Les ultrasons sont couramment employés dans le milieu médical pour le diagnostic (e.g. échographie) et la thérapie (e.g. HIFU). Peu coûteuse et rapide d’utilisation, l’échographie se présente comme une modalité d’imagerie non invasive. Actuellement, l’imagerie par ultrasons est principalement utilisée en obstétrique pour le suivi du développement fœtal, en cardiologie ou encore en radiologie pour le dépistage de tumeurs dans divers organes. Depuis son introduction dans le domaine médical, l’échographie connaît une évolution permanente. Les progrès incessants en termes d’appareillage et de traitement d’image ont permis la visualisation d’organes et la détection de pathologies jusque-là difficilement décelables. Une des avancées majeure fut apportée par l’introduction du mode Doppler. L’analyse du flux sanguin est aujourd’hui largement utilisée pour le diagnostic des pathologies des vaisseaux et du cœur (e.g. sténose, anévrisme, …). Depuis près de vingt ans, les produits de contraste se sont révélés comme un outil intéressant pour l’étude de la vascularisation des tissus. Ces produits, composés de microbulles de gaz, sont aujourd’hui utilisés en clinique pour l’évaluation de la perfusion cardiaque ou encore la détection de tumeurs hépatiques. Injectés par voie intraveineuse dans l’organisme, ils accentuent significativement la réflexion sanguine et, de ce fait, permettent la visualisation de vaisseaux habituellement non observables. Néanmoins, suivant le patient et l’application clinique, leur détection peut s’avérer délicate en raison de la forte réflexion des tissus. Ainsi, de nombreuses recherches se sont orientées vers une meilleure compréhension des propriétés physiques et acoustiques des microbulles dans le but de développer de nouvelles méthodes de détection adaptées aux produits de contraste. De nos jours, la plupart des techniques utilisées en routine reposent sur l’imagerie non linéaire. Toutefois, l’efficacité de ces méthodes reste souvent limitée par les capacités des transducteurs piézoélectriques classiques.
Les récents développements, en termes de matériaux et de procédés de transduction ultrasonore offrent de nouveaux horizons à l’échographie (e.g. réseaux 2D, imagerie haute fréquence). Depuis une dizaine d’années, les transducteurs capacitifs micro-usinés (cMUTs) tentent de s’imposer comme une alternative viable aux transducteurs piézoélectriques classiques. Un des atouts majeur du cMUT réside en sa large bande passante. Cet avantage offre la possibilité d’imager différentes réponses non linéaires ou encore d’exploiter plus efficacement les propriétés de diffusion des microbulles. Le cMUT représente, par conséquent, un véritable intérêt pour l’imagerie de contraste. Cependant, de par sa nature, le cMUT a un comportement non linéaire le rendant incompatible avec les techniques d’imagerie de contraste traditionnelles. Son utilisation dans ce domaine apparaît donc comme un défi technologique.
Introduction à l’imagerie de contraste ultrasonore
Généralités
L’introduction de produits de contraste ultrasonore a engendré une véritable évolution pour l’examen échographique (Tranquart, Correas 2007). Dès 1968, Gramiak et Shah ont mis en évidence une amélioration de l’échogénicité du sang lors de l’injection d’une solution saline contenant de petites bulles de gaz (Gramiak and Shah 1968). Ces bulles de gaz présentent la particularité d’osciller sous l’action d’une onde ultrasonore renvoyant ainsi un écho important. Par la suite, de nombreux développements ont été réalisés pour obtenir des agents de contraste composés de microbulles plus stables et suffisamment petites pour franchir les capillaires pulmonaires (Keller, Glasheen 1989, Schneider, Arditi 1995).
