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Matériels et Méthodes
Équipe de recherche
L’équipe de recherche menant cette étude qualitative était composée d’une enquêtrice et de son directeur de Thèse. L’enquêtrice a été étudiante du double cursus de l’École de l’INSERM Liliane Bettencourt (EDILB). Elle a effectué la voie 1 du double cursus et a soutenu sa Thèse de sciences avant l’externat. Elle était étudiante en troisième cycle de médecine générale au moment de l’étude. L’enquêtrice connaissait les participants avant le commencement de l’étude grâce aux journées de rencontres annuelles proposées aux lauréats de l’EDILB (3 journées en septembre chaque année). Les participants étaient informés du contexte de ce travail de Thèse d’exercice. Le directeur de Thèse était médecin généraliste et exerçait en maison de santé pluriprofessionnelle, et maitre de conférences des universités au sein du département de médecine générale de l’université de Nantes. Il a un master d’épidémiologie, une Thèse de sciences en pharmacologie, une Habilitation à Diriger les Recherches. Il dirige des travaux de recherches et encadre des étudiants en Master 2 et Thèse de Sciences. Il n’avait aucune expérience préalable des doubles cursus de l’EDILB.
Type d’étude
Nous avons réalisé une étude qualitative interprétative phénoménologique. Ce type d’étude permet d’étudier des phénomènes sociaux et psychosociaux en se centrant sur le vécu des participants. Des entretiens individuels semi-dirigés ont été réalisés dans le but de favoriser la libre expression des participants au cours d’une discussion personnelle autour de thématiques préalablement déterminées dans le guide d’entretien dont les participants n’avaient pas connaissance en amont de l’échange. Cette démarche compréhensive permet de faire ressortir dans chacun des parcours des participants les éléments individuels constitutifs d’une expérience commune à travers l’analyse des motivations et du vécu de cette expérience. Dans notre étude, nous avons cherché à comprendre les parcours et expériences des étudiants de l’EDILB après la césure proposée dans ce double cursus.
Population
L’étude a été réalisée auprès des étudiants du double cursus médecine-sciences de l’EDILB ayant effectué la césure proposée dans le cadre de ce cursus à la fin du premier cycle. Le but était d’obtenir un échantillonnage ciblé et homogène avec des participants appartenant à un univers singulier à explorer en profondeur. L’échantillon a donc été sélectionné intentionnellement pour sa diversité dans la perspective étudiée, avec des participants ayant vécu le même phénomène (césure de l’EDILB), en faisant varier l’avancée dans le cursus et en essayant de préserver l’équilibre entre les étudiants de la voie 1 et 2 et le sex-ratio. Il est apparu intéressant d’intégrer les étudiants ayant « abandonné » le double cursus (c’est à dire n’ayant pas repris les études de médecine après leur césure). En effet, l’expérience de ces étudiants semblait pertinente puisqu’ils ont vécu la même expérience que leurs collègues mais se sont orientés vers des choix qui leur ont été propres. Cet échantillonnage s’est fait à partir des contacts de l’enquêtrice et par la technique « boule de neige » au fur et à mesure des entretiens. La taille de l’échantillon n’était pas fixée a priori et s’est appuyée sur la suffisance théorique. La suffisance théorique signifie que le chercheur s’arrête quand son analyse est cohérente et quand il considère que le phénomène étudié a été suffisamment décrit et caractérisé. Les étudiants du double cursus pharmacie-sciences de l’EDILB n’ont pas été inclus dans cette étude du fait d’un schéma d’étude différent des médecins et de l’absence de stage hospitalier durant le deuxième cycle, ce qui semblait inadéquat dans l’objectif de maintien de l’homogénéité de l’échantillon. Les étudiants des doubles cursus autres que celui de l’EDILB n’ont pas été inclus.
