L’asthme
Aspects cliniques et mécanismes physiopathologiques
La définition de l’asthme a évolué au cours des trois dernières décennies parallèlement à la compréhension de la physiopathologie et des différents tableaux cliniques [1]. Selon la global initiative for asthma (GINA), l’asthme se définit comme une maladie hétérogène caractérisée par une inflammation chronique des voies respiratoires, des symptômes respiratoires tels qu’une respiration sifflante, un essoufflement, une oppression thoracique et une toux qui varient avec le temps et en intensité, et par une limitation variable du débit expiratoire » [2]. Les symptômes de l’asthme peuvent être exacerbés après un effort physique, une exposition au froid, aux virus et aux allergènes [3]. L’asthme peut être occasionnel, lorsque les crises surviennent ponctuellement en présence d’un ou plusieurs facteurs déclenchant : l’asthme est alors dit intermittent. Il est parfois persistant s’il subsiste tout au long de l’année, et peut-être plus ou moins sévère selon l’intensité et la fréquence des crises [4]. L’asthme dans sa forme la plus grave (crise d’asthme aigu sévère) se caractérise par un bronchospasme majeur, une impossibilité de parler, des troubles de la vigilance, une cyanose, une tachycardie et une polypnée. Le pronostic vital peut être engagé nécessitant une hospitalisation.
D’un point de vue physiopathologique, l’asthme est une maladie multicellulaires caractérisée par une infiltration d’éosinophiles, de basophiles, de mastocytes et de lymphocytes T-helper (Th) CD4 dans la sous-muqueuse des voies aériennes [5]. Cet infiltrat inflammatoire est accompagné par un remodelage aérien et une hypersécrétion du mucus en faveur d’une obstruction bronchique partiellement ou totalement réversible. Cette dernière est généralement associée à une hyperréactivité bronchique (HRB) correspondant à une réaction exagérée du muscle lisse bronchique lors de l’exposition à un stimulus. L’asthme peut avoir une composante allergique [6]. Le processus allergique se définit par une phase de sensibilisation où la première introduction de l’allergène est reconnue par les cellules présentatrices de l’antigène telles que les cellules dendritiques, et une réponse immunitaire Th2 se met alors en place (figure 1, page 10). La voie Th2 active la production de lymphocytes B induisant la formation d’immunoglobuline (Ig)E spécifiques dont une partie se déverse dans le sang et une autre se fixe sur les mastocytes et les basophiles (figure 1, [6]). Les IgE créent ensuite des complexes immuns spécifiques avec l’allergène associés à un processus inflammatoire bronchique impliquant diverses cytokines telles que les interleukines (IL)-13, IL-4 et IL-5. Lors d’un deuxième contact avec l’antigène, les complexes antigèneIgE spécifiques se mettent en place directement, provoquant la dégranulation des mastocytes et des basophiles puis la libération dans les bronches de médiateurs allergiques tels que l’histamine, les prostaglandines et les leucotriènes.
Diagnostic et traitements
Le diagnostic de l’asthme repose d’une part sur l’identification d’une combinaison de symptômes respiratoires tels que la respiration sifflante, la dyspnée, l’oppression thoracique et la toux. Le profil des symptômes est important car ces symptômes respiratoires peuvent être liés à des affections aiguës ou chroniques autres que l’asthme [1]. Le diagnostic repose également sur la mesure de la fonction ventilatoire ou spirométrie afin d’évaluer l’obstruction bronchique et sa réversibilité. Un rapport VEMS (volume expiratoire maximal en une seconde)/CVF (capacité vitale forcée) inférieur à 0,70, appelé couramment rapport de Tiffeneau, reflète une obstruction bronchique. Lorsque le VEMS augmente de plus de 200 millilitres (mL) et de plus de 12% de la valeur de base après l’inhalation d’un bronchodilatateur à action rapide tel que le salbutamol, l’obstruction bronchique est dite réversible [1]. Le test de réversibilité est utile pour différencier l’asthme de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Le VEMS est un paramètre spirométrique plus fiable que le débit expiratoire de pointe (DEP) pour évaluer la présence d’un asthme [1]. Selon la GINA 2019, la mesure de la fonction ventilatoire est l’indicateur le plus utile pour le suivi des crises d’asthme [1]. Elle doit être réalisée au moment du diagnostic, 3 à 6 mois après le début du traitement puis annuellement. Il est également possible de réaliser un test de provocation bronchique à la méthacholine pour évaluer l’HRB, un des mécanismes physiopathologiques de l’asthme. Ce test est plus utile pour exclure un diagnostic d’asthme que pour l’établir [7]. La métacholine est un agoniste non spécifique des récepteurs muscariniques provoquant une bronchoconstriction. Si le VEMS reste stable, une nouvelle dose de métacholine est administrée. Le test s’arrête lorsque le VEMS chute d’au moins 20%. Ce test se réalise à l’hôpital et est contre-indiqué notamment chez les patients ayant comme antécédent médical une insuffisance respiratoire sévère ou encore une hypertension artérielle instable .
