Impact de la religion chrétienne dans la société merina

L’ACCUEIL DU CHRISTIANISME DANS LA SOCIETE MERINA 

La reine Ranavalona I a toujours tenu son peuple à l’écart de la religion chrétienne pour éviter davantage que celle-ci ne cause aucune mauvaise surprise pour son peuple et son royaume. Avant d’entamer le vif du sujet, nous allons tout d’abord, rappeler quelques définitions du concept « religion ».
• D’ après le Dictionnaire HACHETTE , la religion est conçue comme un ensemble de croyances ou de dogmes et de pratiques culturelles qui constituent les rapports de l’homme avec la puissance divine ou les puissances surnaturelles »
• CLEVENOT affirme que selon Cicéron, « ceux qui reprenaient diligemment et en quelque sorte rassemblaient scrupuleusement toutes les choses qui se rapportent au culte des dieux, ceux-là ont été appelés religiosi, du verbe relegere. (…) En latin classique, religion signifie tout simplement « scrupule ». Pour Cicéron comme pour tous les Anciens, la « religion » est une attitude intérieure de révérence inquiète dont le contenu n’est toujours pas déterminé. »  .

La religion est donc, pour lui, une attitude personnelle et que son origine ne peut être définie par aucun spécialiste, parce que celle-ci vient de l’intérieur.

– « Le Christianisme a défini la « religion » : c’est lui-même et rien d’autre. » .

Ce chapitre se divise en deux sous chapitres. En premier lieu, nous allons parler de « l’accueil du christianisme chez les Hova » et en second lieu, nous parlerons de « l’acceptation du christianisme chez les esclaves ».

L’ACCEPTATION DU CHRISTIANISME CHEZ LES HOVA

La religion traditionnelle malgache a tenu une place prépondérante au sein de la société. A l’arrivée du christianisme, cette nouvelle religion n’a pas attendu longtemps pour conquérir les cœurs malgaches. Par conséquent, la reine Ranavalona I a senti de la haine envers cette religion. N’ayant pas pris beaucoup de temps, cette haine se montrait au grand jour et s’est manifestée dans tout le royaume. Nous avons pu remarquer dans L’Interférence une hostilité que les Hova aient vis-à-vis des chrétiens par l’abondance des passages qui en parlent :

« Le grand-père de Baholy figura parmi les officiers qui s’était fait remarquer par leur inébranlable volonté, lors de la persécution des chrétiens ordonnée par la reine Ranavalona I.» .

Les personnages de Rabearivelo dans ce roman sont constitués de deux groupes : les personnages fictifs et les personnages historiques. Rainandriantsitoha est le grand-père de Baholy, l’un des personnages fictifs de Rabearivelo. Il est la première génération de la famille des Zanakantitra, il fait partie des officiers persécuteurs des chrétiens du temps de la reine Ranavalona I. Baholy est la troisième génération, elle tient le rôle principal dans le roman.

« Cette idée s’encrant, on essaya un palliatif et, par des ordres formels confiés à des rigoureux esclaves à demi-libérés, on tenta de circoncire, voire d’enrayer le mouvement naissant (…) C’est donc jusqu’à pouvoir massacrer les plus fervents des chrétiens qui fut à la discrétion des messagers. »  .

Ce ne sont pas les officiers que la reine a envoyés persécuter les chrétiens sur place mais des esclaves, parce que celle-ci était sûre qu’ils n’oseront pas désobéir. Le but de la reine est de faire en sorte que la religion chrétienne ne trouve pas son aise à Madagascar, afin de sauvegarder la religion traditionnelle. « Pire encore, seigneur : nos envoyés nous ont été sagayés par derrière ! Nous les avons appelés pour fermer l’œil du moribond, et ils ont démesurément ouverts ! Vous voyez ainsi, seigneur, que ce sont les chiens qui ont dévoré les moutons : que leurs cœurs paient ! N’est-ce pas mes amis ?» (p 25) Avant de commencer notre analyse, nous allons tout d’abord donner quelques notions sur la reine Ranavalona I. Elle est la femme du roi RADAMA I. Après la mort de celui-ci, elle a pris le pouvoir pour le succéder de 1828 à 1816, en tant que reine connue surtout par son attachement à la culture traditionnelle malgache et par la persécution des nouveaux convertis au christianisme. Les officiers de la cour royale au sein de son royaume ont suivi sa conception vis-à-vis de la religion chrétienne, considérée comme étant un danger qui menace la religion traditionnelle malgache. A l’arrivée de cette religion, plusieurs Malgaches, anciens détenteurs de la religion traditionnelle, s’y sont convertis. De ce fait, la reine a cherché tous les moyens pour anéantir cette nouvelle religion menaçante. Le royaume tout entier a participé à l’activité pour l’extirper ; dès lors, c’est l’interdiction de la pratique de la religion chrétienne à Madagascar. Pour empêcher, voire arrêter l’expansion du christianisme, les officiers de la cour royale, sous l’ordre de la reine, ont fait tout pour le faire disparaître. La reine a ordonné que l’adhésion à la religion chrétienne est fortement interdite. Ceux qui ne pratiquent pas la nouvelle religion mais ne sont pas contre, en périssent. Non seulement la reine Ranavalona I a persécuté les Malgaches adeptes de la religion chrétienne mais elle a aussi invité les missionnaires étrangers de quitter Madagascar. Des ambassadeurs malgaches se trouvant en Angleterre ont dit aussi ceci aux Anglais :

« Chacun a sa religion, elle vient de ses ancêtres. » .

