Imagerie hyperspectrale infrarouge pour l’identification sans marquage de pathogènes sur milieu gélosé

L’identification microbiologique regroupe un ensemble de procédés de caractérisation visant à reconnaître l’espèce d’un microorganisme. Elle est aujourd’hui utilisée en routine dans les laboratoires de microbiologie où elle guide le diagnostic en cas de pathologie infectieuse, aide à déterminer un traitement antimicrobien adapté, ou sert encore à retracer l’origine d’une contamination. Cependant, malgré la vaste gamme d’appareils disponibles sur le marché, l’identification reste bien souvent un processus au débit limité et coûteux à mettre en place. Les rapports décrivant les bénéfices d’une identification rapide et systématique ne manquent pourtant pas. En 2013, une étude montrait qu’en milieu clinique, une diminution de 30 % du temps nécessaire à l’identification du pathogène accélérait le traitement des infections et faisait chuter le taux de mortalité de 20 % à 14 % (Huang et al. 2013). En 2014, un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé présentait la résistance aux antimicrobiens comme l’une des plus sérieuse menaces contre la santé humaine et la médecine moderne, et préconisait une surveillance accrue et une meilleure connaissance des microorganismes (2014). Une identification précoce permettrait alors d’adapter le traitement au plus vite et ainsi de limiter l’utilisation d’antibiotiques .

L’identification microbiologique par des techniques d’analyse optique 

La classification du vivant, ou classification taxonomique, répertorie les organismes connus en groupes imbriqués appelés taxons. Un Règne contient ainsi plusieurs Embranchements, qui contiennent eux-mêmes plusieurs Classes, etc. Dans ce buissonnement de ramifications se trouve tout à l’extrémité des branches un dernier groupe fondamental : l’espèce. Si définir une espèce est loin d’être aisé, particulièrement en microbiologie, contentons-nous ici de dire que chaque espèce regroupe ensemble des organismes aux caractéristiques génétiques et métaboliques proches. L’espèce est donc l’unité fondamentale de la classification, et identifier un microorganisme revient à trouver son espèce. Toutefois, deux espèces peuvent parfois être très similaires si elles appartiennent au même genre ou à la même famille, ce qui complique l’identification. Il faut alors se baser sur des critères de différentiation chimiques, morphologiques ou encore génétiques, mais surtout disposer d’assez de matériel biologique et séparer chaque espèce à analyser. Pour ce faire, le microbiologiste peut compter sur un outil évoqué en introduction et que nous présenterons à présent : la boite de Petri.

Avant de continuer, précisons qu’il existe un dernier niveau de classification taxonomique. À l’organisation Règne > Classe > Ordre > Famille > Genre > Espèce, s’ajoute ainsi la notion de Souche : une sous-population au sein d’une espèce. Ces souches sont génétiquement proches, mais peuvent présenter une importante variabilité en termes de métabolisme, de pathogénicité et de résistance aux traitements antibiotiques. L’identification doit donc parfois aller jusqu’à la souche, auquel cas nous parlerons de typage.

Introduction à l’identification microbiologique

La boite de Petri et l’identification traditionnelle

Proposée dès 1887 par Julius Richard Petri (Petri 1887), la boite de Petri s’impose encore aujourd’hui comme un outil fondamental en microbiologie (Lagier et al. 2015). Elle consiste en un réceptacle en plastique ou en verre, servant de support de croissance aux microorganismes via l’addition d’un milieu de culture gélifié (Hitchens et Leikind 1939). Une fois étalées à la surface et incubées à la bonne température, les cellules isolées se divisent et s’accumulent sur place. Cette accumulation donne alors naissance à ce que l’on appelle une colonie : un amas de cellules identiques, ou clones, liées entre elles par une matrice extracellulaire et pouvant mesurer jusqu’à plusieurs millimètres de diamètre . La culture de colonies, dont le développement peut prendre de 6 à 72 h, permet donc de :

• Multiplier le matériel biologique disponible.
• Cloner les cellules et s’assurer que toute la colonie provienne d’une même origine. Le milieu solide force en effet les cellules à se diviser et s’accumuler sur place, une colonie est donc constituée d’individus génétiquement identiques.
• Isoler les différentes espèces mélangées dans un échantillon liquide via l’étalement.
• Détecter certaines espèces précises via des milieux de culture sélectifs (Orenga et al. 2009).

