Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Deuxième vague (septembre – décembre)
Durant le mois de septembre, l’épidémie continuera de progresser sur l’ensemble du territoire pour atteindre un pic à la mi-octobre (14). De ce fait, une nouvelle mesure est mise en place avec l’instauration d’un couvre-feu à partir du 14 octobre. Mais cette mesure demeurera insuffisante : un deuxième confinement aura lieu du 30 octobre au 15 décembre, d’une durée de six semaines. Ce second confinement sera cependant plus souple que le premier avec notamment le maintien de l’ouverture des écoles et des guichets de services publics. (13) À la fin du deuxième confinement, une période de couvre-feu va persister du 15 décembre jusqu’en 2021. La fin de l’année 2020 est marquée par le début de la campagne de vaccination.
Impact de la COVID-19 sur les admissions aux urgences et les séjours hospitaliers
Admissions aux urgences
Aux Etats-Unis, les données de surveillance nationale provenant de 73% des Services d’Urgences (SU) américains ont montré une diminution de 42% des passages lors de la première vague, en comparaison avec l’année 2019. Cela correspondait à un nombre moyen de passages par semaine de 1.2 million sur la période du 29 mars au 25 avril 2020 versus 2.1 millions en 2019 à la même période. Par ailleurs, les passages pour pathologie infectieuse étaient quatre fois plus importants en 2020. (15) Une autre étude américaine incluant 24 SU a montré des résultats similaires avec une réduction importante des passages entre janvier et avril 2020, notamment pendant le pic de l’épidémie. Les cinq états avec réduction la plus importante des passages étaient celui de New York (63.5%), suivi par le Massachusetts (57.4%), le Connecticut (48.9%), la Caroline du Nord (46.5%), et le Colorado (41.5%). (16) D’autres publications américaines ont montré des résultats similaires avec une réduction de 42% à 49% des passages aux urgences suivant les séries, notamment après la déclaration de l’état d’urgence. (17 ;18 ;19)
En Europe, des résultats concordants ont été retrouvés dans plusieurs pays, identifiant une diminution des passages dans les SU, alors que l’incidence de l’épidémie était majeure. En effet, pendant la période de mars à avril 2020, la réduction des passages aux urgences était de 13 à 38% en Allemagne (20), et de 31 à 54% au Royaume-Uni (21 ;22), ce qui coïncidait avec les périodes de confinement. En Italie on a pu noter une réduction de 50 à 68% des passages pendant le mois de février. (23) Cette diminution des admissions a également été observée au sein des SU pédiatriques (24).
A l’opposé, le nombre d’appels enregistrés par les services de secours et d’aide médicale urgente (SAMU) a augmenté jusqu’à 20% en France par rapport aux périodes de référence (25). En Italie, une étude a noté de 22 à 53% d’augmentation, ainsi qu’une proportion plus grande des appels engendrant des admissions régulées en transport sanitaire dans les SU, impliquant donc plus de malades nécessitant des soins urgents. (26)
Hospitalisations non-COVID
Concernant les séjours hospitaliers, une diminution de 13% des séjours hors COVID-19 a été enregistrée en France par rapport à 2019. Pour les pathologies graves et urgentes, cette diminution concernait les insuffisances cardiaques aiguës (-12.1 %), les syndromes coronariens aigus (-9.2 %), les accidents ischémiques transitoires (-8.0 %) et les accidents vasculaires cérébraux constitués (-5,0 %). C’est pendant la première vague de l’épidémie que la diminution d’hospitalisation pour ces pathologies a été la plus importante, soit une réduction de 21.3% à 41.6% (27).
Justification de l’étude
Depuis la fin des années 90, le nombre de passages annuels aux urgences n’a cessé d’augmenter en France (Figure 1), avec un ralentissement de cette augmentation depuis quelques années (+0.7% en 2019) (28).
Durant l’année 2020, plusieurs mesures de santé publique ont été mises en place pour faire face à cette épidémie, notamment le confinement de la population. De plus, des campagnes d’information dans les médias sensibilisaient la population sur la nécessité d’éviter le recours aux SU et de favoriser le contact avec les centres de régulation du SAMU. Ces mesures, dont l’objectif était de prévenir la saturation des SU, semblent avoir été efficaces lors de la première vague de l’épidémie. En effet, les données de la littérature montrent une réduction de l’activité des SU au niveau mondial alors que l’activité des centres de régulation a augmenté (29). Cependant, la plupart des travaux se sont déroulés lors de la première vague de l’épidémie.
