Identification des propriétés mécaniques de matériaux composites par analyse vibratoire

Généralités sur les composites

   Dans de nombreux domaines tels que l’aéronautique, l’armement, l’automobile, le génie civil, les transports, le médical, etc …, l’utilisation des matériaux composites est en constante progression. Cet engouement n’est pas un hasard mais un développement judicieux soutenu par des intérêts techniques et économiques. Les matériaux composites sont des assemblages de deux ou plusieurs produits élémentaires non miscibles de natures différentes. La complémentarité des différents constituants permet d’aboutir à un matériau dont les performances sont généralement un compromis de celles des constituants (pris séparément). Ces matériaux peuvent se présenter sous différentes formes généralement dépendantes de la géométrie du renfort (particules, fibres longues ou courtes introduites dans les tissus…). Les composites qui nous préoccupent ici, font partie de la famille des composites dits particulaires. Pour ces derniers, la matrice conserve la disposition géométrique des renforts et leur transmet les sollicitations auxquelles elle est soumise. Ces matériaux sont hétérogènes à l’échelle microscopique mais sont considérés macroscopiquement comme homogènes ([6], [16], [29]). Les matériaux composites sont développés et choisis pour leurs caractéristiques mécaniques, thermiques, chimiques, etc… Les propriétés obtenues sont généralement meilleures que celles de la matrice seule. Bien évidemment, il est impossible de réunir l’ensemble de ces propriétés dans un même composite ([55]) mais, par rapport aux caractéristiques  recherchées, on peut trouver des solutions optimales. La progression des connaissances sur les différents matériaux constitutifs permet un contrôle permanent des différents paramètres de conception, ce qui a pour effet d’améliorer considérablement les propriétés des matériaux composites résultants. Les matériaux ainsi obtenus sont de plus en plus performants dans les différents domaines d’application. Dans leur utilisation, les matériaux composites sont soumis à différents phénomènes de dégradation, qu’ils soient d’ordre mécanique, chimique ou bien physique. Depuis de nombreuses années, on s’intéresse à l’analyse de leurs propriétés thermomécaniques et à la modélisation de leur comportement. Les différentes études expérimentales utilisant des méthodes d’analyses non-destructives permettent de suivre le comportement évolutif de matériaux composites soumis à des  dégradations.

Mécanismes microscopiques de déformation

   L’étude et la connaissance des mécanismes microstructuraux sont très importantes pour comprendre le comportement thermomécanique des polymères. Elles font l’objet de nombreux ouvrages, tels que ceux de C. G’sell [32] et P. Combette [18]. Pour cette raison, nous attacherons une attention particulière à présenter ces mécanismes microstructuraux qui sont à l’origine de phénomènes moléculaires engendrant un comportement viscoélastique. L’analyse de ces phénomènes permet de caractériser le comportement des matériaux polymères, mais peut s’étendre aux matériaux composites à matrice polymère.Les forces qui retiennent les atomes les uns aux autres, agissent comme des ressorts liants un atome à ses voisins, dans l’état solide. Ces forces sont les conséquences des liaisons atomiques qui assurent la cohésion du solide. Les propriétés d’un matériau vont donc dépendre de la force de ces liaisons :
– les liaisons fortes (ioniques, covalentes ou métalliques)
– les liaisons faibles (Van der Waals ou hydrogène)
Les polymères possèdent des liaisons fortes covalentes qui unissent entre eux les atomes d’une même molécule et des liaisons de faible intensité qui relient entre elles, les macromolécules voisines. Compte tenu du caractère sinueux des molécules (pelotes), les liaisons faibles existent non seulement entre les atomes de deux molécules voisines mais aussi entre deux atomes d’une même chaîne rendue voisine à cause du repliement des molécules. Dans le cas des macromolécules qui contiennent plusieurs milliers d’atomes (et donc de chaînes d’atomes très longues), il existe un grand nombre de ces liaisons de faible intensité. On verra que dans beaucoup de cas les propriétés mécaniques d’un polymère sont gouvernées par les liaisons faibles entre molécules, puisque ce sont elles qui constituent la cohésion intermoléculaire. Les molécules sont constituées de longues chaînes d’atomes, généralement de carbone, formant le squelette de la molécule sur lequel sont fixés d’autres atomes de H, O, N, Cl, S… ou de groupements d’atomes appelés groupements latéraux. Les polymères sont légers et généralement ductiles ; ils résistent mal aux hautes températures contrairement aux céramiques. Leurs propriétés mécaniques dépendent de l’architecture des chaînes atomiques. On distingue les polymères thermoplastiques dont la plasticité croît avec la température, les polymères thermodurcissables, rigides, utilisés notamment dans les matériaux composites, et enfin les élastomères ayants des propriétés hyperélastiques remarquables.

