IMMIGRATION ET IDENTITÉ ETHNOCULTURELLE
L’immigration soulève la problématique de l’identité ethnoculturelle car elle met en présence des individus appartenant à des groupes ethnoculturels différents.
Cette partie du cadre conceptuel définit l’identité, montre la spécificité de la construction identitaire à l’adolescence avant d’en venir à l’impact de l’immigration sur l’identité ethnoculturelle.
Définition de l’identité
Notre identité est ce qui permet de nous distinguer comme être singulier, différent des autres mais aussi ce qui fait qu’on est le même et qu’on nous reconnaît une relative constance à travers le temps. La définition de Tap fait ressortir ce côté paradoxal du concept lorsqu’elle précise que
Mon identité, c’est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres, c’est ce par quoi je me sens exister en tant que personne et en tant que personnage social (rôles, fonctions et relations), c’est ce par quoi je me définis et me connais, me sens accepté et reconnu, ou rejeté et méconnu par autrui, par mes groupes ou ma culture d’appartenance. (Tap, 1988, p.69)
L’identité englobant tout ce qui permet à l’individu de répondre à la question “qui suis-je ?“, elle se décline en termes de parenté (nom), de sexe, de nationalité, de statut, de rôle, de positivité ou de négativité etc., tout un ensemble d’éléments que façonne la culture à titre de dispensatrice de sens et d’identité (Kaes, 1998). Dès les premiers moments de sa vie, l’individu en contact avec des institutions sociales et culturelles (famille, école, église, médias, associations, etc.) va apprendre à forger son soi. C’est en effet dans le rapport à l’autre que se construit l’identité, comme le souligne d’ailleurs les différents courants psychologiques et psychanalytiques mais aussi sociologiques et psychosociologiques. Selon Oyserman, Other early conceptuahzations of the self-concept also highlighted the ways others’ views of us, or at least our perceptions ofthese appraisals, influence how we conceive of ourselves. Others were seen as vital to the production and experience of being a self (Oyserman, 2004, p.12)
Que l’autre soit vu comme un alter-ego ou un modèle auquel l’individu s’identifie (Freud, 1962 ; Erikson, 1972) ou encore un adversaire contre lequel il doit lutter et s’affranchir (Touraine, 1974), sa présence comme individu ou groupe demeure indéniable. Lipiansky (1998) et Oyserman (2004) avancent ainsi que le nouveau-né découvre son existence à partir du regard de la mère qui va lui faire prendre conscience de l’intérêt ou du désintérêt qu’on lui porte et qu’il mérite. Il apprend par la suite son identité de fille ou de garçon par identification au parent du même sexe puis aux pairs et continue à s’affirmer avec plus de force à l’adolescence en s’éloignant relativement des parents pour se rapprocher davantage des pairs. L’école et les médias contribuent aussi largement à la construction identitaire en proposant à l’individu des valeurs, des modèles, des héros auxquels s’identifier. Même lorsque l’identité s’affermit à l’âge adulte, l’autre continue d’y avoir une grande part.Cela ne sous-entend cependant nullement que l’individu agit en automate ou qu’il reçoit passivement tout ce qui lui vient de l’extérieur, au contraire, il opère des sélections entre les valeurs qui lui sont proposées, en rejette certaines catégoriquement et en aménage d’autres selon sa convenance. Il faut voir la construction identitaire comme “un mouvement relationnel de rapprochement et d’opposition, d’ouverture et de fermeture, d’assimilation et de différenciation, d’identification aux autres et de distinction par rapport à eux.” (Lipiansky, 1998, p.24) ; ou encore avec les termes de Tap (1986), comme un double processus d’identisation (tendance à se différencier d’autrui) et d’identification (tendance à intégrer le social). C’est pourquoi, si l’individu partage des traits de ressemblance avec d’autres qui ont évolué dans le même milieu que lui, il demeure aussi différent, unique de par la façon dont il a su organiser ses expériences dans différents milieux. C’est en ce sens que certains auteurs parlent d’identité individuelle en mettant l’accent sur “les attributs, qualités et attitudes personnelles par lesquels l’individu se différencie d’autrui dans ce qu’il perçoit comme unique” et d’identité sociale “qui comprend des catégories par lesquels le sujet exprime son appartenance à des groupes sociaux” (Taboadda-Leonneti, 1982, p.206). Nous verrons plus loin que l’identité ethrioculturelle est une dimension de l’identité sociale par laquelle l’individu exprime son appartenance à son groupe ethnoculturel, mais avant, nous nous pencherons sur la construction identitaire à l’adolescence.
