La révolution industrielle, dont les origines remontent à la deuxième moitié du – XVIIIème siècle, en Angleterre, puis qui ont disséminé au fil des années à tous les pays du globe, a été un processus majeur de transformations économiques, sociales, politiques et culturelles. L’apparition des premières usines au sens moderne du terme, entérinant le passage d’une société agraire et artisanale à une société commerciale et industrielle, définit un nouveau rapport entre le capital et le travail, entre l’homme et la machine. Témoins d’innombrables découvertes, d’inventions et de changements de paradigmes, les siècles suivants ont favorisé un grand essor créatif : du charbon et de la machine à vapeur à l’acier et l’électricité, de la filature mécanique du coton à la ligne de montage de voitures. Productivité devient le mot d’ordre.
De nos jours, le résultat de ce processus historique, allié à une demande croissante d’amélioration des conditions de travail, exige que les opérations industrielles soient faites, d’un coté, de manière toujours plus rapide et plus précise, et d’un autre coté, avec plus de respect de l’intégrité physique et psychique des travailleurs. Une alternative qui conquiert de plus en plus d’espace dans les usines et qui offre les moyens de traiter à la fois de ces deux besoins est la robotique industrielle.
Bien que les automates aient vu le jour à l’époque des anciennes civilisations grecques et arabes [63], ce n’est, pourtant, que dans les années cinquante du siècle dernier que le robot industriel est créé. Incorporant dans une seule structure les caractéristiques de dextérité du téléopérateur et de programmabilité des machines outils, George Devol développe, en 1954, le premier manipulateur robotique programmé. À partir des années soixante-dix et quatre-vingt les robots commencent à prendre définitivement leur place dans les usines, éveillant un intérêt scientifique croissant pour ce nouveau domaine, traduit par de nombreuses publications spécialisées.
Les robots industriels peuvent, selon leur architecture mécanique, se décliner en robots sériels, aussi appelés à chaîne cinématique ouverte, et robots parallèles, dont la chaîne cinématique est dite fermée. Les robots parallèles, plus légers que les robots sériels, peuvent atteindre des vitesses beaucoup plus élevées [74]. Actuellement, parmi les applications industrielles les plus courantes, les opérations de prise et dépose (pick-and-place) occupent une position importante. Pour ce genre d’application, les fortes accélérations et décélérations subies par la nacelle font que les robots parallèles sont fortement susceptibles de vibrer en arrivant aux points d’arrêt. Ces vibrations résiduelles, par conséquent, peuvent dégrader les temps nécessaires pour que la nacelle atteigne une précision minimale souhaitée, augmentant ainsi le temps du cycle d’opération et se traduisant par une perte en productivité.
Le Problème des Vibrations
Dans le cadre des opérations industrielles de manipulation et d’assemblage, la demande croissante de productivité impose, de plus en plus, les temps de cycle de production. Dans ce contexte, plus légers que les robots sériels, les robots parallèles peuvent accomplir des trajectoires à plus haute vitesse et avec plus de précision, réduisant ainsi les temps de cycle. Pour les opérations de prise et dépose, un problème qui découle de la réalisation de ce type de trajectoire à haute vitesse est le fait que, en arrivant à un point d’arrêt, la nacelle subit de fortes décélérations. Ces décélérations se traduisent par des vibrations qui peuvent compromettre le temps pour atteindre la précision souhaitée, augmentant donc le temps de cycle. Comme solution pour ce problème, le contrôle actif de vibrations est envisagé.
Contrôle des vibrations
Le contrôle des vibrations est une discipline qui est née de la confluence de deux savoirs scientifiques : la théorie de la commande et la dynamique des structures. Ses applications englobent notamment les domaines industriels (machines en général), la robotique, l’aérospatial et la construction civile. L’objectif de cette section est de tracer un panorama du contrôle de vibrations des aspects les plus fondamentaux jusqu’à leur application aux robots parallèles.
Vibrations de structures
Les modèles mathématiques pour les systèmes vibratoires sont généralement divisés en deux grands groupes : discrets (modèles à paramètres localisés) et continus (modèles à paramètres distribués) [72]. Une structure continue est un système à paramètres distribués régi par des équations différentielles partielles.
