IMOGOLITE ET ALLOPHANES : NANOPARTICULES NATURELLES
METHODES DE CARACTERISATION
La faible cristallinité des particules, ainsi que la complexité de la structure, des allophanes notamment, ont nécessité une large gamme de moyens analytiques de l’échelle de la particule (Microscopie électronique à transmission, diffusion des rayons X) à l’échelle atomique (Résonance magnétique nucléaire, Spectroscopie d’absorption des Rayons X) (Figure 5). Les paragraphes suivants ont pour objet d’en présenter les différentes caractéristiques. Nous présenterons plus en détail le principe de la spectroscopie d’absorption des rayons X.
Microscopie Electronique à Transmission (MET)
Cette technique a été utilisée afin de déterminer la taille et la forme des nanoparticules synthétisées.
Les images MET sont obtenues par observation des électrons transmis au travers d’un échantillon. Les appareils utilisés sont un TECNAI G20 et un JEOL JEM-3010. Le faisceau d’électron est fourni par une cathode LaB6 soumise à un champ électrique intense puis accéléré et collimaté par des anodes. La différence de potentiel entre la cathode et la dernière anode définit la tension d’accélération des électrons (200 kV (TECNAI) ou 300 kV (JEOL) pour nos observations). Pour permettre la focalisation ainsi que les réglages de la taille du faisceau, ce dernier traverse une série de lentilles et de diaphragmes appelée système condenseur. La MET est adaptée à l’étude des nano-systèmes puisque la résolution spatiale est de 2 Å. Les échantillons ont été préparés par dépôt goutte sur des grilles à trous de Holley.
Diffusion aux petits angles des rayons X (DPAX)
La diffusion aux petits angles des rayons X a permis d’étudier les mécanismes de formation des aluminogermanates (évolution de la taille et de la forme pendant la phase de croissance à 95°C). Une expérience de diffusion aux petits angles des rayons X consiste à envoyer un faisceau monochromatique de rayons X sur un échantillon et à mesurer l’intensité diffusée en fonction de l’angle de diffusion. Le signal récupéré permet de renseigner sur la taille et la forme des objets observés.
Les mesures ont été effectuées au CEA (Saclay) sur un banc de diffusion de laboratoire équipé d’une anode tournante d’une puissance de 3 kW (50 kV et 60 mA). Le faisceau issu de la source en cuivre est rendu monochromatique (l = 0.1548 nm) à l’aide d’un miroir focalisant (XENOCS). Le faisceau est collimaté grâce à 2 séries de 4 fentes sous vide. Au niveau de l’échantillon, le faisceau a une taille de 1×1 mm2 avec un flux N0 = 107 photons/s. Le faisceau transmis (N0 T) est mesuré à l’aide d’une chambre à ionisation placée après l’échantillon. Le nombre de photons diffusés DN est mesuré à l’aide d’un détecteur à gaz placé à 1180 mm de l’échantillon. La taille des pixels est connue ce qui permet de calculer l’angle solide par pixel connaissant la distance échantillon détecteur. Cette configuration permet d’avoir une gamme de vecteur de diffusion q compris entre 0,5 Å-1 et 0,015 Å-1 . Le vecteur de diffusion est défini comme q = k’-k (k’ ; vecteur du faisceau diffracté, k : vecteur du faisceau incident)(Figure 6). Son module est égal à q = 4πsin(θ)/λ avec λ la longueur d’onde du faisceau incident et 2θ l’angle de diffusion. L’image 2D de diffusion est accumulée pendant 1800 s à 3600s selon le pouvoir diffusant de l’échantillon. Un logiciel permet d’effectuer un regroupement radial de l’image afin d’obtenir une courbe du nombre de coups diffusés par unité de temps DN en fonction de l’angle. La distance échantillon détecteur est calibrée avant chaque série de mesure à l’aide d’une phase lamellaire de tétradécanol. La réponse de la chambre à ionisation est également calibrée grâce à deux étalons (l’eau et une place de 6mm de Lupolen) afin de faire en sorte que la valeur N0 T obtenue grâce à la chambre à ionisation puisse être comparée à DN obtenu avec le détecteur à gaz . Les courbes expérimentales sont donc représentées en intensité diffusée en unité absolue (cm-1 ) en fonction du vecteur de diffusion (nm-1 ) (Figure 6).