Les participants ont été contactés par téléphone ou courrier électronique. Un message de sollicitation personnalisé leur était envoyé en les informant de la thématique de recherche, de la durée approximative de l’entretien et de l’anonymisation des données. Aucun étudiant du double cursus sollicité n’a refusé de participer.
Recueil de données
Un rendez-vous était convenu pour un entretien en visioconférence du fait des distances géographiques entre les participants et l’enquêtrice. Les données ont été recueillies au domicile des participants ou sur leur lieu de travail, à leur convenance. Il n’y avait pas d’autres personnes présentes que l’enquêtrice et le participant au cours des entretiens.
Un guide d’entretien a été conçu pour la réalisation des entretiens semi-dirigés. Ce guide d’entretien s’est inspiré de celui utilisé dans la Thèse de Mélissa Tholomier13, portant sur les parcours et retours d’expérience des étudiants de médecine admis par passerelles d’accès direct dans les études médicales. En effet, le fait que les étudiants interrogés dans son étude aient effectué un autre type de double cursus, ainsi que l’atypie ressentie au cours de leurs parcours, semblait pouvoir se rapprocher du vécu de la population étudiée dans cette étude. Le guide d’entretien (Annexe 1) a été testé et validé lors du premier entretien. Il n’a pas été modifié au cours du travail de recherche.
Les questions n’étaient pas fournies au préalable aux participants. Les entretiens ont été menés en visioconférence et étaient enregistrés. Des notes, notamment sur les données non verbales (rires, hésitations etc.), étaient prises de façon manuscrite par l’enquêtrice au cours des entretiens. En début d’entretien, il était rappelé le contexte du travail (Thèse qualitative de médecine générale). Chaque participant était informé des modalités de recueil, d’enregistrement et d’anonymisation des entretiens et un consentement oral a été recueilli systématiquement. Les suites de la discussion hors entretien ont également été enregistrées en raison de leur côté instructif et de par les pistes de réflexion qu’elles pouvaient apporter, sans faire l’objet d’une retranscription. Aucun entretien n’a été répété et il n’y a pas eu de retour aux participants. Les propos de l’enquêtrice et de chaque participant ont été retranscrits mot à mot intégralement. La syntaxe des discours n’a pas été modifiée afin de proposer une retranscription fidèle du verbatim. Les entretiens n’ont pas fait l’objet d’une analyse vidéo.
Les entretiens ont été menés par l’enquêtrice. L’utilisation d’un journal de bord a servi d’outil de réflexivité tout au long de ce travail de recherche. Il a été rédigé chronologiquement, au moment du recueil, de l’analyse et de l’interprétation des données. Il fait état de la progression de la réflexion, l’avancée du travail de rédaction et d’analyse, le ressenti au cours des entretiens et les pistes de travail évoquées avec le directeur de Thèse. Il a ainsi permis de garantir la qualité et la pertinence de la recherche en permettant à l’enquêtrice d’exprimer ses idées préconçues et son changement de point de vue au fur et à mesure de l’avancée du travail. Il est présenté en annexe 2.
Analyse de données
Les données ont été analysées par une approche inductive pure de manière à rester dans une approche exploratoire du vécu des étudiants de l’EDILB en tant que population particulière ayant une expérience singulière. L’analyse des données n’a pas fait l’objet d’une triangulation stricte. Les entretiens et analyses ont été revus par le directeur de Thèse de manière à s’assurer de la bonne mise en pratique de la méthodologie de recherche qualitative. Chaque entretien était analysé individuellement avant de réaliser le suivant, de manière à rester dans la dynamique propre à chaque entretien. L’analyse a débuté en lecture « flottante » pour permettre de s’imprégner des éléments principaux de l’entretien. Ensuite, l’enquêtrice a procédé à un étiquetage pour chaque mot ou expression ou phrase porteurs de sens en faisant ressortir des données de recherche analysables. L’objectif était de résumer en une « étiquette expérientielle » une unité de sens faisant état de l’expérience du participant de manière descriptive et de dégager les idées fortes de l’entretien. L’analyse permettait ensuite d’identifier quel phénomène chaque « étiquette expérientielle » caractérisait de manière à faire ressortir des « thèmes » (regroupant plusieurs « étiquettes expérientielles »). Dans un second temps, une analyse horizontale a permis d’élaborer un modèle quant à la compréhension du phénomène commun vécu par les participants. Ce modèle a été élaboré en recherchant les répétitions et les liens entre les « thèmes » de chaque entretien de manière à faire émerger des « thèmes superordonnés » puis une articulation de ces « thèmes superordonnés ». Les critères de validité interne de la grille de référence pour les études qualitatives COREQ ont été suivis14.
