IMMIGRATION DE LA POPULATION TURQUE EN SUISSE
DรFINITIONS DE LโรTRANGER
Divers termes existent et peuvent รชtre inclus dans celui dโรฉtranger, dont le sens est relativement large. Il est nรฉcessaire de bien dรฉfinir et clarifier le mot ยซ รฉtranger ยป pour la suite de ce travail. Le terme รฉtranger peut dรฉsigner un individu ยซ qui ne fait pas partie dโun groupe, dโun milieu, dโun organisme, ou qui nโest pas considรฉrรฉ comme en faisant partie ยป4 selon le Larousse. Ainsi, toute personne nโappartenant pas ร un groupe ou ร un systรจme donnรฉ est considรฉrรฉe comme รฉtrangรจre. Ce mรชme dictionnaire donne une seconde dรฉfinition, correspondant ร celle qui est plus couramment utilisรฉe. Lโรฉtranger est dรฉfini comme celui ยซ qui est dโun autre pays, qui nโa pas la nationalitรฉ du pays oรน il se trouve ยป5. Rosita Fibbi (1999), professeure en sociologie des migrations, ajoute que ยซ ce qui dรฉfinit lโรฉtranger est sa non-appartenance au nous national, et en consรฉquence, le fait dโรชtre privรฉ des droits attachรฉs ร cette qualitรฉ de membre ยป (citรฉ in Bolzman & Tabin, 1999, p.15). Lโรฉtranger ne fait donc pas partie intรฉgrante du pays et ne jouit pas des mรชmes droits que les autochtones.
Ainsi, une personne dโorigine portugaise nรฉe et vivant en Suisse est considรฉrรฉe comme รฉtrangรจre, au mรชme titre quโun migrant dโorigine turque installรฉ rรฉcemment. Partant de ces dรฉfinitions, nous comprenons davantage lโรฉtendue du terme รฉtranger, qui regroupe les migrants, les enfants issus de la migration, les touristes ainsi que les frontaliers. Dans le cadre de ce travail, nous retiendrons par ยซ รฉtranger ยป la dรฉfinition des individus rรฉsidant en Suisse et dont le pays dโorigine est diffรฉrent du pays dโinstallation. Ainsi, nous รฉcarterons volontairement les touristes et les frontaliers. Le terme ยซ รฉtranger ยป ne sera limitera pas ร celui de ยซ migrant ยป, dรฉfini par lโUNESCO comme ยซ toute personne qui vit de faรงon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il nโest pas nรฉ et qui a acquis dโimportants liens sociaux avec ce pays ยป6, qui comporte donc lโidรฉe dโun dรฉplacement dโun pays dโorigine ร celui dโaccueil.
PERMIS DE SรJOUR
Pour pouvoir rรฉsider lรฉgalement dans le pays, les personnes nโayant pas le passeport suisse doivent รชtre en possession dโune autorisation de sรฉjour. Il en existe plusieurs qui varient selon lโorigine, la durรฉe ou encore le motif dโarrivรฉe. Les pays membres de lโUnion Europรฉenne (UE) et de lโAssociation europรฉenne de libre-รฉchange (AELE) ont plus facilement accรจs aux documents souhaitรฉs. Par exemple, un รฉtranger dโorigine allemande venu en Suisse afin dโexercer une profession sera privilรฉgiรฉ en comparaison avec un Somalien arrivรฉ pour le mรชme motif. Dans ce travail, nous nous intรฉresserons plus particuliรจrement aux permis C, B et N, car ce sont les autorisations qui se rapportent le plus aux citoyens turcs de Suisse. Permis C : ce document est une autorisation dโรฉtablissement dรฉlivrรฉe aux habitants installรฉs en Suisse de maniรจre ininterrompue depuis dix ans. Cependant, la dรฉcision รฉtant prise en fonction de la provenance de la personne, ce dรฉlai est rรฉduit ร cinq ans pour les citoyens de lโUE/AELE.