Domaine d’état structural

   Lorsque la température augmente, un polymère peut traverser quatre domaines d’état structural délimités par trois températures caractéristiques :
– la température de transition vitreuse Tg qui est observée dans la phase amorphe du polymère
– la température de fusion Tf qui ne concerne que la phase cristalline du polymère
– la température de décomposition thermique Td, où les liaisons covalentes du squelette des macromolécules commencent à se rompre sous l’action de la chaleur fournie aux molécules. Lorsqu’on élève la température, l’énergie thermique fournie aux molécules augmente leur mobilité. En effet, les rotations autour des liaisons C-C du squelette des chaînes deviennent de plus en plus faciles, puisque l’activation thermique permet de passer d’une conformation à une autre. Le nombre de liaisons de faible intensité entre les molécules diminue au fur et à mesure que la température augmente, ce qui libère des mouvements moléculaires. En effet, la chaleur est capable de briser une partie de ces liaisons faibles. Dans les basses températures (inférieures à Tg), le polymère se trouve à l’état solide vitreux. Cela confère en général à tous les polymères, une bonne rigidité, une résistance mécanique correcte et une faible capacité de déformation. L’élasticité est d’origine enthalpique avec un faible déplacement des unités constitutives par rapport à leur position d’équilibre. Lorsqu’on élève la température pour atteindre Tg, la mobilité des chaînes moléculaires dans la phase amorphe conduit à l’état caoutchoutique. Dans cet état, la phase cristalline lorsqu’elle existe, n’évolue pas avec la température ; elle conserve sa structure et reste identique à celle des basses températures (T<Tg). Par contre, la phase amorphe voit constamment son organisation moléculaire changer par un déplacement des molécules, dû soit à l’activation thermique, soit à la sollicitation appliquée (contrainte). Ce changement d’état par rapport à l’état vitreux est accompagné d’une rupture d’une partie des liaisons faibles entre les molécules par agitation thermique, et d’une augmentation importante du volume du polymère. Il en résulte une grande facilité de mouvement des molécules. Cette mobilité permet un déploiement des chaînes dans le sens de la contrainte appliquée entraînant une déformation (entropique). Lorsque la contrainte est relâchée, il y a retour à l’état initial dont la mémoire provient des noeuds de réticulation (physiques, chimiques, …), s’ils existent. Ce retour à l’état initial est dû à la contraction des molécules qui cherchent à se mettre sous forme de pelotes en augmentant leur entropie S. L’allongement possible du matériau sera d’autant plus élevé que le taux de réticulation est faible, c’est à dire que la longueur des chaînes entre deux noeuds de réticulation est grande. D’autre part, si les noeuds de réticulation sont supprimés, la mémoire de l’état initial disparaît et la réversibilité de la déformation aussi. Dans le cas des polymères thermoplastiques semi-cristallins, cette mobilité dans la phase amorphe confère une certaine élasticité à faibles contraintes et sous chargements plus élevés, une grande capacité de déformation irréversible. Au dessus de la température de fusion Tf, la disparition des phases crystallines conduit à l’état fluide. Les noeuds d’enchevêtrements ont disparu par reptation et les molécules glissent les unes par rapport aux autres. Le matériau se comporte alors comme un fluide.