Aspects éthiques et réglementaires
Les participants ont consenti librement et de manière éclairée à leur participation en toute connaissance de cause. L’anonymat et la confidentialité ont été garantis à chacun d’entre eux oralement avant de commencer l’entretien, en demandant à chaque participant s’il était d’accord pour être interrogé. Concernant l’anonymisation, les noms propres (personnes, lieux, entreprises etc.) ont été supprimés. Le nom des participants a été remplacé par « P » suivi du numéro d’entretien. Les entretiens ne sont pas présentés en annexe de ce travail de manière à respecter l’anonymat des participants puisque, du fait du faible nombre d’étudiants du double cursus de l’EDILB, les données permettraient d’identifier aisément les participants. Cette étude n’a pas nécessité de comité d’éthique conformément à la réglementation de la méthodologie de référence MR003.
Un parcours semé d’embûches
Quelle que soit la voie choisie, le double cursus de l’EDILB est un parcours long semé d’embûches.
Choisir c’est renoncer ?
Une des étapes clé du double cursus réside dans le choix de la voie. Les lauréats n’ont pas hésité à prendre des avis auprès des professeurs rencontrés au cours du cursus, auprès des autres étudiants de l’EDILB ou de leur famille. Malgré le fait de considérer les avantages et inconvénients pour ce choix, les participants ont formulé l’importance de se faire confiance et de suivre leurs envies (Tableau 12 – C39 et C40). Certains ont fait le choix d’abandonner la médecine en saisissant des opportunités en recherche (Tableau 12 – C41). D’autres ont abandonné la recherche. Cependant leur objectif principal restait la réussite et le fait de se sentir bien quel que soit le domaine qu’ils investissaient.
Appréhender
Tous les participants de cette étude ont fait part de leurs appréhensions quant à la longueur du cursus, qui ajoute une à plusieurs années supplémentaires aux études médicales. Les étudiants de l’EDILB, et particulièrement ceux ayant effectué la voie 1, appréhendaient le retour aux études médicales après césure. Cette appréhension semblait essentiellement liée à la peur de l’impact de la césure sur la préparation et le classement aux ECN, et a pu influencer le choix de la voie. Certains des participants ont anticipé un mauvais classement aux ECN et ont parfois planifié un plan de secours pour effectuer leur internat à l’étranger de manière à obtenir la spécialité de leur choix. Cette appréhension du retour aux études médicales a également été mentionnée par les étudiants de la voie 2, mais plus tardivement, au moment de leur deuxième césure qu’ils ont effectuée en général pendant l’internat pour valider leur thèse de sciences (Tableau 13 – C42 à C45). Un des participants interrogés a mentionné également l’appréhension du retour après la césure pour effectuer son post-doctorat.