Les dรฉtenteurs de ce permis dโรฉtablissement jouissent de droits plus larges par rapport aux droits confรฉrรฉs par les autres autorisations. Ainsi, ils peuvent changer librement de canton, dโemployeur ou ont encore la possibilitรฉ dโexercer une profession de maniรจre indรฉpendante7. ร noter que la Turquie ne faisant pas partie des membres de lโUE/AELE, un migrant turc doit รชtre domiciliรฉ durant dix ans pour bรฉnรฉficier du permis C. Cette durรฉe passe ร cinq ans pour les migrants dont le conjoint est suisse ou possรจde le permis C. Permis B : il sโagit dโune autorisation de sรฉjour qui se rapporte principalement aux autorisations de travail et aux regroupements familiaux. Le dรฉtenteur de la nationalitรฉ suisse peut ainsi garantir aux membres de sa famille (conjoint, descendants) de recevoir leur livret B et sรฉjourner en terre helvรฉtique selon lโarticle 42 al.1 de la loi fรฉdรฉrale sur les รฉtrangers (LEtr, 2005). Pour lโobtenir, les ressortissants de lโUE/AELE sont privilรฉgiรฉs. Il leur suffit dโattester dโun contrat de travail dโune durรฉe minimum dโune annรฉe afin dโobtenir un permis B pour cinq ans, contrairement aux personnes non europรฉennes pour qui la durรฉe de validitรฉ de lโautorisation de sรฉjour est valable un an8. Permis N : ce document sโadresse aux requรฉrants dโasile. Les concernรฉs doivent dรฉposer une demande dโasile dรจs leur entrรฉe sur le territoire suisse.
Cette requรชte est considรฉrรฉe par la loi sur lโasile (LAsi) comme ยซ toute manifestation de volontรฉ par laquelle une personne demande ร la Suisse de la protรฉger contre des persรฉcutions ยป (art.18, 1998). Au cours de lโattente dโune rรฉponse dรฉcisive des autoritรฉs, une permission de rรฉsidence est donnรฉe aux requรฉrants9, le livret N. Les requรฉrants vivent avec la crainte dโรชtre expulsรฉs du pays jusquโร lโobtention dโune dรฉcision des autoritรฉs10. Ce livret ne permet dโexercer aucune activitรฉ lucrative durant les trois premiers mois (LAsi art.43 al.1, 1998), puis par la suite, sur autorisation des autoritรฉs. Leur accรจs aux droits fondamentaux et sociaux est limitรฉ. Nous relevons รฉgalement la prรฉsence dโรฉtrangers qui ne sont pas lรฉgalement autorisรฉs ร rester dans le pays, nommรฉs les sans-papiers ou les clandestins. Selon le Larousse, ce sont des personnes qui ne possรจdent pas ยซ les documents qui lui permettent de justifier de son identitรฉ et, si elle est รฉtrangรจre, de la rรฉgularitรฉ de sa situation [โฆ] ยป11. Les travailleurs turcs venus aprรจs 1950 en Suisse รฉtaient, ร leur dรฉbut, gรฉnรฉralement des sans-papiers. Dรจs lโobtention dโune autorisation de travail, le permis B leur รฉtait alors accordรฉ. Il est intรฉressant de connaรฎtre ces diffรฉrentes autorisations de sรฉjour en raison du rรดle que peut jouer le statut dans le processus dโintรฉgration. En effet, รชtre dans un autre environnement que celui dโorigine, de sโimpliquer, de se projeter sont des รฉtapes susceptibles de varier en fonction de ces autorisations.
PRรSENCE รTRANGรRE EN SUISSE
Selon Etienne Piguet (2009), professeur en gรฉographie et spรฉcialiste en flux migratoires, lโimmigration est une composante importante de lโhistoire helvรฉtique. Actuellement, un tiers de la population helvรฉtique est issu de la migration (ce chiffre inclut la 1รจre ainsi que la 2รจme gรฉnรฉration) et un quart de ses habitants est nรฉ ร lโรฉtranger. Ce professeur estime que ces chiffres sont ยซ considรฉrables ยป, et il relรจve que la Suisse dรฉpasse largement les pays europรฉens par son pourcentage de personnes issues de la migration. En 1836, la Suisse ne compte que 2.5% dโรฉtrangers de sa population totale12. ร la fin du 19รจme siรจcle, le pays recrute une importante main-dโoeuvre ouvriรจre dans les domaines tels que la construction, la restauration et lโhรดtellerie afin de rรฉpondre aux besoins รฉconomiques dโaprรจs-guerre. Dรจs 1885, les ouvriers italiens venus en Suisse font augmenter la proportion dโimmigrants du pays.
