Impact de la pénurie de soins sur l’exercice des généralistes 

Les enjeux des nouvelles formes de coopérations entre professionnels de santé

Combler la pénurie de médecins

Le système de santé français se retrouve confronté à une demande de soins en constante augmentation, sous l’effet conjoint du vieillissement de la population, et de l’augmentation de la fréquence des pathologies chroniques. Face à cette demande croissante, le médecin généraliste reste en France le premier recours de la population.
Cependant, malgré un discret rebond du nombre total de médecins en France (+0,5% en 2018, (1)), les effectifs de généralistes en activité continuent de diminuer. Les analyses du CNOM (10) prévoient une poursuite de cette diminution jusqu’à l’horizon 2025.

Réajuster le socle des compétences des soignants

En octobre 2019 parait le livre blanc infirmier, résultat d’une Grande consultation infirmière ayant recueilli la voix de plus de 20000 infirmiers à l’échelle nationale.
Parmi les principales propositions, le besoin de « Faire évoluer la profession » ressort comme une « priorité ». A l’origine de cette demande vient le constat d’un « glissement de tâches ». Confrontés aux restrictions financières, et au déficit de la démographie médicale, les infirmiers sont de plus en plus contraints à pallier un défaut d’organisation, par la réalisation de tâches en dehors de leur cadre juridique de compétences.
Il existe donc actuellement un décalage entre les compétences reconnues aux infirmiers, et la réalité des tâches qu’ils effectuent au quotidien. Ce décalage engendre un risque juridique pour l’infirmier.
Il est également à l’origine d’un sentiment d’injustice chez les infirmiers , qui se voient contraints d’accepter « ce glissement de tâches », afin de fournir les meilleurs soins aux patients, mais pour  lequelils ne sont pas reconnus ni sur le plan légal ni financièrement.
Parallèlement à ce phénomène, on note également, pour les soignants depuis 2012, l’introduction de la notion de Développement Professionnel Continu (Décret n° 2011-2114 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des professionnels de santé paramédicaux), et ce, afin d’améliorer la qualité des soins.
En effet, dès 1974, l’OMS recommande à ses pays membres la création d’organismes permettant une formation continue, se basant sur les besoins et demandes. Cette demande se construit sur le constat d’une période de changements accélérés rencontrés par ses pays membres, et qui obligent le système de santé à s’adapter, en se réorientant vers les soins primaires, afin de garantir la santé pour tous, malgré une dégradation des conditions socio-économiques.
De même lors de son parcours professionnel, l’IDE connait différentes affectations et autant de spécialités dont les besoins sont spécifiques. L’expérience acquise pour répondre à ces besoins, par la pratique, ou par les formations dispensées, entre autres, dans le cadre du développement professionnel continu, nécessite d’être valorisée.
La réforme de la formation en soins infirmiers de 2009 démarre le processus d’universitarisation de la filière infirmière. En 2004, le Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC) faisait part de ses réflexions concernant cette universitarisation, et ce qu’elle pourrait apporter à la profession. Aujourd’hui, ce processus a ouvert un accès à la recherche permettant de réfléchir, et d’améliorer les pratiques, mais aussi de conduire des expérimentations, et d’offrir aux infirmières des formations visant à approfondir leurs compétences, ou faire reconnaître celles acquises tout au long de leur carrière (Validation d’Acquis des Expériences-VAE).
Il a été précédemment évoqué la nécessité de revoir le décret des compétences infirmières. La filière universitaire infirmière s’impose comme l’outil qui permet d’institutionaliser cette révision.
A cet effet, la mise en place des pratiques avancées infirmières et leur reconnaissance en tant que Master en est l’une des expressions les plus abouties de cette universitarisation, et un grand pas en avant vers la reconnaissance des compétences réelles des soignants. Elle leur permet, par un diplôme, de valoriser leurs acquis, les compléter au cours de leur formation, et à terme, d’investir le champ de la recherche lors de leur exercice d’Infirmière de Pratique Avancée.