Diffraction de Rayons X (DRX)
La diffraction des rayons X (DRX) sur poudre représente la technique traditionnelle et longuement éprouvée d’identification minéralogique. Elle a été une méthode essentielle pour la caractérisation des imogolites et des allophanes permettant une estimation rapide de la cristallinité des produits synthétisés.
Dans le cas d’une poudre à orientation supposée parfaitement statistique, il existe toujours une famille de plans (hkl) présentant au faisceau de rayons X une incidence θ compatible avec la loi de Bragg : nλ = 2dsinθ. L’observation de raies de Bragg correspondant à ces incidences permet donc, en se reportant à une banque de données minéralogiques, d’identifier précisément la nature des composés cristallisés constitutifs d’un échantillon. Dans le cas présent, la signature des imogolites et allophanes est plus liée à l’observation de certaines raies qu’à une comparaison dans une banque de données, ces minéraux cristallisés à courte distance étant peu ou pas représentés dans les banques minéralogiques.
Dans le cas de l’imogolite, un assemblage organisé des nanotubes entre l’apparition de pics de diffraction (plan (100)) due à l’agrégation organisée des tubes (On parle de sur structure) (Figure 6). Ce pic est directement lié au diamètre de celui-ci. Le phénomène est beaucoup moins marqué pour les Ge-imogolites que pour les Si-imogolites. Les tubes de Ge-imogolite étant plus courts, ils s’organisent plus difficilement et par conséquent, le pic caractéristique de la sur structure (plan (100)) est moins intense (Figure 6). De plus, le diamètre des Ge-imogolites étant proche de 3 nm, ce pic se situe à très bas angle (3-4°), à la limite des possibilités de la technique (à cet angle il y a une forte contribution du faisceau incident), contrairement à Si-imogolite pour lequel le diamètre est plus faible et donc diffracte pour un angle plus important. Un second pic est généralement décrit comme caractéristique de la structure de l’imogolite. Cette diffraction à 8,5 Å correspond au motif de la couche de gibbsite selon l’axe c (plan (001)) (Figure 7).
Les mesures ont été effectuées au CEREGE avec un diffractomètre PANalytical X’Pert PRO θ/θ équipé d’une anti-cathode de cobalt (λKα=1,79Å) à 40 kV et 40 mA. Les échantillons préalablement broyés dans un mortier en agate sont déposés sur une pastille en silicium (ces supports ne présentent pas de pics de diffraction dans le domaine angulaire considéré) et analysés dans entre 2 et 80°(2θ) correspondant à un domaine de distance de 51.25 à 1.39 Å. L’acquisition d’un diagramme de diffraction de rayons X s’effectue sur environ 11h (0,05° par pas, temps de comptage 25s).
Spectroscopie Infrarouge (FTIR)
Les spectres ont été enregistrés dans la gamme 400-4000 cm-1 sur un spectromètre infra rouge à transformée de Fourier Brucker (CEREGE) avec une résolution spectrale de 4 cm-1 . Les échantillons (1 % en masse) sont mélangés avec du KBr. Ce mélange est transformé en fine pastille à l’aide d’une presse. Afin d’éliminer l’eau adsorbée, les pastilles sont placées dans une étuve à 110°C pendant 12 heures.
Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)
Cette méthode exploite les propriétés magnétiques du spin nucléaire. La fréquence de résonance d’un spin est très sensible à l’environnement chimique de l’atome considéré. La RMN a été utilisée afin de sonder l’environnement des atomes d’Al et du Si des composés synthétisés. En particulier, la RMN nous a permis d’étudier l’évolution de la structure à l’échelle locale des allophanes pendant la phase de croissance.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1. CONTEXTE DE L’ETUDE
1.1. Contexte pédologique
1.2. Les Eléments Traces Métalliques
1.3. Epandage de boues de STEP : législation sur les ETM
1.4. Spéciation des ETM
2. IMOGOLITE ET ALLOPHANES : NANOPARTICULES NATURELLES
2.1. Facteur contrôlant la réactivité d’une particule
3. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 1. BIBLIOGRAPHIE SUR LA STRUCTURE, LA SYNTHESE, LA REACTIVITE ET L’ENJEU DES ALUMINOSILICATES ET COMPOSES ANALOGUES. OBJECTIFS DE LA THESE.