La construction identitaire à l’adolescence
L’adolescence est à différents points de vue une période de mutation où l’individu quitte graduellement le monde de l’enfance pour se préparer à entrer dans l’âge adulte. C’est d’ailleurs parce que cette période de transition place l’individu dans une situation où son statut est peu clairement défini (entre l’enfant qu’il n’est plus tout à fait et l’adulte qu’il n’est pas encore), qu’elle soulève la problématique du “qui suis-je ?“ avec plus d’intensité.
L’adolescence c’est d’abord la poussée pubertaire qui transforme le corps d’enfant en celui de jeune adulte, apporte des sensations et émotions sexuelles plus intenses et amène l’individu à prendre conscience avec plus d’acuité de son identité sexuelle. Il faut par ailleurs compter avec les changements cognitifs décrits par Piaget (1970) qui font que l’adolescent, bénéficiant de capacités nouvelles (développement de la pensée formelle), porte un regard plus critique sur l’environnement, questionne davantage les valeurs transmises depuis l’enfance, pour se positionner et s’affirmer avec plus d’autonomie. C’est une période où l’amitié est importante et où les relations avec les pairs et avec le sexe opposé détiennent une place spéciale par rapport notamment à celle qu’occupaient jusque-là les parents. Braconnier (1998), qui relève quatre objectifs essentiels de l’adolescence, note qu’en plus de la pleine acceptation de son corps sexué et la rupture des liens de dépendance à ses parents, l’adolescent doit également parvenir à se projeter dans l’avenir et à maîtriser ses émotions et affects. C’est donc en définitive une période d’affirmation identitaire au point de vue sexuelle, cognitive, sociale, émotionnelle.
Or, tous ces aspects étant colorés par la culture’3, qui définit entre autres les rôles sexuels, les relations entre genres et avec les adultes, on peut entrevoir comment l’immigration, en plaçant le jeune sous une double influence culturelle, vient lui complexifier la tâche. Taboada-Leonetti (1991, p.206) note à ce propos que “les difficultés de choix, d’acceptation ou de refus des rôles que la société propose aux jeunes lors du passage à l’âge adulte sont, pour les enfants d’immigrés, compliquées par la diversité plus grande de choix qu’ils trouvent dans les deux cultures dont ils participent”
Le contexte migratoire va notamment faire prendre conscience à l’adolescent de son identité culturelle et ethnique comme nous le verrons dans la prochaine section, et peutêtre encourager des regroupements entre pairs suivant ces critères. Des auteurs (Claes, 1983 ; Lutte, 198$) signalent effectivement que, contrairement à l’enfance où l’appartenance ethnique et sociale n’interfèrent pas directement dans les liens d’amitié, elle devient importante à l’adolescence où les individus sont moins ouverts sur ces questions et se rassemblent souvent par ressemblance pour mieux s’affirmer et trouver support face à l’image de soi renvoyée par l’autre.Il importe par ailleurs de souligner que du fait qu’ils sont en transition entre l’enfance et l’âge adulte et que leur image de soi n’est pas encore bien structurée, les adolescents sont sensibles au regard d’autrui et s’inquiètent des opinions qu’on se fait d’eux. Selon Coslin,Tchoryk-Pelletier rappelle en ce sens qu’à l’adolescence “pratiquement toutes les zones de développement semblent avoir été touchées par les variations culturelles et sous-culturelles” (Tchoryk Pelletier, 1989, p.115).
Ces jeunes se perçoivent à la fois en fonction de ce que sont les autres et de la façon dont ils les considèrent, et les relations interpersonnelles vont influer sur la genèse de leur identité (Tap, 1979). Et si l’image de soi est bien en relation avec la représentation qu’en a autrui, la crise identitaire adolescente s’aggravera toutes les fois que les messages reçus des autres seront négatifs ou pour le moins contradictoires ou incohérents (Malewska-Peyre, 1983), l’image de soi étant alors menacée de dévalorisation (Coslin, 1993, p.366).
Cette sensibilité à l’égard de tout ce qui touche à leur identité dans l’une ou l’autre de ses dimensions (ethno-culturelle, sexuelle…), éclaire notamment le fait que des jeunes immigrés rapportent qu’à l’école primaire ils prenaient les pratiques discriminatoires avec plus de légèreté et que, dans certains cas, c’est au secondaire qu’ils réalisent qu’ils avaient été ou sont victimes de discrimination (Mimeault, Legaïl et Simard, 2001).