Adhésion renforts-matrice

   Dans la littérature, nous retrouvons de nombreuses études faisant état des effets des traitements de surface des charges sur les propriétés à la fois mécaniques et thermiques. Ces traitements de surface peuvent être de différentes natures ; chimiques, thermiques ou physiques. L’insertion de charges minérales renforçantes est connue pour améliorer certaines caractéristiques comme la raideur et les performances aux hautes températures des matériaux polymères. Les propriétés mécaniques résultant du renforcement des matériaux polymères par des charges minérales semblent dépendre considérablement de la nature des interfaces charges/matrice. Selon Plueddemann [64], une forte adhésion aux interfaces conduit généralement à de meilleures propriétés du composite. En effet, de nombreux agents de couplage, capables de constituer une forte adhésion aux interfaces, ont été identifiés sur des matrices polymères [64]. D. M. Laura [45] s’intéresse aux effets des agents de couplage sur les propriétés mécaniques (limite élastique en contrainte) et thermomécaniques des matériaux polymères renforcés par des fibres de verre, figure 1.24 par exemple. En effet, selon la nature chimique des agents de couplage, les caractéristiques, qu’elles soient purement mécaniques ou thermiques, s’améliorent nettement.

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Table des matières

Notations
Introduction
1 Polymères et matériaux composites 
1.1 Généralités sur les composites 
1.1.1 Caractéristiques générales
1.1.2 Problématique des matériaux composites
1.1.2.1 Interface et interphase
1.1.2.2 Traitement de surface
1.1.3 Conclusion et objectifs
1.2 Viscoélasticité des matrices polymères 
1.2.1 Mécanismes microscopiques de déformation
1.2.2 Structure et propriétés des polymères
1.2.2.1 Organisation d’une macromolécule
1.2.2.2 Etat des polymères
1.2.2.3 Structure des polymères amorphes
1.2.3 Comportement thermomécanique des polymères
1.2.3.1 Spectrométrie mécanique
1.2.3.2 Influence de la température
1.2.3.3 Principe d’équivalence Temps-Température
1.2.4 Comportement mécanique macroscopique
1.2.4.1 Viscoélasticité linéaire
1.2.4.2 Comportement viscoélastique
1.3 Caractérisation des matériaux composites
1.3.1 Caractérisation thermomécanique des composites
1.3.1.1 Sensibilité des paramètres de formulation sur le comportement thermomécanique
1.3.1.2 Adhésion renforts-matrice
1.3.1.3 Conclusion
1.3.2 Etude des propriétés viscoélastiques par analyse vibratoire
1.3.3 Caractérisation d’un endommagement
1.4 Modélisation du comportement des matériaux composites
1.4.1 Généralités sur les modèles d’homogénéisation
1.4.1.1 Procédures d’homogénéisation
1.4.1.2 Approximations de Voigt et de Reuss
1.4.1.3 Modèle d’Hashin et Shtrikman
1.4.2 Modèles dérivés du problème d’Eshelby en élasticité
1.4.2.1 Problème général de l’inclusion d’Eshelby
1.4.2.2 Modèle autocohérent [37], [43]
1.4.2.3 Modèle de Mori-Tanaka
1.4.3 Modélisation des propriétés viscoélastiques
1.5 Matériaux composites modèles 
1.5.1 Description
1.5.1.1 Matrice polymère
1.5.1.2 Présentation des renforts
1.5.1.3 Conception des matériaux composites modèles
1.5.2 Mise en forme des composites
1.5.2.1 Conditions de mise en oeuvre des échantillons
1.5.2.2 Défauts visibles à l’issue de la fabrication des éprouvettes
1.6 Conclusion
2 Techniques expérimentales utilisées 
2.1 Introduction
2.2 Essais de caractérisation à chargement monotone 
2.2.1 Essai de traction normalisé
2.2.1.1 Présentation de l’essai
2.2.2 Essai de fluage
2.2.2.1 Principe de l’essai de lâcher
2.2.2.2 Protocole d’essai
2.3 Analyse Mécanique Dynamique 
2.3.1 Sollicitation en flexion
