Identification passive en acoustique: estimateurs et applications au SHM

Exemple introductif : l’oscillateur amorti

Débutons en douceur par un en-cas introductif, afin de pénétrer la problématique de l’identification passive. Tout d’abord, derrière ce terme abscons se cachent en fait deux notions simples à définir. Identifier un système signifie estimer des paramètres qui le caractérisent. Le contexte passif dans lequel cette identification a lieu indique que l’opérateur ne maîtrise pas les sources qui viennent stimuler le système. Ces sources sont appelées sources d’opportunité et tout l’enjeu consiste à trouver comment les exploiter pour parvenir à identifier le système.

L’exemple illustre la majorité des enjeux liés à ce contexte d’estimation, et les travaux présentés dans la suite du manuscrit s’efforceront de les caractériser pour un milieu de propagation. Dans cet exemple, le système étudié n’est pas un milieu de propagation, mais un oscillateur amorti, ce compagnon de longue date pour le scientifique, qui a notamment permis à Planck de modéliser la matière, la reformulation des équations de Maxwell en faisant apparaître la notion de photon, ou encore à modéliser les vibrations élastiques de cristaux en prenant le nom de phonon.

Historique, état de l’art et positionnements

En théorie de l’identification des systèmes linéaires, les moments statistiques sont des outils appréciés et qui ont été très largement exploitées depuis plusieurs décennies. Le théorème des interférences offre une première relation entre les corrélations de la réponse impulsionnelle du système, du champ mesuré et de la source. Le filtrage adapté est une autre technique qui exploite également la corrélation du signal source et qui trouve historiquement des applications avec le radar où la modalité consiste à estimer par exemple une distance de propagation. Certaines approches ont émergé pour traiter des classes de signaux non stationnaires, telle que la cyclostationnarité (statistiques cycliques), dans le domaine de l’ientification aveugle de canal en télécommunication, ou encore pour le contrôle de l’état de santé de machines tournantes à l’aide de signaux vibratoires. Avec l’aperçu apporté par l’oscillateur amorti, nous avons compris que pour le contexte passif d’estimation, c’est la physique qui va venir offrir la relation qui permettra d’identifier le système à partir de la corrélation des champs mesurés. Dans ce qui suit, un rapide état de l’art de cette thématique est exposé.

Prémices

Dans ses travaux pionniers sur l’agitation thermique dans une résistance [2], Nyquist formalise un phénomène physique observé expérimentalement par J. B. Johnson. Il répond à ce dernier dans une lettre de 2 pages, d’une concision exemplaire, en énonçant une relation qui sera reprise quelques décennies plus tard pour construire un théorème, appelé « théorème fluctuation-dissipation ». Pour consulter un ouvrage étendu sur le sujet, se référer par exemple au travail de Kubo [3]. Dans ce théorème, établi par H. B. Callen et T. A. Welton, deux quantités issues d’un système dissipatif linéaire sont mises en regard : les fluctuations de la réponse du système, représentées par la corrélation du champ mesuré et la dissipation, partie imaginaire de la réponse du système dans le domaine des fréquences. A l’époque, ce théorème n’était formalisé que pour traiter le cas des fluctuations thermiques et quantiques de systèmes linéaires.

Cette extension débute en 1968, alors que Claerbout ?? travaille dans le domaine de l’exploration géophysique où l’objectif est de caractériser les propriétés physiques de l’intérieur de la Terre. En considérant que cet intérieur est construit selon un modèle en couches horizontales, une source d’onde plane à la surface libre verrait le front d’onde traverser les couches de plus en plus profondes, se séparant en ondes réfléchies et transmises à chaque interface. L’outil au coeur des travaux de ce manuscrit, la corrélation, est utilisé à la manière du radar, pour mesurer les instants de réflexion et donc par extension, la profondeur des interfaces. Cette approche a permis de mettre en évidence le fait que la corrélation du champ mesuré correspondait au filtrage de la fonction de corrélation de la source par un milieu virtuel, dérivé du milieu original. De son expérience, Claerbout nourrit une intuition, formulée clairement dans ses travaux 30 ans plus tard. Il travaille alors dans le domaine de l’heliosismologie, qui consiste à étudier l’activité sismique du soleil par son observation depuis la Terre. Il présume ainsi :

« By cross-correlating noise traces recorded at two locations on the surface, we can construct the wavefield that would be recorded at one of the locations if there was a source at the other. » .

Cette conjecture, reprenant mot pour mot le concept derrière le théorème fluctuationdissipation, tarde à être vérifiée expérimentalement, faute de données exploitables. C’est dans sa communication avec Rickett, voir [4], qu’il diffuse enfin la confirmation expérimentale de son intuition . Le pendant de ce type de sources pour des ondes de propagation sismique est étudié par Aki [5] et date des années 70. Il s’intéresse plus particulièrement aux champs réverbérés créés par des événements sismiques, qu’il appelle coda waves, en référence au symbole musical qui indique la conclusion du morceau et qui invite à se concentrer sur la mort de la ligne harmonique finale. En caractérisant ses propriétés d’atténuation et son contenu spectral, il donne naissance à une discipline aujourd’hui connue sous le nom de l’interférométrie sismique.

