Le regard d’un captif, Germain Moüette
D’après les informations que nous livrent Roland Lebel, Germain Moüette naquit à Bonnelles, près de Rambouillet, en 1652. Poussé par l’esprit d’aventure et peut- être par l’esprit du négoce, il s’embarqua à Dieppe en 1670, à l’âge de dixneuf ans, pour les Antilles, avec un de ses cousins. «C’était l’époque où les jeunes cadets de France, émerveillés par les récits des explorateurs des pays lointains : du Mississipi, du Canada, des Grandes Indes, de la Chine, s’envolaient à l’envi du foyer natal pour tenter la fortune et les aventures.»1 . Fait prisonnier en route par les corsaires de Salé, il resta captif au Maroc jusqu’en 1681, date à laquelle il fut racheté par les Pères de la Mercy. De retour en France, dans les deux années qui suivirent sa libération, il rédigea et publia les souvenirs de son esclavage en terre d’Islam. La Relation de Germain Mouette affiche, dès le seuil du texte, un aperçu sur le contenu de la narration. Le titre Relation de la captivité du sieur Mouette dans les royaumes de Fez et de Maroc, où il a demeuré pendant onze ans ; où l’on voit les persécutions qui sont arrivés aux chrétiens captifs…et les travaux ordinaires auxquels on les occupe,[…] et sa composition est, à l’instar des titres de l’époque, une reprise de l’intitulé et de la substance narrative d’un livre publié en 1656 à Bruxelles par Emanuel Aranda sous le titre : la Relation de la captivité du Sieur Emanuel mené esclave à Alger en l’an 1640 et mis en liberté l’an 1642. La première édition d’Aranda comportait deux parties : la relation de captivité suivie de trente-sept «relations particulières». Mouette use du même procédé scriptural en ajoutant à l’énoncé de ses aventures six «histoires». En faisant appel à d’autre voix narratives, les deux auteurs cherchent à donner à leurs récits une dimension collective qui consiste à édifier le lecteur par des histoires rapportées sur le vécu de l’aventure captive et sur la Barbarie honnie. «J’ai cru que le lecteur me saurait gré de lui donner non seulement l’histoire de mon esclavage, mais même les aventures de plusieurs compagnons de mes disgrâces, que j’ai jugées n’être pas tout à fait indignes de sa curiosité», souligne Mouette dans la préface de sa relation. Mais un peu plus loin, dans la même préface, il déclare : «Outre l’histoire de ces cruautés, j’en rapporterai plusieurs autres qui seront moins tristes, et que j’ai insérées telles que je les ai apprises de ceux à qui elles sont arrivées, afin d’ôter au lecteur les fâcheuses idées que le récit des supplices pourrait lui laisser.» L’ajout d’un complément narratif au récit premier est peut être le lieu d’un va-et-vient entre fiction et expérience véridique ou livrée comme telle. Par ce vaet- vient, comme le constate Xavier Girard, « le lecteur pouvait se faire une idée de la complexité romanesque d’une geste à multiple héros, réels ou imaginaires, aux situations extraordinairement embrouillées et aux fortunes diverses, réunies en une histoire totale.» Mouette s’est rendu compte, lui-même, qu’un récit relatant la misère et la cruauté finirait par lasser le lecteur. Aussi a-t-il eu recours à des motifs plaisants qui ne suscitent pas forcément la compassion de ses coreligionnaires. En effet, dès le chapitre de la capture, Moüette habille son récit d’un air de galanterie que les épisodes de piété n’excluent pas. Ainsi, en arrivant à Douvres où il resta quatre jours pour se rafraîchir, le voyageur eut le temps de remarquer : « Les dames y sont fort galantes, civiles et admirablement belles. [L’un des passagers] de « complexion fort amoureuse, et qui parlait un bon anglais voulant faire connaissance avec elles, s’engagea dans une affaire d’où il ne serait pas sorti heureusement s’il n’avait été secouru par quelques-unes des nôtres». D’ailleurs, ce n’est pas le seul morceau galant qu’on rencontre dans son œuvre. Après le récit de sa capture et sa vente sur le marché des esclaves, le narrateur insère une deuxième anecdote qui a des points communs avec la première : au début de sa captivité à Salé, Moüette fut l’objet de tentatives amoureuses de la part de la femme de son maître, qui le sollicitait de se faire renégat pour pouvoir lui donner de plus grandes marques de bienveillance. Dans un chapitre intitulé «Du commerce galant d’un esclave français et d’une dame de Salé», l’auteur raconte une histoire qui contraste sûrement avec les souffrances des captifs et les tortures que leur infligeait Moulay Ismaïl. Un jeune chirurgien français reçut les faveurs de la femme d’un bourgeois salétin ; des juifs qui avaient prévenu le mari de son infortune furent poursuivis pour dénonciation, et condamnés, grâce à l’alibi que procura à l’épouse coupable une négresse complaisante. Le mari put donc vivre tranquille, plus occupé d’ailleurs à boire qu’à contenter l’ardeur excessive de son épouse. L’esclave et sa maîtresse, que nul ne dérangea