L’acteur principal de la traduction : le ribosome
Les acteurs de la traduction
La traduction fait intervenir de très nombreux facteurs protéiques et nucléiques, dont les principaux sont les ARNs messager (ARNm), les ARNs de transfert (ARNt) et le complexe ribonucléoprotéique ribosome.
❖ Les ARNs messagers (ARNm) :
Les ARNm représentent 5% des ARNs totaux de la cellule et comprennent, chez les eucaryotes, une coiffe à l’extrémité 5’, une région non traduite en 5’ (5’UTR, UnTranslated Region), une région codante délimitée en 5’ par un codon d’initiation de la traduction (généralement AUG) et en 3’ par un codon de terminaison UAA, UAG ou UGA, une région non traduite en 3’ (3’UTR) et une queue poly(Adénine) (poly(A)) à l’extrémité 3’ . Les ARNm sont synthétisés sous forme de pré-ARNm par l’ARN polymérase Pol II à partir de la séquence d’ADN : c’est l’étape de transcription. Ces pré-ARNm subissent alors une maturation importante, puis sont exportés du noyau vers le cytoplasme pour y être traduit. La maturation se compose de plusieurs étapes : ajout d’une coiffe 7-méthylguanosine triphosphate, épissage des introns, clivage en 3’, ajout d’une queue poly(A) et ajout de modifications chimiques. Toutes ces étapes ont lieu de manière co transcriptionnelle, bien que la transcription et la maturation soient indépendantes .
L’ajout de la coiffe en 5’ a lieu de façon précoce au cours de la transcription, le plus souvent après la synthèse d’environ vingt nucléotides. Elle se déroule en trois étapes : (1) l’extrémité 5’ triphosphorylée est convertie en ARN diphosphorylé, (2) une molécule GMP est ajoutée pour former une coiffe GpppRNA, (3) et enfin le carbone 7 de la guanine est méthylé pour donner un m7GpppRNA3 (Figure 3a). La coiffe est essentielle : elle permet de stabiliser le messager3, elle est reconnue par les facteurs d’initiation de la traduction, qui recrutent le ribosome , et elle joue également un rôle essentiel dans l’épissage en le stimulant .
De manière intéressante, certains ARNm présentent une coiffe triméthylée, qui intervient alors dans la régulation de leur traduction. Jusqu’à présent cette coiffe particulière n’a été identifiée que sur des ARNm codant des sélénoprotéines chez les mammifères , même si la triméthylation de la coiffe a aussi été mise en évidence pour des snRNAs et snoRNAs. Les pré-ARNm eucaryotes acquièrent une queue poly(A), après un clivage en 3’. Cette queue d’adénines protège de la dégradation, a un rôle dans l’export de l’ARNm mature du noyau vers le cytoplasme et favorise la traduction . Le clivage en 3’ fait intervenir des éléments de reconnaissance, sous forme de motifs de nucléotides. Chez les mammifères, le motif nucléotidique majeur PAS (Polyadenylation (poly(A) signals) est un signal hexanucleotidique poly(A), souvent AAUAAA), dix à trente nucléotides avant le site de clivage. On trouve également le site de clivage lui-même (souvent après un dinucléotide CA) et un élément de séquence riche en U ou en G/U en aval (DSE) . La machinerie responsable du clivage de l’ARNm en 3’ et de l’ajout de la queue poly(A) est complexe et comprend plusieurs facteurs dont : le complexe CPSF (cleavage and polyadenylation specificity factor), le complexe CstF (cleavage stimulation factor), le facteur CFIm (cleavage factor I), le facteur CFIIm et d’autres protéines comme la poly(A) polymérase (PAP). CPSF-73, sous-unité du complexe CPSF, est l’endoribonucléase responsable de la réaction de clivage en 3’, CPSF 160 reconnaît le PAS, CstF-64 reconnaît le DSE3. La queue poly(A) est synthétisée à l’extrémité 3’ par PAP et sa taille est contrôlée par PABPN1. Elle atteint environ 80 nucléotides chez la levure S. cerevisiae et 250 nucléotides chez les mammifères . Plusieurs études rapportent des observations de variations de site de poly(A), dans différents types cellulaires, différentes conditions pathologiques mais sans lien avec la stabilité des ARNm isoformes . En effet, plus de 70% des ARNm humains présentent plusieurs PAS, c’est ce qu’on appelle la polyadénylation alternative (APA).