Aboutissement

Au début des années 2000, Campillo et Paul [6] suggèrent, fort d’un recul sur les résultats précédents et d’une intuition remarquable, une méthode afin de combiner les travaux de Aki et ceux de Claerbout. Ils exposent ainsi à la communauté scientifique un protocole pour pratiquer l’interférométrie à partir de codas sismiques. Validée sur des données expérimentales du Mexique, l’approche expérimentale est décrite avec suffisamment de précision pour être reproduite et étudiée.

En salle d’expérimentation, ce sont Weaver et Lobkis qui formalisent les premiers cette avancée, en s’appuyant sur une expérience répétée et fiable de propagation ultrasonique dans un bloc d’aluminium . Leur approche, qui consiste à modéliser un champ diffus dans un corps fini par une représentation modale adaptée, mène sur un calcul de la corrélation du champ diffus. Moyennant des hypothèses supplémentaires de blancheur et d’équipartition de l’énergie dans les modes, ils parviennent à formaliser une relation fonctionnelle entre la corrélation du bruit et la réponse impulsionnelle du milieu. Cette relation, discutée, reprise et corrigée plus tard par la communauté a véritablement permis de poser une base solide de réflexion autour des choix algorithmes et des justifications physiques permettant d’expliquer un résultat d’expérience robuste et répétable et jusqu’alors fort intriguant.

Durant la décennie suivante, la formalisation se poursuit en regard de la multiplication des expériences réalisées. En sismologie, des ouvertures à différents types d’ondes, présentes à différentes échelles sont proposées par des chercheurs comme Roux [9], Prieto [10], Shapiro [11], Stehly [12] et d’autres [13, 14]. De la ville au continent, et plus récemment à l’échelle de la planète entière, l’interférométrie sismique passive est la discipline qui témoigne le plus de la maîtrise grandissante de la méthode et du savoir-faire à exploiter le bruit ambiant de la Terre. Idéale à mettre en oeuvre à l’échelle du laboratoire, l’extension de l’approche aux milieux hétérogènes est étudiée notamment par Larose [15, 16] et Levine [17]. Le succès de la robustesse de l’approche sur données réelles incite à explorer de nouvelles modalités et très vite, la communauté s’attaque à l’acoustique aérienne et sous-marine, [18, 19], aux ondes électro-magnétique [20], à la tomographie de la Lune [21] et d’autres applications tout aussi originales, voir [22, 23, 24, 25]. En parallèle, alors que la méthodologie est continuellement validée par l’expérience, se montrant robuste et répétable dans divers contextes très variés, des travaux d’unification de la théorie derrière ce phénomène sont menés. Nous noterons un tutoriel en deux parties, autant théorique que pratique de la part de Wapenaar [26, 27]. De son côté, Colin de Verdière apporte une contribution significative en approchant le problème avec le formalisme des opérateurs [28, 29, 30]. Des travaux multidisciplinaires regroupent et analysent des débats bien avancés, principalement autour de justifications sur la modélisation de la physique, voir les travaux de Gouédard [31], de Larose [32], de Snieder [33, 34], de Roux [35] et d’autres [36, 37, 38]. Un article de synthèse est proposé par les acteurs majeurs de l’estimation passive, Weaver, Campillo et Larose [39] et un livre regroupant les interventions majeures sur le sujet et ses perspectives est édité par Wright et Weaver [40].

A la fin des années 2000, les travaux d’unification s’arrêtent et laissent en suspens certains débats. Malgré tout, la communauté scientifique dispose de réponses suffisamment éclairées sur la méthodologie de l’identification à partir de sources d’opportunité. Le temps de l’application est venu, et c’est maintenant le raffinement du protocole qui est convoité, et les performances d’estimation sont à présent scrupuleusement recherchées. Parmi les travaux d’ouverture, la thématique d’auto localisation d’un réseau de capteurs à partir de bruit ambiant est évoquée par Sabra [41], alors que de manière connexe la stabilité et la détection de la dérive de l’instrumentation est diagnostiquée dans ce même contexte par Stehly [42]. La course à la réduction des données à traiter est abordée dans [43, 44]. Afin d’améliorer la reconstruction des fonctions de Green, des algorithmes itératifs sont également proposés, voir [45, 46]. Enfin, notons l’engouement pour la fusion de modalités, destinée principalement à améliorer la résolution des grandeurs reconstruites .

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Table des matières

Introduction
1 Introduction à l’identification passive
1.1 Exemple introductif : l’oscillateur amorti
1.2 Historique, état de l’art et positionnements
1.3 Travaux présentés
2 Modèles, estimation et détection pour l’identification passive
2.1 Identification passive en acoustique aérienne
2.2 Théorie de l’estimation/détection pour le contexte passif
2.3 Expérimentation en acoustique confinée
2.4 Caractérisation des performances dans un milieu contrôlé
2.5 Discussion à propos de la distribution spatiale des sources
3 Applications au SHM
3.1 Estimation à partir de signaux quantifiés
3.2 Applications de la modalité acoustique pour SHM
3.3 Ouvertures vers un identificateur passif
4 Estimation bayésienne de la corrélation de Green
4.1 Modèle pour la corrélation de Green
4.2 Modélisation bayésienne et algorithme d’estimation
4.3 Raffinements algorithmiques et ouvertures
Conclusions

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