« Se prendre une claque »
Le retour au deuxième cycle après césure a été difficile pour la majorité des participants, quelle que soit la voie choisie. Les participants ont mal vécu ce retour aux études médicales. Durant cette période de transition, les étudiants de l’EDILB se sentaient parfois rabaissés et doutaient. Ils pouvaient avoir une impression de perte de connaissances. Cette période de remises en questions durait souvent quelques mois avant de réussir ou non à se réimposer un rythme. Plusieurs participants se sont sentis impactés négativement par la césure sur leur préparation et leur classement aux ECN. La majorité des participants a regretté l’impact familial de ce long cursus et s’est sentie freinée dans leur vie personnelle (Tableau 14 – C46 à C49). Une des suggestions formulées par certains participants pour vivre au mieux les périodes de transitions inhérentes au double cursus serait de garder le lien avec la médecine pendant la période en recherche et vice versa. Garder ce lien n’était malheureusement pas toujours possible du fait de la préparation chronophage aux ECN. Certains étudiants ont évoqué le souhait d’avoir du temps protégé pour la recherche durant le deuxième et le troisième cycle des études médicales (Tableau 14 – C50). Un des participants a bien vécu le retour après césure et a mentionné l’intérêt du soutien d’un mentor pour la réussite du double cursus (Tableau 14 – C51).
Regard sur soi et réaménagement du soi
Les participants ont tous exprimé un important besoin de reconnaissance et de valorisation. Ils cherchaient pour la plupart un sentiment de légitimité. Pour cela ils se remettaient en question et se dépassaient en permanence (Tableau 16 – C57 et C58). Le statut social semblait également important et pouvait être difficile notamment au moment du retour aux études médicales après césure. Plusieurs participants présentaient cette étape comme un retour en arrière. Certains parlaient de la difficulté à passer du statut « d’être quelqu’un » à « être anonyme » en opposant l’autonomie et la liberté acquis en recherche au retour au « bachotage » et au sentiment de repartir à zéro en médecine (Tableau 16 – C59 et C60). La valorisation financière semblait également importante mais beaucoup déploraient ce point. Certains ont souligné un décalage avec leur réseau d’amis. La famille semblait être un pilier important dans le soutien moral et financier (Tableau 16 – C61 à C63). La maturité gagnée au cours du parcours et la remise en question permanente ont permis à certains de revoir leurs priorités et de trouver un équilibre (Tableau 16 – C64). Les participants voyaient dans ce double cursus une forme d’ouverture d’esprit. Malgré la difficulté de ce double cursus et les différentes trajectoires empruntées, les participants ont tous souligné les bénéfices à effectuer ce double cursus et ont évalué cette expérience de manière très positive (Tableau 16 – C65 et C66).
Discussion
Cette étude s’est intéressée aux parcours et expériences après césure des étudiants du double cursus médecine-sciences de l’EDILB. Il s’agit d’une recherche originale qui vient compléter les rares travaux existants sur ce double cursus. Nous avons exploré les motivations des étudiants à effectuer un double cursus et par quelle voie, ainsi que les facilités et barrières à le poursuivre au travers de leur vécu après césure. Les participants ont un profil-type qui les prédestine à ce double cursus. Les carburants et clés de la réussite à ce parcours résident dans le besoin de réflexion et de libertés que les étudiants expérimentent précocement en recherche. Ils ont besoin d’émulation et d’entre-soi. Les étudiants de l’EDILB prennent des trajectoires différentes au cours de leurs parcours mais emploient des stratégies similaires de réussite : ils anticipent chaque moment-clé de leur parcours et entretiennent leur réseau. Malgré les stratégies mises en place, ce parcours reste long et semé d’embûches conduisant parfois à des abandons. Une des étapes-clés du double cursus réside dans le choix de la voie8. Celui-ci dépend des envies et opportunités de chacun et est souvent influencé par l’appréhension de la reprise après la césure. Le regard des autres et le regard sur soi semblent primordiaux pour les participants qui expriment leur besoin de reconnaissance.
