Imagerie moléculaire optique

Avec 320 000 nouveaux cas décelés en 2005 en France, 146 000 décès la même année, pour plus de 80% de cas supplémentaires depuis 1980 , le cancer constitue l’un des plus importants problèmes de santé publique actuels et la lutte anticancer constitue l’un des axes majeurs de la recherche biomédicale française et internationale. Aux enjeux sanitaires et humains, viennent s’ajouter des enjeux économiques, liés aux coût parfois très élevés des traitements anticancéreux. Ainsi un calcul parut dans le Journal of National Cancer Institute (Chevassus-au-Louis 2009) montre que rallonger de quelques semaines la vie des 550 000 Américains qui meurent chaque année du cancer en les traitant à l’aide de nouvelles biothérapies coûterait 440 milliards de dollars par an. Ces enjeux de société ne concernent pas que l’oncologie mais aussi la recherche sur d’autres maladies comme les pathologies cardiovasculaires ou neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Il est alors aisé de comprendre l’importance des enjeux scientifiques qui en découlent.

Les récents progrès en génétique ont permis une meilleure compréhension des processus biologiques et chimiques sous-jacents à ces pathologies et ont ainsi contribué au développement de l’imagerie moléculaire, modalité permettant la détection et le suivi de ces processus à l’échelle moléculaire et cellulaire. Aux côtés des techniques existantes que sont par exemple l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) ou les techniques nucléaires, l’imagerie moléculaire optique a connu ces 20 dernières années un développement important, dont l’un des signes les plus visibles est sans doute l’émergence de la tomographie par optique diffuse. La recherche préclinique se concentrant principalement sur l’expérimentation animale, les méthodes d’imagerie se développent autour du petit animal comme les souris. La faible dimension spatiale des systèmes étudiés ainsi que les atouts intrinsèques à la tomographie optique permettent à celle-ci d’apporter une contribution scientifique majeure à la recherche biologique et médicale sur les pathologies évoquées plus haut. Cette importance se manifeste aussi dans le secteur industriel avec l’apparition de plusieurs sociétés spécialisées en imagerie optique. Société française fondée en 2000, à l’origine du financement de cette thèse, Quidd a pour ambition de devenir un acteur majeur de la recherche préclinique en France grâce au développement de technologies innovantes en imagerie moléculaire optique, et en tomographie optique plus particulièrement.

La tomographie optique permet la caractérisation 3D de tissus biologiques en profondeur. Pour cela les tissus sont sollicités en différents points et un signal optique est mesuré à plusieurs endroits en surface du sujet étudié. Cette modalité a connu un essor technologique important, en particulier depuis les années 2000 grâce aux progrès réalisés en chimie dans le domaine de la synthèse de marqueurs fluorescents. Ces marqueurs sont des entités biochimiques sensibles, à différents degrés, à un processus biologique particulier.

Imagerie moléculaire optique 

Il existe plusieurs façons d’aborder l’imagerie biomédicale et de classifier les différentes techniques existantes (en fonction du type de rayonnement utilisé, du type de systèmes biologiques étudiés, de leur finalité, …). Une manière de procéder consiste à regrouper les modalités en deux grandes catégories : l’imagerie anatomique et l’imagerie fonctionelle. L’objectif des techniques anatomiques est d’obtenir des informations morphologiques d’un sujet d’étude, généralement par l’intermédiaire de la mesure de différences de contraste entre les structures anatomiques du sujet. L’imagerie fonctionnelle, d’un autre côté, cible des processus chimiques, biologiques ou physiologiques pouvant se produire à différentes échelles. Dans cette dernière famille, l’imagerie moléculaire est une technique qui a connu un développement important en particulier grâce aux progrès réalisés en génétique. Son champ d’action concerne les processus se déroulant à l’échelle de la cellule ou de la molécule. Les « images » obtenues par ce biais sont donc très différentes de celles obtenues par imagerie anatomique et nécessitent souvent une connaissance a priori des phénomènes observés et un post traitement des données conséquent.

Bien que le domaine de l’imagerie moléculaire soit largement dominé par les modalités magnétiques (IRM pour Imagerie pour Résonnance Magnétique) ou nucléaires (SPECT pour singlephoton emission computed tomography, PET pour positron emission tomography), l’imagerie optique connait ces 20 dernières années un essor croissant, en particulier pour l’imagerie in vivo du petit animal. Dans ce chapitre nous introduisons rapidement les enjeux de l’imagerie optique, puis nous présentons la tomographie par optique diffuse et ses différentes facettes.