Le phénotype d’une colonie – sa morphologie et sa réponse à la composition chimique d’un environnement – découle de l’organisation et du métabolisme des cellules qui la composent. Or, celui-ci varie d’une espèce à l’autre. Des paramètres comme le rayon, la circularité, l’aspect des bords, la couleur, la texture ou même l’odeur sont autant d’indices sur lesquels une personne entraînée peut s’appuyer pour identifier les colonies d’intérêt . L’étalement ayant au préalable distribué les différentes espèces à la surface du milieu, l’observation d’une boite de Petri offre donc en un regard un aperçu de la diversité microbienne d’un échantillon.

L’observation seule n’est pourtant pas suffisante pour proposer un diagnostic. Pour atteindre une identification à l’espèce, la microbiologie traditionnelle se base sur des analyses comme la coloration de Gram, l’observation microscopique de la forme des cellules, des réactions chimiques, des cartographies de susceptibilité aux antibiotiques ou encore la croissance sur des milieux chargés en réactifs colorés – appelés milieux chromogéniques (Perry et Freydière 2007). Ces tests aboutissent à un tableau de caractéristiques qui, par expérience de l’observateur et comparaison avec des tables de référence, permettent de reconnaître une espèce via ses propriétés chimiques, métaboliques et morphologiques. Ils sont cependant lents, nécessitent pour certains des réactifs coûteux ou demandent une préparation d’échantillon secondaire fastidieuse, ce qui ne répond plus aux exigences actuelles.

Remarque . Si l’appellation microorganismes regroupe un vaste ensemble d’espèces réparties dans tous les domaines du vivant, elle désignera ici uniquement les organismes unicellulaires les plus fréquemment causes d’infections ou de contaminations industrielle : bactéries et champignons unicellulaires.

Domaines d’application et contraintes de l’identification

Les exigences pour l’identification dépendent de l’application ciblée. Celles-ci se regroupent en quatre secteurs : la santé, la sécurité nationale, le contrôle qualité et l’écologie microbienne .

En milieu clinique, l’identification microbienne se concentre sur la recherche de pathogènes chez un patient. Elle est ainsi utilisée pour poser un diagnostic et apporter un traitement en conséquence. La rapidité de l’analyse est ici un facteur critique, puisque directement lié au taux de survie du patient (Huang et al. 2013). Or, le processus complet, de la prise d’échantillon (sang, urine, salive, etc.) à la réception des résultats d’identification, impose un délai de traitement conséquent . La durée totale varie en fonction des échantillons et de l’organisation de l’organisme clinique, mais est généralement comprise entre 24 et 80 h auxquelles s’ajoutent d’éventuels tests de résistance aux antibiotiques (Huang et al. 2013; Rönnberg et al. 2013).

Dans ce secteur, les risques liés aux bactéries multi-résistantes aux antibiotiques nécessitent également une multiplication des tests de routine. Le dépistage préopératoire de Staphylococcus aureus (connu sous le nom vernaculaire de Staphylocoque doré) est, par exemple, fortement recommandé depuis une quinzaine d’années pour certains patients, notamment en cas de séjours répétés à l’hôpital (SFHH 2004; Stenholm et al. 2013; Humphreys et al. 2016).

Les laboratoires médicaux sont donc particulièrement demandeurs en technologies d’identification rapides et capables de traiter un grand nombre d’échantillons en parallèle. Pour limiter les délais liés au transport, des appareils compacts et bon marché pouvant être installés au plus près des unités cliniques seraient également bienvenus. Enfin, le coût par analyse est toujours un facteur intéressant à prendre en compte.