Le point de vue économique

En théorie économique, les protocoles de coopération sont analysés du point de vue de l’efficience technique (24). En d’autres termes, l’idée est, soit de rechercher le meilleur rendement en partant d’un pool de ressources donné et limité, soit de conserver le même rendement en mobilisant la plus petite quantité de ressources nécessaires. Du point de vue de la santé, l’idée est d’observer de quelle façon la modification de l’attribution des tâches aux différents professionnels de santé modifie les coûts et la qualité des soins. Ainsi, le contrôle des dépenses de santé apparait comme un autre argument motivant la promotion des nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé. En effet, ces dépenses ont tendance à augmenter parallèlement avec l’évolution des technologies, et l’accroissement des maladies chroniques et comorbidités d’une population vieillissante. L’idée est ici, de transférer certaines tâches, autrefois apanage de professions « élevées » hiérarchiquement (les médecins), et donc chères, vers les professions de rang « intermédiaire » (ici les Infirmières de Pratique Avancée) moins onéreuses.
L’ampleur de la réduction des coûts imputable aux nouveaux protocoles de coopération infirmiers est sous-tendue par au moins 5 facteurs (23) :
1. Les différences de revenus entre les infirmières en pratique avancée et les docteurs
2. La différence de “productivité” entre les infirmières en rôle avancé et les médecins (mesurée, par exemple, par le nombre de consultations par heure ou par jour)
3. Le type et le volume d’activités qui sont réellement transférés aux infirmières en rôle avancé et la question de savoir si ces activités demandent encore la supervision d’un médecin
4. Les « coûts indirects » liés à toute différence dans la prescription de tests médicaux ou de médicaments supplémentaires (lorsque les infirmières en rôle avancé ont en charge de telles responsabilités)
5. Le coût supplémentaire lié à la formation initiale ou continue des infirmières en pratique avancée
Quelques études illustrent l’impact de ces facteurs sur une possible réduction des coûts.
Ainsi en 2000, Venning et Al (25) comparaient le coût d’une infirmière praticienne versus celui d’un généraliste, concernant la prise en charge de patients requérant une consultation le jour même. Étaient pris en compte le coût des salaires du professionnel de santé, de ses prescriptions (examens complémentaires et prescriptions médicamenteuses), et d’une éventuelle consultation de contrôle à 2 semaines). Cette étude ne retrouvait pas de différence significative de coût entre les 2 types de praticiens, malgré une différence de salaire. Les auteurs évoquaient comme explication, hormis le manque de puissance de l’étude, un temps de consultation plus élevé chez les infirmières, un nombre d’examens prescrits plus important, ainsi qu’un nombre de consultations de contrôle à J15 supérieur chez ces mêmes infirmières. On ne retrouvait par contre pas de différences entre les attitudes thérapeutiques de prescriptions des 2 types de praticiens, et l’état de santé des patients dans les 2 groupes après consultation.
En 2002 Salisbury et al (26) publient les résultats de leur évaluation des walk-in centers aux RoyaumeUnis. Ils émettent plusieurs doutes concernant l’efficience de ces centres. En effet, les moyens déployés nécessaires à la prise en charge rapide de problèmes de santé mineurs, rendent le coût des consultations supérieur à ceux des cabinets de médecine générale (sans compter là encore un temps de consultation plus long car menée par une infirmière). De même, du point de vue de l’efficience technique, on peut s’interroger sur l’intérêt de mobiliser une partie non-négligeable des ressources limitées des systèmes de santé à la prise en charge de troubles, par définition, résolutifs d’eux mêmes.
De même, la majorité de la population ayant recours à ces services est celle des personnes qui apprécient l’accessibilité des centres (situés dans des lieux de passage type métro ou centres commerciaux), et leur large amplitude horaire. Or, cette population est celle des gens qui travaillent ou font des courses, une catégorie de la population à faible risque de problèmes de santé, à l’opposé des plus âgés, personnes à mobilité réduite, ou des malades mentaux. Enfin, concernant une possible réduction de la charge de travail des autres services de santé (en particulier SAU), il n’a pas été prouvé de retentissements significatifs laissant penser aux auteurs que ces centres auraient tendance à répondre à une demande auparavant non gérée, plutôt que de se substituer en partie aux autres services de santé : ils craignent ainsi une surmédicalisation des problèmes de santé mineurs.
Si le cas des walk-in centers reste spécifique, un certain nombre des limites évoquées ici reste intéressant à garder en tête quand on étudie la question économique des protocoles de coopération sous l’angle de la substitution généraliste/infirmière.
L’autre champ économique par lequel doivent être étudiés les protocoles de coopération concerne les cas où les IPA investissent un nouveau rôle, en particulier dans la prévention, ou le suivi de pathologies chroniques.

