Identification des proprietes mecaniques a partir de mesures de champs dans un materiau multi-phase

Ces dernières décennies, la mécanique des solides a fortement évolué vers le domaine interdisciplinaire de la mécanique des matériaux. Cette tendance implique des modifications majeures pour le secteur de la mécanique expérimentale. A l’échelle microscopique, la compréhension des mécanismes physiques qui régissent le comportement macroscopique d’un matériau permet d’élaborer des lois multi-échelles particulièrement adaptées à la prévision du comportement des matériaux hétérogènes. Si on souhaite mettre en relation les liens qui existent entre la microstructure et le comportement macroscopique, il est indispensable de caractériser les effets mécaniques à une échelle fixe, celle des hétérogénéités. On comprend l’importance que la recherche fondamentale soit associée à des études expérimentales à des échelles plus adaptées au domaine de la micromécanique.

Les matériaux composites sont des structures à phases multiples. La réponse à un chargement est dépendante de l’interaction entre les composants et leurs interfaces/interphases [9, 49, 126]. Généralement, les dimensions des différentes phases peuvent varier du millimètre au nanomètre : une échelle d’étude qui est typiquement difficile à étudier par les outils expérimentaux classiques [90]. Les travaux de recherche de cette étude sur le thème de l’identification des propriétés mécaniques à partir de mesures de champs dans un matériau multi-phasé ont consisté à appliquer une procédure d’identification à un niveau d’observation micrométrique.

L’interphase : constituant des matériaux composites

Positionnement de l’interphase au sein d’un composite

Le terme ‘composite’ inclut de nombreux matériaux, c’est pourquoi dans cette étude nous limiterons l’utilisation de cette terminologie aux matériaux composites formés de renforts et de résine organique. Parmi ces derniers, on distingue deux types : les composites grande diffusion (GD) et haute performance (HP) [15]. Les composites GD représentent 95% des composites utilisés. Les constituants de base sont souvent des résines polyesters (e.g. 95% des résines utilisées sont des thermodurcissables) avec des fibres de verre. Dans 90% des cas, l’anisotropie n’est pas maîtrisée car les renforts sont des fibres courtes. Les composites HP, principalement exploités dans l’aéronautique, sont moins utilisés car d’un coût relativement élevé. En effet, le taux des renforts employé, souvent des fibres longues de carbone, est supérieur à 50% et influe fortement sur le coût. En revanche, les propriétés mécaniques sont largement supérieures à celles composites GD. L’avantage majeur des matériaux composites réside dans leur flexibilité. En effet, ils permettent la conception de structures à la demande dont les variables sont : la nature, la texture et la forme du renfort, le taux de renforcement, la nature de la résine et des charges ou additifs, la qualité de l’interface renfort-matrice, la géométrie de la pièce à réaliser et le procédé de mise en oeuvre utilisé. A une échelle d’observation macroscopique, ces matériaux sont biphasés : les renforts et la matrice. Chacune des deux phases, choisie par le concepteur du matériau, possède des propriétés mécaniques et physico-chimiques intrinsèques très différentes l’une de l’autre. Leur association permet une synergie des performances à la fois mécaniques et physico-chimiques. On cherchera toujours à orienter au mieux les renforts en fonction des efforts auxquels la structure est soumise. Ainsi, les matériaux composites donnent l’opportunité d’intégrer les propriétés des matériaux, la conception et les techniques de fabrication de sorte que le produit final soit une structure complète et optimisée.

Il existe une grande variété de matériaux composites ce qui est dû à un large choix de fibres et de résines, d’où une grande flexibilité lors de la conception. Les matériaux constitutifs les plus généralement utilisés incluent pour les renforts : des fibres de verre, de carbone, d’aramide ou de métaux (bore, aluminium, acier) ; et pour les matrices : les résines thermodurcissables, thermoplastiques ou thermostables.

Rôle de l’interphase pour le comportement global du composite

Généralités

Le point clé de la conception des matériaux composites est l’optimisation du couple fibrematrice afin d’obtenir les meilleures performances. Le point de vue contemporain de cette adhésion n’est plus de la considérer comme un simple lien physico-chimique entre la fibre et la matrice, mais d’analyser la structure et les propriétés des constituants autour de la région de l’interface. Ceci menant à l’étude d’une épaisseur. Bien que l’interphase ne soit pas une phase au véritable sens du terme du fait qu’elle se crée à partir des deux phases en présence, elle représente un élément à part entière dans le processus de caractérisation du composite. Dans le cadre de ces matériaux, on définit physiquement l’interphase comme une région d’épaisseur finie non nulle qui débute là où les propriétés locales diffèrent de celles des renforts, et se propagent jusqu’à ce qu’elles deviennent identiques à celles de la matrice. Cette zone regroupe la surface de contact (i.e. l’interface) entre le renfort et la matrice, ainsi que deux zones finies non symétriques de part et d’autre de l’interface. La région de cette interphase, dans laquelle la fibre et la matrice interagissent, doit être optimisée afin d’obtenir les performances attendues. Bien qu’aucun modèle quantitatif ne soit disponible pour son optimisation, les principes de la thermodynamique et des sciences des matériaux associés à diverses analyses expérimentales ont permis, ces dernières années, de comprendre qualitativement le rôle d’une interphase [160].

