Epidรฉmiologie
ย ย ย ย ย ย ย ย ย Au niveau mondial, Streptococcus pneumoniae (Sp) est une cause importante de dรฉcรจs dโenfants (700.000 ร 1.000.000 par an) par pneumonie, mรฉningite ou sepsis. Il a รฉtรฉ estimรฉ 103.000 cas annuels de mรฉningite ร Sp chez les enfants de moins de 5 ans avec un taux de mortalitรฉ ร 59% [13]. En Afrique, le pneumocoque nโest souvent pas considรฉrรฉ ร sa juste place car le mรฉningocoque qui sรฉvit sur le mode รฉpidรฉmique dans la ceinture de la mรฉningite est plus visible. Une revue a colligรฉ 2242 mรฉningites ร pneumocoque sur une pรฉriode de 35 ans au Burkina Faso, au Sรฉnรฉgal, au Niger et au Ghana [14]. En France, 150 ร 200 cas de mรฉningite ร pneumocoque par an ont รฉtรฉ retrouvรฉs chez lโenfant รขgรฉ de plus de 1 mois et de moins de 16 ans avec une incidence annuelle 5 ร 10 fois supรฉrieure avant lโรขge de 2 ans [15]. A Madagascar, une รฉtude faite en 2011-2012 a permis dโobjectiver 37 cas de mรฉningites bactรฉriennes dont 30 cas, soit 80%, dus au Streptococcus pneumoniae [11].
Agent pathogรจne
ย ย ย ย ย ย ย ย ย Il sโagit de Streptococcus pneumoniae. Sa morphologie paraรฎt comme un diplocoque Gram positif aprรจs coloration de Gram, dont la forme dite en flamme de bougie rappelle la lancette (figure 1). Il est entourรฉ dโune capsule de nature polysaccharidique [20]. Il sโagit dโun germe aรฉro-anaรฉrobie facultatif qui pousse dans un milieu ร pH de 7,2, ร tempรฉrature de 36ยฐC. Il a une bonne croissance sur les milieux enrichis ร 5% de sang frais, dโascite ou de sรฉrum avec une rapide tendance ร lโautolyse ; sur gรฉlose enrichie ร 5% de sang frais de cheval ou de mouton. Aprรจs 24 heures sous CO2 en atmosphรจre anaรฉrobie et ร 37ยฐC, il donne de petites colonies transparentes en goutte de rosรฉe ร bords nets et entourรฉs dโune zone dโhรฉmolyse de type alpha [20] (figure 2). Concernant son caractรจre biochimique, Streptococcus pneumoniae ne possรจde pas de catalase, ni dโoxydase. Il entraรฎne une fermentation lactique de nombreux sucres. Il est lysรฉ par la bile et les sels biliaires (mรฉcanisme mal connu). Il est sensible ร lโoptochine (รฉthyl-hydrocuprรฉine). Inoculรฉ en intra pรฉritonรฉale chez les souris blanches, il provoque une septicรฉmie mortelle aprรจs 24 heures. La paroi du pneumocoque est constituรฉe de lโextรฉrieur vers lโintรฉrieur par :
– un mucopeptide (responsable de la rigiditรฉ de la paroi)
– un polyoside C
– un antigรจne pariรฉtal R (commun ร tous les streptocoques).
Le polysaccharide C dรฉtermine la prรฉsence dans le sang de la c-reactive protein. La couche externe de la paroi est constituรฉe par une protรฉine spรฉcifique (de type protรฉine M) tout ร fait comparable ร celle du streptocoque, mais nโentraรฎne pas la production dโanticorps protecteurs. Le polysaccharide capsulaire est responsable dโune spรฉcificitรฉ de type entraรฎnant chez lโhomme la fabrication dโanticorps agglutinants, prรฉcipitants et protecteurs. Quatre-vingt-quatre sรฉrotypes de polysaccharides capsulaires sont actuellement connus. Cependant, chez les enfants, les types 6a, 6b, 14, 18c, 19f, 19a et 23f sont responsables de plus de la moitiรฉ des infections. Le pneumocoque ne secrรจte ni enzyme ni toxine. Son pouvoir pathogรจne est essentiellement liรฉ ร son pouvoir de multiplication [20, 21].