Matériel et Méthodes
Schéma d’étude
Étude épidémiologique, observationnelle, descriptive, rétrospective, comparant les données de l’année 2020 (période COVID) et celles de l’année 2019 (période de référence), relatives à l’activité des deux SU adultes de l’hôpital Nord et de l’hôpital de la Timone, et les données du Service d’Aide Médicale Urgente des Bouches du Rhône situé à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Les Hôpitaux Universitaires de Marseille sont composés de quatre centres hospitaliers. Parmi ces centres, deux sites regroupent l’offre de soins relative à la médecine d’urgence, l’hôpital Nord et l’hôpital de la Timone, qui disposent respectivement d’un SU adulte, d’un SU pédiatrique et d’une antenne du Service Mobile d’Urgence et de Réanimation. De plus, l’hôpital de la Timone accueille le Centre de Régulation et de Réception des Appels (CRRA) du SAMU 13, qui est le SAMU de référence de la zone Sud pour les situations sanitaires exceptionnelles.
Contexte
En France, la collecte d’un Résumé de Passage aux Urgences (RPU) est obligatoire pour chaque passage aux urgences. Chaque établissement de santé transmet quotidiennement les RPU aux Observatoires Régionaux des Urgences. Les Observatoires Régionaux des Urgences gèrent la collecte au niveau régional puis transmettent ces données à Santé publique France et à l’Agence Technique de l’Information Hospitalière, sous la responsabilité des Agences Régionales de Santé. Les RPU contiennent des informations permettant la description des patients, de leur parcours et de leur prise en charge médicale dans les SU. Ces informations sont standardisées et définies par arrêté (Instruction DGOS/R2/DGS/DUS n° 2013-315 du 31 juillet 2013 relative aux résumés de passage aux urgences). La version étendue des RPU contient des données complémentaires déterminées à l’échelle régionale.
Concernant le fonctionnement des CRRA du SAMU, la réception d’un appel nécessite l’ouverture d’un Dossier de Régulation (DR), qui sera unique pour un même évènement anciennement appelé « affaire ». De ce fait, plusieurs appels entrants peuvent être relatifs au même DR. Ainsi, le nombre de DR avec le nombre d’appels sont les deux critères essentiels permettant d’évaluer l’activité d’un SAMU. Ce DR doit contenir une fiche administrative, une liste horodatée des communications, une fiche de régulation médicale, une liste de la ou des décisions prises et un Diagnostic De Régulation médicale (DDR).
Population étudiée
Critères d’inclusion
Pour les SU adultes, les passages aux urgences inclus étaient ceux relatifs à l’ensemble des patients âgés de 16 ans ou plus, admis sur l’un des deux sites du DMU durant la période d’étude (du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020).
Concernant l’activité pré-hospitalière, l’ensemble des DR créés lors d’un appel au CRRA du SAMU 13 pendant la période d’inclusion (du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020) ont été inclus dans l’étude, indépendamment de l’âge du patient pour lequel le dossier était créé.
Après inclusion, deux groupes ont été constitués en fonction de l’année d’enregistrement du passage ou de la création du DR : période 2019 (de référence) du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, et, période 2020 (COVID) du 1er janvier 2020 au 31décembre 2020.
Critères de non-inclusion :
Pour les passages aux urgences, les erreurs d’enregistrement administratives (erreur d’identité ou doublon), les passages des patients âgés de moins de 16 ans et les passages liés à une réorientation vers la maison médicale lors de l’évaluation par l’infirmier d’accueil étaient des critères de non-inclusion.
Aucun critère de non-inclusion n’a été défini pour les DR.
Collecte des données
Extraction et circuit des données
Premièrement, une extraction informatique des RPU étendus concernant la période étudiée a été réalisée à partir du logiciel Terminal Urgence®, qui est le logiciel de gestion des patients aux urgences. L’unité statistique de cette base de données était le passage aux urgences. À la fin de l’extraction, les données directement identifiantes ont été supprimées : nom, prénom, code postal de résidence et adresse du patient ainsi que l’identité des soignants en charge du patient.