plus, continuèrent à s’aimer jusqu’en 1678, où ils moururent ensemble de la peste. Moüette, en commentant cette historiette pense que les femmes africaines sont pour la plupart fort peu chastes. Selon lui, la première raison majeure est que ces femmes n’ont qu’un mari à plusieurs. Aussi, trouvent-elles auprès des jeunescaptifs, des amants voluptueux. La seconde raison, selon l’auteur, est que ces femmes « aiment les Chrétiens parce qu’ils ne sont pas circoncis». Dans une autre histoire « contenant les aventures du sieur de La Place, gentilhomme normand» et à laquelle Roland Lebel consacre beaucoup d’éloges, l’auteur nous relate le bonheur du sieur de La Place, qui donnait des leçons de luth à l’épouse de son maître. Celle-ci fut si contente de son esclave qu’elle en parla à ses amies. Toutes voulurent bientôt prendre des leçons, et elles emmenèrent le vendredi au bain public le professeur de luth, déguisé en fille, « lequel, pendant qu’elles entraient seules dans un bain séparé, restait au milieu des autres femmes qui, toutes nues, se baignaient devant lui pendant qu’il jouait de la guitare, en attendant que ses maitresse le vinssent retrouver». Moüette ajoute : « Et, s’il se passe quelque chose de plus particulier dans ces galanteries, je n’en ai point eu connaissance.1»Les deux histoires associent les thèmes ressassés et complémentaires de la libertine barbaresque et de l’heureux esclave et montrent bien que l’aventure captive n’est pas exclusivement une série de persécutions et de supplices, mais aussi une expérience luxurieuse et douce. Moüette, en étoffant sa Relation d’épisodes plaisants, se démarque ainsi de l’orthodoxie rédemptrice qui réduisait le Maroc de l’époque à un espace de sang et d’apostasie et le Maure à un individu cruel, avide et sans parole. Moüette est le seul auteur à avoir parlé des rapports des esclaves et des femmes marocaines. Les religieux ne jugeaient pas convenable moralement d’aborder un tel sujet. D’autre part, Moüette a connu le temps où les captifs n’étaient pas tous rassemblés dans la prison de Meknès. Au service de particuliers, il leur était laissé une relative liberté, qui favorisait les intrigues. Tout au long de son récit, le captif varie ses motifs, prend soin de faire alterner les scènes paisibles et les situations fortement cruelles. Le lecteur passe d’une scène à l’autre, sans transition, d’une exécution à un somptueux palais, d’un mauvais traitement à un relevé topographique d’une ville. Ainsi, après avoir été capturé et fait esclave des Maures, Moüette en profite pour se livrer à un bref repérage des défenses de la ville de Salé : « Elle est bâtie sur la rivière de Bou Regrag, qui descend des montagnes des zaouïa et qui la divise en deux parties. Celle qui est du côté du nord s’appelle proprement Chellah, en langue du pays, et Salé en la nôtre. C’est en ce lieu que demeurent les plus riches marchands juifs et maures .Elle est entourée de bon murs d’environ six brasses de hauteur et de neuf ou dix palmes, d’épaisseur, construits de terre et de sable rouge, engraissée de chaux pilée à la mode du pays.» Le captif -qui se déplace beaucoup pour un esclave dans les fers- décrit chacune des villes où il est resté quelque temps et fournit un ensemble de renseignements sur les mœurs des habitants, leurs façons de vivre, leurs façons de traiter les affaires, d’obtenir la justice. Moüette est curieux de tout. Il entre dans les maisons et scrute tout ce qui lui paraît digne de remarque. Ainsi, en décrivant les demeures fassies, l’auteur, tel un technicien, en dessine un plan détaillé : «Les maisons de l’une et l’autre Fez, aussi bien que celle des autres villes de Barbarie, sont bâties en carré et couvertes d’une terrasse. Les murailles qui donnent sur les rues ou sur leurs voisins, n’ont aucune ouverture, elles ont ordinairement quatre chambres basses, larges de huit à dix pieds et longues de vint-cinq à trente, quelques-unes plus ou moins. Les portes de ces chambres sont directement au milieu, afin que le jour qui entre par icelle, donne également dans les deux bouts de chaque chambre. La cour est au milieu, où il y a d’ordinaire des puits, ou si ce sont des maisons de seigneurs qui sont toujours fort amples, il y a des coquilles de marbre qui jettent de l’eau et quelque vivier, sur les bords duquel sont quelques orangers et des citronniers qui sont chargés de fruits toute l’année.» A l’instar de ses prédécesseurs, comme Léon l’Africain, Moüette vante les jardins délicieux, les vergers magnifiques, les arbres parfumés et les vallées heureuses des royaumes de Maroc. Il voit dans ces belles contrées une terre en friche que le conquérant pourrait cultiver et en tirer un bon parti. Le captif, qui n’a pas perdu de vue les intérêts de sa patrie, imagine même une possible intervention : «Si l’on entrait dans le pays pour y faire des conquêtes, il faudrait se mettre en campagne au mois de mars, afin de faire retirer les