Traitement de la mรฉningite ร pneumocoque
ย ย ย ย ย ย ย La prise en charge doit รชtre prรฉcoce et efficace. Puisque la mรฉningite bactรฉrienne est une urgence thรฉrapeutique, elle nรฉcessite donc une hospitalisation dโurgence.
Traitement curatif Le but du traitement est de guรฉrir la maladie ainsi que de prรฉvenir les complications. Le traitement curatif repose sur lโantibiothรฉrapie. La mise en route de lโantibiothรฉrapie est une urgence absolue. Dans les formes cliniques typiques avec signes neurologiques, le retard du traitement semble associรฉ ร une mauvaise รฉvolution, en particulier en ce qui concerne les sรฉquelles [29,30]. Le choix initial pourrait sโorienter vers le Streptococcus pneumoniae en cas dโantรฉcรฉdent de traumatisme crรขnien, de chirurgie de la base du crรขne, dโotite, de sinusite, de pneumopathie infectieuse associรฉe, dโasplรฉnie, ou dโinfection par le VIH. Le choix de lโantibiothรฉrapie empirique doit รชtre guidรฉ par la connaissance de la rรฉsistance locale des germes. Une augmentation de la rรฉsistance du pneumocoque aux pรฉnicillines a รฉtรฉ reportรฉe ; ce qui a motivรฉ lโadjonction de la vancomycine aux cรฉphalosporines de 3รจme gรฉnรฉration (ceftriaxone ou cefotaxime) (tableau II). La durรฉe du traitement antibiotique est de 10 jours par voie intraveineuse (sinon intramusculaire ou intra-osseuse) [31].
Traitements adjuvants
– Corticothรฉrapie : Celle-ci doit รชtre administrรฉe avant ou de faรงon concomitante ร la premiรจre injection dโantibiotique. Elle a fait la preuve de son efficacitรฉ chez lโenfant, surtout dans les infections ร Haemophilus et pneumocoque. En effet, elle semble rรฉduire les risques de sรฉquelles notamment auditives. Habituellement, on utilise la DEXAMETHASONE ร dose de 0,15mg/kg toutes les 6heures pendant 3jours [32-34].
– Traitement des convulsions : Le traitement dโune crise convulsive est justifiรฉ et fait appel aux antiรฉpileptiques conventionnels. Mais les anticonvulsivants en prรฉvention primaire ne sont pas recommandรฉs [35].
– Traitement de lโhypertension intra-crรขnienne (HTIC) : Il faut maintenir une pression artรฉrielle normale. Pour rรฉduire la pression intracrรขnienne, il faut surรฉlever la tรชte ร 20-30ยฐ, tรชte droite pour favoriser le retour veineux jugulaire, une sรฉdation adaptรฉe et une ventilation mรฉcanique. Le mannitol et le sรฉrum salรฉ hypertonique peuvent รชtre proposรฉs en situation menaรงante avec une prise en charge neurochirurgicale concertรฉe. La fiรจvre et lโhyperglycรฉmie doivent รชtre contrรดlรฉes de faรงon stricte. Ainsi, faire baisser la tempรฉrature et diminuer la glycรฉmie au-dessous de 1,5g /l par insulinothรฉrapie intraveineuse [35].
– Apports hydrosodรฉs conventionnels et une surveillance de la natrรฉmie et la diurรจse pour dรฉpister et traiter une anti-diurรจse inappropriรฉe (SIADH) .Le maintien dโune hydratation normale montre un effet bรฉnรฉfique [35].