Le rôle mécanique de l’interphase est complexe et multiple. Si elle est, par définition, le lieu de transfert des contraintes de la fibre à la matrice, elle joue aussi une rôle important du point de vue endommagement (i.e. l’amorçage et la propagation des fissures).  Selon les conditions d’utilisation du matériau composite en question, le choix du type d’interphase sera bien différent.
– Dans le cadre d’un chargement dynamique, la décohésion fibre-matrice permettra alors de limiter la propagation d’une fissure ;
– Par contre, pour des conditions de chargement statique et sans choc mécanique, on privilégiera une interphase qui transmet les contraintes et maintient l’adhésion fibre-matrice quelles que soient les conditions environnementales.

On comprend alors que la connaissance, in situ et au cours de leur élaboration, des mécanismes de prise ou d’altération des matériaux composites, représente un enjeu important. En effet, la détermination des propriétés des constituants et la compréhension des origines de ces propriétés sont importantes pour définir une structure composite pour une application particulière ainsi que pour anticiper sa réponse à un chargement ou à des stimulations imposées sous différentes conditions. En pratique, on peut énoncer trois aspects majeurs du rôle de l’interphase :
– Elle assure, physiquement, la continuité du renfort à la matrice, et ce à travers tout le matériau, en empêchant notamment la formation de porosités ou l’accumulation d’humidité ;
– Elle transmet les efforts. En effet, les fibres du composite sont les composants qui encaissent les efforts, la matrice répartit et transmet les efforts entre les fibres par l’intermédiaire tout d’abord de l’interphase ;
– Elle protège les deux phases principales : les fissures peuvent être déviées ou stoppées, l’humidité arrêtée par l’ensimage, la réaction chimique de la matrice sur le renfort peut être ralentie (e.g. cas d’une matrice métallique). L’interphase conditionne notamment la tenue au vieillissement des composites. Cette zone de contact entre le renfort et la matrice est souvent considérée comme étant la région la plus sensible à la corrosion. L’une des solutions pour pallier ces effets néfastes est d’éviter que le fluide ne puisse atteindre l’interface en choisissant des agents de couplage et/ou collants adaptés, créant une barrière efficace à la diffusion.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Problématique de l’étude
1.1 L’interphase : constituant des matériaux composites
1.1.1 Positionnement de l’interphase au sein d’un composite
1.1.2 Rôle de l’interphase pour le comportement global du composite
1.1.3 Problèmes soulevés .
1.2 Connaissance physico-chimique de la composition d’une interphase
1.2.1 Introduction
1.2.2 Les analyses physico-chimiques directes
1.2.3 Les analyses physico-chimiques indirectes
1.3 Caractérisation mécanique
1.3.1 Propriétés d’endommagement du composite par analyse de l’interphase
1.3.2 Propriétés viscoélastiques et thermiques
1.3.3 Conclusion [49, 9, 126]
1.4 Méthodologie mise en place
1.4.1 Objectifs
1.4.2 Procédure
1.4.3 Résultats espérés
Chapitre 2 Etude bibliographique de l’aspect expérimental
2.1 Positionnement du problème au niveau de l’expérimentation
2.1.1 Contexte de l’étude
2.1.2 Vocabulaire métrologique
2.2 Revue des techniques existantes
2.2.1 Techniques issues des lois de l’optique
2.2.2 Techniques dites d’analyse d’images
2.3 Spécifications de la mesure
2.3.1 Limitations expérimentales et implications
2.3.2 Définition de la géométrie de l’éprouvette
2.3.3 Critères de sélection
2.4 Techniques retenues
Chapitre 3 Corrélation d’images numériques
3.1 Présentation de la technique
3.1.1 La Corrélation d’Images Numériques (CIN) à travers la littérature
3.1.2 Principe théorique de la Corrélation d’Images Numériques (CIN)
3.1.3 Montage et réglages expérimentaux mis en place
3.1.4 Présentation de CORRELI
3.2 Caractérisation de la Corrélation d’Images Numériques (CIN)
3.2.1 La sensibilité de la méthode
3.2.2 Relation entre résolution et résolution spatiale
3.2.3 Relation entre incertitude et résolution spatiale
3.3 Choix de paramètres
3.3.1 Etablissement de critères caractérisant a priori la texture
3.3.2 Etablissement des valeurs critiques de ces critères
3.3.3 Evaluation des performances
3.3.4 Conclusion
3.4 Etude des corrections
3.4.1 Mise en évidence, origine et dépendance à la texture de l’erreur systématique subpixel
3.4.2 Application d’une correction
3.5 Validation sur une expérience avec jauges
3.5.1 Analyse de texture
3.5.2 Caractérisation de la technique
3.5.3 Comparaison avec les mesures de jauges
3.5.4 Correction subpixel
3.6 Protocole expérimental
Conclusion générale

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