Arabes du côté des montagnes, et pour se conserver les grains qu’ils commencent à couper vers le mois de mai, et qu’ils enserrent dans la terre et labourent dessus. Car si on y allait après qu’ils sont coupés, l’armée y périrait de faim, aussi bien les hommes comme les chevaux, car ils ne font aucune provision d’herbes sèches, que le soleil détruit en été par son excessive chaleur.» En détaillant les fortifications des villes et les pièces d’artillerie d’une ville comme Salé, plus d’un conseil pratique pour une invasion en règle et à la bonne saison, Moüette livre l’image d’une terre facile à occuper. Il n’oublie pas, pour autant, que son « principal dessein est de faire connaître les misères des pauvres captifs de ce pays». Si sa Relation se fixe un programme d’édification morale et religieuse, il convient, cependant, de noter qu’elle est loin d’être un réquisitoire contre l’esclavagisme comme l’avait illustré le Père Dan au milieu du XVIIe siècle, ou Dominique Busnot au début du siècle suivant. L’auteur-captif relate son expérience personnelle et celle de ses semblables non comme un fervent propagandiste, mais comme un simple témoin d’une captivité apaisée. Capturé en mer le 16 décembre 1670, Moüette fut vendu à Salé, pour la somme de 360 écus. Ses propriétaires étaient au nombre de quatre, dont l’un possédait à lui seul la moitié de l’esclave. Les trois autres, dont chacun s’était réservé le sixième de Moüette, vinrent le voir tout de suite au foundouk où il avait été conduit après la vente. Le plus vieux, Muh’ammed al Marrakchî, était «fermier des poids du Roi» ; le second était un marchand de laine et d’huile, nommé «Mohammed Liebus», et le troisième un juif, Rabbî Yamîmin. Muh’ammad el Marrâkchi mena l’esclave chez lui et le fit voir à sa femme qui lui donna à manger «un pain blanc, du beurre, avec du miel et quelques dattes et des raisins de Damas». Moüette, reconduit au fondouk, y reçut la visite du juif qui le salua cérémonieusement et lui promit la liberté pour peu que ses parents acceptent bien de payer le prix exigé par les quatre propriétaires. Ses maîtres le forcèrent à écrire une lettre et l’envoyer en France pour demander la rançon. Craignant d’être châtié impitoyablement et de mourir dans un matemore, le captif s’exécuta sans hésitation : « J’écrivis donc une lettre la plus pitoyable du monde, et je mandais à un frère, que je traitais de savetier, de faire la quête pour amasser quarante ou cinquante écus, pour donner aux Pères de la Rédemption, afin qu’ils ne m’oubliassent pas quand ils viendraient dans le pays.»
Saint-Olon : de l’ambassade au descriptif de l’état des lieux de «la maison Maroc»
Depuis 1672, date de son accession au trône, soit sur vingt ans de règne, la France était le seul pays avec lequel Moulay Ismail n’avait jamais pu parvenir à un accord diplomatique définissant les relations entre les deux nations. De part et d’autre, les tentatives et les occasions n’avaient pourtant pas manqué. Lorsqu’en mars 1692, le consul de France à Salé, Jean- Baptiste Estelle, transmet à Louis XIV la lettre du sultan du Maroc, par laquelle celui-ci sollicite l’envoi urgent d’un ambassadeur, les relations entre les deux pays étaient dans un état des plus déplorables. Malgré les conflits et les divergences de vue relatives à la question des captifs, Louis XIV et Moulay Ismail recherchaient et désiraient visiblement établir un traité de paix. Pour le roi de France qui avait, depuis vingt ans, exigé, menacé, essayé d’intimider le roi du Maroc, en envoyant à maintes reprises ses escadres de guerre le long des côtes marocaines, la demande du sultan marocain était une occasion pour en finir avec la course salétine qui contrariait le commerce de l’Hexagone en Méditerranée depuis le milieu du XVIIe siècle. Mal renseigné sur le Maroc, Louis XIV continua à raisonner en 1692 comme si «le royaume des Maures», encore largement terra incognita se limitait à Salé et à ses corsaires. Cette vision myope et réductionniste qui prévalait dans le regard occidental de l’entité marocaine préfigure le schème colonialiste futur fondé sur la parcellarisation entre un Maroc « utile » et un autre versant dévoilant peu d’intérêt aux fins de mise en coupe réglée de l’entité territoriale. Charles Penz, pragmatique et prospectif, ne s’y est pas trompé lorsque, faisant allusion à de vraisemblables velléités expansionnistes, dit à ce propos : «Mais si le roi de France avait été mieux renseigné par des consuls actifs et clairvoyants, il aurait compris le profond changement qui s’opérait au Maroc. La vigoureuse politique autocratique de Moulay Ismail, en unifiant le pays, favorisait les relations de puissance à puissance. Des hommes décidés à remplir leur métier de souverain, comme Louis XIV et comme Moulay Ismail, auraient pu s’entendre, pour leur profit mutuel, et cet accord avait pu se produire si celui qui brillait déjà de toute sa gloire avait deviné son