La greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) est une thérapeutique essentielle dans la prise en charge de nombreuses pathologies hématologiques telles que les leucémies aigues (LA), les lymphomes hodgkiniens (LH) et non-hodgkiniens (LNH), les syndromes myéloproliferatifs et myélodysplasiques et plus rarement les myélomes, les aplasies médullaires et les leucémies lymphoides chroniques (LLC). La morbi-mortalité de cette technique est importante avec le développement d’infections opportunistes, la rechute, la réaction du greffon contre l’hôte (GVH) et les défaillances d’organes pouvant aller jusqu’au décès [1]. La GVH est l’une des complications les plus fréquentes et les plus graves. [2] Elle est la conséquence de la reconnaissance des antigènes du receveur par les lymphocytes T du donneur. Ces derniers vont attaquer les cellules épithéliales de l’hôte suite à des réactions inflammatoires. Les manifestations cliniques sont essentiellement cutanées avec des lésions érythémateuses pouvant aller jusqu’à la nécrose ; digestives avec des diarrhées, vomissements et ulcérations du tube digestif ; hépatiques avec des perturbations du bilan hépatique suite à des nécroses des canaux biliaires. Près de la moitié des patients allogreffés vont développer une GVH qui est associée à une surmortalité importante chez ces patients greffés. [3] La survie estimée est de 25% pour une GVH de grade III et de 5% pour un grade IV à 5 ans [4].
D’autre part, la destruction des cellules tumorales par les lymphocytes T du receveur appelée « graft-versus-leukemia » (GVL) est un effet recherché et bénéfique pour le patient. Ainsi, l’objectif recherché est l’absence de GVH avec un effet GVL le plus important possible.
Matériels et méthodes
Patients
Nous avons mené une étude observationnelle, rétrospective et monocentrique entre le 1er janvier 2010 et le 31 mars 2020 au sein de l’institut Paoli Calmettes de Marseille, centre de lutte contre le cancer. Nous avons analysé les données de tous les patients adultes admis en réanimation dans les suites d’une GCSH. Ces patients étaient suivis pour la prise en charge de différentes pathologies telles que les myélomes, les aplasies médullaires, les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC), les leucémies aigües myéloïdes (LAM) ou lymphoïdes (LAL), les lymphomes hodkiniens (LH) et non-hodkiniens (LNH) et les syndromes myélodysplasiques et myéloprolifératifs.
Nous avons exclu de l’étude les patients ayant développé une GVH avant l’admission en réanimation ou avant l’arrêt de la CSA. Les patients admis plus de 6 mois après la date de la GCSH ou décédés le jour de leur admission en réanimation étaient également exclus.
Procédures d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques
Les patients étaient greffés selon les connaissances et recommandations internationales de l’époque. Le statut de la maladie au moment de la GCSH variait de maladie stable, en rémission complète ou partielle, à réfractaire selon les patients. La source du greffon provenait de la moelle osseuse du donneur, de cellules souches périphériques ou de sang du cordon. Différents types de donneurs étaient utilisés : géno-identique, phéno-identique ou haploidentique. Tous les patients étaient hospitalisés dans des chambres individuelles stériles. Enfin, plusieurs types de régimes de conditionnements étaient utilisés : myéloablatif, nonmyéloablatif, séquentiel ou d’intensité réduite (RIC).
Collection des données
Les données étaient récupérées à partir des dossiers informatisés des patients et des logiciels « Hôpital manager » et « Meta Vision ». De ces deux registres étaient récupérés les caractéristiques générales des patients (âge, sexe, IMC, motif d’admission), les différentes dates (greffe, admission et sortie de la réanimation, décès, …), les prescriptions médicamenteuses et les chimiothérapies administrées, les résultats biologiques, l’évolution au cours de l’hospitalisation avec les défaillances d’organes et les diverses complications présentées par le patient. De ces informations ont pu être récupérés des scores de gravité tels que le SOFA, IGS II et le score de Charlson.
Le diagnostic de GVH aigüe était clinique et/ou histologique en fonction de l’organe atteint.
Le stade de sévérité clinique était évalué pour chaque organe selon une échelle publiée par Gluksberg et al en 1974 actualisée en 1994, allant de 1 pour les symptômes légers à 4 pour les manifestations plus graves touchant la peau, le foie, le tube digestif. A partir du stade, est ensuite défini un grade de sévérité selon l’atteinte des différents organes. La GVH aigüe est ainsi divisée en 4 grades de sévérité clinique.
La GVH chronique était recherchée et définie comme la persistance de signes cliniques de GVH 100 jours après la GCSH. Le type de molécules utilisées en prophylaxies de la GVH et leur arrêt éventuel sont également précisés. Les critères d’admission, les principales défaillances d’organes, les complications infectieuses et hématologiques ont également été récupérées ainsi que la date de décès de chaque patient ou la date des dernières nouvelles.
Analyse statistique
Les variables quantitatives sont présentées sous forme de médiane avec leur intervalle interquantile. Les variables qualitatives sont présentées sous forme de fréquence et de pourcentage correspondant. Le critère de jugement principal était la survenue d’une GVH aiguë après l’admission en réanimation. La période de suivi a été censurée à 3 mois après l’admission en réanimation. La probabilité de développer une GVH a été estimée sur la base de courbes d’incidence cumulée, en considérant la mort précoce et la rechute comme des risques concurrents [7] conformément aux directives statistiques du European Group for Blood and Marrow Transplantation [8].
Des analyses univariées de l’incidence cumulée de GVH (stade ⩾1) ont été réalisées en utilisant la méthode de Gray [9]. Les facteurs d’importance et les facteurs statistiquement proches de la significativité (P <0,1) dans les analyses univariées ainsi que les facteurs pertinents dans la littérature ont été soumis à une analyse multivariée à l’aide de modèles à risques proportionnels Fine-Gray .
Les résultats ont été exprimés sous forme de Hazard Ratio (HR) et leurs intervalles de confiance à 95% [IC]. Des courbes d’incidence cumulative ont également été utilisées pour illustrer la récidive du cancer et des comparaisons entre les groupes ont été effectuées à l’aide du test de Gray. La survie globale (SG) était le critère de jugement secondaire et était représentée à l’aide des courbes de Kaplan-Meier de survie cumulative. Les différences entre les différents groupes ont été évaluées à l’aide du test du log-rank.
Le modèle de risques proportionnels de Cox a été utilisé pour évaluer l’effet de la GVH, l’effet de l’arrêt de la CSA et l’effet d’autres variables confondantes sur la SG. Les résultats ont été exprimés sous forme de rapports de risque (HR) et d’intervalles de confiance à 95% [IC]. Pour la survie globale, la période de suivi a été censurée 6 mois après l’admission en réanimation. Tous les tests étaient bilatéraux et les valeurs p inférieures à 0,05 étaient considérées comme statistiquement significatives. Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel statistique R, version 3.4.3 (disponible en ligne sur https://www.rproject.org/).
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Table des matières
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1. Patients
2.2. Procédures d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques
2.3. Collection des données
2.4. Analyse statistique :
3. Résultats
3.1. Flowchart :
3.2. Caractéristiques des patients en analyse univariée.
3.2.1. Caractéristiques hématologiques.
3.2.2. Caractéristiques des patients en réanimation.
3.3. Critères de jugement principal :
3.4. Critère de jugement secondaire.
3.4.1. Étude de la survie cumulée à 6 mois en fonction de l’arrêt de la CSA.
3.4.2. Étude de la survie cumulée à 6 mois en fonction du développement d’une GVH.
4. Discussion
5. Conclusion
6. Bibliographie
7. Annexes
8. Listes des Abréviations
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