Deuxièmement, une extraction informatique des DR de la période d’étude a été réalisée à partir du logiciel CENTAURE 15®, qui est le logiciel de gestion des DR du SAMU 13. L’unité statistique de cette base de données était la semaine de l’année.
Après extraction des données au format Microsoft Excel®, chaque base de données a été importée sur le logiciel IBM SPSS afin de préparer les données avant l’analyse statistique. Après recodage des variables, les données indirectement identifiantes des RPU (identifiant unique, numéro de séjour et date de naissance) ont été supprimées afin d’anonymiser les données. Aucune donnée n’était identifiante concernant les DR ; la base de données étant initialement agrégée.
Recueil des données
Les données des RPU étendus recueillies étaient: numéro identifiant unique (IDU), date de naissance, genre, dates et heures d’admission, d’examen et de sortie, provenance et mode de transport, motif de recours aux urgences, catégorie de tri de la Classification Infirmière des Malades des Urgences (CIMU) cotés par l’infirmière/er d’accueil et d’orientation; salle d’examen, Classification Clinique des Malades des Urgences (CCMU) reflétant la gravité et le pronostic des patients codés par le médecin, le diagnostic principal et les diagnostics associés (codes de la Classification Internationale des Maladies 10ème révision), et, l’orientation du patient à la fin de la prise en charge dans le SU ainsi que l’unité de destination en cas d’hospitalisation.
Pour les DR, les données recueillies étaient les DDR et les décisions, qui sont obligatoirement codés pour clôturer le dossier.
Recodage des données
À partir des données au format date, l’âge, le délai d’examen, la durée de séjour ont été calculées. Les motifs de recours ont été recodés en trois catégories : traumatologique, médicale et psychiatrique incluant les intoxications volontaires. À partir de la salle d’examen, la variable circuit a été créée, comptabilisant quatre modalités : circuit ambulatoire, circuit couché, salle d’accueil des urgences vitales et unité d’hospitalisation de courte durée. La réadmission dans les 72 heures (J3), dans les sept jours (J7) et dans les dix jours (J10) a été calculée en recherchant les passages multiples pour un même patient identifié par son IDU puis en calculant le délai entre le premier et le second passage aux urgences à partir de la date et de l’heure d’admission.
Les variables relatives aux nombres de passages ont été calculées par agrégation sur le jour d’admission et le critère évalué (période, suspicion de COVID-19 et diagnostic de COVID-19) à partir de la base de données des passages.
À partir des données brutes des DDR (N = 609), le recodage avait pour objectif de regrouper les diagnostics en neuf catégories pertinentes cliniquement : arrêt cardiaque (incluant les décès extra-hospitaliers), syndrome douloureux thoracique et syndrome coronarien aigu, accident vasculaire cérébral et accident ischémique transitoire, pathologies traumatiques, pathologies médicales, pathologies psychiatriques incluant les autolyses, bilans non transmis, bilans sans gravité et bilans non attendus.
À partir des données brutes des décisions (N = 36), le recodage a permis d’identifier huit types de décisions différentes : conseil médical, envoi d’un médecin, d’un SMUR, d’un VSAB, d’une ambulance privée, autre décision (cellule périnat, envoi d’un moyen de lutte contre les incendies, cellule médico-psychologique, intervention du CROSSMED et identification de l’appelant) et dossier sans suite.
Ainsi le nombre total et par catégories de DR et de décisions ont pu être calculés par semaine et par année.
Critères de jugement :
Critères de jugements principaux :
Afin d’évaluer l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur l’activité quantitative des SU et du SAMU, nous avons comparé le nombre de passages par semaine total et par site aux urgences, le nombre de DR par semaine et le nombre de décisions par catégorie en 2020 par rapport à la période de référence de 2019.
Au niveau qualitatif pour les urgences, nous avons comparé le devenir des patients à la fin de leur séjour ainsi que les réadmissions aux urgences à J3, J7 et J10.
Critère de jugements secondaires
Deuxièmement, nous avons réalisé une analyse du sous-groupe des passages relatifs à l’année de 2020 (semaines 10 à 52).
Les critères analysés étaient la distribution et la répartition des passages en fonction de la suspicion de COVID-19 à l’admission et de la confirmation du diagnostic de COVID-19 à la fin du passage, ce qui a permis de déterminer quatre catégories de passages : non-suspect avec diagnostic COVID-19 négatif, non-suspect avec diagnostic COVID-19 positif (découverte fortuite), suspect avec diagnostic COVID-19 négatif et suspect avec diagnostic COVID-19 positif. Pour les DR, seules les suspicions de COVID-19 ont été étudiées.