LโItalie reprรฉsente dรจs lors le principal fournisseur de mains-dโoeuvre en Suisse. Par la suite, leur entrรฉe sera facilitรฉe grรขce la conclusion de lโaccord du traitรฉ de libre รฉtablissement de 1948 avec lโItalie. Cโest essentiellement durant le 20รจme siรจcle que lโimmigration en Suisse sโamplifie par lโarrivรฉe de plus de 2.5 millions dโรฉtrangers entre 1951 et 1970, principalement des travailleurs possรฉdant un permis temporaire13. Dโautre part, les rรฉfugiรฉs dโaprรจs-guerre issus de pays en conflit tels que la Hongrie (1956), le Tibet (1963), le Vietnam et le Cambodge (1979-1982), se multiplient. En 1962, des personnes en provenance dโEspagne entrent en Suisse, puis dรจs 1980, ce sont les Portugais, les Turcs, les Sri Lankais, les Ex-Yougoslaves (1990), mais aussi les populations des pays arabes, africains et du sud-est de lโEurope14.
En 2002, la conclusion du traitรฉ de la libre circulation pour les ressortissants de lโUnion europรฉenne facilite lโaccรจs en Suisse ร ces derniers, contrairement aux membres dโautres nations pour qui lโentrรฉe est trรจs restrictive et qui ne sont souvent acceptรฉs quโen raison de leur haute qualification15. On constate que la facilitรฉ dโaccรจs varie selon la provenance des individus. ร la fin de lโannรฉe 2015, selon lโOffice fรฉdรฉral de la statistique (OFS), le pays comptait 24% dโรฉtrangers16. ร noter que ce chiffre nโinclut pas les รฉtrangers naturalisรฉs. Les donnรฉes de lโOFS17, rรฉsumรฉes dans le schรฉma ci-dessous, indiquent les origines les plus reprรฉsentรฉes de la population รฉtrangรจre en 2015. Les รฉtrangers des pays europรฉens (en majoritรฉ ceux dโItalie, dโAllemagne et du Portugal), reprรฉsentent plus de 80% de la population รฉtrangรจre en Suisse. En dehors des populations de lโUE, un nombre important de personnes dโorigine kosovare, serbe ainsi que turque rรฉside dans le pays. Cette derniรจre, qui nous intรฉresse plus prรฉcisรฉment dans ce travail, reprรฉsente plus de 3,3% de la population รฉtrangรจre en fin 2015, ce qui รฉquivaut ร prรจs de 70โ000 Turcs (non-naturalisรฉs)18. De plus amples informations seront donnรฉes ร ce propos dans la suite de ce cadre thรฉorique.
|
Table des matiรจres
I. INTRODUCTION
II. SUJET DE RECHERCHE
1. CHOIX ET MOTIVATIONS
2. OBJECTIFS DU TRAVAIL
3. LIEN AVEC LE TRAVAIL SOCIAL
III. CADRE CONCEPTUEL
1. LโรTRANGER
1.1 DรFINITIONS DE LโรTRANGER
1.2 PERMIS DE SรJOUR
1.3 PRรSENCE รTRANGรRE EN SUISSE
2. LโINTรGRATION
2.1 DรFINITIONS DE LโINTรGRATION
2.2 INDICATEURS DE LโINTรGRATION
2.3 LโINTรGRATION EN SUISSE
3. LA DIASPORA TURQUE DE SUISSE
3.1 IMMIGRATION DE LA POPULATION TURQUE EN SUISSE
3.2 PROFIL DE LA DIASPORA
IV. PROBLรMATIQUE ET HYPOTHรSES
V. MรTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
1. TERRAIN DE RECHERCHE
2. รCHANTILLON DโรTUDE
2.1 PROFILS DES PARTICIPANTS
3. MรTHODE DE RรCOLTE DES DONNรES
4. ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF
4.1 AVANTAGES ET LIMITES
5. CADRE รTHIQUE 36 HES-SO Valais/Haute Ecole de Travail Social Travail de Bachelor
VI. ANALYSE DES DONNรES
1. LโINTรGRATION
1.1 COMPRรHENSION DU PROCESSUS DโINTรGRATION
1.2 INDICATEURS DโINTรGRATION
1.3 ACTEUR(S) DANS LE PROCESSUS DโINTรGRATION
2. LANGUE
2.1 IMPORTANCE DU FACTEUR LINGUISTIQUE DANS LE PROCESSUS DโINTรGRATION
2.2 FONCTIONS DE LA LANGUE NATIONALE
2.3 APPRENTISSAGE DE LA LANGUE NATIONALE
VII. VรRIFICATION DES HYPOTHรSES
VIII. PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES
1. EXPรDITION DโUN JOUR
IX. CONCLUSION
1. RรSULTATS DE LA RECHERCHE
2. LIMITES DE LA RECHERCHE
3. BILAN PERSONNEL ET PROFESSIONNEL
X. BIBLIOGRAPHIE
XI. ANNEXES
XII. GLOSSAIRE
Tรฉlรฉcharger le rapport complet