Dû à la difficulté de trouver les solutions analytiques pour les problèmes complexes liés aux équations différentielles partielles , celles-ci peuvent être approximées par un ensemble fini d’équations différentielles ordinaires à l’aide des techniques de discrétisation spatiale, parmi lesquelles les méthodes de troncature modale, RayleighRitz-Galerkin et des éléments finis sont les plus courantes [51]. Les modèles obtenus peuvent, dans certains cas, avoir non seulement des modes vibratoires, mais aussi des modes rigides dont la fréquence naturelle est zéro et les déplacements structuraux se font sans déformation flexible [42]. Ces modes sont essentiels lorsque l’objectif de la commande est le suivi d’une consigne donnée [101], comme par exemple le positionnement d’un télescope, la trajectoire d’un manipulateur ou l’attitude d’un satellite. Deux systèmes de coordonnées souvent employés pour la description des dynamiques des structures sont les modèles nodaux et modaux, représentés chacun soit en termes des degrés de liberté à travers des modèles du second ordre, soit par des modèles en variables d’état.
– Modèles nodaux
Les modèles nodaux, normalement obtenus à partir de la méthode des éléments finis, sont souvent utilisés pour l’analyse des structures flexibles. Considérant n degrés de liberté, m entrées et l sorties, un système vibratoire à paramètres localisés peut être représenté par les équations différentielles du second ordre
Mq¨+ Dq˙ + Kq = B₀u (1.2a)
y = Coqq + Covq˙ (1.2b)
– Modèles modaux
Alternativement, les modèles modaux, obtenus à partir d’une analyse modale [36] ou d’une représentation nodale après un changement de coordonnées, sont bien adaptés à l’analyse et à la synthèse de lois de commande pour les structures flexibles.
Contrôle passif et contrôle actif
Une structure mécanique est souvent planifiée, dès la phase de conception, pour minimiser les effets de possibles vibrations qui pourraient compromettre son bon fonctionnement. Dans la mesure où ces précautions initiales s’avèrent inefficaces et que les vibrations restent quand même importantes, une solution possible repose sur l’utilisation d’éléments externes permettant d’interagir avec la structure de manière à atténuer les vibrations, caractérisant de ce fait une structure intelligente [101]. Cela peut se faire de deux manières, par contrôle passif ou contrôle actif. Dans le contrôle passif, l’objectif est la modification des caractéristiques mécaniques de la structure à partir de son intégration avec des amortisseurs, des ressorts et/ou des masses additionnelles [101]. Dû au fait de ne pas injecter d’énergie dans le système, le contrôle passif ne risque pas de déstabiliser les modes de vibration de la structure. Le contrôle actif, de son coté, fait usage d’éléments capteurs et actionneurs pour la réduction des vibrations. Dans certaines situations, les structures actives peuvent être plus legères ou encore atteindre des performances bien supérieures à celles envisageables avec la configuration passive [87].
Les matériaux intelligents
Du point de vue mécanique, deux grandeurs physiques peuvent décrire complètement les matériaux structuraux classiques : la constante élastique, qui établit le rapport entre la déformation (strain) et la contrainte (stress), et le coefficient d’expansion thermique, qui rélie la déformation à la température. Les matériaux intelligents (smart materials) sont des matériaux pour lesquels la déformation peut se produire par d’autres mécanismes comme par exemple les champs électriques (matériaux piézoélectriques) ou magnétiques (matériaux magnétorestrictifs et fluides magnétorhéologiques) [87]. Les matériaux piézoélectriques, souvent employés pour le contrôle actif de vibrations, et qui seront utilisés dans la suite de cette thèse, sont brièvement présentés ici. L’effet piézoélectrique est dit direct quand une charge électrique est générée proportionnellement à une force externe appliquée sur le matériau (capteur), et indirect quand un champ électrique provoque une expansion du matériau (actionneur). Les directions d’expansion par rapport aux directions du champ électrique dépendent des constantes (définies lors de la manufacture du matériau) dans ses équations constitutives.
