Idéologies autour de l’aménagement et du développement de l’Office du Niger

Idéologies autour de l’aménagement et du développement de l’Office du Niger

Le foncier, des visions diverses

La « formule de Le Roy » illustre la complexité du foncier en Afrique, et par conséquent la difficulté à l’appréhender, à démêler les droits et usages marqués par plusieurs références : celles du droit dit traditionnel (droit de la hache), droit romain… A l’Office du Niger, cela s’est traduit par l’impossibilité de définir un droit à la terre clair tout au long des années. Nous verrons que cette impossibilité subsiste. Le cadre institutionnel, proposé pour accueillir les « investisseurs » est inadapté, sauf exception, et engendre des « arrangements »9. Au-delà des différentes définitions et conceptions de l’objet foncier, nous avons cherché à caractériser les différentes dimensions qui lui sont attachées.

Pour cela nous avons étudié les termes associés au mot foncier par trois communautés « actrices » : la communauté scientifique (toute discipline confondue), les scientifiques spécialisés dans l’agriculture irriguée et les paysans de l’Office. L’hypothèse est que l’analyse des termes associés au mot foncier, en la ciblant sur les occurrences les plus importantes, traduira les perceptions des acteurs liées à la question foncière, et nous permettra d’affiner les contours de notre question de recherche. Nous avons adapté notre méthode d’analyse et les vecteurs mobilisées aux trois communautés. Pour les acteurs scientifiques « généralistes », nous nous sommes appuyés sur leurs articles scientifiques ; pour les chercheurs spécialistes des systèmes irrigués, nous avons interrogé les chercheurs travaillant sur les questions de l’irrigation dans les pays du Sud, chercheurs travaillant au sein de l’UMR G-Eau.

Pour les paysans maliens, lors des enquêtes de terrain, nous abordions dans la phase introductive la question foncière. Pour tous les acteurs enquêtés, nous avons utilisé la même méthodologie : nous leurs avons demandé, au cours d’un entretien ouvert, d’associer librement 5 termes ou expressions au mot Foncier. Ils ont disposé d’un temps de réflexion de 5 minutes. Pour les données issues des articles scientifiques, les logiciels de nuages de mots ont été mobilisés comme des outils d’analyse de texte sélectionnant les termes (champ lexical, synonyme, occurrence dans l’article) les plus fréquents au sein de l’article. Nous avons fait le choix de créer des nuages de mots pour traiter les données issues de ces différentes recherches, méthode assimilable à une analyse visuelle des discours. La création de nuages de mots-clés a été utilisée pour cartographier des idées, des champs sémantiques, autour du terme foncier. Un retour a été fait aux acteurs enquêtés pour leur présenter le rendu visuel de ce mode cartographique. Les chercheurs l’ont perçu comme un brainstorming permettant de faire émerger leurs idées principales ; les paysans l’ont eux perçu comme un moyen de recouper, de synthétiser la pensée paysanne.

La foncier de l’Office vu par les chercheurs spécialistes de l’irrigation

Dans l’ensemble des articles étudiés la question foncière est fortement contextualisée. Elle est liée à l’espace et à ses ressources qui ont toujours des caractéristiques propres. La plupart des analyses se sont focalisées sur le foncier rural non aménagé, exploité à travers l’élevage, l’agriculture pluviale ou l’agriculture de plantation. En Afrique, les quelques études foncières dans le cadre d’aménagements hydro-agricoles se sont concentrées autour de la vallée du fleuve Sénégal, ou des bas fonds (Boutillier et Schmitz, 1987 ; Mathieu, 1991 ; Crousse et al, 1991; Lavigne Delville, 1991), mais peu d’entre elles ont étudié la question foncière dans un grand périmètre irrigué (Jamin et Doucet, 1994).

Les auteurs travaillant dans un contexte irrigué au sens large décrivent les spécificités de la question foncière. Ils étudient sur les adaptations paysannes suite au développement des aménagements, notamment par rapport aux règles foncières instaurées, adaptées ou non aux formes de gestion traditionnelles du foncier. Les auteurs, travaillant dans des contextes irrigués ou non, s’accordent sur le fait que tout aménagement a des enjeux fonciers spécifiques (Lavigne Delville, 1991). Finalement, l’entrée foncière peut être abordée par des chercheurs non spécialistes de la question foncière, mais spécialiste de l’aménagement en question, qui seront plus à même d’en déterminer les spécificités pouvant impacter sur les enjeux fonciers. Pour identifier ces enjeux spécifiques nous nous sommes intéressés aux travaux menés par les chercheurs spécialistes des systèmes irrigués. Pour comprendre comment ils voient les spécificités de la question foncière dans les périmètres irrigués, nous avons interrogé 35 chercheurs spécialistes de l’irrigation, anthropologues, agronomes, économistes, juristes, sociologues, hydrologues et politologues.

