Définition des concepts: identité et revendication identitaire
Les manières de définir les termes identité et revendication identitaire sont très diverses et varient en fonction de différents domaines. Dans le cadre de notre étude, nous tenterons de définir ces deux concepts du point de vue littéraire.
La notion d’identité
Le Grand Robert définit « identité » comme étant « le caractère de ce qui est identique » cette définition du dictionnaire laisse apparaitre donc une idée de ressemblance. D’après le dictionnaire, Nous pouvons ainsi considérer l’identité comme étant ce qui permet de distinguer sans confusion une personne, un animal, ou une chose des autres. Cependant, cette définition met en évidence deux termes qui sont à la fois contraires et complémentaires c‘est-à-dire identité et altérité ; car l’identité ne trouve son vrai sens que par rapport à une altérité : c’est pourquoi l’identité est souvent conçue comme la conscience que l’on a soi-même ainsi que la reconnaissance des autres. En science sociale, l’identité renvoie à la reconnaissance d’un individu par lui-même ou par les autres. Il existe cependant plusieurs types d’identités : dans le domaine de la philosophie par exemple, on parle de l’identité personnelle qui désigne le fait d’être un individu à la fois distinct de tous les autres et demeurant le même à travers le temps. L’identité nationale qui est un sentiment d’appartenance à un même pays on parler également d’identité ethnique, culturelle, ethnico-culturelle, religieuse ou encore d’une identité individuelle, collective etc.
Dans le domaine littéraire, l’identité est un sentiment de l’écrivain d’appartenir à des origines géographique et culturelles différentes de celles des autres. Ainsi, son identité devrait être facilement identifiable à travers son œuvre, ce qu’on appelle souvent identité littéraire de l’écrivain. Ici, nous nous intéresserons à deux romans : Le Temps de Tamango et L’Aventure ambiguë Qui illustrent la revendication de l’authenticité des valeurs traditionnelles de l’Afrique et son incompatibilité avec les valeurs modernes de la civilisation occidentale.
revendication identitaire
Si on se réfère toujours au dictionnaire Le Grand Robert, le mot « revendication » vient du verbe « revendiquer» qui signifie réclamer (une chose sur laquelle on a un droit, notamment de propriété) » ainsi, la revendication identitaire est le fait de réclamer un ensemble de caractéristiques propre à un ensemble donnée, il s’agir d’un groupe culturel, ethnique, religieux… Dans le domaine littéraire, la revendication identitaire se fait par le biais de l’écriture. Il s’agit, pour l’écrivain, qui prend conscience de son appartenance à un groupe social donné, de réclamer la spécificité d’un certain nombre de valeurs culturelles, ethniques ou religieuses de ce groupe.
Cadre théorique
En réalité, chaque écrivain possède sa propre conscience de son identité qui le rend différent des autres. Cela veut dire que l’identité est un rapport personnel qui lie l’écrivain à son environnement social et culturel, donc il s’identifie toujours par rapport aux autres. Dans cette dynamique, l’histoire personnelle de l’auteur est déterminante dans la construction de l’identité de son œuvre. En effet, Cette histoire se déroule toujours au sein d’une culture c’est-à-dire un ensemble complexe de représentations et de pratiques définissant un certain type de rapport au monde et de compréhension de l’univers au sein duquel on vit. Dès lors, revendiquer une identité revient alors à revoir son histoire personnelle qui est composée de plusieurs éléments : l’origine sociale et culturelle, l’éducation reçue dans son milieu et ailleurs, l’interaction avec les autres qui peuvent parfois influer sur l’identité. Dans la littérature africaine francophone, le sentiment d’appartenance à des origines géographiques et historiques différentes pousse les écrivains à revendiquer une identité noire. C’est d’abord le cas des poètes de la négritude : Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Léon Gontran Damas qui, à travers leurs écris, ont revalorisé l’identité noire en rejetant l’assimilation. Puis c’est au tour des romanciers francophones qui donnent plus d’ampleur à la question identitaire. Dans leurs romans, ils représentent la société traditionnelle avec ses valeurs culturelles, religieuses. Dès lors. Dans L’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane et Le Temps de Tamango de Boubacar Boris Diop, l’identité se construit à travers un double mécanisme de différenciation par rapport à l’Occident et d’identification à l’environnement africain. Le premier nommé représente dans son roman la société traditionnelle africaine avec de nobles principes, puis la met en confrontation avec l’Occident à travers l’installation de l’école française en Afrique et le voyage de Samba Diallo en Europe. Quant à Boubacar Boris Diop, il exprime son identité dans une attitude militante en dénonçant les méfaits de la colonisation et la situation poste coloniale en Afrique dominée par le néocolonialisme.
La représentation de la société traditionnelle dans L’Aventure ambiguë
« La peinture de la société traditionnelle occupe incontestablement une place considérable dans l’œuvre des poètes et des romanciers africains de la première génération» , affirme Jacques Chevrier. C’est dans cette dynamique que s’inscrit L’Aventure ambiguë dans lequel la construction de l’identité se fait à travers une représentation objective de la société traditionnelle africaine. Pour ce faire, Cheik Hamidou Kane nous présente une partie de l’Afrique, « le pays des diallobé » dans lequel vit la communauté des diallobé dont les membres sont unis par leur appartenance à une même ethnie, l’ethnie Peul, qui a pour fondement l’Islam. Ainsi, nous nous proposons dans ce chapitre, de faire un exposé sur cette représentation et deux sous point seront analysés: le premier abordera la question de l’identité religieuse dans la société traditionnelle, il s’agit de la religion musulmane c’est-à-dire l’Islam avec ses valeurs et préceptes mais aussi son importance dans la communauté peul., le deuxième sous point prendra en charge la question de l’identité ethnoculturelle ; nous parlerons de l’ethnie peul, de son organisation sociale, de ses valeurs et pratiques ethnico-culturelles ainsi que le mode vie des diallobé.