La difficulté de la reprise des études médicales après césure scientifique ressentie dépend de chaque étudiant mais semble impacter préférentiellement les étudiants de la voie 1 après leur césure plus longue que les étudiants de la voie 28. Plusieurs études sur les doubles cursus à l’étranger ont rapporté également les difficultés ressenties par les étudiants lors de ces phases de transition15,16. Ces difficultés sont liées au manque d’articulation entre cursus médical et scientifique. La première barrière à laquelle les étudiants sont confrontés à leur retour est la perte relative de connaissances médicales acquises plusieurs années auparavant17. La difficulté réside dans la remise à jour des connaissances et dans la modification imposée d’ un rythme de travail différent de celui expérimenté au cours des années en recherche18. Ce temps nécessaire au rattrapage de connaissances est perturbé par les travaux de recherche à finaliser (notamment la soutenance de Thèse de sciences souvent contemporaine au début du deuxième cycle des études médicales). Ces difficultés renforcent le sentiment « d’incompétence » ressenti par les étudiants à leur retour aux études médicales, qui ont l’impression de déchoir d’un statut de professionnel établi (en recherche) pour un retour à un statut d’étudiant novice (au retour en médecine). Ce sentiment d’être « au bas de l’échelle » est renforcé par la notion de hiérarchie présente en médecine15.
Le besoin de reconnaissance exprimé par les participants passe notamment par leur « statut social » et par la reconnaissance financière, qui ne semble pas à la hauteur de leurs attentes aux vues des sacrifices effectués au cours de leur parcours. Malgré les aides financières apportées par l’EDILB, les étudiants ont souvent besoin d’une aide financière de leur famille. Ce sentiment de dépendance financière à un âge plus avancé que la majorité des étudiants vient également renforcer la difficulté de la reprise après césure. La différence d’âge avec les autres étudiants exacerbe ce phénomène et peut majorer le sentiment d’isolement15. Le manque de soutien administratif et le manque d’accompagnement semblent également impacter les étudiants à leur retour après césure. Bien souvent au retour aux études médicales, les étudiants du double cursus ne mentionnent pas leur expérience de ce parcours atypique par peur de l’incompréhension des autres étudiants ou de leurs encadrants ou par impression de manque de légitimité. Ce « syndrome de l’imposteur » a été décrit dans les doubles cursus notamment au moment du retour aux études médicales après césure19.
L’étape de l’ECN est également redoutée des étudiants du double cursus, notamment ceux engagés dans la voie 1. L’interruption de quatre ans du cursus médical semble compliquer la préparation intensive requise par l’ECN. Il serait intéressant d’évaluer quantitativement l’impact de la durée de césure sur le classement aux ECN. Certains étudiants du double cursus font le choix de poursuivre leur double cursus à l’étranger de manière à obtenir la spécialité de leur choix. En réponse à cette difficulté, plusieurs propositions d’aménagement d’accès au troisième cycle (accès à des postes dédiés d’internes par contrat d’engagement recherche ou accès à l’internat sur dossier) ont été formulées par Scherlinger et al.8 Ces propositions intègrent également la création d’un temps dédié pour la recherche, en réponse à la difficulté à maintenir une activité de recherche au cours des deuxième et troisième cycles des études médicales. Les résultats de notre étude renforcent la pertinence de ces pistes d’amélioration potentielles.
Les barrières suscitées pourraient être levées en partie grâce à la mise en place de techniques de remédiation telles que le mentorat. Le mentorat est la clé d’une carrière réussie et satisfaisante dans les études médicales. Il peut améliorer positivement les compétences d’apprentissage et facilite la création d’un réseau20. Plusieurs études ont révélé l’importance et l’impact positif d’un mentorat au cours d’un double cursus, notamment dans les phases de transition entre médecine et recherche15,21. Il semble que la solution la plus bénéfique réside dans la création d’un trinôme de mentorat ayant l’expérience du double cursus. Ce trinôme devrait se composer de l’étudiant en double cursus et de deux mentors comprenant un professeur MD-PhD et un jeune MD-PhD plus avancé dans le double cursus15. Ces mentors incarnent des modèles de rôle pour les étudiants MD-PhD. Cette relation avec un mentor ayant lui-même été confronté aux mêmes difficultés au cours de son double cursus pourrait être un soutien pour les étudiants MD-PhD pendant les périodes difficiles et ainsi éviter les abandons. Le mentor pourrait également permettre de faciliter certaines démarches administratives et conseiller l’étudiant quant à ses choix d’orientation pour sa carrière.