semblable en celui qui luttait énergiquement pour se donner un empire. Mais comment juger de Paris ou de Saint-Germain les révolutions desroyaumes de Maroc et de fez. On ne connaissait que les Salétins, on continuerait à les combattre : en ce temps-là, la stratégie se nourrissait de préjugés.» Moulay Ismail, qui avait déjà commencé le processus d’unification de son pays grâce à la levée d’une armée régulière, permanente de cinquante mille hommes, parvint à reconquérir les villes portuaires occupées par les Européens. En 1681, les Espagnols abandonnèrent la Mamora au nord de Salé, qu’ils tenaient depuis 1614 ; Tanger qui était aux mains des Anglais fut reprise en 1684, Larache et Asilah, deux forteresses occupées par l’Espagne, sont, à leur tour, reconquises en 1689 et 1691. D’un point de vue stratégique, le fait d’envisager la conclusion d’un traité d’alliance avec la France, lui permettrait, par conséquent, de reprendre aux Espagnols les presidios1 Melilla annexée depuis1497 et Ceuta depuis 1668, sans craindre que ses navires soient attaqués par la flotte française. La France n’était pas du tout portée par le même élan conquérant que le Maroc de Moulay Ismail. Louis XIV, assailli par des ennuis de santé, n’était plus le Dieu de la guerre de ses années de jeunesse. L’engagement de ses troupes en Catalogne, en Italie, dans les Flandres était le plus souvent forcé par des ligues puissantes. Le 9 juillet 1686, presque toute l’Europe (à l’exception de L’Angleterre de Jacques II, du Portugal et de la Russie) adhérait à la ligue d’Augsbourg et se concertait pour mettre un terme à l’expansionnisme de Louis le Grand. Sur le plan intérieur, la révocation de l’Edit de Nantes, le 18 octobre 1685 et le renvoi hors de France de près de trois cent mille religionnaires d’élite vers les pays à vocation protestante ne manquaient pas d’effets. Beaucoup d’huguenots émigrent en emportant leur ire et leur savoir. De plus, le pays connut une période calamiteuse sans précédent. Le «vilain temps» s’est abattu sur les campagnes. Les récoltes étaient mauvaises. La famine menaçait. Le trésor était vide. « Pontchartrain vendit tout ce qui était à vendre : les gouvernements, des emplois publics, les magistratures, les monopoles, les licences… Il imagina une multitude de rentes et d’offices royaux, disant à Louis XIV : Sire, toutes fois que Votre Majesté crée un office, Dieu crée un sot pour l’acheter…» Les tremblements de terre secouèrent le nord de la France. Les épidémies et la mortalité sévissaient de sorte qu’entre 1693 et 1694, on ne compta pas moins de deux millions de morts. Une hécatombe démographique et économique sans précédent qui impulsera un infléchissement dans la conduite de la politique extérieure de la France. En effet, dans ce contexte défavorable, du côté de Versailles, on s’avisait qu’un accord, qui permettrait de faire un tour d’horizon sur les questions économiques et militaires avec le royaume chérifien, serait, à tout le moins bénéfique, dans l’œuvre de renflouement des caisses de l’Etat. Dans cette optique de « realpolitik » avant l’heure, à la fin du XVIIe siècle, Louis XIV envoya deux ambassadeurs à la cour de Moulay Ismail et lui-même reçut la visite de deux représentants du sultan. La première ambassade française, confiée au baron de Saint-Amans eut lieu au cours de l’hiver de 1682-1683, immédiatement après la signature du traité de paix et d’amitié franco-marocain de Saint-Germain-en-Laye. La seconde, qui fut habilement préparée par le jeune consul Jean Baptiste Estelle depuis 1691, n’eut lieu qu’en 1693. Contrairement à ce qu’écrivait Louis XIV à Moulay Ismail le 23avril 1692, l’ambassadeur ne fut pas un officier de marine, mais un diplomate de terre ferme, le sieur Pidou de Saint-Olon. Il est le fils d’un tourangeau, un modeste chevalier, commandeur et greffier d’un obscur ordre royal et militaire de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare, élevé gentilhomme ordinaire de la chambre par brevet. En 1720, l’année de sa mort, le duc SaintSimon lui rendit un hommage un tantinet ironique : «Son nom est Pidou et de fort bas alois : il était gentilhomme ordinaire chez le Roi n’en parle en des voyages en pays étrangers avec confiance et avait été aussi envoyé du Roi au Maroc et à Alger où il vint à bout d’affaires difficiles et même fort périlleuses pour lui, avec une grande fermeté et beaucoup d’adresse et de capacité, d’ailleurs fort honnête homme et qui ne s’en faisait point accroire.» Sa plus importante mission avait été jusqu’alors celle de Gênes en 1682. Cette cité fut, à l’époque, soumise à un bombardement intensif de l’escadre d’Abraham Duquesne, qui n’en arrêta la destruction systématique qu’en 1684. Pendant ces deux années, l’envoyé du Roi- Soleil patienta claquemuré dans une ville, au milieu de l’hostilité générale d’une population et d’un gouvernement qui traitaient en ennemi toute personne suspecte de relation avec la