Image populaire de la femme violente
La criminalité chez la femme suscite de nombreux débats, plus encore lorsqu’il s’agit d’une criminalité dans laquelle la femme fait usage de violence. Durant de nombreuses années, que ce soit au niveau de la croyance populaire ou chez les chercheurs, la violence, l’agressivité, voire même la colère, étaient des caractéristiques considérées comme pouvant uniquement être présentes chez les hommes (White & Kowalski, 1994). Les stéréotypes traditionnels de la femme nourricière, gentille, passive et soumise empêchaient ainsi d’admettre que l’agressivité ou la violence soit une réaction féminine naturelle (Lombroso & Ferrero, 1895). Par le fait même, les femmes qui commettaient des crimes violents étaient alors perçues comme «inadéquates», «folles» ou encore « masculines» car elles transgressaient le mode de comportement attendu (Lombroso & Ferrero, 1895). Ces femmes agissaient en effet d’ une manière qui contredisait les opinions traditionnelles sur les femmes et leur comportement était alors considéré comme pathologique.
Par la suite, l’émergence du mouvement féministe et le combat pour l’égalité hommes – femmes a amené l’idée que si les femmes étaient égales aux hommes, elles l’ étaient également dans la criminalité (Adler, 1975; Simon, 1975). Les femmes ont alors commencé à être perçues comme pouvant commettre des actes délictueux de la même manière que les hommes.
Explications du comportement violent des femmes
Pour certains auteurs, la délinquance serait apprise au contact des pairs (Bandura,1977; Sutherland, 1947). Ainsi, en étant témoin d’ actes de violence commis par ses pairs (famille ou amis), la femme apprend tout d’abord à développer des rationalisations soutenant les comportements violents. Puis, elle fait ensuite l’apprentissage de manières, de moyens de commettre des délits (Sutherland, 1947). Selon ces auteurs, le fait d’avoir été exposée tôt dans son développement à ce genre de modèle augmente les probabilités que la femme devienne délinquante. L’association à des pairs délinquants prédirait donc l’implication des femmes dans la délinquance en général et dans la délinquance violente en particulier (Alarid, Burton, & Cullen, 2000). De fait, les femmes qui fréquentent des pairs délinquants sont plus à risque de commettre des actes de violence (Sommers & Baskin, 1993). Par ailleurs, l’exposition dans l’enfance à des comportements violents et, plus spécifiquement, la victimisation dans l’enfance, est un important prédicteur de passages à l’acte violents à l’âge adulte chez les femmes (Pollock et al., 2006).
La délinquance est également considérée comme le résultat d’ une précarité ou d’une rupture des liens d’attachement. En effet, ces derniers permettant d’empêcher un désir déviant de se transformer en agir, s’ils sont rompus, il n’y a plus de contrôle exercé sur les désirs déviants et le passage à l’acte devient alors possible (Hirschi, 1969). De fait, un faible attachement aux parents est un important prédicteur de passage à l’ acte violent chez la femme (Alarid et al., 2000).
Distinction entre criminalité violente intrafamiliale et extrafamiliale
Pour autant qu’elles permettent une meilleure compréhension de la criminalité violente chez la femme , la plupart des études font rarement de distinctions à l’intérieur même de cette entité. En effet, on retrouve le plus souvent des études comparatives entre des hommes et des femmes qui commettent des crimes violents ou bien entre des femmes qui commettent des crimes violents et des femmes issues de la population générale ou ayant commis des crimes non violents. Dans la majorité des cas, pas plus la nature du crime que le lien entre les femmes et leur(s) victime(s) ne sont des éléments centraux des études hormis lorsqu’ il s’agit de recherches portant sur les violences familiales . Dans ce cas, on retrouve alors des études s’intéressant à certains types de crimes violents (homicide, violence conjugale, abus sexuel) commis par des femmes envers un membre de leur famille, généralement un conjoint ou un enfant .
Or, les femmes auteurs de crimes violents ne constituent pas nécessairement un groupe homogène . Peu d’études se sont pourtant spécifiquement intéressées à comparer des femmes ayant commis un crime violent envers un membre de leur famille et des femmes ayant commis un crime violent envers une connaissance ou un étranger.
Lien à la victime
Les femmes sont plus susceptibles de commettre des crimes violents contre une personne avec laquelle existe un lien familial. En effet, en 2009, au Canada, parmi les crimes violents dont les femmes sont les auteures présumées, la victime est le plus souvent le conjoint ou le partenaire intime (45,5 %) ou un autre membre de la 15 famille (11,5 %), plutôt qu’une connaissance (29,4 %) ou un étranger (13,6 %). Et, concernant les homicides plus spécifiquement, il apparait que, sur une période allant de 1997 à 2009, les femmes sont plus susceptibles de tuer un membre de leur famille (34,9 %) ou un conjoint ou partenaire intime (33,4 %), plutôt qu’une connaissance (26,3 %) ou un étranger (5,5 %) (Hotton Mahony, 2011).