Coopération entre professionnels de santé appliquées aux soins de 1ère ligne

Ce que l’on peut en attendre en médecine générale

La répartition des compétences entre professionnels de santé (« skill mix » chez les anglo-saxons) reste propre à chaque pays et relative à l’organisation de leur système de santé. Par conséquent, les facteurs motivant l’altération de cette répartition de compétences sont également propres à chaque pays. Les résultats des expérimentations et évaluations les concernant ne sont donc pas directement transposables au système français, mais servent de base de réflexion. La lecture des revues de la littérature nous renseigne en particulier sur des tendances globales se dégageant d’un pays à l’autre.
Ainsi en 2004, Sibbald et al (31) publient une revue de la littérature visant à étudier l’efficacité des modifications du « skill mix », ou répartition des tâches, dans les équipes de soins au Royaume Uni. En effet, confronté à la demande grandissante en soins et la nécessité de maitriser les coûts, le RoyaumeUni a lancé des réformes dans le but d’améliorer l’efficacité et l’efficience de son système de santé.
Cette amélioration passe, entre autres, par une réorganisation de ses équipes de santé. Dans cette étude sont définies 4 méthodes permettant de modifier la répartition des compétences :
– L’amélioration/diversification : on élargit le socle de compétences d’une catégorie de personnel, donnant ainsi plus de profondeur à leur champ d’activité.
– La substitution : échanger un type de travailleur avec un autre pour un type de tâche, ou diviser la tâche entre 2 groupes de travailleurs.
– La délégation : transférer des tâches auparavant apanage d’une profession vers une autre.
– L’innovation : créer de nouveaux métiers par l’introduction d’un nouveau type de travailleur.
Ce modèle est théorique et dans les faits certaines méthodes sont privilégiées. S’intéressant plus particulièrement au cas des soins de 1 ère ligne F. Midy (CREDES) (17) dégage 2 tendances dans sa revue de littérature de 2003 (et constatées de manière similaire par B. Sibbald dans le cas de la GrandeBretagne) :
– la délégation/substitution
– la diversification
La délégation/substitution a été expérimentée en 1 er lieu aux Etats-Unis et au Canada dès les années 60. Elle a été motivée par une volonté de rationalisation du système de soins, autrement dit de recherche d’efficience collective et de gain de productivité. Elle a débouché sur la création de nouveaux métiers : nurse practitioner et physician assistant. Le Royaume-Uni a également eu recours à ce type de partages de compétences en développant en particulier les walk-in centers. Là encore on retrouvait comme principales raisons à ce développement, une volonté d’efficience couplée à un besoin de répondre à un accès au soin limité (3% des postes de généralistes était vacants en Angleterre en 2003 ).
La diversification concerne la création de nouveaux services dans les soins primaires. Elle se traduit, principalement, par deux formes. On peut proposer un nouveau service grâce au recrutement de spécialistes qui offrent alors des consultations auparavant réalisées à l’hôpital. Cette problématique concerne moins la France que, par exemple, le Royaume-Uni, dont de nombreux spécialistes et consultations étaient, avant les années 90, présents surtout à l’hôpital. Dans le second cas, le cabinet diversifie son offre en développant de nouvelles compétences chez les professionnels en place, avec pour objectif principal la création de consultations dédiées à une maladie chronique, et la mise en place d’actions de prévention, d’éducation et de promotion à la santé.

Méthodologie

Population et échantillon 

Echantillonnage théorique

Représentativité de l’échantillon

Les méthodes qualitatives ayant pour fonction de comprendre plus que de mesurer (37) la notion de représentativité statistique n’a pas de sens. Elle est remplacée par la construction progressive de l’échantillon, à la recherche d’une diversité. L’objectif n’est donc pas d’avoir une représentation moyenne de la population mais d’obtenir un échantillon de personnes qui ont un vécu, une caractéristique ou une expérience particulière à analyser, afin de refléter la diversité au sein d’une population donnée. L’échantillonnage repose donc sur le jugement du chercheur pour le choix de personnes qu’il jugeait intéressantes en raison de leurs caractéristiques (richesse d’opinions et d’expériences sur le sujet) et des buts de l’étude.

Taille de l’échantillon

En conséquence, la taille des échantillons est volontairement réduite par rapport à une étude quantitative. Ce n’est pas la taille de l’échantillon qui comptait mais sa qualité. En effet, les informations issues des entretiens sont validées par le contexte et n’ont pas besoin de l’être par leur probabilité d’occurrence. Une seule information donnée par l’entretien peut avoir un poids équivalent à une information répétée de nombreuses fois dans des questionnaires (38). Le nombre de cas n’est pas fixé à l’avance. On utilise la notion de saturation théorique pour établir le nombre de sujets à inclure. Le recueil et l’analyse se faisant en même temps, on continue les entretiens jusqu’à la saturation des données.