France. Saint-Simon ajoute que «longtemps employé en des voyages en pays étrangers», Pidou de Saint-Olon fut dépêché pour porter les compliments et surtout les condoléances de Louis XIV. Une mission protocolaire en Espagne en 1709 où il serait porteur des condoléances du roi à l’occasion de la mort de la mère de Marie Anne de Neubourg le ferait surnommer, le consolator afflictorum. Lorsque Saint-Olon eut été choisi comme ambassadeur, Louis XIV lui conféra un titre de créance pour le sultan qu’il avait rédigé en ces termes : «Très haut, très excellent et très puissant prince, notre Très cher et bon ami. «Le désir que vous nous avez marqué de renouveler le traité et de rétablir la bonne correspondance qui était ci-devant entre nos sujets nous ayant porté à faire choix du sieur chevalier de SaintOlon, notre ambassadeur ordinaire, pour vous assurer de la sincérité de nos intentions et traiter avec vous, nous avons cru devoir le charger de cette lettre pour vous prier d’ajouter une créance entière à tout ce qu’il vous dira de notre part. Sur ce, nous prions Dieu qu’il vous ait, très haut, très excellent et très puissant prince, en sa garde. «Ecrit de notre château Imperial de Versailles, le 14 janvier1693»1 Habitué à des missions peu glorieuses et ne connaissant ni les affaires marocaines ni les affaires africaines, le nouvel ambassadeur de France avait raison de s’affliger de la mission qu’on lui avait confiée. La correspondance adressée par Saint-Olon au ministre de la Marine Pontchartrain nous renseigne déjà sur ses appréhensions. De Paris, le 9 février, il lui fait part des soucis que lui cause l’incompétence de son interprète. «Il convient, écrit Sain-Olon, qu’il ne sait ni lire ni écrire le français, qu’il n’entend pas bien l’arabe de ce pays-là, mais qu’il espère que, quand il y aura été douze ou quinze jours, il l’entendra. Voyez dans quel embarras cela va me jeter, et quel remède vous y pouvez apporter, car la bonne volonté qu’il témoigne ne rendra pas son service plus utile, et il me serait bien fâcheux, outre le préjudice qu’en recevrait le service du Roy, de ne pouvoir ni entendre, ni être entendu. Vous serez vous-même le témoin de son savoir si vous voulez bien m’assigner un quart d’heure d’audience ce mercredi soir ou jeudi matin». Après avoir reçu des instructions et des éclaircissements sur la nature de sa mission, Saint-Olon prit la route de Marseille, se rendit à Toulon où il dressa le rôle des Marocains galériens, soit 233dont 29 invalides. Il y prit note également que le nombre total des invalides musulmans de différentes origines s’élevait à 272 au cas où Moulay Ismïl pourrait les accepter dans l’échange. Les instructions remises à l’ambassadeur français avaient pour finalité de convenir avec le sultan marocain des articles et conditions de la paix, de faire cesser la guerre de course des Salétins. Pour ne pas donner à penser que Louis XIV cherchait à solliciter quelques faveurs et renonçait à la politique de prééminence habituelle du Roi Soleil, les cadeaux devraient se faire au nom de son envoyé. Pour le reste, Pidou était chargé par le roi de France, comme ses prédécesseurs, de faire un travail de renseignement d’ordre géopolitique. Il devait recueillir les éléments d’un rapport d’ensemble sur la situation générale du Maroc : s’informer si les terres étaient fertiles, si elles étaient peuplées, quels étaient les princes voisins de ces royaumes avec lesquels le roi du Maroc pourrait entrer en guerre, quelles étaient ses troupes, quelle était la conduite de ce prince dans le gouvernement de ses Etats ; quelle étaient les mœurs des habitants et leur religion. Bref, une enquête détaillée sur «l’ensemble des Etats du roi de Maroc». Décidément, Louis XIV, comme Richelieu auparavant, nourrissait l’idée d’une éventuelle tentative de conquête du pays. Armé de ces recommandations et de quelques objets de mercerie diplomatique, l’ambassadeur du «roi des roums» comme l’appelait Moulay Ismail, s’embarqua sur L’Arc-en-ciel le 4 avril 1693. Il arriva en rade de Tétouan le 3 mai après un périple de vingt-huit jours qui faisait commencer son ambassade sous de fâcheux auspices. Il s’en plaignit tout de suite à son ministre Pontchartrain dans une lettre : «Nous avons voulu forcer les vents pour sortir de Toulon et nous mettre en route, mais nous n’en avons eu que plus de fatigue et nous n’en avons pas fait plus tôt notre chemin, puisqu’après vingthuit jours d’une navigation très pénible nous ne faisons qu’arriver en cette rade
La Rédemption, un supplément dans l’aventure barbaresque