Une identité religieuse
L’identité religieuse peut être définie comme un sentiment d’appartenance à un groupe social composé de membres partageant les mêmes valeurs et pratiques identitaires religieuses.
En effet, les diallobé comme les autres africains ne furent pas très tôt islamisés. L’histoire nous apprend que l’Islam ne s’est imposé à l’Afrique noire que par le feu et le sang parce qu’auparavant, les populations africaines furent essentiellement animistes. Ce qui signifie que dans le cadre de L’Aventure ambiguë, les diallobés ont été forcés d’oublier leur religion originelle pour adopter l’Islam, qui au cours des siècles a fini par donner l’impression d’être une foi naturelle. Dans cette dynamique, l’école coranique occupe une place importante dans L’Aventure ambiguë. En réalité dans ce roman, l’origine sociale de l’individu joue un rôle très important dans la construction d’une identité religieuse. En effet, l’Islam étant le fondement de la communauté des Diallobé, il est à cet effet perçu comme un héritage traditionnel qui se transmet de génération en génération par le biais de l’école coranique.
Ce qui nous fait dire que Samba Diallo est musulman depuis sa naissance, car il est issu d’une famille musulmane vivant dans une société fortement islamisée. Cependant être musulman tout simplement ne suffit pas car l’Islam est une religion qui nécessite une pratique et pour ce faire, le croyant doit apprendre le Coran afin de connaitre Dieu et ses recommandations. C’est ainsi que Samba Diallo est inscrit à l’école coranique de Thierno, un érudit considéré comme le gardien de la tradition. Cette école, à l’instar d’autres qui sont implantées dans beaucoup de pays africains où vivent des musulmans, renferme un certain nombre de caractéristiques pédagogiques parmi lesquels, l’auteur choisit deux qui nous semblent pertinents dans le cadre de la construction d’une identité musulmane:
D’abord la mémorisation des versets du Coran. Le disciple doit apprendre par chœur les versets sans les comprendre, sans pouvoir les traduire ni les commenter. Cheikh Hamidou Kane nous dit : « Cette phrase qu’il ne comprenait pas et pour laquelle il souffrait le martyre, il l’aimait pour son mystère et sa sombre beauté. » Cette méthode pédagogique de l’école coranique développe la mémoire de l’enfant. En plus, si on n’initie pas tout de suite le disciple à la compréhension des versets qu’il mémorisait, c’est parce que dans la culture africaine l’acquisition de la science nécessite des années de souffrance et de misère car on ne confie pas gratuitement un savoir à un jeune comme Samba Diallo. Il faut qu’il fasse d’abord aveuglement confiance à son maitre et le suivre dans ses moindre gestes. Samba est bien conscient de cela, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il regrette de ne pas pouvoir apprendre à expliquer ce qu’il mémorisait chaque jour :
« J’avais interrompu mes études chez le Maitre des diallobé au moment précieux où il allait m’initier enfin à la compréhension de ce que, jusque-là, je n’avais fait que réciter, avec émerveillement il est vrai » Il est claire donc que Samba Diallo a bien réussi à cette épreuve mais la tradition veut qu’ après avoir terminé cette phase de mémorisation qu’une fête soit organisée en honneur de ses parents, une occasion pour le disciple de faire une exposition de ses capacités mémorielles devant tous les membres de sa famille. A ce effet, Cheikh Hamidou Kane nous dit que « Samba Diallo préluda la nuit du Coran » c’est-à-dire « récita de mémoire le Livre Saint, toute la nuit durant ».
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Table des matières
Introduction
Première partie
CHAPITRE I: Définition des concepts et cadre théorique
I-1 Définition des concepts: identité et revendication identitaire
I-1-1 La notion d’identité
I-1-2 revendication identitaire
I-2 Cadre théorique
Chapitre II : La représentation de la société traditionnelle dans L’Aventure ambiguë
II-1Une identité religieuse
II-2 une identité ethnoculturelle
Deuxième partie
CHAPITRE I : Le choc des civilisations
I-1: conflit entre modernité et tradition: l’école française, facteur d’acculturation dans L’Aventure ambiguë
I -2 La critique de la mémoire coloniale dans Le Temps de Tamango
I-3 La critique du néocolonialisme dans Le Temps de Tamango
I-4 la remise en cause de la négritude senghorienne
CHAPITRE II : la figure de l’intellectuel africain
II-1 Les deux modèles d’intellectuels
II-2 L’intellectuel organique
ll-1-2 L’intellectuel traditionnel
II-3 la problématique de l’intellectuel africain
II-3-1 Le problème d’intégration de l’intellectuel africain en Europ
II-3-2 Le problème de réintégration de l’intellectuel africain dans sa société d’origine
Conclusion générale
Bibliographie