Dans les dernières recommandations de la GINA, pour évaluer un patient asthmatique, il est recommandé de vérifier à la fois le contrôle de l’asthme, les comorbidités et le traitement du patient .
Les objectifs de la prise en charge de l’asthme sont de réduire le risque de décès, les exacerbations, les dommages des voies respiratoires et les effets secondaires des médicaments [1]. Les objectifs à long-terme sont de réduire les risques et de contrôler les symptômes. La prise en charge de l’asthme repose sur l’éviction des facteurs déclenchant et sur un traitement spécifique.
Les bronchodilatateurs
Les β2-agonistes
Les β2-agonistes appartiennent à la classe thérapeutique des bronchodilatateurs et s’administrent par voie inhalée [8]. Leur principal effet est la relaxation des muscles lisses bronchiques. Leur liaison sur le récepteur β2 bronchique provoque la stimulation de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) (figure 2). L’AMPc active les protéines kinases (PK) qui participent à la phosphorylation de protéines régulatrices du tonus musculaire et permettent ainsi la relaxation des muscles bronchiques [8]. Deux types de β2-agonistes sont disponibles. Les β2-agonistes de courte durée d’action (B2CA) tels que le salbutamol (Ventoline®) et la terbutaline (Bricanyl®) avec une durée d’action de 3 à 6 heures. Ces molécules sont indiquées dans le traitement symptomatique de la crise d’asthme et dans la prévention de l’asthme d’effort. Les β2-agonistes de longue durée d’action (B2LA) tels que le salmétérol (Serevent®) et le formotérol (Foradil®) dont la durée d’action peut atteindre 12 heures, sont indiqués dans le traitement symptomatique continu de l’asthme. Les effets indésirables sont des tremblements des extrémités, des céphalées et de la tachycardie.
Les anticholinergiques
Les anticholinergiques font également partis de la classe thérapeutique des bronchodilatateurs [8]. Ils peuvent être associés à un β2-agoniste mais ne sont pas indiqués en première intention. Le bromure d’ipratropium (Atrovent®), pris par voie inhalée, inhibe les récepteurs muscariniques participant à la bronchoconstriction. Il peut provoquer une toux et une sécheresse buccale.
Les anti-inflammatoires
Les antileucotriènes
Les antileucotriènes tels que le Montelukast (Singulair®) est un antagoniste des récepteurs aux leucotriènes inhibant la bronchoconstriction et la sécrétion du mucus [8]. Ce médicament peut induire une asthénie, des troubles digestifs et une sécheresse buccale.