Une autre technique de remédiation serait la participation à des groupes de pairs. En effet, le besoin d’émulation mentionné par les participants est primordial pour la réussite de ce double cursus. Il est cultivé par les rassemblements annuels organisés par l’EDILB. Le maintien de ce lien semble également nécessaire pour éviter l’isolement parfois ressenti au sein du double cursus qui peut être source de démotivation et d’abandon10,15. La création de l’Association Médecine-Pharmacie-Sciences (AMPS)22 en France et de l’European MD-PhD Association (EMPA)23 au niveau européen permettent aussi de maintenir et renforcer ce lien au travers d’autres rendez-vous annuels mais demandent encore à se développer pour remplir cette fonction.
Cette étude comporte différentes limites. Il s’agissait du premier travail de recherche qualitative de l’investigatrice. La difficulté à maîtriser les techniques d’entretien telles que les relances ou reformulations a pu conduire à des remarques interprétatives au cours des échanges, notamment lors des premiers entretiens. Ces éléments ont été corrigés sur les entretiens suivants grâce aux remarques du directeur de thèse et à l’expérience acquise par l’enquêtrice au fur et à mesure.
Ce travail a été réalisé sans triangulation stricte des données. Tous les entretiens et leurs analyses ont cependant été analysés au fur et à mesure par le directeur de thèse qui apportait des remarques et suggestions.
Le statut d’étudiante de l’EDILB de l’investigatrice était connu des participants et a pu influencer en partie leurs réponses. Ce paramètre a également pu introduire un biais d’interprétation de la part de l’enquêtrice malgré les efforts fournis pour conserver une neutralité et mettre à distance son expérience personnelle lors de cette étude. L’utilisation du journal de bord (Annexe 2) et le travail en binôme avec le directeur de thèse sans connaissance préalable des doubles cursus ont été des solutions pour atténuer son influence dans l’analyse des données.
Malgré notre volonté d’essayer de préserver l’équilibre entre différents paramètres (avancée dans le cursus, voie 1/voie 2, genre) lors de l’échantillonnage, celui-ci n’a pas pu être préservé pour tous. L’équilibre entre les différents stades d’avancée dans le double cursus a pu être préservé (3 internes, 2 doctorants, 2 post-doctorants, 2 participants installés interrogés). Cependant l’équilibre entre les étudiants de la voie 1 et 2 n’a été préservé que partiellement (6 participants en voie 1 et 3 participants en voie 2) et de manière inversement proportionnelle aux effectifs de l’EDILB (25% d’étudiants en voie 1 et 75% d’étudiants en voie 2). Bien que la difficulté de la reprise des études médicales semble plus impacter les étudiants de la voie 1 après leur césure longue que les étudiants de la voie 28, la difficulté de la reprise des études médicales après césure scientifique a été soulignée dans notre étude quelle que soit la voie choisie. L’équilibre de genre n’a pas pu être préservé (2 participantes de genre féminin et 7 participants de genre masculin). Ces limites d’équilibre s’expliquent en partie par l’échantillonnage par la technique « boule de neige ». Cette technique nous orientait, lors de l’analyse de l’entretien précédent, vers un participant qui présentait des caractéristiques intéressantes à faire varier pour l’entretien suivant. Ces caractéristiques à faire varier résidaient par exemple dans la recherche de participants ayant eu un mentor au cours de leur double-cursus, ayant choisi à l’ECN une spécialité médicale orientée recherche, ayant effectué l’intégralité de leur double cursus dans la même ville, ayant abandonné la médecine ou la recherche ou ayant fait le choix de partir vivre à l’étranger. Du fait du nombre encore faible de lauréats de l’EDILB et de l’atypie de chaque cursus, la caractéristique à faire varier pour l’entretien suivant ne concernait à notre connaissance parfois qu’un seul