Les Pères rédempteurs eurent une place essentielle dans la littérature relative à l’esclavage chrétien en terre d’islam, en tant que représentants d’institutions dévouées à la médiation entre les deux rives de la Méditerranée. Les récits de ces missionnaires forment, avec quelques récits des esclaves eux-mêmes, le fonds d’une littérature consacrée à la captivité qui connut une grande faveur auprès du public. Le captif devient alors un personnage romanesque propre à attendrir les lecteurs plus encore qu’à servir la curiosité de l’historien. Les missions d’évangélisation entrprises par les Pères n’était point destinée, à l’instar des autres pays de l’Afrique, aux Marocains. En effet, leur entreprise marocaine ne consistait qu’à pouvoir sauver l’âme des captifs intéressés qui ne cessaient d’user de tout les expédients pour se faire racheter beaucoup plus que d’aspirer à la béatitude de la foi. Jouissant d’un capital de confiance auprès du roi et de ses sujets, ces religieux prirent la relève des missions d’ambassades avortées et leurs tentatives s’avérèrent plus efficaces et moins coûteuses que les démarches officielles. «Pour ne pas abandonner les captifs à leur sort, sur lequel tout le monde s’apitoie même lorsqu’on ne fait rien pour eux, le mieux est d’employer les religieux des ordres qui ont été créés spécialement en vue du rachat des esclaves. Telle est la solution qui reçoit l’agrément de la cour de France : les rédempteurs seront des intermédiaires plus honnêtes et plus dévoués que des marchands et moins coûteux que des ambassadeurs officiels. A d’aussi humbles négociateurs, les maîtres des captifs n’oseront pas présenter des prix majorés. Enfin, les religieux se chargent de trouver eux-mêmes les fonds nécessaires à la rédemption par des quêtes effectuées dans toute la France » Depuis le début du XVIIe siècle, les captifs chrétiens avaient bénéficié de la sollicitude de deux ordres rédempteurs qui sont issus de la Croisade : l’ordre de la Très Sainte Trinité dont les membres portaient le nom de Trinitaires ou Mathurins et celui des mercédaires (ou Pères de la Mercy). Le premier, celui de la Sainte Trinité, auquel appartient le Père Busnot et qui a été fondé par Jean de Matha et Félix de Valois en 1198, était fortement implanté dans le sud de la France et en Espagne (à Marseille, Arles, Saint-Gilles-du-Gard, Tolède, Ségovie, Burgos); le second, celui de Notre-Dame de la Merci, en 1218, l’a été par Pierre Nolasque et Raymond de Penafort, était fixé notamment à l’ouest du pays et en Catalogne. Les deux ordres ne se distinguaient pas seulement par leur ancrage géographique, mais aussi sur le plan de la conception religieuse : la règle des Mathurins stipulait qu’un tiers de leurs revenus (tertia pars) devait être consacré au rachat de chrétiens captifs chez les infidèles. En revanche, les Mercédaires pouvaient se démarquer par le quatrième vœu de leur ordre (après l’obéissance, la pauvreté et la chasteté) parlequel ils se devaient de faire le sacrifice de leur personne en échange de la délivrance des captifs. «S’il manque quelque chose au prix [de la rançon], s’émerveillait Bossuet, le rédempteur [mercédaire] offre un supplément admirable : il est prêt à donner sa propre personne, il consent d’entrer dans la même prison, de se charger des mêmes fers, de subir les mêmes travaux». Humbles négociateurs, les religieux se chargeaient eux-mêmes de trouver les fonds nécessaires à la rédemption par des quêtes effectuées en France pour les plus démunis des captifs et dont les familles ne pouvaient pas réunir le paiement de leurs rançons. Le 28 mars 1638, par lettres patentes du roi, les Mercédaires furent chargés du rachat des esclaves français à Salé. En 1638, un arrêt du 6 août partagea la France en deux régions : la Bretagne, la Provence, le Languedoc, provinces maritimes directement intéressées par la rédemption, furent réservées aux Mercédaires, le reste de la France aux Trinitaires. Les aumônes recueillies par les Trinitaires, auprès des âmes charitables, leur permirent d’effectuer plusieurs voyages au Maroc et leurs missions de rachat s’achevèrent, généralement, par un succès. Le Père Jean Escoffié qui reçut l’ordre d’aller au Maroc le 27 juin 1641, ramena à Marseille, le 22 novembre 1642, quarante et un captifs dont le Père Dan nous donne le nom, l’âge et la ville d’origine. A leur arrivée à Marseille, les captifs furent accueillis par les Trinitaires de cette ville. Une procession solennelle se forma, les captifs marchaient deux par deux, accompagnés de jeunes enfants déguisés en anges qui «tenant chacun d’eux une chaîne d’or les menaient par les bras au lieu de celles de fer dont ils étaient cruellement enchainés en Barbarie.» En 1683, les Pères de la Mercy, profitant de la signature du traité de SaintGermain signé un an avant, envoyèrent trois membres de leur ordre à Ceuta pour une nouvelle rédemption. Les Pères qui furent choisis pour cette mission, étaient le Père Monel, de Paris, le Père Bernard Mège et le frère Joseph Chastel de Toulouse. Celui-ci, qui connaissait le Maroc pour y avoir été lui-même captif de 1671 à 1676, qui parlait l’arabe et qui avait une expérience de Moulay Ismail porta la parole ; après des négociations houleuses et des incommodités lors du retour ces Mercédaires ramenèrent, quand