1. LES IMOGOLITES ET ALLOPHANES
1.1. Les imogolites
1.1.1. Composition chimique
1.1.2. Structure de l’imogolite
1.1.3. Occurrence
1.2. Les allophanes
1.2.1. Composition chimique et structures des allophanes
1.3. Bilan sur les différentes structures
2. SYNTHESES DES NANOSTRUCTURES
2.1. Synthèses des imogolites : première synthèse de nanotubes
2.1.1. Synthèse d’imogolites à partir de concentrations initiales en réactifs millimolaires
2.1.2. Synthèse d’imogolites à partir de concentration initiales en réactifs élevées (centimolaire et
décimolaire)
2.2. Synthèse d’allophanes
2.3. « Méthode Denaix » : imogolites et allophanes, synthèse « deux en un »
2.3.1. Descriptif de la synthèse
2.3.2. Caractérisation des imogolites et allophanes obtenues d’après la méthode Denaix
2.4. Synthèse de composés analogues aux imogolites : les Ge-imogolites
2.5. Bilan sur les synthèses et la structure des composés synthétiques
3. ENJEUX DES IMOGOLITES ET ALLOPHANES AU-DELA DE LA PROBLEMATIQUE DES SOLS
3.1. Nanotubes inorganiques
3.1.1. Procédés de synthèse complexes
3.1.2. Facilité du protocole de synthèse des imogolites
3.1.3. Propriétés des imogolites et applications potentielles
3.2. Allophanes, propriétés et applications
4. REACTIVITE DES IMOGOLITES ET ALLOPHANES
5. OBJECTIFS DE LA THESE
6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 2. MATERIELS ET METHODES
1. MATERIAUX ETUDIES
1.1. Système synthétique
1.1.1. Synthèse des aluminosilicates / aluminogermanates
1.1.2. Composés de références1.1.3. Isothermes d’adsorption d’éléments traces métalliques
1.2. Système naturel
1.2.1. Sites de prélèvements
1.2.2. Extraction des aluminosilicates
1.2.3. Etude de la spéciation des ETM « in situ »
2. METHODES DE CARACTERISATION
2.1. Microscopie Electronique à Transmission (MET)
2.2. Diffusion aux petits angles des rayons X (DPAX)
2.3. Diffraction de Rayons X (DRX)
2.4. Spectroscopie Infrarouge (FTIR)
2.5. Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)
2.5.1. Le silicium
2.5.2. L’Aluminium
2.6. Spectroscopie d’absorption des rayons X (XAS)
2.6.1. Principe
2.6.2. Formalisme EXAFS
2.6.3. Analyse des données XAS
2.6.4. Mise en œuvre expérimentale
2.7. Analyse chimique en solution (ICP-AES)
3. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 3. SYNTHESE D’ALUMINOGERMANATES A PARTIR DE CONCENTRATIONS DECIMOLAIRES : CARACTERISATION DE LA STRUCTURE ET DES MECANISMES DE CROISSANCE
