Fonction de transfert
Un dispositif de façonnage d’impulsions [28] est un filtre linéaire, invariant par translation dans le temps et passif (il ne permet pas l’amplification). Ces hypothèses permettent d’écrire dans le domaine spectral le champ transmis Eout(ω) comme un simple produit de la fonction de transfert du filtre, R(ω), par le champ incident, Ein(ω):
Eout(ω) = R(ω)Ein(ω) (1.8)
Dans le domaine temporel, on a donc :
Eout(t) = R(t) ⊗ Ein(t) (1.9) où ⊗ représente le produit de convolution
Les façonneurs historiques
Même sans être programmable, tout système optique linéaire passif caractérisé par une fonction de transfert R(ω) a pour effet de façonner le profil de l’impulsion qu’il transmet. Il peut donc être considéré comme un dispositif de façonnage d’impulsions, qu’il s’agisse d’un matériau dispersif ou d’un dispositif de compression à prismes ou à réseaux. De tels systèmes peuvent sembler rudimentaires comparés aux façonneurs programmables qui permettent de délivrer des formes d’impulsions très variées. Néanmoins, ils présentent deux avantages majeurs: ils sont relativement simples à mettre en œuvre et ils ne modifient pas l’aspect spatial du faisceau, contrairement aux façonneurs programmables. Ces deux points justifient donc a priori que l’on privilégie leur usage si leur fonction de transfert répond à nos besoins
Un façonneur programmable: la ligne 4f
Les façonneurs programmables fournissent beaucoup plus de degrés de liberté que les compresseurs à réseaux et à prismes pour manipuler la formes des impulsions. On peut distinguer deux approches pour réaliser un tel dispositif. La plus ancienne et la plus répandue s’appelle ligne 4f ou « ligne à dispersion nulle ». C’est l’approche que nous employons et elle fait l’objet de cette section. L’autre approche repose sur une interaction acousto-optique longitudinale. Une onde acoustique de forme contrôlée interagit avec les impulsions et permet de manipuler à la fois leur phase et leur amplitude spectrales [39, 40]. Ces filtres dispersifs programmables acousto-optiques (acousto-optic programmable dispersive filters en anglais ou AOPDF) ne sont néanmoins pas optimaux pour notre application. En effet, le temps de propagation relativement long de l’onde acoustique rend le dispositif peu efficace lorsqu’il est employé avec un oscillateur de grande largeur spectrale dont le taux de répétition est de l’ordre de la centaine de MHz [23]. Il est en revanche parfaitement adapté pour une utilisation avec des lasers dont les taux de répétition sont plus faibles [41], jusqu’à quelques centaines de kiloHertz, auquel cas chaque impulsion voit une nouvelle onde acoustique. Pour un véritable état de l’art des différentes techniques de façonnages programmables, on peut se reporter aux excellents articles de revue de Weiner [42] et Monmayrant et Chatel [43], au guide d’introduction au façonnage d’impulsions de Monmayrant et al. [28] ainsi qu’à la thèse de A. Monmayrant [44]. Les dispositifs de façonnage d’impulsions ultra-brèves sont des générateurs de fonctions à ultra-hautes fréquences, capables de produire des formes arbitraires d’impulsions, dont la durée peut ne compter que quelques oscillations du champ électrique. Comme il n’existe pas de composants électroniques disposant de la bande passante suffisante pour pouvoir manipuler le champ électrique directement dans le domaine temporel, nous sommes contraints d’effectuer le façonnage dans le domaine spectral, en manipulant la phase et / ou l’amplitude spectrale du champ complexe.