Adolescence et immigration sont donc deux ruptures qui, lorsqu’elles se produisent en même temps, donnent une ampleur particulière aux phénomènes identitaires.
Définition de l’identité ethnoculturelle
D’après Abou (2002, p.37), le groupe ethnique désigne “un groupe dont les membres possèdent, à leurs propres yeux et aux yeux des autres, une identité distincte enracinée dans la conscience d’une histoire ou d’une origine commune”. L’ethnicité d’un groupe se définit de manière contrastive par rapport à d’autres groupes, instrumentalise des traits culturels (langue, religion, pratiques culturelles, etc.), d’autres caractéristiques (couleur de la peau par exemple) et éléments (territoire). L’ethnicité est dynamique et constitue un espace de mobilisation où sont entretenus différents types de rapport interetlmique (conflit, coopération, domination, etc.). Il est important de souligner, dans la construction des frontières de l’ethnicité, le double jeu de l’affirmation et de l’assignation (Abou, 2002 ; Alaphilippe, 1999 ; McAndrew, 2001).
Il n’est pas toujours aisé de différencier les deux univers symboliques que sont l’ethnicité et la culture. Pour Kaes (1998), la culture renvoie à:L’ensemble des dispositifs de représentations symboliques dispensateurs de sens et d’identité, et à ce titre organisateurs de permanence d’un ensemble humain, de ses processus de transmission et de transformation. Elle comporte nécessairement un dispositif d’auto-représentation, qui implique la représentation de ce qui n’est pas elle, de ce qui lui est étranger, ou de ce qui lui est attribué (Kaes, 1998, p.1).
La culture colore la conscience de soi et l’inconscient individuel, imprime un certain mode de pensée, valorise certains désirs et en bannit d’autres, définit les rôles et statuts… L’identité ethuoculturelle fait dès lors référence à cette conscience qu’à l’individu (et ses vis-à-vis) d’appartenir à un groupe ethnique et culturel particulier, et à la manière dont ces caractéristiques ethniques et culturelles guident sa conduite, lui permettent d’organiser et d’interpréter le réel.
Si cette conscience ethnoculturelle peut être amoindrie dans le milieu d’appartenance où tous participent plus ou moins au même modèle au point d’ailleurs d’ériger ses codes en lois universelles (ethnocentrisme), elle devient particulièrement aiguisée dans un contexte migratoire qui expose les individus et les groupes à la différence, au contact avec d’autres groupes (Gauthier, 1999, Abou, 2002).
Impact de l’immigration sur l’identité ethnoculturelle
Du fait que chaque société développe sa culture, c’est-à-dire ses propres valeurs et codes, ses croyances, sa manière de percevoir la personne humaine, traverser les frontières signifie s’exposer à de nouvelles références, d’autres façons d’être et d’exister (Kanouté, 2002 ; Oyserman, 2004). Dans un même pays, l’individu de la ville qui se rend à la campagne ou encore l’habitant du Sud qui voyage dans le Nord, doit souvent prêter attention à certaines réalités qui n’ont pas de valeur spécifique dans son milieu d’origine. Des expressions langagières à la nourriture, de l’habillement au gestuel, certaines différences peuvent susciter l’amusement ou l’agacement, être à l’origine de confusions, de malentendus, si ce n’est de conflits.
Le problème se complique dès lors encore plus lorsqu’on dépasse les frontières nationales car les différences deviennent plus nombreuses. Ainsi, dans le cas de l’immigration, l’individu doit confronter un environnement nouveau où, parfois, non seulement le milieu physique est étranger mais le sont aussi des éléments constitutifs de l’identité etlmoculturelle tels : la langue, les représentations, les croyances… En fait, un ensemble d’organisateurs qui représentaient jusque là un tout cohérent de sens et de signification se trouvent être remis en question par la présence de l’autre, et l’immigré,constamment confronté au groupe majoritaire et à ses valeurs, peut se sentir menacé dans les siennes et ne plus “se reconnaître”. Il lui deviendra essentiel de préserver une image de soi cohérente et satisfaisante, d’où il va entreprendre des ajustements entre “l’ancien” hérité de sa culture d’origine et “le nouveau” présenté par la culture de son nouveau milieu de vie.