Matériel et méthode

Type d’étude

Comparaison des méthodes qualitatives et quantitatives

Les méthodes qualitatives, développées à partir des années 1920, ne sont pas en concurrence avec les méthodes quantitatives. Elles répondent à des problématiques différentes. L’analyse quantitative cherche à tester une hypothèse à travers une série de mesures, souvent dans un contexte expérimental, le but étant de conclure sur l’hypothèse initiale. Il s’agit donc d’un raisonnement hypothético-déductif, où le point de départ est une hypothèse supposée assurée. (39). Sa méthode vise à attribuer aux résultats un certain niveau de fiabilité et de reproductibilité (40). L’analyse qualitative, à l’inverse, vise à créer des hypothèses lorsqu’un domaine est mal connu, elle aboutit à une classification qui pourra ensuite être explorée par l’approche quantitative (40) . La méthode qualitative a davantage vocation à comprendre les significations que les individus donnent à leur propre vie et à leurs expériences. Il s’agit d’analyser des données descriptives, telles que les paroles écrites ou dites et le comportement observable des personnes (41) dans leur milieu naturel. Ainsi, dans l’approche qualitative, le raisonnement préconisé est l’induction contrairement à l’approche quantitative qui privilégie la déduction. L’induction peut être définie comme « l’action qui conduit à la découverte d’une hypothèse lors de l’analyse des données à partir d’une intuition et la vérification des qualités heuristiques de cette hypothèse pour déterminer si elle peut servir d’explication pour un événement, une action, une relation ou une stratégie » (39) .

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Table des matières
Serment d‘Hippocrate
Remerciements
Résumé
Abréviations
1. Introduction 
2. Contexte de l’étude
2.1 Origine des réflexions concernant les nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé en France
2.2 Les enjeux des nouvelles formes de coopérations entre professionnels de santé
2.2.1 Combler la pénurie de médecins
2.2.2 Promouvoir la qualité des soins
2.2.3 Réajuster le socle des compétences des soignants
2.2.4 Le point de vue économique
2.3 Coopération entre professionnels de santé appliquées aux soins de 1ère ligne
2.3.1 Ce que l’on peut en attendre en médecine générale
2.3.2 Les différentes formes de partage de compétences en France
3. Méthodologie
3.1 Population et échantillon
3.1.1 Echantillonnage théorique
3.1.2 Population étudiée
3.2 Matériel et méthode
3.2.1Type d’étude
3.2.2 Mode de recueil
3.3 Recueil des données
3.4 Retranscription des données
3.5 Analyse des données
4.Résultats 
4.1 Pénurie d’offre de soins
4.1.1 Impact de la pénurie de soins sur l’exercice des généralistes
4.1.2 Les causes perçues par les généralistes à cette pénurie
4.2 Dispositifs de soutien à la pratique des généralistes
4.2.1 Incitations financières à l’installation
4.2.2 Majorations forfaitaires
4.2.3 L’augmentation du numerus clausus
4.2.4 Promotion de l’exercice en groupe
4.2.5 La coopération entre professionnels de santé
4.3 L’interprofessionnalité
4.3.1 Le renfort à la prise en charge de pathologies chroniques
4.3.2 La prévention primaire
4.3.3 Le soutien à la consultation
4.3.4 Prise en charge d’affections aiguës mineures
4.3.5. Les limites de l’interprofessionnalité et les axes de réflexions pour les dépasser
4.3.6 Mesures connexes pouvant renforcer l’offre de soins
5. Discussion 
5.1 Les forces de l’étude
5.2 Les limites de l’étude
Biais liés à l’investigateur
Biais d’informations
Biais liés à l’échantillon
5.3 Discussion des résultats
5.3.1 Le généraliste français et l’interprofessionnalité
5.3.2 L’apport de l’interprofessionnalité dans les soins de 1ère ligne
5.3.3 Avenir et potentielles évolutions de l’interprofessionnalité
6. Conclusion
7. Bibliographie 
8. ANNEXES 
Annexe 1 :situation de la démographie médicale actuelle
Annexe2 : liste des protocoles de coopération entre professionnels de santé
nationaux autorisés
Annexe 3 : mail-type adressé aux médecins
Annexe 4 : guide d’entretien
Annexe 5 : fiche de renseignements
Annexe 6 : grilles analytiques de recherche qualitative RATS et COREG
Annexe 7 : caractéristiques du regroupement médical selon les pays
Annexe 8 : affiche « lutter contre les déserts médicaux »
Annexe 9 : les modes de rémunération des médecins selon les pays
Annexe 10 estimation du temps de travail hebdomadaire de généralistes
Annexe 11 : la formation d’IPA
Annexe 12 : guide de l’assistant médical…

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