Les mêmes contraintes se retrouvent dans le secteur industriel, où les normes de qualité imposent des suivis microbiologiques réguliers. Ceux-ci attestent de la stérilité d’un équipement ou d’un procédé de fabrication, ou encore de l’absence de contaminant dans un produit fini. On peut citer en exemple la recherche de pathogènes dans des produits alimentaires (Gowen et al. 2015; Saravanan et al. 2020; Spyrelli et al. 2020), mais les industries nonalimentaires, comme la pharmacologie ou la cosmétologie, sont également exposés. Celles-ci posent des difficultés spécifiques, notamment une grande variété d’espèces à identifier et une grande marge de progression à réaliser en termes de nombre d’échantillons analysés.

Entre 2005 et 2018, 49 % des contaminations reportées étaient dues à des agents non-identifiés (Cunningham-Oakes et al. 2019). En effet, les tests de routine ciblent quelques pathogènes communs imposés par la législation, mais ignorent par exemple des opportunistes comme les Enterobacter. Or, à terme, l’identification pourrait devenir obligatoire en cas de contamination, tout comme les tests de susceptibilité aux antibiotiques. Dans les années à venir, la demande d’outils d’identification bon marché en provenance de l’industrie pourrait donc fortement augmenter.

Enfin, les domaines de la défense nationale et de l’écologie ont chacun des contraintes et des objectifs extrêmement spécifiques, le premier exigeant des résultats immédiats sans souci de coût ; le second s’intéressant à de larges volumes d’espèces souvent inconnues. Ces deux domaines utilisent donc des outils bien précis qui seront évoqués en Remarque 2 , mais qui ne correspondent pas aux cahiers des charges des deux autres domaines. Ici, nous discuterons donc principalement du diagnostic infectieux et du contrôle qualité.