Un patient était considéré suspect COVID-19 à l’admission aux urgences, s’il présentait l’un des motifs de recours suivants lors de son évaluation par l’Infirmier(e) d’Accueil et d’Orientation (IAO) : dyspnée avec ou sans signe de détresse respiratoire aigüe (saturation pulsée en oxygène < 95% et/ou fréquence respiratoire > 25), toux (avec ou sans expectoration), hyperthermie documentée ou non, suspicion de pneumopathie avec ou sans signe de détresse respiratoire aigüe ou suspicion d’angine, pharyngite, rhinopharyngite. Si le patient était admis pour un autre motif de recours, il était considéré comme non-suspect COVID-19.
Concernant le diagnostic de COVID-19, il était confirmé si le diagnostic de sortie était coté maladie à coronavirus 2019 (codes U07.10 à U07.15 de la CIM-10) et/ou si le patient avait été hospitalisé dans une unité COVID à l’issue du passage.
Concernant les DR, une suspicion de COVID-19 était identifiée sur la base des DDR suivants : affections aigues des voies respiratoires inférieures, appareil respiratoire, céphalée, détresse respiratoire, douleur musculaire, dyspnée, asthénie, fièvre, infectieux, insuffisance respiratoire, maladie infectieuse à déclaration, maladie virale, infection émergente, toux et oxygénothérapie.
|
Table des matières
1 Introduction
1.1 Maladie à Coronavirus 2019
1.1.1 Isolement du Sars-Cov-2
1.1.2 Symptômes et formes cliniques
1.1.3 Diagnostic et traitement
1.2 Chronologie de l’épidémie en 2020 en France
1.2.1 Généralités
1.2.2 Début de l’épidémie (janvier – février)
1.2.3 Premier confinement (mars – avril)
1.2.4 Déconfinement (mai – août)
1.2.5 Deuxième vague (septembre – décembre)
1.3 Impact de la COVID-19 sur les admissions aux urgences et les séjours hospitaliers
1.3.1 Admissions aux urgences
1.3.2 Hospitalisations non-COVID
1.3.3 Justification de l’étude
1.4 Objectifs de l’étude
2 Matériel et Méthodes
2.1 Schéma d’étude
2.2 Contexte
2.3 Population étudiée
2.3.1 Critères d’inclusion
2.3.2 Critères de non-inclusion
2.4 Collecte des données
2.4.1 Extraction et circuit des données
2.4.2 Recueil des données
2.4.3 Recodage des données
2.5 Critères de jugement
2.5.1 Critères de jugements principaux
2.5.2 Critère de jugements secondaires
2.6 Analyse statistique
3 Résultats
3.1 Impact de la COVID-19 sur l’activité intra-hospitalière
3.1.1 Caractéristiques des passages étudiés
3.1.2 Evolution du nombre de passages dans le DMU
3.1.3 Nombre de passages par site
3.1.4 Devenir après passage aux urgences
3.2 Impact de la COVID-19 sur l’activité pré-hospitalière
3.2.1 Evolution du nombre de dossiers de régulation
3.2.2 Evolution des décisions
3.2.3 Diagnostics de régulation.
3.3 Activité pendant la période épidémique
3.3.1 Activité COVID aux urgences
3.3.2 Suspicions de COVID en pré et en intra-hospitalier
4 Discussion
4.1 Un effet quantitatif inversé en pré et intra-hospitalier
4.1.1 Diminution des passages dans le DMU
4.1.2 Augmentation de l’activité du SAMU 13
4.2 Modification du profil et du devenir des patients du DMU
4.2.1 Caractéristiques des patients
4.2.2 Augmentation des hospitalisations et des réadmissions tardives
4.3 Suspicions de COVID sur l’activité SU et du SAMU
5 Limites de l’étude
6 Conclusion
7 Annexes
7.1 Annexe 1 : Classification Infirmière des Malades d’Urgences (CIMU)
7.2 Annexe 2 : Classification Clinique des Malades aux Urgences (CCMU)
7.3 Annexe 3 tableau chronologique
7.4 Annexe 4
8 Serment d’Hippocrate
9 Références
Télécharger le rapport complet