Effet de bord
Les SLM utilisés en pratique ont une excursion de phase qui n’est que légèrement supérieure à 2π. Pour appliquer une phase spectrale supérieure à 2π, on a donc recours au repliement de la phase dans l’intervalle [0, 2π], à l’instar d’une lentille de Fresnel. Cette approche fonctionnerait parfaitement si les bords des pixels étaient parfaitement abrupts, puisque la phase est effectivement définie dans cet intervalle. En pratique, cette approche comporte néanmoins des inconvénients. Considérons par exemple le cas d’un retard pur, associé à une phase spectrale ϕ(ω) = ωτ . La phase repliée dans l’intervalle [0, 2π] est donc une fonction en dents de scie, avec un saut de phase très abrupt lorsque la phase passe brutalement de 2π à 0. Si les bords des pixels du SLM ne sont pas parfaitement abrupts, la phase appliquée en réalité est alors ϕréelle(ω) = ωτ + ϕerreur(ω) où ϕerreur(ω) est l’erreur de phase introduite au niveau des sauts de phase. Cela signifie que ϕerreur(ω) est une fonction périodique de période 2π τ qui se traduira dans le domaine temporel par des répliques distantes de τ . Remarquons que l’importance de ce type de répliques est faible dans le cas d’un masque pixelisé dans la mesure où les transitions d’un pixel à l’autre sont relativement abruptes. L’utilisation d’un façonneur d’impulsions de type 4f avec un masque pixelisé implique donc l’apparition de répliques temporelles dont l’origine est double. La première est purement liée à la nature pixelisé du masque (présence d’interstices et échantillonnage de la phase) tandis que la seconde provient du repliement imparfait de la phase dans l’intervalle [0, 2π] [53]. Remarquons qu’un choix judicieux des optiques de la ligne 4f permet de minimiser l’importance de ces répliques [44], notamment en ajustant la taille de la fenêtre temporelle de façonnage
Façonner en amplitude et en phase avec un SLM 2D
Dorrer et al. ont été les premiers à utiliser une valve optique unidimensionnelle dans une ligne 4f pour réaliser du façonnage d’impulsions non pixelisé [54]. Quelques années plus tard, le groupe de K.A. Nelson a validé l’utilisation d’une valve optique 2D développée par Hamamatsu pour réaliser diverses expériences de façonnage d’impulsions [56–59]. Puis en 2005, Vaughan et al. ont proposé un schéma ingénieux de façonnage exploitant les deux dimensions d’un SLM 2D adressé optiquement pour réaliser un façonnage à la fois en amplitude et en phase spectrale avec un masque de phase diffractif [60]. Nous avons implémenté cette approche et nous allons donc en exposer le principe et étudier ses limites.
Phase à l’origine
Nous appelons phase à l’origine la phase induite par le SLM alors qu’un niveau de gris nul est appliqué sur tout le masque, car il s’agit de la référence des phases pour la mesure de la calibration du SLM en niveau de gris (section précédente). Elle peut s’interpréter comme une déformation de l’écran du SLM qui n’est pas parfaitement plan sur toute sa surface (4 cm2 ). En réalité, nous pouvons déjà nous affranchir des déformations selon la dimension horizontale selon laquelle les composantes spectrales sont dispersées. En effet, la mesure par interférométrie spectrale de la phase initiale du dispositif (Fig. 1.24), c’est-à-dire correspondant à des réseaux blazés nondécalés (s(ω) = 0), intègre la déformation du SLM dans la dimension horizontale. Reste la déformation selon la dimension verticale. Dans la mesure où le faisceau ne s’étend que sur quelques millimètres dans cette dimension, on peut supposer la déformation suffisamment faible pour être négligée.
Cas du façonnage en amplitude
Comme l’indique l’Eq. 1.59, un façonnage en amplitude spectrale se traduit également par un façonnage de l’amplitude du spectre de fréquences spatiales des composantes spectrales. Pour qu’un façonnage en amplitude affecte le profil spatial d’une composante spectrale, il faut que l’échelle de variation de la modulation soit au moins du même ordre de grandeur que la taille des taches focales. Dans le cas contraire, chaque composante spectrale voit une amplitude de transmission constante, et sa forme de faisceau n’est pas affectée par le façonnage en amplitude. Comme nous utilisons un masque non-pixélisé, nous ne pouvons pas produire de variations extrêmement brutales. Néanmoins, dans les cas les plus extrêmes que nous pouvons produire deux artefacts sont à envisager:
– la divergence du faisceau peut être augmentée car dans le plan de Fourier, la taille du waist peut être diminuée, notamment si la résolution optique de la ligne 4f est moins bonne que celle du masque;
– une dispersion angulaire entre les différentes composantes spectrales peut apparaître car dans le plan de Fourier, la position de la tache focale d’une composante spectrale peut être artificiellement décalée (Fig. 1.37). Le décalage maximal étant de l’ordre de la taille du waist, la dispersion angulaire est au pire de l’ordre de la divergence du faisceau. Ainsi, les couplages spatio-temporels introduits par une ligne 4f implémentée avec masque non-pixélisé en simple passage sont de trois types. Tout d’abord le façonnage en phase spectrale introduit un décalage entre les faisceaux des différentes composantes spectrales directement proportionnel à la pente locale de la phase spectrale appliquée. La courbure locale de la phase spectrale introduit aussi un artefact qui peut s’identifier comme une distance de propagation (positive ou négative) additionnelle et proportionnelle à la dérivée seconde de la phase spectrale. Notons que ces deux effets ont en commun un même coefficient de proportionnalité β/γ dont la particularité est de ne dépendre que de l’angle d’incidence sur le réseau de diffraction et du pas du réseau. Pour minimiser ces deux effets il suffit donc d’utiliser un réseau de pas minimal et un angle d’incidence maximal. Enfin le troisième effet de couplage spatio-temporel est lié au façonnage en amplitude. Cet effet n’apparait que dans le cas d’une variation brutale du masque de la distance inter-pixel [44]. La transmission est la plus brutale possible: elle correspond à un masque d’amplitude nulle, avec un seul pixel de transmission 1 soit un créneau d’amplitude 1 et de largeur 1 pixel. Pour rendre compte de l’effet de lissage de l’adressage optique, la transmission pixélisée a été filtrée par une convolution avec une gaussienne de largeur à mi-hauteur 1 pixel. d’amplitude, c’est-à-dire sur une distance inférieure à la résolution optique du système réseau-lentille. Dans ce cas, le façonnage en amplitude peut induire un décalage artificiel du centre de gravité des points focaux des composantes spectrales dans le plan de Fourier et cela se traduit après le façonneur par une dispersion angulaire au maximum de l’ordre de grandeur de la divergence du faisceau incident.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