Le terme eau est ici très fortement associé au foncier, alors que les deux ressources ne sont généralement pas associées dans des contextes non irrigués. La gestion des deux ressources, eau et foncier, est, par définition de l’irrigation, intimement liée dans les contextes irrigués (Cotula, 2006). Les occurrences les plus nombreuses sont, ensuite, celles liées aux aménagements (parcelles, aménagement, coût, périmètre, surface, limite, réseau). La dimension sociale de la gestion de ces ressources ressort par la caractérisation des acteurs : paysans, investisseurs… Les termes liés à la gestion (droit usage, règles d’accès, métayage contrat) sont mentionnés mais avec une caractéristique importante, celle de l’informel. 61% des enquêtés ont utilisés des termes renvoyant à l’informel (pratiques informelles, informel, arrangements…). Dans la littérature sur la question foncière, les termes juridiques, de loi, de droit, semblent prédominants ; les chercheurs spécialistes des contextes irrigués se réfèrent, eux, surtout à des modes de gestion informels. Nous pouvons émettre l’hypothèse que, dans ces contextes où deux ressources primordiales et convoitées doivent être gérées, la terre et l’eau, les modes de gestion informels sont généralisés.

Aujourd’hui, dans le contexte des investissements fonciers à grande échelle, la question foncière dans les périmètres irrigués a fortement évolué. Pourtant ces évolutions récentes n’ont fait l’objet que de quelques publications scientifiques (Brondeau, 2009 ; Béthemont, 2009 ; Jamin et al, 2011 ; Bélières et al, 2013). Le phénomène du land grabbing a été largement étudié dans des contextes pluviaux (Galaty, 2013) la question de l’eau a été abordée à travers la notion de water grabbing (Metha et al, 2012) mais les implications à l’échelle locale des investissements n’ont pas été approfondies. La question foncière dans les contextes irrigués est bien spécifique et ses évolutions récentes n’ont finalement été que très peu étudiées. L’ensemble des scientifiques s’accordent sur le fait que le foncier est un objet complexe, pluriel et fortement influencé par le contexte géographique et social de l’étude. Selon Paul Mathieu, la problématique foncière dans les aménagements irrigués est déterminée par les relations entre quatre paramètres de base : financier, technique, économique et social.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Résumé
Abstract
Remerciements
Avant propos
Table des matières
Introduction générale
1 Sécurité alimentaire et investissement agricole
2 La question foncière : aux origines de l’objet d’étude.
3 La question foncière à l’Office du Niger : objets et cadres de l’étude
4 Intrants théoriques : thématiques et champs disciplinaire
5 Question de recherche et hypothèses
6 Cadre méthodologique et démarche adoptée
Partie I Du Dougou Tigi à l’Etat colonial, d’un Etat socialiste aux investisseurs privés: construction de l’Office du Niger, des ses acteurs et de son espace foncier.
Chapitre 1 : Idéologies autour de l’aménagement et du développement de l’Office du Niger
1 Le développement de l’irrigation au Soudan français : le grand rêve de l’ingénieur Emile Bélime.
2 Le virage socialiste du développement de l’Office du Niger
3 1970-1990 : du périmètre des militaires à celui des bailleurs de fonds
4 1990 : Le temps de la restructuration ou la fin de l’Office du Niger tout puissant
Chapitre 2 : Evolution historique de la gestion foncière à l’Office du Niger: entre droit et pratique, la naissance des arrangements fonciers paysans
1 Du Chef des terres coutumier à l’Etat, propriétaire de l’eldorado irrigable : le développement d’un Etat tout puissant
2 Les pratiques foncières : une adaptation au cadre légal qui a toujours existé.
3 Gestion foncière à l’ON : la bonne gouvernance interpellée
Chapitre 3 : Les années 2000 : L’Office du Niger, face au mur, appelle les investisseurs à la rescousse.
1 Des attributaires cultivant des terres publiques : une success story en crise
2 L’Appel aux investisseurs privés.
3 Un cadre institutionnel en évolution
4 Conséquences des Appels des investisseurs
Partie II : Dynamique d’investissements ou dynamique d’accaparements ?
Chapitre 4 : Petits et grands arrangements en zone ON : de l’huile dans les rouages fonciers
1 Les projets publics: une volonté de favoriser l’entrepreneuriat
2 Le Partenariat public/privé : une innovation en zone O.N.
3 Des investisseurs agro-industriels étrangers partenaires historiques de l’Etat: Sukala et N’Sukala
4 Les investisseurs nationaux portent aussi des projets agro-industriels : l’exemple de Tomota
5 Les investisseurs étrangers partenaires politiques du gouvernement
6 Des investisseurs nationaux peuvent réussir : le projet GDCM
7 Des projets, des acteurs, des arrangements
Chapitre 5 : Nouveaux acteurs, nouvelles règles, nouveaux arrangements, … nouveaux résultats ?
1 Le cadre institutionnel des investissements privés interpellé par les pratiques
2 La Loi et les acquisitions foncières
3 Des mécanismes de régulation peu efficaces
Partie III « Menacés », les acteurs jouent et créent une nouvelle dynamique foncière
Chapitre 6 Des arrangements à l’origine de nouveaux systèmes de gestion du foncier irrigué
1 La naissance des arrangements coopératifs
2 La montée en puissance des arrangements néo-coutumiers
3 Le développement des arrangements multi-acteurs spéculatifs
4 Des arrangements porteurs de nouveaux systèmes de gestion du foncier irrigué
Chapitre 7 Le Jeu foncier de l’ON contourné par des joueurs innovants.
1 Le développement des jeux d’acteurs dans le cadre de la gestion du foncier irrigué
2 Des rôles déterminants mais difficiles à tenir dans un jeu sous tension
3 Le jeu d’acteur à l’échelle de l’ON, un jeu de poker menteur ?
4 Le rôle de l’Etat
Conclusion
Références bibliographiques
Listes des illustrations
Liste des sigles et abréviations
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *