patient peut ainsi voir une partie de ses symptômes disparaître mais pas son statut de malade en psychiatrie. Les thérapies proposées sont indispensables, et elles doivent comporter des espaces où la rencontre avec le patient peut avoir lieu. Les ateliers à médiation corporelle sont un lieu de rencontre permettant une amélioration de l’estime de soi et où le travail s’oriente aussi sur les aspects du retentissement fonctionnel de la pathologie. Ils peuvent donc avoir un impact sur le handicap psychique.
Appropriation de son corps, individuation et identité L’enfant qui naît, afin de devenir un être singulier et de s’individualiser, se rassemble, s’unit, se différencie. Initialement, le bébé différencie difficilement son corps avec celui de la mère, mais peu à peu il se pense, comme un sujet, et en s’appropriant son corps, il se détache de celui de sa mère. Le rôle d’un tiers est primordial dans ce processus de séparation afin d’éviter la fusion ou la confusion [13]. A l’adolescence, le corps est le siège de toutes les transformations pubertaires, et l’adolescent se différencie, se singularise, s’individualise et revendique son individualité à travers son corps. Lesage [8] évoque un « ancrage corporel de l’identité ». L’identité et le corps sont liés, et la désorganisation du corps constatée chez les patients traduit des troubles de l’identité. Selon lui, différents niveaux de désordres identitaires existent : « émotionnel, imaginaire, relationnel et cognitif ». Toutefois, l’identité est un terme utilisé très couramment et se rapporte à de très nombreuses notions différentes selon les domaines qui l’emploient. En présenter une définition unique est donc impossible. Sur le plan social, l’identité, employée au Moyen Âge, se réfère à la conformité au groupe [14]. Pour Baudry et Juchs [15], la notion d’identité permet de placer l’individu dans le groupe, ou dans la société, vise « à penser le collectif dans le singulier », et 12 renvoie à une appartenance. Sur le plan psychanalytique, l’identité n’apparaît pas dans les concepts de base. Identité, selon l’étymologie, provient du latin idem, signifiant « le même ». Lesage fait-il allusion à la singularité ou à la normalisation des corps ? L’identité fige, n’explore pas le mouvement perpétuel de l’être humain. De plus, ce terme s’oppose à la singularité de chaque être humain.
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
RESUME
INTRODUCTION
LE HANDICAP ET LA PSYCHIATRIE
1. Généralités
2. Le handicap psychique
3. La stigmatisation
4. Tenir compte du handicap dans la prise en charge
LE TRAVAIL CORPOREL EN PSYCHIATRIE
1. Le corps en psychiatrie
1.1. Le Moi-Peau
1.2. La construction du corps
1.3. Appropriation de son corps, individuation et identité
1.4. Le Langage du corps
2. Les thérapies psychocorporelles
2.1. La psychomotricité
2.2. Les différents types de médiation corporelle
2.3. Le théâtre et la danse
LA DANSE CONTEMPORAINE ET LA PSYCHIATRIE
1. La danse contemporaine
1.1. Historique
1.2. Définition
1.3. Caractéristiques
2. La danse à des fins thérapeutiques
2.1. Historique
2.2. Les différents types de danse-thérapie et d’ateliers de danse à visée thérapeutique
2.3. Cadre thérapeutique
2.4. Déroulement des séances
2.5. Intérêt thérapeutique de la danse
2.5.1. Généralités
2.5.2. La fonction narrative de la danse
2.5.3. Le processus créatif
2.5.4. Structuration psychocorporelle
2.5.5. La fonction groupale
2.5.6. Intérêt du cadre thérapeutique
2.5.7. Impact de la représentation sur les patients
2.6. La fonction de l’intervenant
3. Atelier du CHU de Tours
4. Présentation des trois ateliers étudiés dans le Maine-et-Loire
4.1. Atelier du secteur 7
4.2. Atelier du Centre d’Accueil et de Soins Intersectoriel pour Adolescents (CASIA)
4.3. Atelier de Fédération Adolescents
ANALYSE DE PRATIQUE SUR L’UTILISATION DE LA DANSE DANS TROIS ATELIERS DU MAINE-ETLOIRE
1. Introduction
2. Méthodes
3. Résultats
3.1. Les caractéristiques des soignants interrogés
3.2. Les soignants, la médiation corporelle et la danse
3.3. Un atelier pertinent
3.4. Impact de l’atelier sur les soignants
3.4.1. Le changement de regard
3.4.2. L’expérience du toucher
3.5. Les difficultés rencontrées par les soignants
3.6. Des difficultés partagées
3.7. Les bénéfices pour les patients
3.8. Impact sur le handicap psychique
3.9. Le cadre des ateliers
4. Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
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