même, une cinquantaine de captifs. Au début du XVIIIe siècle, les Mathurins et les Mercédaires œuvraient de concert pour sauver le plus grand nombre d’esclaves possible au meilleur prix. Ils se rendirent à trois reprises au Maroc (en 1704, 1708 et 1712). Leur premier voyage, en novembre 1704, rassembla les Pères mercédaires de la province de Paris et de Rouen : Le Berthier, Quillet et Nolasque Néant, et les Pères trinitaires Toëry, Liébe et Busnot, auxquels se joignirent les Mercédaires de Toulouse, les Pères Castet, Brun et Forton. Au second voyage qui eut lieu à Ceuta, le père Busnot était en compagnie des Pères Nolasque et Forton. Pour le troisième et dernier, il était avec le seul Nolasque. Busnot comme Nolasque furent les journaliers de l’aventure rédemptrice. L’un et l’autre se chargèrent de relater l’expérience barbaresque. Le récit de rédemption écrit est aussi un récit d’initiation avec ses multiples épreuves, sa quête et sa révélation. Dès le début de la relation, le Père-narrateur livre au lecteur les difficultés rencontrées pour l’accomplissement de la mission de rédemption diligentée par la cour de Louis XIV et tant attendue par les captifs chrétien de Moulay Ismaïl. La première difficulté selon le Mathurin vient du statut même des captifs français au Maroc : «Il nous avait été toujours plus facile de travailler, comme on a fait avec succès, à racheter les captifs dans les autres Etats de Barbarie parce que les esclaves y appartiennent à des particuliers avec lesquels on peut entrer en composition […]. Mais dans l’empire de Maroc, ils appartiennent tous au roi qui ne les relâche qu’avec peine parce qu’il les trouve plus adroit que les maures pour les bâtiments qui sont son occupation ordinaire et que, par leur moyen, il s’attire les présents de toutes les nations de l’Europe.» La deuxième difficulté est liée à l’itinéraire parcouru. Après l’obtention du passeport, les religieux, partis de Paris, devaient rejoindre Madrid pour atteindre Cadix. C’était l’époque où l’Espagne et le Maroc étaient à peu près au même degré de développement. On y marchait en caravane. On emportait des provisions pour vivre. Les routes de la péninsule avaient toutes les incommodités des routes marocaines, cahoteuses, torrides, et, de surcroît, elles étaient moins sûres. Il fallait s’y défendre le jour contre les excessives chaleurs «et toutes les nuits du grand nombre de voleurs que l’impunité y multipliait». L’itinéraire par voie de terre avait semblé plus sûr que le voyage par mer à cause du conflit avec l’Angleterre provoqué par l’affaire de Succession d’Espagne. Le port de Cadix était alors le grand relais du commerce européen avec le Maroc avant que Gibraltar ne s’y substituât au cours des années suivantes. La colonie française y était nombreuse et riche. La place fournissait les piastres indispensables au rachat des esclaves. Le petit groupe de Pères y séjourna près de trois mois. Il rejoignit Salé le 4 novembre1704 après une traversée difficile de près de cinq jours. Le séjour des rédempteurs à Salé leur était favorable car ils avaient l’occasion de rencontrer les chanceliers du consulat de France, d’être reçus agréablement par le gouverneur de la ville, de pouvoir «offrir chaque jour le saint sacrifice comme en terre chrétienne et d’administrer les sacrements à quelques marchands et à quelques captifs dont la piété, soutenue d’une patience éprouvée [les] édifia beaucoup ». Le Père Nolasque, en décrivant la ville de Salé, ville réputée par ses corsaires féroces qui terrorisaient les côtes des pays chrétiens, donne l’impression de rédiger un rapport destiné aux officiels des renseignements. Il n’éprouve aucune émotion relative aux couleurs locales, aucun émerveillement devant les senteurs d’un espace inconnu. De la même manière que ses prédécesseurs, le regard du religieux ne se soucie ni des couleurs ni des nuances sur lesquelles disserteront les voyageurs du siècle suivant. Au lieu des sensations pittoresques, l’auteur préfère dessiner un plan de la ville portuaire : « […] Il faut faire le plan de la ville de Salé. Salé comprend deux villes, dont l’une qui regarde le nord est proprement ce qui s’appelle Salé, et une rivière nommée Boureggret et qui en fait le point. On passe d’une ville à l’autre par des bateaux […]. Les maisons n’ont point de fenêtres en dehors, et elles n’ont pour la plupart que l’étage d’en bas, […], et elles sont toutes couvertes en terrasses. […]. Ces deux villes ont chacune leur muraille avec des tours de distance en distance, mais celle de la nouvelle ville est d’une plus grande circonférence. […]. Elle a de plus deux châteaux ; le plus grand est situé sur un rocher assez élevé du port, et il y a au bas, sur l’embouchure de la rivière, un fortin muni de cinq pièces de canons pour faciliter la retraite de corsaires. […]. Au dehors de cette nouvelle ville, il y a une gemme, c’est-à- dire une mosquée, qui n’est bâtie qu’à