Atouts et défis de l’imagerie optique du petit animal

L’imagerie in vivo du petit animal

L’imagerie du petit animal regroupe un ensemble de techniques centrées sur l’observation d’animaux de petite taille, généralement des rongeurs, et plus particulièrement des souris ou des rats. L’intérêt porté à ces techniques est principalement motivé (Hielscher 2005) par les progrès réalisés dans le domaine de la manipulation génétique des petits animaux. Ces manipulations permettent en particulier de mettre au point des modèles de pathologies humaines (comme certains cancers) et de les transposer sur ces animaux. L’utilisation de ces modèles permet alors de lier des gênes, protéines ou enzymes spécifiques à des processus cellulaires ou moléculaires sous-jacents à ces pathologies. Les progrès réalisés en chimie dans le domaine de la synthèse de marqueurs biochimiques sont un autre élément moteur de l’imagerie du petit animal. De manière simplifiée un marqueur – aussi appelé sonde – est une structure chimique complexe sensible à un processus biochimique particulier et permettant de détecter l’apparition et de suivre l’évolution de ce processus. Il est ainsi possible, par exemple, de caractériser l’action d’un médicament ou de déceler une pathologie au niveau moléculaire avant l’apparition de symptômes phénotypiques visibles. L’intérêt de ce type d’imagerie est évident pour le domaine pharmaceutique et pré-clinique, les enjeux sanitaires, économiques et scientifiques étant importants.

Le caractère in vivo est aussi primodial à plusieurs titres. Tout d’abord cela évite le sacrifice des animaux (comme l’obligeraient des études histologiques) et facilite ainsi les études longitudinales, permettant un suivi dans le temps de l’évolution d’une maladie ou d’un traitement. L’utilisation d’un même animal permet aussi de limiter les erreurs dues à la variabilité interindividuelle. Enfin l’utilisation d’un nombre plus réduit d’animaux autorise une diminution des coûts des études et une amélioration de leur rapidité. La mise au point d’une technique d’imagerie non invasive est donc capitale, et explique le succès recontré par l’imagerie optique.

Défis liés à l’utilisation du rayonnement visible

L’utilisation de la lumière visible en imagerie biomédicale n’est pas récente. Ainsi la microscopie est utilisée en biologie et en médecine depuis le xviième et a connu un développement important conduisant à l’apparition de plusieurs modalités comme la microscopie de fluorescence, la microscopie à deux photons, la microscopie confocale, la tomographie par cohérence optique, etc. Dans cette thèse nous nous intéresserons exclusivement à l’imagerie de milieux optiquement épais appelés aussi milieux diffusants. Nous parlerons d’imagerie optique diffuse. Là non plus, l’idée d’utiliser la lumière pour faire l’imagerie de ce type de milieu n’est pas nouvelle. Il est en effet courant d’attribuer la paternité de l’utilisation de la lumière pour sonder les tissus biologiques épais au médecin britannique Richard Bright qui en 1831 observa la tête d’un patient hydrocéphale à la bougie (Selb 2005). Cependant dans les années 1980 l’imagerie optique diffuse laisse la communauté médicale relativement sceptique. La conclusion d’Edwar A. Sickles concernant la détection du cancer du sein est par exemple sans appel (Sickles 1984) .

« … Clearly, transillumination is not an acceptable substitute for mammography in the detection and diagnosis of breast cancer. Therefore, the current commercial promotion of transillumination seems to be premature. »  .

Cette réaction est principalement due aux faibles résolutions spatiales obtenues alors avec les méthodes optiques (Sickles 1984) .

« … the major limiting factor in breast transillumination, impaired resolution due to light scattering… » .

Cette faible résolution est généralement attribuée à deux phénomènes : l’absorption et la diffusion de la lumière par les tissus. Cependant, comme nous le verrons dans la partie B, cette conclusion doit être relativisée.

La diffusion 

Les tissus biologiques sont bien connus pour leur caractère diffusant. Dans une approche corpusculaire de la lumière il est possible de dire que les photons ne s’y propagent pas nécessairement en ligne droite, ils peuvent être déviés. Ces déviations sont dues aux différences d’indice de réfraction à l’échelle microscopique (Beuthan et al. 1996). Il est courant de distinguer trois régimes de propagation (Fig. I.1) : le régime ballistique, le régime serpentile et le régime diffusif, correspondant à différentes fréquences d’occurence des évènements de diffusion. Ainsi le régime ballistique correspond au cas où aucune diffusion n’a affecté la propagation du rayonnement. En régime serpentile seuls quelques  évènements de diffusion se sont produits mais ceux-ci ne sont pas suffisamment nombreux pour faire perdre au rayonnement l’information de sa direction initale. Enfin le régime diffusif correspond aux situations où le nombre d’évènements de diffusion est important, le rayonnement a alors perdu la plupart de ses caractéristiques initiales (direction, polarisation,…) .

Le caractère diffusif d’un milieu est lié à la longueur d’onde du rayonnement s’y propageant, ainsi les photons X (1pm-10nm) se propagent-ils de manière ballistique dans les tissus biologiques alors que les photons visibles (400nm 800nm) sont fortement diffusés et auront perdu la mémoire de leur direction initiale après avoir traversé quelques millimètres de tissus. Tout l’enjeu de l’imagerie optique diffuse est donc de s’affranchir de ce phénomène.