Jusqu’au début des années 1990, l’imagerie de contraste fût limitée par la sensibilité des techniques conventionnelles (e.g. mode B fondamental) qui ne permettaient pas la visualisation d’agents de contraste en présence de tissus. L’échographie de contraste a connu un important essor avec l’introduction de l’imagerie harmonique améliorant considérablement la détection de la réponse issue des microbulles (Schrope and Newhouse 1993). Depuis une quinzaine d’années, la recherche s’est accentuée sur la caractérisation des microbulles et sur l’implémentation de nouvelles méthodes d’imagerie. De nombreuses études se sont alors orientées vers la modélisation et l’observation du comportement des bulles soumises à une onde ultrasonore (de Jong, Cornet 1994, Marmottant, Van Der Meer 2005). Ces travaux ont permis l’élaboration de nouvelles méthodes d’imagerie basées sur les propriétés acoustiques spécifiques des agents de contraste (e.g. diffusion, atténuation). En fonction de l’excitation ultrasonore, les microbulles oscillent en générant, en plus de la composante fondamentale (fo), des composantes non linéaires à des entiers multiples de la fréquence transmise (2fo, 3fo, 4fo, 5fo …). Actuellement, la composante à 2fo est principalement exploitée pour générer une image appelée image harmonique. L’amplitude, la fréquence et la forme de l’onde transmise ont un rôle prépondérant dans la réponse non linéaire de la microbulle. Des techniques d’imagerie harmonique dites multi-impulsionnelles sont utilisées en routine comme l’inversion de phases (Simpson, Chin 1999) ou la modulation d’amplitude (Brock Fisher, Poland 1996). Néanmoins, la présence de non linéarités, créées par la distorsion de l’onde ultrasonore dans le milieu environnant, se révèle comme une contrainte à l’imagerie harmonique de contraste en dégradant la sensibilité des méthodes de détection. L’échographie de contraste est aujourd’hui essentiellement utilisée en clinique pour l’estimation de la perfusion myocardique (Miller and Nanda 2004), mais aussi pour l’évaluation du flux sanguin, la détection de lésions ou encore la vascularisation de tumeurs de nombreux organes (e.g. foie, rate, pancréas, sein, rein…) (Tranquart, Correas 2007, Wilson and Burns 2010).
Au cours de ces dernières années, un véritable intérêt s’est porté sur l’utilisation d’agents de contraste ultrasonore pour les applications thérapeutiques. En thérapie, les microbulles sont associées à des médicaments afin de permettre leur transfert efficace et ciblé au sein du tissu (Escoffre, Novell 2011, van Wamel, Kooiman 2006). Sous l’action de l’excitation ultrasonore, les oscillations des microbulles proches des cellules peuvent produire une perméabilisation transitoire des membranes cellulaires favorisant ainsi l’introduction de molécules exogènes dans ces cellules. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce processus appelé sonoporation. Les interactions bulles-ultrasons sont à l’origine de différents phénomènes physiques tels que les micro-flux acoustiques « microstreaming » (Wu 2002), des ondes de choc ou encore la formation de « micro-jets » (Ohl, Arora 2006). Les forces résultantes de ces phénomènes induisent la formation de pores ou l’ouverture de canaux au niveau de la membrane cellulaire. De nos jours, de nombreux groupes de recherche travaillent sur l’optimisation des paramètres acoustiques (Meijering, Henning 2007) ainsi que sur le développement de nouveaux agents de contraste (Li, Tachibana 2003, Mehier-Humbert, Yan 2007) pour augmenter l’efficacité du transfert de molécules d’intérêt médical au sein des tissus. Une meilleure compréhension de ces phénomènes physiques impliqués est également nécessaire pour l’utilisation rationnelle de cette méthode en clinique.
Propriétés des agents de contraste
Définition des agents de contraste ultrasonore
Les produits de contraste ultrasonore sont des microbulles gazeuses, non toxiques pour l’organisme, qui, sous l’excitation d’une onde ultrasonore, ont la particularité d’entrer en oscillation et de générer un écho important (de Jong, Bouakaz 2002). Ces agents sont injectés dans l’organisme par voie intraveineuse (bolus ou perfusion continue) pour augmenter l’échogénicité des vaisseaux sanguins et des cavités cardiaques. Une solution de contraste est composée de millions de bulles dont les tailles sont de l’ordre de quelques µm (0,5 à 20 µm de diamètre). Ces dernières doivent être assez petites pour franchir les capillaires pulmonaires avant de parvenir à la circulation systémique.
