Impact de la pénurie d’immunoglobulines polyvalentes sur la stratégie thérapeutique

Introduction

   La méthode de préparation des immunoglobulines polyvalentes remonte aux années 1940, lorsque Cohn met au point une technique de fractionnement à l’éthanol. (1) Dès 1952, Bruton en fait la première utilisation à visée immunosubstitutive chez un enfant agammaglobulinémique de huit ans présentant des sepsis à pneumocoque à répétition. (2) En 1981, P. Imbach et collaborateurs (3) entreprennent de traiter treize enfants atteints de PTI réfractaire ou aigu par de fortes doses d’IgIV et notent une réponse chez 100% d’entre eux. Cette étude ouvre la voie à l’utilisation des IgIV en tant que traitement immunomodulateur, la physiopathologie expliquant la réponse sous ce traitement novateur restant imparfaitement expliquée. Le peu d’effets secondaires, leur administration par voie intra veineuse et de plus en plus par voie sous cutanée ainsi que le coût relativement faible par rapport aux autres thérapeutiques ont grandement participé à l’augmentation, voire la relative banalisation de leur utilisation par les praticiens. Ainsi, le nombre d’AMM des IgIV n’a cessé de croître depuis 1995, année de la première AMM délivrée. Cependant, leur production peine à augmenter car elle est soumise aux fluctuations d’approvisionnement en plasma et aux règles économiques de la concurrence internationale. Ceci a entrainé depuis plusieurs années des situations de tension d’approvisionnement au sein des établissements hospitaliers, français et étrangers. Depuis 2003, l’AFSSAPS a mis en place un système de suivi national des approvisionnements pour le marché français en IgIV. La dernière mesure en date a consisté en une hiérarchisation des indications en trois catégories : les urgences vitales, les indications prioritaires et les indications non prioritaires (cf Annexe 1) Mai 2018, date de mise en place de cette mesure, correspond à une période de forte tension d’approvisionnement. Cependant, à notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée au retentissement de cet épisode récent de pénurie ayant imposé à un collège d’experts, sous l’égide du Ministère des Solidarités et de la Santé, dans une relative urgence, de revoir le spectre des indications de façon plus resserrée. Nous avons donc souhaité étudier l’évolution de la pertinence de la prescription des IgIV avant et après cette date, à l’Hôpital Sainte Anne, eu égard aux dernières recommandations de l’ANSM. Les objectifs secondaires de notre étude étaient l’étude de la justification de la nonpertinence en cas d’utilisation hors recommandation (effet centre ? effet praticien ? effet typologie de pathologie ?), des traitements alternatifs proposés et leur impact sur l’évolution des pathologies traitées et enfin l’évolution de la régulation de la prescription d’IgIV par la PUI de notre établissement durant cette période.

Description analytique

   Dans le groupe A des 65 patients inclus avant fin mai 2018, les patients hors recommandations étaient deux PTI dont le score hémorragique était faible, une multinévrite post hépatite E, une neuropathie périphérique post chimiothérapie, une mucinose papuleuse et un scléromyxoedème de Buschke. Dans le groupe des primo prescriptions après mai 2018 (B1), les patients hors recommandations étaient :
– une pancytopénie post transfusionnelle
– une pancytopénie sur envahissement médullaire
– une thrombopénie post chimiothérapie
– une anémie par blocage de maturation
– une bactériémie à staphylocoque sécréteur de toxine de PVL
– une maladie de Charcot Marie Tooth
– une dermatomyosite sans trouble de déglutition
– un PTI avec faible score hémorragique
Dans le groupe de patients ayant poursuivi le traitement, (B2) les patients hors recommandation étaient :
– une patiente présentant un déficit secondaire sans infection
– une mucinose papuleuse
– huit (dermato) polymyosite sans trouble de la déglutition ni passage en RCP
– cinq PRNC sans RCP ni avis du centre de référence
– une NMM sans RCP ni avis du centre de référence
En somme, les motifs de non observance des recommandations relevaient de la pathologie (gravité, inefficacité ou contre-indication au traitement) dans 13 cas soit 44% des patients, d’un défaut d’observance ou d’adaptation aux recommandations dans 15 cas soit 51 % des cas. Dans 4 % des cas il n’était pas retrouvé de justification

Impacts de la non-pertinence sur l’efficacité thérapeutique

   La proportion d’efficacité thérapeutique est statistiquement différente selon le respect on non des recommandations 2013, contrairement au suivi des recommandations 2018. Ceci est résumé dans le tableau 4. Ainsi, il semblerait que le non-respect des recommandations thérapeutiques 2018 n’implique pas de non efficacité.