1 Façonnage et caractérisation d’impulsions ultra-brèves
1.1 Introduction
1.2 Représentation d’une impulsion ultra-brève
1.2.1 Notations
1.2.2 Fonction de transfert
1.3 Les façonneurs historiques
1.3.1 Matériaux dispersifs (lentille, lame à faces parallèles etc.)
1.3.2 Compresseurs à réseaux et à prismes
1.4 Un façonneur programmable: la ligne 4f
1.4.1 Principe
1.4.2 Montage expérimental
1.4.3 Les SLM à cristaux liquides
1.4.4 Façonner en amplitude et en phase avec un SLM 2D
1.4.5 Les couplages spatio-temporels
1.4.6 Conclusion
2 Impulsions façonnées et microscopie non-linéaire
2.1 Introduction
2.2 La microscopie de fluorescence excitée à deux photons
2.2.1 L’absorption à deux photons
2.2.2 Intérêt pour la microscopie
2.3 Excitation sélective et microscopie 2PEF
2.3.1 Intérêt pour l’imagerie biologique
2.3.2 Le signal de fluorescence
2.3.3 Contrôler l’absorption à deux photons
2.3.4 Forme d’impulsion optimale
2.3.5 Conclusion
2.4 Les méthodes de mesure au foyer d’un objectif
2.4.1 Choix des techniques de caractérisation
2.4.2 Mesure de la durée des impulsions
2.4.3 Balayer la dérive de fréquence
2.4.4 FROG interférométrique
2.4.5 Mesure du spectre à deux photons
2.4.6 Conclusion
2.5 Microscopie d’un échantillon biologique dynamique avec des impulsions façonnées
2.5.1 Microscopie 2PEF avec impulsions façonnées: état de l’art
2.5.2 Façonnage d’impulsions et commutation rapide
2.5.3 Résultats et discussions
2.5.4 Conclusion sur l’expérience
2.6 Façonnage d’impulsions avec des prismes pour la microscopie à deux photons multiplexées
2.6.1 Façonner avec des éléments dispersifs
2.6.2 Multiplexage temporel des impulsions
2.6.3 Spectres à deux photons
2.6.4 Microscopie à deux photons sélective d’un embryon en développement
2.7 Microscopie à deux photon multiplexée de trois fluorophores
2.7.1 Imager plus de fluorophores
2.7.2 Multiplexage temporel
2.7.3 Choix des bandes spectrales de détection
2.7.4 Formes des spectres à deux photons
2.7.5 Microscopie d’un échantillon biologique avec trois fluorophores
2.7.6 Conclusion sur l’expérience et perspectives
2.8 Conclusion
3 Mesures optimales
3.1 Problématique
3.2 Approche classique
3.2.1 Mesurer les fluctuations d’un paramètre du champ électrique
3.2.2 La détection homodyne
3.3 Une mesure optimale
3.3.1 La borne de Cramér-Rao
3.3.2 La détection homodyne: une mesure optimale
3.3.3 Interprétation
3.4 Quelles mesures envisager ?
3.4.1 Une mesure optimale de distance dans le vide
3.4.2 Plusieurs mesures optimales indépendantes dans un milieu dispersif
3.4.3 Synthèse des modes de mesure
3.4.4 Critère de fidélité
3.5 Comment façonner les modes de mesure ?
3.5.1 Pourquoi nous n’allons pas utiliser un façonneur 4f
3.5.2 Façonner avec des milieux biréfringents
3.6 Simulations numériques
3.6.1 Hypothèses et paramètres
3.6.2 Un unique compensateur de Babinet-Soleil-Bravais en Quartz
3.6.3 Deux BSB: l’un en Quartz et l’autre en KDP
3.6.4 Un versus deux BSB
3.6.5 Conclusion
3.7 Mise en œuvre expérimentale
3.7.1 Problématique
3.7.2 Comment mesurer la fonction de transfert d’un BSB ?
3.7.3 Composants optiques et source laser
3.7.4 Résultats
3.7.5 Conclusion
3.8 Conclusion
Conclusion
Références bibliographiques
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