L’absorption

L’absorption est responsable de la diminution du signal. Elle peut être vue comme une conversion de l’énergie électromagnétique en énergie thermique. Dans les tissus biologiques trois composants sont principalement responsables de l’extinction du signal par absorption : l’hémoglobine, l’eau et la mélanine (Wang et Wu 2007). Leur spectre d’absortion permet alors de définir une fenêtre, appelée fenêtre thérapeutique optique, pour laquelle l’absorption globale des tissus est relativement faible.  celle-ci se situe entre 600nm et 1.1µm. Les rayonnements utilisés en imagerie optique se situent donc principalement dans cette gamme de longueurs d’onde. Enfin il faut noter que l’absorption n’est pas en pratique la limitation majeure lorsque l’on travaille dans la fenêtre thérapeutique, le phénomène étant généralement 10 à 100 fois moins important que la diffusion dans les sytèmes biologiques qui nous intéressent (Cheong et al. 1990).

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Table des matières

Introduction
I Imagerie moléculaire optique
I.1 Atouts et défis de l’imagerie optique du petit animal
I.1.1 L’imagerie in vivo du petit animal
I.1.2 Défis liés à l’utilisation du rayonnement visible
I.1.3 Atouts de l’imagerie optique
I.2 La tomographie par optique diffuse
I.2.1 Trois types de contraste
I.2.2 Trois régimes
I.2.3 Les agents de contraste fluorescents
I.2.4 Multi-modalité : l’avenir de la tomographie optique ?
I.3 Les acteurs du domaine de l’imagerie moléculaire optique du petit animal
I.3.1 Tour d’horizon
I.3.2 Quidd
I.4 Conclusion du chapitre
A Propagation de la lumière dans les milieux biologiques
II Transport en milieu diffusant
II.1 Équation de Transfert Radiatif
II.1.1 Grandeurs photométriques
II.1.2 Caractériser un milieu complexe en transfert radiatif
II.1.3 Démonstration phénoménologique de l’ETR – Bilan d’énergie
II.1.4 Résoudre l’ETR
II.2 Approximation de la Diffusion
II.2.1 Approximation P1
II.2.2 Loi de Fick
II.2.3 Equation de diffusion
II.3 Conclusion du chapitre
III Résolution de l’équation de diffusion en géométrie complexe
III.1 Fonctions de Green et conditions aux limites
III.1.1 Résolution en milieu infini
III.1.2 Longueur d’extrapolation
III.1.3 Condition nulle et Méthodes des Images
III.2 Densité d’énergie en surface d’un milieu
III.2.1 Intégrales de Surface
III.2.2 Approximation de Kirchhoff
III.2.3 Lien avec la Méthode des Images
III.3 Nature du signal mesuré
III.4 Conclusion du chapitre
B Prévision des performances théoriques d’une méthode tomographique
IV Analyse de Cramer´ -Rao pour la tomographie optique
IV.1 La tomographie, un problème d’inférence statistique
IV.1.1 Un premier exemple
IV.1.2 Formalisation générale de la problématique
IV.1.3 Caractéristiques d’un estimateur
IV.1.4 Vraisemblance
IV.2 Inégalité de Cramer´ -Rao
IV.2.1 Cas scalaire
IV.2.2 Cas vectoriel
IV.3 Choix du modèle de bruit
IV.3.1 Modèle de bruit additif gaussien centré
IV.3.2 Modèle de bruit de Poisson
IV.3.3 Discussion et interprétation simple de la BCR
IV.4 Conclusion du chapitre
V Analyse de la précision sur la localisation d’une source luminescente en régime stationnaire
V.1 Localisation d’une source pour une géométrie crânienne simplifiée
V.2 Influence de la géométrie de détection
V.2.1 Géométries et modèle de propagation
V.2.2 Calcul des précisions
V.2.3 Résultats et discussion
V.3 Conclusion du chapitre
VI Influence du régime d’acquisition sur la localisation d’une source fluorescente
VI.1 Influence du mode de détection/excitation
VI.1.1 Formulation du problème
VI.1.2 Expression du signal de fluorescence
VI.1.3 Calcul de la borne de Cramer´ -Rao
VI.1.4 Résultats et discussion
VI.2 Apport de la résolution temporelle
VI.2.1 Position du problème
VI.2.2 Calcul de la BCR
VI.2.3 Comparaison des régimes statique et temporel
VI.2.4 Influence du temps de vie sur la précision en régime temporel
VI.2.5 Régimes statique ou temporel : un choix délicat
VI.2.6 Synthèse et discussion
C Localisation de sources par tomographie optique non-contact
Conclusion

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