Identification des deux enseignantes suite aux entretiens
Concept de la filiรจre bilingue
La filiรจre bilingue est partie de la rรฉflexion suivante : ยซ la situation biennoise est unique, lโallemand et le franรงais รฉtant pratiquement prรฉsents dans la vie quotidienne de chacun ยป.1 Elle exprime รฉgalement dans un communiquรฉ dรฉcrivant les points principaux de son idรฉologie ainsi quโun descriptif de ses activitรฉs, son questionnement avec ces mots : ยซ ne pourrait-on pas mettre รฉgalement ce potentiel unique ร profit en crรฉant une รฉcole bilingue de maniรจre consรฉquente, une ยซ filiรจre bilingue ยป (FiBi)? ยป 2 La rรฉponse est positive, car depuis 2008, la filiรจre bilingue est fermement ancrรฉe avec une volontรฉ de permettre aux รฉlรจves depuis le dรฉbut jusquโร la fin de leur scolaritรฉ de vivre lโenseignement dans les deux langues nationales principales. Derriรจre une volontรฉ linguistique, se trouve รฉgalement tout un cรดtรฉ social et culturel que la diversitรฉ des deux horizons peut amener ร chaque enfant. Dans ce sens, Mercรจ Pujol Berchรฉ (1993), dans son oeuvre parle de ces deux horizons en y ajoutant : ยซ chacune des langues est, pour lโenfant bilingue, un signe dโappartenance ร lโune ou lโautre des communautรฉs linguistiques et sociales ยป (p.3). Cependant pour lโenfant dรฉbutant sa scolaritรฉ, lโappartenance ร lโune ou lโautre des communautรฉs linguistiques et sociales pourrait soit le pousser ร connaรฎtre lโautre (camarade parlant sa L2) dans son monde linguistique et social ou pourrait au contraire crรฉer une barriรจre ร lโunivers de son collรจgue de classe et accentuer leurs diffรฉrences.
Selon certains chercheurs (Bange, 1992), la langue nโest pas une barriรจre dans les interactions sociales et finalement, ce sont ces derniรจres qui vont pousser lโenfant naturellement ร acquรฉrir la langue de lโautre sans en รชtre conscient. De plus, dans des degrรฉs tels que la 1H3 et la 2H, les รฉchanges entre les รฉlรจves sont les apports prioritaires dans lโapprentissage de ce qui deviendra sa ยซ L2 ou L3 ยป selon la langue dรฉjร parlรฉe au prรฉalable ร la maison. Mercรจ Pujol Berchรฉ (1993) souligne ce point : ยซ Cโest au sein dโinteractions sociales en dyades ou en petits groupes que les processus interpsychiques apparaissent dโabord pour ensuite รชtre intรฉriorisรฉs par lโenfant, impliquant un processus de transformation des phรฉnomรจnes sociaux en phรฉnomรจnes psychologiques (processus intrapsychiques) ยป (p.2). En revanche concernant le cรดtรฉ social, il sโagit dโune volontรฉ qui pourrait paraรฎtre utopique. En effet, certaines difficultรฉs dโintรฉgration et dโouverture sont rencontrรฉes chez certains รฉlรจves face ร leurs prochains dans des milieux scolaires que lโon qualifierait de ยซ rรฉguliers ยป. Cโest pourquoi, il faut se demander si le fait dโajouter la ยซ barriรจre ยป de la langue ne crรฉerait pas encore plus de distance et ajouterait davantage de difficultรฉs de communication entre รฉlรจves de langues diffรฉrentes. Pour en revenir ร la filiรจre bilingue, dans son communiquรฉ4 elle rappelle ses deux fonctions principales. La premiรจre est dโordre linguistique. Le but est que cette filiรจre soit un tremplin pour lโรฉlรจve afin dโacquรฉrir une L2 plus rapidement et de maniรจre plus dรฉveloppรฉe quโune รฉcole ยซ rรฉguliรจre ยป grรขce ร des enseignements dans les deux langues (franรงais et allemand). La deuxiรจme est sociale, les รฉchanges et la communication entre les รฉlรจves visant ร abolir une distance qui peut รชtre parfois dโordre culturel entre les communautรฉs alรฉmanique et francophone.