moitié, et qui aurait été fort vaste à en juger par la quantité des piliers qui y sont». Grâce à ce descriptif topographique, nous apprenons peu de choses hormis que Rabat n’était qu’une sorte de faubourg de Salé, et que ce nom de Salé, si souvent rencontré dans la littérature du XVIIe et XVIIIe siècle, s’appliquait également à Rabat. Paradoxalement, lorsque le descripteur a l’occasion de s’approcher de l’humain, la subjectivité et les jugements de valeur sont de mise pour assombrir les habitants du pays visité : «Les habitants, tant de Salé que des autres villes des royaumes de Fez et des Algarves, sont blancs et bien faits, je veux dire les naturels du païs, parce qu’il y a beaucoup de noirs qui sont étrangers, et de moulattes qui son nés d’un blanc et d’une noire. La mauvaise éducation qu’on leur donne pendant leur jeunesse les rend si peu polis qu’on peut dire qu’ils n’ont que la figure d’homme.[…]Quand on entend frapper à la porte, on distingue si c’est un Chrétien ou un Maure, le Chrétien frappe à la mode du païs, mais le Maure frappe trente fois de suite et avec une précipitation extraordinaire […].Ce n’est pas que les Maures n’ayant naturellement beaucoup d’esprit, mais il est mal cultivé, et ils ne s’en servent que pour ramasser de l’argent qu’ils enterrent, dans l’espérance que la loy de Mahomet leur donne qu’ils en jouiront après leur mort…»2. Le regard du Père Nolasque devient, toutefois déconcertant lorsque l’on passe de «l’impolitesse des Maures» à un jugement favorable porté sur la croyance de ces mêmes gens. En effet ces hommes dont le Prophète est« un faux prophète » et Dieu «une fausse divinité» sont de fervents de ce qu’ils jugent vénérable et sacré. «Ce qu’ils ont de bon, c’est un grand respect pour le nom de Dieu. Le sieur Flabron m’en fit faire un jour une expérience qui me- surprit. Il déchira en petits morceaux un papier écrit des deux côtés et les jeta dans la rue. Il me fit attendre quelques temps et le premier Maure qui passa eut la patience de les ramener, sans en laisser un, et, ensuite, les mit tous dans un trou de muraille, et cela dans la crainte qu’il n’y ait sur ces morceaux de papier des lettres qui puissent exprimer le nom de Dieu et que ce Saint nom ne fût profané par les passants. Bel exemple pour les Chrétiens qui renient si souvent un nom si terrible ! Aussi, dans la langue arabe, il n’y a point d’expressions qui blessent tant soit peu le respect pour le Nom de Dieu […] On sait le respect que les Mahométans ont pour leurs temples et je dirai à ce sujet que c’est un crime puni de mort que de faire de l’eau auprès des murs en dehors». En valorisant les Mahométans, le Père, de par son statut, vise à édifier une conscience qui s’éloigne un peu de Dieu. Il s’étonne, en effet, que les Musulmans, ces hommes «qui n’ont que la figure d’hommes» puissent vénérer Dieu, respecter leur temples alors que les Chrétiens «nations policées» s’égarent de Dieu et de ses églises. La petite caravane constituée prit la route de Meknès le 16 novembre qu’elle atteignit le 19 novembre après trois bonnes journées de chemin. Au cours du voyage, les Pères découvrent et font découvrir le bled (c’est-à-dire, tout ce qui n’est pas ville) : le bled apparait avec ses pistes sablonneuses ou rocailleuses, qui s’élargissent ou se rétrécissent, suivant la nature du sol ; ses rivières, qu’on franchit à gué, plus souvent qu’à l’aide de bacs ; ses villages, ou douars, formés de tentes groupées en rond la plupart du temps, entourés de haies ; les troupeaux, qu’on fait rentrer le soir dans les « azibs» de peur des lions et des tigres. En traversant ces espaces, Busnot promène son regard et s’offre l’occasion de juger terre et gens
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Table des matières
Introduction
Première partie : Image(s) française(s) du Maroc sous le règne de Moulay Ismaïl
Chapitre I : Images du Maroc barbaresque
Chapitre II : La captivité chrétienne sous le règne de Moulay Ismaïl
Chapitre III: Le regard d’un captif, Germain Mouëtte
Chapitre IV: Saint-Olon, de l’ambassade à la description de l’état des lieux de « La maison Maroc »
Chapitre V: La rédemption, un complément narratif dans l’aventure Barbaresque
Chapitre VI : Moulay Ismaïl ou le mythe du despote oriental
Deuxième partie : La quête d’un Orient marocain
Chapitre I : Louis Chénier du consulat à l’orientalisme
Chapitre II : Le Maroc de Delacroix
Chapitre III : Gabriel Charmes ou le temps/Ton du mépris
Chapitre IV : Le Maroc de Pierre Loti
Chapitre V : Le Maroc funèbre d’André Chevrillon
Troisième partie : De l’enquête à la conquête
Chapitre I : Charles de Foucauld ou la reconnaissance utile
Chapitre II : Le Maroc inconnu d’Auguste Moulièras
Chapitre III : Linarès ou le regard du médecin
Chapitre IV : Vers le Protectorat
Conclusion
Chronologie des écrits français sur le Maroc avant le Protectorat
Glossaire
Bibliographie
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