S’ils ne respectent pas les mœurs traditionnelles malgaches, les chrétiens et les Malgaches adeptes du christianisme sont considérés comme des « olondratsy » traduit littéralement par « des mauvais gens », c’est-à-dire, des sorciers s’acharnant sur l’ordre social malgache. A cause de cette persécution, la reine Ranavalona I a été appelée la « Sanguniaire » ou lé « Caligula femelle de Madagascar », parce que sa cruauté a été exécutée surtout sur son entourage, sur ses compatriotes. Des passages tiré de l’œuvre fondamentale de notre mémoire évoquent que la pratique de la religion chrétienne a été considérée comme une grande faute, un sacrilège.

Nous citons un passage :

« A toutes les questions graves et menaçantes pour les formes, elle n’oppose que la grâce un peu narquoise de son silence. Provocation inconcevable de la part d’une chrétienne (Ranivo à l’adresse de ses juges païens.) » .

Ranivo, la chrétienne, est l’un des personnages féminins de Rabearivelo qui a su montrer son courage et sa personnalité devant les juges lors de son procès. A l’aide de ces atouts qu’elle possède, elle a pu sauver sa tête contre les accusations que la Cour royale lui ait reprochées. « Sans un mot, l’homme (Andriantsitoha) tira son épée et, d’un coup décapita la danseuse. On entendit une plainte inarticulée puis le bruit massif d’un corps qui tombe. » (p 48) Mbara est une chrétienne qui a préféré perdre sa vie que renoncer à la religion chrétienne.

Une personne comparait devant le tribunal à cause d’une faute grave, comme le cas de Ranivo et de Mbara, pourrait payer de sa vie. Ainsi, tous ceux qui pratiquent la religion chrétienne sont conçus comme avoir transgressé la loi mise en place par la reine Ranavalona I et seront jugés devant la Cour. Ici, l’auteur dit que ce sont des juges « païens » qui ont jugés Ranivo. RABEARIVELO qualifie les juges par l’adjectif « païens » pour dire que ce sont des juges qui sont attachés aux us et coutumes traditionnelles malgaches, détenteurs de la culture traditionnelle, des « non chrétiens ». Mais il ne l’emploie pas pour désigner des juges athées. En effet, si ces juges ont des preuves tangibles pour affirmer que les accusés pratiquent la religion chrétienne, ils leur assignent la peine capitale, c’est-à-dire la mort.

La reine Ranavalona I a sa propre raison en déracinant cette religion chrétienne de Madagascar, c’est qu’elle veut préserver l’indépendance de son pays et la pureté de la tradition malgache. Comme elle est très attachée aux croyances ancestrales et aux palladiums royaux, elle a eu une grande hostilité envers les influences européennes représentées surtout par la religion. Elle craint pareillement que celle-ci ne soit une « fati-drà », c’est-à-dire une alliance de sang avec le Christ, un ancêtre des étrangers.

Concernant cette haine morbide que les Hova aient envers les chrétiens, Jean Joseph RABEARIVELO rapporte des injures adressées aux chrétiens capturés. Nous avons, par exemple, un passage qui raconte une scène, lors de l’arrestation des chrétiens pendant la fête organisée à l’occasion de la naissance d’Andriantsitoha.

« Ce ne sont tout au plus que les amants de leurs sœurs et de leurs mères, injurièrent les autres » .

Rien n’étonne de la part des païens, parce que dans la société malgache, être amant de sa sœur ou de sa mère est interdit. La colère des païens se manifeste alors dans le fait de considérer les chrétiens comme des incestes.

Tout comme la reine Ranavalona I, ces Malgaches détenteurs de la religion traditionnelle, sont très jaloux de leur culture. Ils n’acceptent pas que celle-ci soit mélangée avec une autre, ou qu’elle cède sa place à une autre. A partir de ces analyses, nous pouvons constater que l’accueil du christianisme chez les Hova, au sein de la société merina, a été défavorable. La reine Ranavalona I ainsi que tout son royaume ont tout fait pour arrêter l’expansion du christianisme, même jusqu’à massacrer les chrétiens. La reine s’est particulièrement distinguée dans cette voie pour des raisons d’ordre politique et culturelle, parce qu’elle a défendu avec plus de conviction et d’ardeur les valeurs culturelles malgaches.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Première partie : Impact de la religion chrétienne dans la société merina
Premier chapitre : L’accueil du christianisme dans la société merina
I-1-1 : L’accueil du christianisme chez les Hova
I-1-2 : L’acceptation du christianisme chez les esclaves
Deuxième chapitre : La résistance de la religion traditionnelle face à l’hégémonie de la religion chrétienne
I-2-1 : la manifestation de la résistance
I-2-2 : Attachement des Merina à la culture traditionnelle
Troisième chapitre : La situation du christianisme après la mort de Ranavalona I
I-3-1 : Rivalité entre protestantisme et catholicisme
Conclusion
Deuxième partie : La vie sociale merina
Premier chapitre : Les rites et rituels au sein de la société merina
II-1-1 : Dieu et les ancêtres malgaches
II-1-2 : Le mariage
II-1-2-1 : Les rôles de la femme au sein du foyer traditionnel
II-1-2-2 : L’érotisme
II-1-3 : Le tanguin
Deuxième chapitre : Le royaume merina et la colonisation française
II-2-1 : La monarchie merina et la colonisation française
II-2-2 : Le royaume merina à l’arrivée des colonisateurs
Troisième chapitre : La domination des colonisateurs
II-3-1 : Fin de la monarchie merina
II-3-2 : L’expansion de la religion catholique
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
Annexe
Bibliographie
Table des matières

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