Discussion

   L’évolution des pratiques médicales, en particulier l’acte de prescription, doit répondre de plus en plus fréquemment à l’évolution des recommandations de bonne pratique, inspirées des AMM, des instructions collégiales des sociétés savantes… mais aussi aux fluctuations des approvisionnements en produits de santé, régies par la loi du marché. Depuis 2010, l’AFSSaPS puis l’ANSM ont régulièrement publié des propositions de hiérarchisation en réponse aux périodes de tension forte sur les approvisionnements pour le marché français (4,5). En matière d’immunothérapie par les IgIV, la période de rédaction de notre travail de thèse est concernée par les recommandations de 2013,(4) puis celles de 2018, (Annexe 1) avec une valeur opposable de ces dernières, davantage restrictives, et le plus souvent le fruit d’une réunion de concertation pluridisciplinaire ou bien de la mise en application d’un avis d’experts. Ces évolutions à cadence rapide ont nécessité, une fois les dernières recommandations publiées, l’adaptabilité des praticiens et le développement de pratiques davantage collégiales qu’auparavant. A notre connaissance, il n’existe pas d’étude ayant évalué les pratiques concernant les restrictions d’utilisation des IgIV, en réponse à la pénurie d’approvisionnement connue depuis 2017. Notre travail est donc original dans son rationnel et ses objectifs. En effet, les audits de pratique et les études de pertinence en terme de prescription d’IgIV sont rares en médecine adulte et concernent surtout les spécialités de pédiatrie et neurologie (6,7). A l’instar de nos résultats, une étude iranienne publiée en 2019 (8), réalisée dans un centre hospitalo-universitaire, signalait la forte prévalence des prescriptions d’IgIV en neurologie (46%), majoritairement pour la prise en charge des PIDC. Seuls 18,5% des patients répondaient pertinemment aux recommandations de la FDA (ces dernières excluant la PRNA, la myasthénie et les dermato-polymyosites). Nous n’avons retrouvé aucune étude détaillant la gestion de la pénurie en IgIV en terme de comportement des praticiens, de recours alternatifs et d’impact sur la morbidité. Nos résultats tendent à montrer l’absence de prise en compte significative des nouvelles recommandations de 2018 lorsque les patients étaient traités antérieurement par IgIV, surtout dans le groupe des patients n’ayant pas bénéficié d’une primo-prescription entre le 1er août 2017 et le 31 mai 2018, et présentant une pathologie stable et bien équilibrée. A contrario, les primo-prescriptions postérieures au 1er juin 2018 étaient pertinentes un peu plus de deux fois sur trois avec les nouvelles recommandations. Cette proportion, certes inférieure aux 90% de pertinence du groupe A, peut trouver une part d’explication dans le fait que notre seconde période d’étude (groupe B) débute immédiatement après la date d’opposabilité des nouvelles recommandations, à un moment où la diffusion de ces dernières commençait seulement. En matière de primo-prescriptions, si elles sont numériquement moins fréquentes dans la seconde période d’observation de notre étude, elles concernent les mêmes services, dans les mêmes proportions et pour la même typologie de patients. Les patients rechuteurs étaient essentiellement ceux pour lesquels les administrations avaient été espacées et/ou les posologies revues à la baisse et/ou les IgIV arrêtées, avec un « effet praticien » certain : dans l’urgence et en l’absence d’anticipation, les patients ont eu tendance à rechuter ; en cas d’anticipation et de recours alternatif à l’immunosuppression/immunomodulation avec une autre molécule, les rechutes ont été moins fréquentes. Surtout, il n’existe dans les dossiers médicaux consultés aucune traçabilité de la réflexion collégiale imposée désormais par les recommandations : la prescription est essentiellement le fait d’une décision individuelle d’un praticien (celui qui prescrit ou qui est référent du patient dans le logiciel de soin), l’adaptabilité à la pénurie également (espacement des perfusions, modifications des posologies par cure, abandon des IgIV), le dialogue avec le pharmacien hospitalier aussi. A ce niveau, le rôle de la PUI mérite également d’être évoqué : nous avons été confronté à une rigueur inédite, conforme aux nouvelles recommandations, pour certains patients chroniques équilibrés sous IgIV ; et paradoxalement, nous avons constaté des feux verts de délivrance pour des pathologies hors recommandations, dans des champs nosologiques parfois surprenants (pancytopénie post-transfusionnelle ou par envahissement médullaire, thrombopénie post-chimiothérapie)

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes
Résultats
A – Caractéristiques de l’échantillon
B – Indications
C – Autres traitements
D–Résultats en terme de pertinence
1. Pertinence des indications
2. Pertinence des posologies
E – Résultats en terme de non pertinence
1. Description analytique
2. Comportement des praticiens.
3. Impacts de la non-pertinence sur l’efficacité thérapeutique
F – Etude d’efficacité dans le groupe B2
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : comparatif des hiérarchisations 2013/2018
Annexe 2 : nouvelle proposition de hiérarchisation avril 2019
Annexe 3 : fiche de RCP

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