En résumé, les laboratoires de microbiologie modernes demandent des solutions d’identification plus rapides que la méthode traditionnelle, bon marché, et surtout le plus automatisé possible (Park et Kricka 2017). Dans ce contexte, la boite de Petri semble perdre de son intérêt face à des technologies concurrentes comme la biologie moléculaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I. IDENTIFICATION OPTIQUE DE MICROORGANISMES
I.1. INTRODUCTION A L’IDENTIFICATION MICROBIOLOGIQUE
I.1.1. La boite de Petri et l’identification traditionnelle
I.1.2. Domaines d’application et contraintes de l’identification
I.1.3. La boite de Petri : un outil obsolète à l’heure de la génomique ?
I.1.4. L’analyse de boite de Petri 2.0
I.1.5. Le MALDI-TOF : un nouveau standard d’identification
I.2. L’IDENTIFICATION MICROBIOLOGIQUE PAR ANALYSE OPTIQUE SANS MARQUAGE
I.2.1. Intérêt d’une analyse optique sans marquage
I.2.2. L’imagerie sans lentille
I.2.3. Diffusion élastique dans le visible
I.3. IDENTIFICATION ET SPECTROSCOPIES VIBRATIONNELLES
I.3.1. Phénomènes de vibration moléculaires
I.3.2. Identification par spectroscopie vibrationnelle
I.3.3. Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
I.4. L’IDENTIFICATION MICROBIOLOGIQUE PAR DES TECHNIQUES D’IMAGERIE SPECTRALES
I.4.1. Imageries spectrales
I.4.2. Identification par imagerie hyperspectrale dans l’infrarouge moyen : une étude prometteuse
I.4.3. Lasers à cascade quantique et nouvelles perspectives en imagerie infrarouge
I.5. CONCLUSION DE PARTIE
CHAPITRE II. IMAGERIE MULTISPECTRALE SANS LENTILLE DANS L’INFRAROUGE MOYEN
II.1. IMAGERIE MULTISPECTRALE DANS L’INFRAROUGE MOYEN
II.1.1. Principe
II.1.2. Longueurs d’ondes d’acquisition
II.2. BANC DE MESURE
II.2.1. Source laser MirCat
II.2.2. Trajet optique et présentation générale du banc de mesure
II.2.3. Matrice de microbolomètres
II.2.4. Réglages du capteur microbolométrique
II.2.5. Routines de contrôle Python
II.3. MEMBRANES
II.3.1. Absorbance de l’eau dans l’infrarouge moyen et solutions envisagées
II.3.2. Culture sur membrane d’alumine
II.3.3. Considérations pratiques pour les acquisitions sur membranes d’alumine
II.4. PROTOCOLE ET NON-DESTRUCTIVITE DE LA METHODE
II.4.1. Protocole
II.4.2. Intérêt d’une acquisition non invasive et non destructive
II.4.3. Acquisitions précoces
II.4.4. Impact d’une exposition aux infrarouges sur la concentration minimale inhibitrice
II.5. PRETRAITEMENT DES IMAGES
II.5.1. Correction des images
II.5.2. Détection des colonies
II.6. CONCLUSION DE CHAPITRE ET EXEMPLES D’IMAGES
CHAPITRE III. IMAGERIE MULTISPECTRALE ET APPRENTISSAGE MACHINE
III.1. INTRODUCTION A LA CLASSIFICATION D’IMAGES PAR APPRENTISSAGE AUTOMATIQUE
III.1.1. Un exemple de classification de données : la prédiction du diabète de type 2
III.1.2. Le fondement de la preuve de concept : la base de données
III.1.3. L’extraction des descripteurs
III.1.4. Algorithmes de classification
III.1.5. La validation croisée
III.2. RESULTATS DE CLASSIFICATION D’IMAGES A L’AIDE DE DESCRIPTEURS AD HOC
III.2.1. Descripteurs sélectionnés
III.2.2. Préparation des données et premiers résultats de classification
III.2.3. Discussion sur les descripteurs
III.2.4. Discussion sur les longueurs d’ondes et apport du multispectral
III.2.5. Résultats de classification détaillés
III.2.6. Conclusion
III.3. CLASSIFICATION D’IMAGES PAR RESEAUX DE NEURONES CONVOLUTIFS
III.3.1. Introduction aux réseaux de neurones artificiels
III.3.1. Apprentissage des réseaux de neurones par descente de gradient et rétropropagation
III.3.2. Les réseaux de neurones : des structures organisées en couches
III.3.3. Les réseaux de neurones convolutifs et l’analyse d’image
III.3.4. Résultats de classification par réseau de neurones convolutifs
III.3.5. Résultats de classification
III.4. CONCLUSION DE CHAPITRE
CHAPITRE IV. PERSPECTIVES
IV.1. ESSAI DE VALIDATION CROISEE DITE « STRICTE » ET SOURCES DE VARIABILITE EXPERIMENTALE
IV.1.1. La validation croisée stricte : une question de partition des données
IV.1.2. Résultats de classification en validation croisée stricte
IV.1.3. Sources de variabilité expérimentale
IV.1.4. Évolutions et améliorations envisagées
IV.1.5. Conclusion
IV.2. ESSAIS DE CULTURE MICROBIOLOGIQUES SUR MEMBRANES EN SILICIUM POREUX
IV.2.1. Contexte
IV.2.2. Première itération : gravure profonde par procédé Bosch
IV.2.3. Seconde itération : Taiko process
IV.2.4. Perspectives
IV.3. DETECTION D’ANTIBIORESISTANCE PAR MARQUAGE AU DEUTERIUM
IV.4. POSITIONNEMENT FACE A L’ETAT DE L’ART ET APPLICATIONS ENVISAGEES
IV.4.1. Comparaison à l’état de l’art
IV.4.2. Application possible pour la surveillance de la qualité de l’eau
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES

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