Contexte industriel : le formage par hautes puissances pulsées (HPP)
Principes et applications
Générateurs de hautes puissances pulsées
Le principe sur lequel reposent les technologies des hautes puissances pulsées (HPP) consiste à libérer en un temps très court une énergie préalablement accumulée lentement. La décharge impulsionnelle de l’énergie permet ainsi de générer de très hautes puissances. Il existe plusieurs façons de libérer brutalement de l’énergie afin de produire des hautes puissances, suivant que l’énergie stockée est d’origine :
– Mécanique : énergie élastique (arc, catapulte), énergie potentielle (marteau-pilon), énergie cinétique (volant d’inertie)
– Chimique : énergie interne (explosifs)
– Electrique (propre au terme des hautes puissances pulsées) : énergie capacitive utilisant des condensateurs associés à un commutateur à fermeture, ou énergie inductive utilisant des inductances associées à un commutateur à ouverture.
Bmax, associée à sa société sœur I-Cube Research qui réalise la R&D, conçoit et commercialise des générateurs électriques de hautes puissances pulsées à stockage capacitif, destinés à des applications industrielles de formage et assemblage de tôles et de tubes. Les générateurs sont schématiquement composés de plusieurs unités (cf. Figure I-1) :
– Un banc de condensateurs, connectés généralement en parallèle, pour le stockage de l’énergie ;
– Un ou plusieurs commutateur(s) haute tension (sous vide) assurant la fermeture du circuit de décharge ;
– Une armoire d’alimentation et de commande gérant la charge des condensateurs et le déclenchement des commutateurs ;
– Un « dump », commutateur associé à des résistances permettant la décharge lente des condensateurs vers la terre, assurant la mise en sécurité du système lorsque nécessaire.
Le circuit de décharge correspond à l’unité de formage, qui peut être l’un des procédés suivants :
– Le magnétoformage (« magnetic pulse forming », MPF) ;
– Le magnétosoudage (« magnetic pulse welding », MPW) ;
– Le magnétosertissage (« magnetic pulse crimping », MPC) ;
– Le formage électrohydraulique (« electrohydraulic forming », EHF).
Magnétoformage (MPF)
Dans le cas du magnétoformage, le circuit de décharge est un système comprenant :
– Un inducteur (ou bobine) ;
– La pièce à former.
En outre, un concentrateur de champ (« fieldshaper ») peut être ajouté entre l’inducteur et la pièce. On peut ajouter à ces dispositifs des matrices définissant la forme finale. Le procédé de magnétoformage est applicable à tout métal suffisamment conducteur de l’électricité. Un état de l’art très général sur le procédé de magnétoformage a été publié par (Psyk et al. 2011). La décharge du courant impulsionnel dans l’inducteur crée un champ magnétique, dont les variations provoquent l’apparition de courants induits dans la pièce. Des forces répulsives de Lorentz (dites aussi de Laplace, à l’échelle de la pièce) sont alors générées et, suivant la configuration géométrique de l’installation, permettent la mise en forme par compression, expansion ou gonflage.
Magnétosertissage (MPC) et magnétosoudage (MPW)
Ces procédés sont très similaires au magnétoformage. Ils sont en fait une déclinaison de ce procédé à des fins d’assemblage. Le magnétosertissage consiste à assembler deux pièces en déformant l’une sur l’autre. Ainsi, on trouve des applications en configurations tubulaires (Park et al. 2005) (Taber et al. 2015), planes (Jimbert et al. 2011), ou pour le sertissage de câbles (Duffner & Mintz 1976). Le magnétosoudage quant à lui présente la spécificité d’être un procédé de soudage à froid. C’est l’impact à haute vitesse d’une pièce sur l’autre qui, sous réserve de conditions favorables, permet la jonction de deux matériaux. Ainsi, il est possible de souder, sans métal d’apport, des matériaux dissemblables. On appelle fenêtre de soudage le domaine {vitesse du point de collision, angle de collision} susceptible de créer un soudage. A l’interface entre les pièces soudées, on retrouve en micrographie des aspects très spécifiques : une interface formant la plupart du temps des vagues (cf. Figure I-3-a), avec la présence d’une fine couche d’intermétallique d’épaisseur variable (structure cristalline périodique mêlant deux espèces métalliques) (cf. Figure I-3-b).
Formage électrohydraulique (EHF)
Pour le formage électrohydraulique, la décharge électrique est réalisée entre deux électrodes plongées dans l’eau, dans un contenant appelé chambre de décharge. A condition que le champ électrique généré dans l’eau soit suffisamment intense, un claquage (ou rupture diélectrique) est obtenu. Celui-ci crée un canal de plasma conducteur entre les deux électrodes, permettant ainsi la fermeture du circuit électrique. L’amorçage de l’arc peut être facilité par vaporisation d’un fil métallique tendu entre les électrodes. Par la suite, l’échauffement par effet Joule du plasma et de l’eau avoisinante entraîne une vaporisation très rapide, capable de générer une onde de pression très intense dans l’eau, pouvant évoluer en un front de choc. La propagation de cette onde de pression dans la chambre de décharge, ses réflexions contre les parois et ses combinaisons successives sont utilisées pour déformer la pièce dans une matrice. En un sens, le formage électrohydraulique est relativement proche du formage par explosif, connu auparavant. Par rapport au magnétoformage, le formage électrohydraulique s’applique davantage au formage de pièces de grandes dimensions ou, à l’inverse à de petites dimensions (relativement au magnétoformage), et à des matériaux non nécessairement bons conducteurs de l’électricité.