Les matériaux piézoélectriques sont classés en céramiques et polymères. Les piézopolymères, dont l’exemple le plus célèbre est le polyfluorure de vinylidène (polyvinylidene fluoride – P V DF ou P V F2), sont utilisés plutôt comme capteurs à cause de leur capacité de contrôle limitée, pendant que les piézo-céramiques, comme le titanozirconate de plomb (Lead Zirconate Titanate – LZT , sont largement employés comme actionneurs et/ou capteurs pour une large bande des fréquences, y compris dans les applications ultrasoniques et de précision (échelle nanométrique).
Phénomène de spillover
Les modèles mathématiques discrétisés obtenus pour les systèmes flexibles sont des simplifications d’un système à paramètres distribués comptant une infinité de modes de vibrations. Souvent, même les modes du modèle discrétisé sont encore trop nombreux pour être tous pris en compte par un contrôleur à retour d’état basé sur un observateur d’ordre complet . En gardant seulement les modes les plus observables et les plus contrôlables (les modes à contrôler), une étape de réduction de modèle est généralement effectuée . Tous les modes non-modélisés et non-contrôlés sont considérés comme des modes résiduels. Le phénomène de spillover de contrôle est observé quand une part de l’énergie censée aller vers les modes contrôlés est dirigée vers les modes résiduels, tandis que le spillover d’observation se produit quand les modes contrôlés sont contaminés par les modes résiduels.
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Table des matières
Introduction
1 Le Problème des Vibrations
1.1 Introduction
1.2 Contrôle des vibrations
1.2.1 Vibrations de structures
1.2.2 Contrôle passif et contrôle actif
1.2.3 Les matériaux intelligents
1.2.4 Phénomène de spillover
1.2.5 Colocalisation
1.3 Les manipulateurs flexibles
1.3.1 Chaîne cinématique ouverte (robots sériels)
1.3.2 Chaîne cinématique fermée (robots parallèles)
1.4 Le robot Par2
1.4.1 Description du robot
1.4.2 Matériel (hardware) et logiciel (software)
1.4.3 Analyse du spectre des perturbations
1.5 Formulation du problème
1.6 Conclusion du chapitre
2 Identification de Systèmes
2.1 Introduction
2.2 Concepts fondamentaux
2.2.1 La densité spectrale de puissance
2.2.2 La méthode des moindres carrés
2.2.3 Le filtre de Kalman pour les systèmes LTI
2.3 L’identification non-paramétrique fréquentielle
2.4 L’identification paramétrique
2.4.1 Estimation de modèle paramétrique en erreur de sortie
2.4.2 Estimation de modèle paramétrique en erreur de prédiction
2.4.3 Classes de modèles spécifiques pour les systèmes SISO
2.5 L’identification basée sur les sous-espaces
2.6 Aspects pratiques de l’identification de systèmes
2.6.1 Génération des signaux d’entrée
2.6.2 Prétraitement des signaux
2.6.3 Choix de la méthode d’identification
2.7 Identification du modèle de l’actionneur piézoélectrique du robot en boucle ouverte
2.7.1 Robot avec 2,5 kg de charge sur la nacelle
2.7.2 Robot avec plusieurs conditions de charge sur la nacelle
2.7.3 Modèle Discret et Continu
2.8 Conclusion du chapitre
3 Commande H∞ à Sensibilité Mixte
3.1 Introduction
3.2 Incertitudes
3.2.1 Incertitudes non-structurées
3.2.2 Transformation linéaire fractionnaire
3.3 Stabilisation et Performance Robustes
3.3.1 Le théorème du faible gain
3.3.2 Les filtres de pondération
3.4 La méthode H∞ à sensibilité mixte
3.4.1 La solution sous-optimale
3.5 Résultats Expérimentaux
3.5.1 Charge de 2,5 kg et trajectoire de 18 g
3.5.2 Charge de 2,5 kg et trajectoires de 15 g et 10 g
3.5.3 Sensibilité du contrôleur au changement de pondération des filtres
3.5.4 Charge de 1,5 kg et trajectoire de 18 g
3.6 Conclusion du chapitre
4 Commande H∞ Loop Shaping
Conclusion