Avant l’initiation de la traduction, des interactions reliant la coiffe et la queue poly(A) se mettent en place, ce qui aboutit à une circularisation de l’ARNm . Les mécanismes mis en place lors de cette circularisation seront détaillés dans le II-1-a qui traite de l’initiation de la traduction.
Les ARNm des eucaryotes possèdent des séquences codantes nommées exons interrompues par des séquences non codantes appelées introns, éliminées lors de l’étape d’épissage. Les introns possèdent des éléments dans leur séquence qui leur permettent d’être reconnus comme tels par le spliceosome, la machinerie qui permet l’épissage. Ces éléments sont deux sites d’épissage en 5’ et en 3’ et une boîte de branchement, qui contient une adénine qui a un rôle central et qui est localisé 18 à 40 nucléotides en amont du site d’épissage 3’.
Le spliceosome contient les snRNP (small nuclear ribonucleoprotein) U1, U2, U4/U6 et U5 et d’autres facteurs protéiques. D’abord les snRNPs U1 et U2 s’assemblent respectivement aux sites d’épissage 5’ et 3’. Puis le complexe ternaire U4/6-U5 est recruté pour former le spliceosome mature et catalyser la coupure de l’ARNm, l’excision des introns et la religature des exons . L’épissage peut se découper en deux étapes : (1) Le 2’-OH du ribose de l’adénine de la boîte de branchement effectue une attaque nucléophile sur le phosphate de la jonction exon-intron en 5’. (2) Le 3’ de l’exon alors libre attaque le phosphate de la jonction intron-exon en 3’. L’intron forme alors un lasso et est excisé de l’ARNm, les deux exons de part et d’autre de l’intron sont reliés . En moyenne, les ARNm humains contiennent huit exons et sept introns . Cependant, la combinaison d’exons retenus dans l’ARNm mature peut varier, ce qui augmente considérablement de la boîte de branchement sur le phosphate de la jonction exon1-intron. L’intron et l’exon2 forment alors un lasso intermédiaire. La deuxième réaction de transestérification correspond à l’attaque du 3’ de l’exon1 libre sur le phosphate de la jonction intron exon2. L’intron forme alors un lasso et est excisé de l’ARNm, les exons 1 et 2 sont reliés entre eux. Adapté de Bentley, 2014 .
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Table des matières
Introduction
Préambule
I – L’acteur principal de la traduction : le ribosome
1 – Les acteurs de la traduction
2 – La structure et la composition du ribosome
3 – La biogenèse du ribosome
A – La synthèse et la maturation des composants du ribosome
a – La synthèse et la maturation des protéines ribosomiques
b – La synthèse et la maturation des ARN ribosomiques
c – L’export du noyau et l’assemblage des composants du ribosome
d – Mutations dans les protéines ribosomiques et facteurs d’assemblage du ribosome et pathologies associées
B – Les pseudouridylations et 2’-O-méthylations des ARNr et les complexes snoRNPs qui les synthétisent
a – Les snoRNPs à boîte H/ACA, responsables des pseudouridylations
b – Les snoRNPs à boîte C/D, responsables des 2’-O-méthylations
c – Expression et synthèse des snoARNs
d – Effets d’une perte totale ou partielle des pseudouridylations et 2’-O-méthylations
e – Défauts des machineries snoRNPs et pathologies
II – La traduction chez les Eucaryotes
1 – L’initiation de la traduction
A – L’initiation cap-dépendante
B – L’initiation IRES-dépendante
C – Autres modes d’initiation
2 – L’élongation de la traduction
3 – La terminaison de la traduction
4 – Le recyclage de la machinerie de traduction et la réinitiation
III – La régulation et la fidélité de la traduction
1 –L’initiation est l’étape la plus régulée
2 – Régulation et fidélité de l’élongation
3 – Régulation et fidélité de la terminaison
4 – Régulation de la traduction et croissance cellulaire
5 – Voies de surveillance NGD, NSD et NMD
6 – Hétérogénéité des ribosomes et traduction
A – Hétérogénéité dans la composition des protéines
B – Hétérogénéité des séquences des ARN ribosomiques
C – Hétérogénéité des modifications chimiques des ARNr
Objectifs de thèse
Résultats
Discussion
Conclusion