Les microbulles sont généralement composées d’un gaz lourd afin de réduire leur cinétique de dissolution dans le sang et d’augmenter ainsi la durée de l’examen échographique (plusieurs minutes) (Tranquart, Correas 2007). Ce gaz est entouré d’une coque dont la fonction est de protéger la bulle. L’épaisseur de la paroi varie de quelques nm à plusieurs centaines de nm. Elle est généralement composée de protéines, de phospholipides, de surfactants ou de polymères. Les microbulles encapsulées se révèlent beaucoup plus stables que des bulles dites nues. Il est alors possible de prolonger sensiblement la durée utile de l’écho fourni par l’agent de contraste. La composition et l’épaisseur de la paroi ont une influence directe sur le pouvoir réflecteur de la bulle (de Jong, Cornet 1994). D’autre part, les agents de contraste peuvent porter à leur surface des anticorps ou des ligands pour étudier des processus moléculaires comme l’angiogénèse tumorale (Ellegala, Leong-Poi 2003) ou induire un transfert ciblé de médicaments (Negishi, Omata 2010). De par la forte compressibilité du gaz, les microbulles sont des diffuseurs ultrasonores très efficaces. Le contraste de l’image dépend alors de la nature et de la concentration des agents de contraste ainsi que des paramètres acoustiques appliqués (e.g. la fréquence d’excitation, pression, la durée de l’excitation…).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Introduction à l’imagerie de contraste ultrasonore
1.1 Généralités
1.2 Propriétés des agents de contraste
1.2.1 Définition des agents de contraste ultrasonore
1.2.2 Dynamique de la microbulle
1.3 Imagerie de contraste ultrasonore
1.3.1 Outils de quantification d’une image de contraste
1.3.2 Techniques d’imagerie de contraste
Chapitre 2 Introduction aux transducteurs capacitifs micro-usinés : cMUTs
2.1 Application des sondes cMUTs dans le domaine médical
2.2 Principe de fonctionnement des cMUTs
2.2.1 Description d’une cellule élémentaire cMUT
2.2.2 Procédés de fabrication
2.3 Caractérisation d’une sonde cMUT
2.3.1 Tension de collapse et régime de fonctionnement
2.3.2 Fréquence de résonance
2.3.3 Coefficient de couplage électromécanique
2.3.4 Comportement non linéaire du cMUT et modélisation
2.4 Comparaison entre sondes cMUT et PZT
Chapitre 3 Non linéarité des cMUTs et adaptation à l’imagerie harmonique de contraste
3.1 Introduction
3.2 Résumé de l’article
3.3 Article : Exploitation of Capacitive Micromachined Transducers for nonlinear
ultrasound imaging
3.4 Etude complémentaire : Imagerie harmonique native avec une sonde cMUT
3.4.1 Dispositif expérimental
3.4.2 Résultats et discussion
3.5 Conclusions et perspectives
Chapitre 4 Application des cMUTs en imagerie de contraste : imagerie large bande
4.1 Introduction
4.2 Résumé de l’article
4.3 Article: Wideband harmonic imaging of ultrasound contrast agent with a cMUT
array
4.4 Conclusions et perspectives
Chapitre 5 Imagerie par excitation multi-fréquentielles
5.1 Introduction
5.2 Matériel et Méthodes
5.2.1 Description de la méthode par excitation multi-fréquentielles
5.2.2 Dispositifs expérimentaux
5.3 Résultats et discussion
5.3.1 Mesures acoustiques
5.3.2 Images et mesures sur le fantôme de flux
5.3.3 Evaluation avec une sonde cMUT
5.4 Conclusions et perspectives
Chapitre 6 Imagerie par retournement de « chirps » : principe et vérifications expérimentales
6.1 Introduction
6.2 Résumé de l’article
6.3 Article : Contrast agent response to chirp reversal: simulations, optical
observations and acoustical verification
6.4 Etude complémentaire : influence des paramètres d’excitation
6.4.1 Influence de la fréquence
6.4.2 Influence de la bande passante
6.4.3 Influence de la pression acoustique
6.5 Conclusions et perspectives
Conclusion générale
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