Ainsi, dans la recension des écrits, les femmes auteures de crimes violents ont une trentaine d’années, sont sans emploi et faiblement scolarisées. Elles ont au moins un enfant, dont la garde leur a été retirée par l’État. Leur fonctionnement intrapsychique est marqué par de l’immaturité et une certaine limitation dans les capacités relationnelles.
Ces femmes présentent de multiples problèmes de santé mentale avec, principalement, des troubles de la personnalité, des épisodes dépressifs avec tentative de suicide et une problématique de consommation et d’abus d’ alcool et de drogue. Elles peuvent également présenter des traits psychopathiques, des symptômes dissociatifs et un état de stress post-traumatique, possiblement lié aux expériences de victimisation qu’ elles ont subies dans leur enfance et au cours de leur vie. Le crime violent est le plus souvent perpétré de manière impulsive, non planifiée, sous l’ emprise d’alcool ou de drogue et contre une personne de leur entourage familial.
Fonctionnement intrapsychique et crimes violents
Plusieurs recherches s’ intéressant aux femmes ayant commis des crimes violents emploient le Rorschach selon le Système Intégré (SI), une méthode développée par Exner (1974) afin de parvenir à une meilleure compréhension de leur fonctionnement intrapsychique. Il s’ avère ainsi que les femmes qui commettent des crimes violents semblent vulnérables, de manière chronique, à la désorganisation face aux stress inhérents à la vie dans une société complexe (EA) (Kane, 2000; Muntz, 1998; Weizmann-Henelius, 2006; Weizman-Henelius et al., 2006). À ces difficultés de tolérance au stress s’ ajoute un manque généralisé de capacités d’adaptation (D; Adj D), (Murphy-Peaslee, 1993) qui fait que ces femmes fonctionnent mieux dans des environnements très structurés qui leur permettent d’avoir un sentiment de contrôle.
Par ailleurs, au plan affectif, les femmes ayant commis un crime violent présentent une vulnérabilité marquée à la dépression (DEPI) (Muntz, 1998; Murphy-Peaslee, 1993) et des difficultés d’ajustement social entrainant une certaine fragilité aux problèmes affectifs (CDI) (Gacono et Meloy, 1994; Muntz, 1998; Murphy-Peaslee, 1993; Weizmann-Henelius, 2006). Elles manifestent de l’inhibition ou une certaine répression de l’expression émotionnelle (SumC ‘) (Berg, Gacono, Meloy et Peaslee, 1994, cité dans Cunliffe, 2002), ce qui entrai ne alors une irritation, un malaise psychique (SumShd:FM+m) (Cunliffe, 2002 ; Cunliffe et Gacono, 2005).
|
Table des matières
Introduction
La violence chez la femme
Image populaire de la femme violente
Explications du comportement violent des femmes
Caractéristiques des femmes auteures de crimes violents
Données sociodémographiques
Fonctionnement intrapsychique
Psychopathologie
Troubles de la personnalité
Psychopathie
Dépression
Toxicomanie
Dissociation
État de stress post-traumatique
Expérience traumatisantes
Antécédents judiciaires
Contexte du passage à l’ acte
Lien à la victime
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Barratt Impulsivity Scale (BIS-11) (1959)
Beck Depression Inventory II (BDI-II) (1996)
Conflict Tactics Scales (CTS) (1979)
Dissociative Experiences Scale II (DES-II) (1993)
Questionnaire portant sur les variables situationnelles et des événements de vie (2006)
Rorschach (1921)
Structured Clinical Interview for DSM-IV Axis 1 Disorders (SCID-I) Overview (1997)
Structured Clinical Interview for DSM-IV Axis II Personality Disorders (SCID-II) (1997)
Thematic Apperception Test (TAT) (1943)
Déroulement
Chapitre 1. Profil de personnalité de femmes auteures de crimes violents selon le lien à la victime
Résumé
Summary
1. Introduction
1.1 Définition et ampleur du phénomène
1.2 Recension des écrits
1.2.1 Facteurs sociodémographiques, situationnels et criminologiques
1.2.2 Psychopathologie
1.2.3 Impulsivité
1.2.4 Dissociation
1.2.5 Distinction entre criminalité violente intrafamiliale et extrafamiliale
2. Objectifs et hypothèses
3. Méthode
3.1 Participants
3.2 Instruments de mesure
3.3 Déroulement
4. Résultats
4.1 Méthode d’analyse
4.2 Présentation des résultats
5. Discussion
6. Conclusion
Références
Chapitre 2. Fonctionnement intrapsychique de femmes incarcérées auteures de violence intrafamiliale
Résumé
Abstract
1. Introduction
1.1 Définition et ampleur du phénomène
1.2 Fonctionnement intrapsychique et crimes violents
2. Objectif
3. Méthode
3.1 Participants
3.2 Instruments de mesure
3.3 Déroulement
4. Résultats
4.1 Méthode d’analyse
4.2 Présentation des résultats
5. Discussion
6. Conclusion
Références
Discussion générale
Limites de cette étude
Futures recherches et impact clinique
Conclusion
Télécharger le rapport complet