Traitement prรฉventif : Lโantibioprophylaxie nโest pas recommandรฉe et la dรฉclaration nโest pas obligatoire. Le traitement prรฉventif repose sur la vaccination et lโhygiรจne de vie. Le vaccin contre le pneumocoque doit รชtre proposรฉ chez tout nourrisson. Il sโagit dโun vaccin fabriquรฉ ร partir de la capsule entourant la bactรฉrie pneumococcique. Il ne peut pas causer dโinfection ร pneumocoque mais il ressemble suffisamment ร la bactรฉrie pour que lโorganisme produise une rรฉponse immunitaire. Il existe deux types de vaccin contre le pneumocoque : lโun le vaccin polysaccharidique recommandรฉ aux personnes plus de 5 ans et lโautre le vaccin conjuguรฉ ou pneumococcal conjugate vaccine (PCV) pour les enfants moins de 5 ans. Le premier vaccin contre le pneumocoque conjuguรฉ est le PCV7 c’est-ร -dire ร 7 valences, contre les 7 souches pneumococciques les plus rรฉsistantes et les plus rรฉpandues (tableau III). Il a รฉtรฉ introduit premiรจrement aux Etats Unis en fรฉvrier 2000. Ce vaccin est recommandรฉ pour tous les enfants moins de 2 ans dans le cadre dโun programme national de vaccination, mais il est recommandรฉ aussi pour les enfants de 24 ร 59 mois sโils sont ร risque รฉlevรฉ dโinfection ร pneumocoque [36]. Utilisรฉ en France depuis 2002, cette vaccination est fortement conseillรฉe pour tous les enfants moins de 2 ans porteurs dโune pathologie les exposant ร un risque dโinfection invasive ร pneumocoque (IIP) ou enfants moins de 2 ans exposรฉs ร un ou plusieurs facteurs de risque liรฉs au mode de vie (crรจche, allaitement maternel exclusif infรฉrieur ร 2 mois) [37]. Dans ces 2 pays ayant mis en place une politique de vaccination systรฉmatique chez lโenfant moins de 2ans, on observe une excellente couverture vaccinale (environ ร 80%) et une nette diminution des IIP. Actuellement, deux vaccins conjuguรฉs sont enregistrรฉs pour la vaccination de lโenfant. Ils contiennent respectivement 10 (PCV10) et 13 valences (PCV13) (tableau III) [38]. LโOMS a recommandรฉ 3 doses de vaccin conjuguรฉ, la premiรจre dรฉbute ร lโรขge de 6 semaines de vie avec un intervalle minimum de 4 et 8 semaines. A Madagascar, le PCV1O a รฉtรฉ introduit en Octobre 2012 avec un schรฉma vaccinal ร 3 doses respectivement ร 6 semaines, ร 10 semaines et ร 14 semaines de vie.
Dรฉroulement dโanalyse du LCR
ย ย ย ย ย ย Au laboratoire du site sentinelle, lโรฉchantillon de LCR y est acheminรฉ dรจs que la ponction lombaire a รฉtรฉ faite. Ont รฉtรฉ effectuรฉs dans ce laboratoire les examens cytochimiques et bactรฉriologiques standards. Une partie de lโรฉchantillon est envoyรฉe au laboratoire de rรฉfรฉrence dโAfrique du Sud pour PCR et serotypage. La positivitรฉ du rรฉsultat de la ponction lombaire est dรฉfinie par un LCR avec :
-leucocytes > 10 รฉlรฉments par millilitre ร prรฉdominance des polynuclรฉaires neutrophiles
-et/ou hyperprotรฉinorachie : une protรฉinorachie supรฉrieure 100mg /l, avec hypoglycorachie (glucorachie infรฉrieure ร 40mg/l)
– et prรฉsence de germe ร lโexamen direct ou par recherche dโantigรจne soluble ou ร la culture ou PCR.