Le bilinguisme du point de vue des compรฉtences :
Dโun point de vue des compรฉtences, le dictionnaire utilise lโadverbe ยซ couramment ยป. Cependant il est difficile de dรฉfinir ยซ couramment ยป. De plus, les avis divergent sur la capacitรฉ ร maรฎtriser ou non deux langues. Pour exemple, Lebrun (1982) cite : ยซ Les ยซ polyglottes ยป sont en premier lieu les personnes qui usent de plusieurs langues depuis lโenfance avec une aisance particuliรจre ยป. (p.129). Contrairement ร Lebrun, Macanamara (1967) parle dโune maรฎtrise minimale dans une des quatre habiletรฉs principales. Ces derniรจres sont la production et la comprรฉhension de lโorale et lโรฉcrit. Par consรฉquent, il existe des divergences entre les diffรฉrentes dรฉfinitions et maniรจres de situer et dโรฉvaluer le bilinguisme. Si Lebrun parle dโune aisance particuliรจre depuis lโenfance, ce qui demande un apprentissage depuis le plus jeune รขge ainsi quโune maรฎtrise particuliรจre, cela restreindrait le bilinguisme ร un trรจs petit pourcentage de la population. De plus, il faudrait que lโindividu bilingue acquiรจre une aisance รฉgale dans les deux langues. Pour cela, il faudrait premiรจrement que ce dernier รฉvolue dans une famille bilingue puis รฉgalement que les deux langues soient parlรฉes couramment et ร la mรชme frรฉquence. En revanche, Macanamara propose des objectifs plus atteignables pour dรฉfinir une personne bilingue. Il faudrait que lโindividu parvienne ร une maรฎtrise minimale dans uniquement une des quatre habiletรฉs principales. De ce fait, nous pourrions dire que toutes les รฉcoles en Suisse font de leurs รฉlรจves des enfants bilingues.
Le bilinguisme dโun point de vue du nombre de langues requises : Au niveau du nombre, nous avons vu prรฉcรฉdemment que le Larousse dรฉfinit la quantitรฉ de langues parlรฉes couramment ร deux. Cependant, tous ne sont pas du mรชme avis sur le nombre de langues dรฉfinissant le bilinguisme. Dans une interview accordรฉe au site ยซ ร bonne รฉcole.net ยป, le psycholinguiste et professeur de lโuniversitรฉ de Neuchรขtel Franรงois Grosjean (2013) dรฉfinit le bilinguisme comme lโutilisation rรฉguliรจre de deux ou plusieurs langues. Par consรฉquent, il ne sโagit pas uniquement de deux langues mais de deux ou plus. Cependant, nous pouvons quand mรชme nous accorder sur le fait que deux est le dรฉnominateur commun et quโil correspond au minimum requis dans les deux cas. Dans ce sens, au niveau de sa quantitรฉ, nous pouvons affirmer que la filiรจre bilingue de Bienne respecte le terme ยซ bilingue ยป du fait que lโenseignement est dispensรฉ dans deux langues. En rรฉsumรฉ, le bilinguisme est un terme dont la dรฉfinition fait dรฉbat tant dโun point de vue du nombre de langues requises que du point de vue de ses compรฉtences minimales demandรฉes.
Les deux types de bilinguisme
De plus, il est aussi important de dรฉfinir deux types de bilinguisme. En effet, lโacquisition peut se faire ร diffรฉrentes pรฉriodes. Jรผrgen M. Meisel (2009) dรฉcrit ces deux pรฉriodes en parlant de deux acquisitions diffรฉrentes. La premiรจre est celle quโon nommerait ยซ acquisition simultanรฉe ยป. Elle comprend un apprentissage de deux langues en dessous de lโรขge de trois ans. Lโenfant ne va tout dโabord pas distinguer les deux langues. Ce nโest quโร partir de lโรขge de deux ans quโil pourra comprendre quโil y a ยซ la langue de maman ยป et ยซ la langue de papa ยป. La deuxiรจme acquisition est celle appelรฉe ยซ acquisition successive ยป. Elle comprend le stade oรน lโenfant va acquรฉrir une L2 aprรจs lโรขge de trois ans soit par des interactions sociales ou par des dispositifs pรฉdagogiques. Cette acquisition peut avoir diffรฉrentes consรฉquences. La premiรจre est un rรฉsultat avec des compรฉtences ยซ approximatives ยป et la deuxiรจme est que la L2 devienne finalement dominante et remplace la L1 comme langue forte. Nous nous accorderons sur le fait que la filiรจre bilingue accompagne certainement quelques enfants ayant reรงu une acquisition simultanรฉe, mais tous seront confrontรฉs ร lโacquisition successive au vu du milieu scolaire que la FiBi propose. Par contre, tous les enfants ne vont pas forcรฉment voir la L2 devenir leur langue forte.
Le paradoxe du bilinguisme
Le paradoxe du bilinguisme reprรฉsente les points de vue divergents quant ร lโapprentissage de deux langues chez les enfants. Si dโun cรดtรฉ, la promotion de lโapprentissage de deux ou plusieurs langues dรจs le plus jeune รขge est prรฉsente et encouragรฉe, certains soutiennent le fait que cette faรงon de faire est dangereuse et pourrait amener les enfants ร confondre et ร ralentir le processus dโapprentissage. Les scientifiques ne sont รฉgalement pas dโaccord sur la meilleure faรงon de faire. Alors que certains se rangent en faveur dโun systรจme unitaire, cโest-ร -dire un apprentissage dโune seule langue, dโautres promeuvent le systรจme de langage dit ยซ diffรฉrenciรฉ ยป. Par consรฉquent, pour le clan des partisans dโun systรจme diffรฉrenciรฉ, la filiรจre bilingue serait positive et aiderait les รฉlรจves ร acquรฉrir une deuxiรจme voire pour certains une troisiรจme langue sans pour autant altรฉrer la qualitรฉ dโapprentissage de la langue maternelle. Annick Comblain (1998) soutient ce point de vue en dรฉclarant : ยซ Si on veut espรฉrer un rendement optimal lors de l’apprentissage d’une seconde langue, il est prรฉfรฉrable, au vu des donnรฉes thรฉoriques sur le dรฉveloppement linguistique de l’enfant, de s’y atteler le plus tรดt possible ยป (p.1).