2.3.1.1 Dispositif expérimental
2.3.1.2 Modélisation de l’essai de visco-analyse
2.3.1.3 Estimation de la raideur complexe et du déphasage d’un échantillon
2.3.1.4 Extraction du module complexe E∗
2.3.1.5 Domaine de validité du modèle analytique
2.3.1.6 Phase de calibration
2.3.2 Sollicitation en torsion
2.3.2.1 Dispositif expérimental
2.3.2.2 Principe théorique
2.3.2.3 Phase de calibration
2.4 Analyse modale expérimentale 
2.4.1 Introduction
2.4.2 Notion de base
2.4.2.1 Définition
2.4.2.2 L’amortissement
2.4.3 Aspect expérimental
2.4.3.1 Dispositif expérimental
2.4.3.2 Mode d’excitation
2.4.4 Détermination des paramètres mécaniques dynamiques
2.4.4.1 Extraction des paramètres modaux expérimentaux
2.4.4.2 Identification du module élastique
2.4.4.3 Calibration des essais utilisés en analyse modale
2.5 Analyse par ultrasons
2.5.1 Principe de la méthode
2.5.2 Dispositif expérimental
2.5.2.1 Banc d’essais à transmission
2.5.2.2 Calibration
2.6 Classification des géométries d’éprouvettes en fonction du type d’essai 
2.7 Conclusion 
3 Etude mécanique de la matrice polymère utilisée 
3.1 Caractérisation de la matrice polymère utilisée 
3.1.1 Analyse moléculaire du PMMA
3.1.2 Spectres isochrones
3.1.3 Identification des propriétés mécaniques quasi-statiques
3.1.4 Complaisance de fluage en cisaillement par essais de lâcher
3.1.4.1 Interprétation des résultats
3.1.4.2 Analyse du phénomène oscillatoire
3.1.4.3 Analyse des résultats
3.1.4.4 Comportement dynamique du PMMA (modèle rhéologique de Zener)
3.1.5 Etude du PMMA utilisé par analyses vibratoires
3.1.5.1 Analyse harmonique (AMD)
3.1.5.2 Analyse modale expérimentale
3.1.5.3 Analyse par ultrasons
3.1.6 Comparaison entre les différentes méthodes d’analyse
3.2 Etude de plaques de PMMA fissurées
3.2.1 Principe et mise en oeuvre
3.2.2 Analyse modale d’une plaque fissurée
3.3 Conclusion 
4 Caractérisation mécanique des matériaux composites modèles 
4.1 Introduction 
4.2 Caractérisation des matériaux modèles 
4.2.1 Contrainte locale et mise en forme
4.2.2 Vérification des formulations de composites
4.2.3 Etude statique des composites
4.2.3.1 Module élastique et comportement à rupture
4.2.3.2 Modèle d’homogénéisation simple
4.2.4 Analyse des faciès de rupture au MEB
4.2.4.1 Etude des billes de diamètre moyen 20 µm
4.2.4.2 Etude des billes de diamètre moyen 60 µm
4.3 Réponse dynamique des matériaux modèles
4.3.1 Etude du comportement mécanique dynamique
4.3.1.1 Modélisation des propriétés viscoélastiques
4.3.1.2 Comparaison avec les résultats expérimentaux
4.3.2 Analyse du comportement élastique des composites
4.3.3 Analyse du comportement dissipatif des composites
4.3.3.1 Effet de la fraction volumique
4.3.3.2 Effet de la surface de contact aux interfaces
4.3.3.3 Etude thermomécanique des traitements de surface pour la formulation 2820TX
4.4 Conclusion
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexes 

A.1 Fractions volumiques et massiques
A.2 Détermination de la masse moléculaire moyenne viscosimétrique Mv

B.1 Matériel utilisé à l’élaboration d’échantillon en composite
B.1.1 Mélange des constituants d’un composite par extrusion
B.1.2 Moulage des échantillons par injection
B.2 Paramètres d’extrusion et d’injection utilisés

C.1 Calcul de la raideur réelle d’un échantillon à partir de modèles analytiques
C.2 Calcul analytique de fréquences propres d’une géométrie simple
C.2.1 Flexion des poutres – Modèle de Euler-Bernoulli
C.2.2 Vibrations des plaques circulaires
C.3 Poutre en flexion sous sollicitations harmoniques
C.4 Réponse harmonique – Poutre sur pot-vibrant

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