Prรฉvalence de la mรฉningite bactรฉrienne
ย ย ย ย ย ย Dans notre รฉtude, nous avons recensรฉ 104 cas de mรฉningite ร pneumocoque confirmรฉ pendant une pรฉriode de 57 mois sur 3 292 cas suspects de mรฉningite bactรฉrienne soit une prรฉvalence de 4,53% par rapport au nombre de LCR prรฉlevรฉs par annรฉe (figure 3 et tableau IV). Une autre รฉtude rรฉalisรฉe au CHUMET en 2013 a recensรฉ 59 cas de mรฉningite ร pneumocoque parmi les 78 cas inclus sur 1 186 cas suspects pendant une pรฉriode de 3 ans [50]. De 2001 ร 2012 en France, parmi les 4 808 cas de mรฉningite (tous germes confondus), 29% sont dus ร pneumocoque [51]. En Afrique, une รฉtude faite au Gabon a montrรฉ que 40,4% de cas de mรฉningite bactรฉrienne sont tous dus au Streptococcus pneumoniae [52]. De mรชme, lโรฉtude faite en Guinรฉe depuis Aoรปt 1995 au Juin 2005 a montrรฉ 48% des cas (n=180) [53]. En 2015, le taux de mรฉningite ร pneumocoque est de 4,5% ร Mozambique (seulement 17 cas sur 369 cas de mรฉningite bactรฉrienne) [54]. En Tunisie, pendant une pรฉriode dโรฉtude de 8 ans, la mรฉningite ร pneumocoque a รฉtรฉ confirmรฉe chez 71 enfants [55]. Pendant une pรฉriode dโรฉtude de 1997 ร 2010 en Utah, on a observรฉ 68 cas de mรฉningite ร pneumocoque [56]. Dans les pays industrialisรฉs, lโincidence de cette maladie est comprise entre 2,5 et 10 pour 100.000 habitants alors quโelle est dix fois plus รฉlevรฉe dans les pays en dรฉveloppement [57]. Cette diffรฉrence est due probablement au bas niveau socioรฉconomique des pays en dรฉveloppement mais surtout grรขce ร lโintroduction des vaccins contre la mรฉningite avec la facilitรฉ dโaccรจs dans les pays dรฉveloppรฉs.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIRE PARTIE : RAPPELS
I. RAPPELS SUR LA MENINGITE A PNEUMOCOQUE
I-1 Dรฉfinition
I-2 Epidรฉmiologie
I-3 Physiopathologie
I-4 Facteurs de risque de la mรฉningite ร pneumocoque
I-4-1 Facteurs liรฉs ร lโhรดte
I-4-2 Facteurs liรฉs ร lโenvironnement
I-4-3 Facteurs liรฉs au germe
I-5 Agent pathogรจne
I-6 Diagnostic de la mรฉningite ร pneumocoque
I-6-1 Diagnostic positif
I-6-1-1 Signes cliniques
I-6-1-2 Signes paracliniques
I-6-2 Diagnostic diffรฉrentiel
I-7 Traitement
I-7-1 Traitement curatif
I-7-2 Traitement adjuvant
I-7-3 Traitement prรฉventif
I-8 Evolution et complications de la mรฉningite bactรฉrienne
I-8-1 Complications prรฉcoces
I-8-2 Complications tardives
I-8-3 Mortalitรฉ
I-9 Pronostics
II DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
II-1 Mรฉthodes
II-1-1 Cadre de lโรฉtude
II-1-2 Type et pรฉriode de lโรฉtude
II-1-3 Population de lโรฉtude
II-1-4 Variables ร รฉtudier
II-1-5 Dรฉroulement dโanalyse du LCR
II-1-6 Limites de lโรฉtude
II-2 Rรฉsultats
II-2-1 Performance du service et prรฉvalence de la mรฉningite bactรฉrienne
II-2-2 Age
II-2-3 Genre
II-2-4 Dรฉlai dโhospitalisation
II-2-5 Statut vaccinal
II-2-6 Evolution de la prรฉvalence selon la vaccination
II-2-7 Les manifestations cliniques selon le statut vaccinal
II-2-7-1 Avant hospitalisation
II-2-7-2 A lโadmission
II-2-8 Rรฉsultats LCR
II-2-8-1 Aspects macroscopiques du LCR selon le statut vaccinal
II-2-8-2 Rรฉsultats de lโexamen cytologique et examen biochimique du LCR
II-2-8-3 Rรฉsultats de lโexamen bactรฉriologique du LCR
II-2-8-4 Examen du LCR par la technique de PCR
II-2-9 Traitement antibiotique avant la ponction lombaire
II-2-10 Durรฉe dโhospitalisation et issue des patients
III TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
III-1 Aspects รฉpidรฉmiologiques
III-1-1 Prรฉvalence
III-1-2 Age
III-1-3 Sexe
III-1-4 Statut vaccinal et impact de la vaccination
III-2 Aspects cliniques
III-3 Aspects bactรฉriologiques
III-3-1 Macroscopie
III-3-2 Cytologie et biochimie du LCR
III-3-3 Examens bactรฉriologiques
III-4 Aspects รฉvolutifs
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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