Contexte historique
Développement des procédés HPP
Les principes physiques des hautes puissances pulsées sont bien connus depuis le XIXème siècle. Cependant, et malgré le fait que les applications de mise en forme aient été imaginées relativement tôt, les procédés de mise en forme par HPP sont encore marginaux dans l’industrie.
L’utilisation des champs magnétiques pour déformer des objets métalliques de façon permanente n’a pu être envisagée que lorsque l’on a été capable de créer des champs magnétiques suffisamment intenses. Une des premières mentions de tels champs magnétiques est donnée par (Kapitza 1924). Il a fallu attendre les années 1950 pour que de premières applications industrielles soient introduites. Le procédé de magnétoformage a été développé essentiellement aux Etats-Unis, et utilisé par des sociétés telles que General Dynamics (Harvey & Brower 1961), NASA, Boeing, Diversico Industries (Balanethiram 1996), ou encore chez General Motors (Zittel 2010). De même, les premiers exemples d’application du formage électrohydraulique datent des années 1960-1970. L’ex-URSS s’est fortement intéressée au formage électrohydraulique. Les travaux de (Yutkin 1986) sont une référence dans le domaine. Aux Etats-Unis, on note son utilisation par quelques sociétés, principalement dans l’industrie aéronautique, de l’énergie ou de l’armement, par exemple : General Electric, Chrysler-Missile Division, Diversico Industries (Balanethiram 1996). En Europe, quelques applications industrielles ont été notées, comme par exemple Vickers Limited au Royaume-Uni (Balanethiram 1996).
Avantages technologiques
Le magnétoformage et le formage électrohydraulique présentent, en regard de la plupart des procédés de formage plus conventionnels, certains avantages :
– L’absence de poinçon est intéressante financièrement: seule une matrice doit être usinée.
– Certains défauts de surface peuvent être évités, car seule une face de la tôle est en contact avec une matrice.
– Les grandes vitesses de déformation peuvent permettre de mettre en forme certains matériaux difficiles à former en conditions standard (les limites de formage peuvent être augmentées).
– Cela peut aussi permettre de supprimer des traitements thermiques intermédiaires.
– Les conditions d’impact permettent de réaliser de fins détails, de façon similaire à de l’estampage voire à de la gravure.
– Le retour élastique peut être réduit.
– Différentes opérations peuvent être combinées en une seule : formage et assemblage, ou formage et découpe.
– La consommation énergétique est réduite.
Freins à l’industrialisation
Malgré l’enthousiasme des années 1960-1970, le développement des procédés HPP est resté limité. Le nombre de publications relatives aux procédés HPP au fur et à mesure des années, présenté sur la Figure I-5, est très évocateur. A quelques exceptions près, le magnétoformage est resté à un stade expérimental, pour trois principales raisons selon (Zittel 2010) :
– Le magnétoformage est resté peu connu des ingénieurs, et son principe physique trop mal compris.
– Le manque d’expérience quant à la pertinence du procédé en fonction des applications, a mené à des déconvenues, des déceptions dans les tentatives de généralisation du magnétoformage.
– L’adaptation des systèmes de formage aux exigences de l’industrie, en termes de fiabilité et de facilité d’utilisation, est restée insuffisante.
Du côté du formage électrohydraulique, certaines contraintes technologiques ont fortement limité l’expansion industrielle. La gestion de l’eau (fermeture de la chambre de décharge, remplissage, vidange, ouverture), ou la durée de vie limitée des électrodes ont rendu difficile l’automatisation du procédé (Daehn 2002) (Golovashchenko 2013). Pour ces deux procédés, l’approche empirique engendrait des délais de mise au point incompatibles avec les exigences de réactivité de l’industrie. L’absence de simulation numérique rendait très difficile la compréhension des phénomènes multiphysiques, et donc la prédictibilité des procédés.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Contexte et objectifs généraux
Partie A – Etat de l’art, démarche et moyens
Introduction de la partie A – Etat de l’art, démarche et moyens
Chapitre II. Comportement dynamique des métaux
Chapitre III. Moyens expérimentaux et numériques pour l’étude du magnétoformage
Chapitre IV. Méthodes d’optimisation pour l’identification de paramètres
Partie B – L’essai d’expansion de tube
Introduction de la partie B – L’essai d’expansion de tube
Chapitre V. Mise au point de l’essai d’expansion de tube
Chapitre VI. Analyse de sensibilité de l’essai d’expansion de tube
Chapitre VII. Validation numérique de la méthodologie d’identification
Chapitre VIII. Application de l’essai d’expansion électromagnétique de tube
Conclusion de la partie B – L’essai d’expansion de tube
Partie C – L’essai de ligne plate
Introduction de la partie C – L’essai de ligne plate
Chapitre IX. Conception et principes de l’essai de ligne plate
Chapitre X. Modélisation de l’essai de ligne plate
Chapitre XI. Identification de paramètres de lois de comportement par l’essai de ligne plate
Conclusion de la partie C – L’essai de ligne plate
Conclusion
Perspectives
Chapitre XII. Limites de formage dynamiques
Références bibliographiques
Annexes
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