étudiant. La voie ou le genre de ce participant désigné par l’échantillonnage en « boule de neige » n’était donc pas forcément compatible avec l’équilibre du paramètre en question. Cette limite concernant l’équilibre entre voie 1 et 2 et genre peut également s’expliquer en partie par le nombre limité de participants de cette étude. Des entretiens supplémentaires auraient probablement permis d’interroger plus de participantes de genre féminin et plus de participants de la voie 2 de manière à atteindre l’équilibre. Cependant les derniers entretiens n’abordaient pas de nouveaux thèmes, conduisant donc à la suffisance de données satisfaisante pour l’interprétation phénoménologique. D’après Chakraverty et al.15, le genre ne semble pas affecter le vécu des phases de transition entre les césures. Il est à noter néanmoins que les femmes restent sous-représentées dans les programmes MD-PhD (environ 37%) et moins susceptibles que les hommes de terminer le double diplôme24. Il serait donc intéressant d’obtenir les données quantitatives de l’EDILB à ce sujet. Il serait également intéressant de savoir si le genre influence le choix de la voie dans ce double cursus. Comme le montre la littérature étrangère, les femmes en double cursus MD-PhD sont confrontées à différents obstacles (moindre accès aux laboratoires d’élite, aux bourses et aux récompenses, aux postes à responsabilités)24. Ces constats soulignent l’intérêt d’une étude complémentaire à la nôtre, centrée sur le vécu des femmes au cours du double cursus de l’EDILB. Cette étude viendrait compléter les difficultés ressenties au cours de ce parcours français et serait à comparer aux limites ressenties par les femmes des doubles cursus à l’étranger.
Le modèle explicatif résultant de cette étude (Figure 2) concernant les parcours et expériences des étudiants du double cursus de l’EDILB recoupe des théories existantes sur les éléments pouvant influencer le parcours et le processus de choix de carrière des étudiants en médecine (tels que motivation, sentiment de compétence ou environnement par exemple)25. Il serait intéressant d’effectuer une étude de cohorte au sein de l’EDILB pour analyser plus spécifiquement la dynamique du processus de choix dans le temps, les raisons des changements de choix de carrière et comment les systèmes peuvent influencer ces changements. Ce modèle existant25 pourrait également être utilisé pour identifier les facteurs qui aident les étudiants à trouver le bon cheminement de carrière selon leurs caractéristiques et aspirations personnelles.
Enfin, les taux d’abandons de la recherche et/ou de la médecine au sein du double cursus de l’EDILB ne sont actuellement pas connus et difficiles à évaluer. Il serait donc intéressant d’étudier quantitativement ce phénomène et les raisons qui le motivent de manière à pouvoir l’éviter.
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Table des matières
Présentation de l’École de l’INSERM
Création
Le double cursus de l’EDILB
Importance du réseau de l’EDILB
Financements
État des lieux en 2022
Introduction
Matériels et Méthodes
Équipe de recherche
Type d’étude
Population
Recueil de données
Analyse de données
Aspects éthiques et réglementaires
Résultats
Descriptif de la population étudiée
Identité d’un lauréat de l’EDILB : un parcours prédestiné
1) Soif de connaissances et excellence
2) Filiation et alternatives
3) Persévérance et abnégation
Carburants et clés de la réussite
1) Besoin de réflexion et de libertés
2) Besoin d’émulation et d’entre soi
3) Viser le prestige
Trajectoires et stratégies
1) Construction et anticipation
2) L’importance du réseau
3) Cohérence et continuité
4) Mobilité et flexibilité
Un parcours semé d’embûches
1) Choisir c’est renoncer ?
2) Appréhender
3) « Se prendre une claque »
Regard des autres et regard sur soi
1) Regard des autres
2) Regard sur soi et réaménagement du soi
Discussion
Conclusion
Références
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