Guide du mémoire de fin d’études avec la catégorie IMMIGRATION AU CANADA ET AU QUÉBEC |
Étudiant en université, dans une école supérieur ou d’ingénieur, et que vous cherchez des ressources pédagogiques entièrement gratuites, il est jamais trop tard pour commencer à apprendre et consulter une liste des projets proposées cette année, vous trouverez ici des centaines de rapports pfe spécialement conçu pour vous aider à rédiger votre rapport de stage, vous prouvez les télécharger librement en divers formats (DOC, RAR, PDF).. Tout ce que vous devez faire est de télécharger le pfe et ouvrir le fichier PDF ou DOC. Ce rapport complet, pour aider les autres étudiants dans leurs propres travaux, est classé dans la catégorie definition de l’identité ethnoculturelle où vous pouvez trouver aussi quelques autres mémoires de fin d’études similaires.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1 PROBLÉMATIQUE
1.1 L’IMMIGRATION MONDIALE: ÉVOLUTION ET ENJEUX
1.2 L’IMMIGRATION AU CANADA ET AU QUÉBEC
1.3 LES JEUNES D’ORIGINE HAÏTIENNE À MONTRÉAL
1.3.1 L ‘immigration haïtienne au Québec
1.3.2 Situation socio-économiqtte de la communauté haïtienne à Montréal
1.3.3 Situation socioscolaire desjeunes d’origine haïtienne
1.4 PROBLÈMES ET QUESTIONS DE RECHERCHE
2 CADRE CONCEPTUEL
2.1 IMMIGRATION ET IDENTITÉ ETHNOCULTURELLE
2.1.1 Definition de l’identité
2.1.2 La construction identitaire à l’adolescence
2.1.3 Definition de l’identité ethnoculturelle
2.1.4 Impact de l’immigration sur l’identité etïmoculturelle
2.1.5 Du concept d’acculturation à celtd de stratégies identitaires
2.2 LEs STRATÉGIES IDENTITAIRES
2.2.1 Definition
2.2.2 Les stratégies identitaires diverses typologie
2.3 LE VÉCU SCOLAIRE DES ENFANTS D’IMMIGRÉS
2.3.1 Vécu scolaire: dejmnition
2.3.2 Vécu scolaire : principaux defis des eifants grés
2.3.3 Vécu scolaire : la situation de la première et deuxième générations
2.3.4 Vécu scolaire des eîfants d’immigrés de minorités visibles
2.4 VÉcu SCOLAIRE ET STRATÉGIES IDENTITAIRES DES JEUNES D’ORIGINE HAÏTIENNE
2.5 SYNTHÈSE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
2.5.1 Tableau récapitulatifdu cadre conceptuel
2.5.2 Objectifs de ta recherche
3 CADRE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 JUSTIFICATION DU CHOIX DE LA MÉTHODOLOGIE QUALITATIVE
3.2 MODE DE RECRUTEMENT ET PROFILS DES JEUNES INTERVIEWÉS
3.3 PRÉSENTATION DE LA GRILLE D’ENTRETIEN
3.3.1 Objectifs
3.3.2 Contenu
3.3.3 Procédure
3.4 L’ENTRETIEN DE GROUPE
3.5 MÉTHODE D’ANALYSE
3.6 AVANTAGES ET LIMITES DE LA MÉTHODOLOGIE
3.7 DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
4 PRÉSENTATION ET ANALYSE DES DONNÉES
4.1 LE VÉCU SCOLAIRE
4.1.1 Du primaire au secondaire, d’Haïti au Québec: les transitions
4.1.2 L ‘école au quotidien: les raisons de se lever le matin
4.1.3 Le rapport au savoir: résultats académiques, motivation, projection
4.1.4 Les relations sociales
4.1.4.1 Relations avec les enseignants et le personnel non-enseignant
4.1.4.2 Relations avec les camarades de classe et amitié
4.1.4.3 L’implication dans les activités parascolaires
4.1.5 Synthèse et discussion: ce qui distingue le vécu scolaire de la première et de la deuxième générations
4.2 Les STRATÉGIES IDENTITAIRES
4.2.1 La perception de soi des répondants
4.2.1.1 Des adolescents en quête d’une image de soi
4.2.1.2 Des jeunes d’origine immigrée désireux de reconnaissance et de respect
4.2.2 Stratégies dans la definition de soi et le rapport pays d’origine/pays de résidence
87 4.2.3 Stratégies dans le choix des valeurs
4.2.4 Stratégies dans le choix des amis et les relations amoureuses
4.2.5 Synthèse et discussion . le profil identitaire saillant des première et deuxième générations
4.3 VÉCU SCOLAIRE ET STRATÉGIES IDENTITAIRES : PROFILS CROISÉS
4.4 QUELQUES PROFILS INDIVIDUELS FRED, JOANNE ET SÉBASTIEN
CONCLUSION GÉNÉRALE
Télécharger le rapport complet