Les corticoïdes
Les corticoïdes stéroïdiens vont limiter l’action de divers médiateurs de l’inflammation [8]. Les corticoïdes stéroïdiens inhalés (CSI) sont le béclométhasone (Becotide®), le budésonide (Pulmicort®) et la fluticasone (Flixotide®). Leurs effets indésirables sont la candidose oropharyngée nécessitant un rinçage buccal après chaque utilisation, une gêne pharyngée et une raucité de la voix. Pour les exacerbations non contrôlées, la voie orale est prescrite avec la prednisone (Cortancyl®) et la prednisolone (Solupred®), et la voie intraveineuse est réservée à l’asthme sévère. Leurs effets indésirables à court-terme sont une hyperglycémie et des troubles digestifs, et à long-terme un risque de cataracte, d’ostéoporose, des troubles du sommeil, une augmentation de l’appétit et des changements d’humeur [6]. Le tableau 2 page 14 présente le traitement de l’asthme en fonction du stade de la maladie selon les recommandations de la GINA 2019 [1]. A partir de 2019, la GINA recommande que les adultes et adolescents asthmatiques reçoivent un traitement contenant des CSI afin de réduire leur risque d’exacerbations sévères et de contrôler leurs symptômes plutôt que de commencer le traitement avec un B2CA [1]. Bien que les recommandations liées au traitement de l’asthme aient progressées ces dernières années, environ 5 à 10 % des patients asthmatiques sont réfractaires aux traitements disponibles [9]. Les différentes réponses aux traitements reflètent une hétérogénéité sous-jacente de l’asthme et nécessitent le développement de nouvelles thérapies.
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Table des matières
INTRODUCTION
ETAT DE LA QUESTION
I. Santé respiratoire
I.1. L’asthme
I.1.1. Aspects cliniques et mécanismes physiopathologiques
I.1.2. Diagnostic et traitements
I.1.3. Phénotypes, endotypes d’asthme et émergence des biothérapies
1.1.4. Aspects épidémiologiques
I.2. La fonction ventilatoire
I.2.1. Mesure de la fonction ventilatoire
I.2.2. Aspects épidémiologiques
I.3. Déterminants de l’asthme et de la fonction ventilatoire
II. La pollution de l’air extérieur
II.1. Surveillance de la qualité de l’air
II.2. Description des principaux polluants de l’air extérieur
II.3. Pollution de l’air extérieur et santé
III. Le stress oxydant
III.1. Espèces réactives de l’oxygène et réponse antioxydante
III.2. Marqueurs biologiques de dommages liés au stress oxydant
III.3. Marqueurs biologiques de dommages liés au stress oxydant et santé
III.4. Pollution de l’air extérieur et marqueurs biologiques de dommages liés au stress oxydant
OBJECTIFS DE LA THESE
MATERIELS ET METHODES
I. Etude EGEA
II. Etude ELISABET
III. Phénotypes d’asthme et fonction ventilatoire
IV. Collection des condensats de l’air exhalé et mesure du 8-isoprostane dans l’étude EGEA
V. Collection des échantillons sanguins et mesure des POFs dans l’étude EGEA
VI. Procédure d’estimation des niveaux de pollution de l’air extérieur
VII. Comparaison des matériels et des méthodes entre l’étude ELISABET et l’étude EGEA
VIII. Stratégie d’analyse
VIII.1. Associations entre pollution de l’air extérieur et asthme et rôle des marqueurs biologiques de dommages liés au stress oxydant dans ces associations dans l’étude EGEA.
VIII.2. Associations entre pollution de l’air extérieur et fonction ventilatoire dans l’étude ELISABET et dans l’étude EGEA
RESULTATS
I. Associations entre pollution de l’air extérieur et asthme et rôle des marqueurs biologiques de dommages liés au stress oxydant dans ces associations dans l’étude EGEA.
I.1. Pollution de l’air extérieur, niveau de 8-isoprostane et phénotypes d’asthme
I.1.1. Analyses transversales à EGEA2
I.1.2. Analyses longitudinales entre EGEA2 et EGEA3
I.2. Pollution de l’air extérieur, niveaux des POFs et phénotypes d’asthme
I.2.1. Analyses transversales à EGEA2
I.2.2. Analyses longitudinales entre EGEA2 et EGEA3
II. Associations entre pollution de l’air extérieur et fonction ventilatoire dans l’étude ELISABET et l’étude EGEA
II.1. Dans l’étude ELISABET
II.2. Dans l’étude EGEA
DISCUSSION
I. Associations entre pollution de l’air extérieur et phénotypes d’asthme et rôle des marqueurs biologiques liés au stress oxydant dans ces associations dans l’étude EGEA
II. Associations entre pollution de l’air extérieur et fonction ventilatoire dans l’étude ELISABET et dans l’étude EGEA
CONCLUSION GENEREALE
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