1. INTRODUCTION
1.1. Rappels bibliographiques. Allophanes : sphères, ovoïdes, tubes courts ?
1.2. Objectifs du chapitre
2. SYNTHESE ET CARACTERISATION D’ALUMINOGERMANATES A PARTIR DE CONCENTRATIONS DECIMOLAIRES ET PLUS
2.1. Synthèse d’aluminogermanates à partir de concentrations décimolaires
2.1.1. Résumé étendu de l’article
2.1.2. Synthesis of Large Quantities of Single-Walled Aluminogermanate Nanotube
2.1.3. Bilan de l’article
2.2. La concentration est-elle un paramètre limitant pour la synthèse de Ge-imogolite ?
2.3. Effet du rapport d’hydrolyse sur la structure des aluminogermanates ?
2.3.1. Résumé étendu de l’article
2.3.2. Hydrolysis impact on Ge-imogolite nanotubes synthesis
3. STRUCTURE DE LA PROTO-GE-IMOGOLITE ET MECANISMES DE CROISSANCE DES GE-IMOGOLITES
3.1. Résumé étendu de l’article
3.2. Formation and growth mechanisms of imogolite-like aluminogermanate nanotubes
3.2.1. Introduction
3.2.2. Materials and methods
3.2.3. Results
3.2.4. Discussion
3.2.5. Conclusion
4. BILAN DU CHAPITRE 3
4.1. Al/Si et Al/Ge, deux systèmes divergeants
4.2. Optimisation de la synthèse des Ge-imogolites, structure des proto-Ge-imogolites et mécanismes de croissances.
5. REFERENCES BILBIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 4. STRUCTURES DES ALUMINOSILICATES SYNTHETISES A PARTIR DE CONCENTRATIONS DECIMOLAIRES ET DES ALUMINOSILICATES NATURELS
1. INTRODUCTION
1.1. Etat des lieux
1.2. Objectifs du chapitre
2. COMPOSITION CHIMIQUE, STRUCTURE ET MECANISMES DE CROISSANCE DES ALLOPHANES SYNTHETISEES A PARTIR DE CONCENTRATIONS DECIMOLAIRES
2.1. Composition chimique des allophanes
2.2. Structure à l’échelle locale des allophanes et de leurs précurseurs
2.2.1. Structure à l’échelle locale des précurseurs des allophanes
2.2.2. Devenir de l’environnement atomique de l’Al et du Si après la période de croissance à 95°C
2.2.3. Bilan des résultats RMN sur la structure locale de AR1, AR1, AR2 et de leur précurseurs
2.3. Cristallinité des allophanes
2.4. Caractérisation structurale des allophanes par microscopie électronique à transmission
2.5. Cinétique de croissance de AR1, AR1,5 et AR2
3. CARACTERISATION DES ALUMINOSILICATES NATURELS D’UN ANDOSOL
REUNIONNAIS
3.1. Minéralogie de l’échantillon naturel (sol brut et fraction isolée)
3.2. Caractérisation à l’échelle locale des aluminosilicates naturels
4. DISCUSSION SUR LA STRUCTURE ET LA DEFINITION DES ALLOPHANES
4.1. Composés de type imogolite
4.2. Allophanes riches en Si
4.3. Bilan sur la structure des composés naturels (extrait de l’andosol) et synthétiques (AR1, AR1,5 et AR2)
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 5. ROLE DES ALUMINOSILICATES NATURELS SUR LA DYNAMIQUE DU NICKEL DANS UN ANDOSOL DE LA REUNION
1. INTRODUCTION
1.1. Etat des lieux
1.2. Objectifs du chapitre
2. REACTIVITE DES ALUMINOSILICATES ET COMPOSES ANALOGUES AVEC LE NICKEL
2.1. Résumé étendu de l’article
2.2. Role of natural nanoparticles on the speciation of Ni in andosols of La Réunion
2.2.1. Introduction
2.2.2. Materials and Methods
2.2.3. Results and Discussion
2.2.4. Conclusions and perspectives
3. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
1. CONCLUSIONS GENERALES
1.1. Structures et mécanismes de croissance des aluminosilicates et de leurs analogues
1.1.1. Paramètres clés qui gouvernent la synthèse des imogolites (Si-imogolites et Ge-imogolites)
1.1.2. Mécanismes de formation des imogolites
1.1.3. Structure des allophanes riches en Si
1.1.4. Allophanes riches en Al
1.2. Structure et réactivité des aluminosilicates naturels
1.2.1. Structure des aluminosilicates naturels
1.2.2. Réactivité des aluminosilicates naturels
1.2.3. Hypothèses sur la formation des aluminosilicates naturels
2. PERSPECTIVES
2.1. Structure des allophanes
2.2. Réactivité des aluminosilicates dans les sols
2.3. Applications industrielles des imogolites
ANNEXE
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