Les donnรฉes recueillies et analysรฉes par Emile Jenny (2018) nous montrent trรจs bien que les compรฉtences en L2 des รฉlรจves de la FiBi sont plus รฉlevรฉes que dans des classes monolingues. Il est intรฉressant de constater que les compรฉtences en L2 des รฉlรจves de la FiBi sont plus dรฉveloppรฉes que celles des รฉlรจves des classes rรฉguliรจres. Ce rรฉsultat met en รฉvidence lโefficacitรฉ de lโimmersion rรฉciproque pour lโapprentissage de la L2 dans les quatre compรฉtences du CECR plaide en faveur dโun tel projet. (Jenny, 2018, p.10) Annick Comblain continue mรชme en relevant le fait que lโapprentissage prรฉcoce dโune deuxiรจme langue aurait des bรฉnรฉfices non nรฉgligeables sur dโautres domaines comme la crรฉativitรฉ, la motivation pour apprendre dโautres langues, la prise de conscience de la diversitรฉ linguistique et culturelle etc. Dโun autre cรดtรฉ, lโapprentissage et la promotion dโune filiรจre bilingue seraient remis en cause par le clan du systรจme ยซ unitaire ยป ร lโimage du chercheur Saer (1923). En effet, selon lui, une รฉducation bilingue viendrait ร altรฉrer lโintelligence et amรจnerait une confusion chez les apprenants. De ce fait, la filiรจre bilingue serait par consรฉquent nรฉgative sur le dรฉveloppement langagier et intellectuel des enfants.
Bienne ยซ ville bilingue ยป
Le sujet de ce travail se trouve exactement au coeur de cette barriรจre, car elle en est ni plus ni moins la frontiรจre mรชme. Pour Daniel Elmiger et Marinette Matthey (2006), Bienne propose une situation gรฉographique trรจs intรฉressante, car elle prรฉsente la particularitรฉ dโรชtre la plus grande ville bilingue de Suisse. Avec 50’000 habitants dont 60% sont alรฉmaniques et 40% francophones, elle dรฉmontre tous les jours quโune cohabitation rapprochรฉe est possible entre les deux langues nationales principales, mais amรจne รฉgalement son lot de questionnements, frustrations, positionnements, etc. Dans ce sens, selon un article de la RTS (2016) les francophones de Bienne (90%) se sentent moins bien traitรฉs que les alรฉmaniques. Pour exemple : ยซ A la Coop et ร la Migros, l’intitulรฉ des marchandises n’est qu’en allemand ยป, se plaint le dรฉputรฉ francophone Jรผrg Gerber. ยซ Dans les magasins Ex-Libris, il n’y a plus que des bouquins en allemand. De nombreux francophones me disent qu’ils se sentent de moins en moins ร l’aise ร Bienne ยป.
Ce genre de situations amรจne parfois de petites jalousies qui peuvent soulever de temps en temps une certaine aigreur envers ses compatriotes germanophones ou vice versa pour dโautres situations dans lesquelles les francophones seraient privilรฉgiรฉs. Pourtant, les autoritรฉs de la ville de Bienne se positionnent clairement pour une dualitรฉ saine et complice entre les deux langues. Mรชme si les francophones se sentent dรฉvalorisรฉs, ce nโest pas pour autant quโils aimeraient ne plus se mรฉlanger ร leurs concitoyens alรฉmaniques, car par exemple, dans un article du Temps, la population sโexprime sur le thรจme de lโรฉcole (Temps, 2016) : ยซ Les sondรฉs lancent une critique : lโรฉcole nโen fait pas assez pour le bilinguisme ยป. Par consรฉquent, ils demandent une รฉgalitรฉ dans le traitement et la promotion du bilinguisme. Au sujet du bilinguisme, les citoyens seraient en faveur ร deux tiers pour une รฉcole enfantine bilingue. Cela dรฉmontre une envie dโavoir plus dโรฉtablissements bilingue comme la FiBi
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Table des matiรจres
Cinq mots-clรฉs
Introduction
Contexte du champ dโรฉtude
Plan de travail
Chapitre 1. Problรฉmatique
1.1 Concept de la filiรจre bilingue
1.2 Concept de bilinguisme
1.2.1 Le bilinguisme du point de vue des compรฉtences :
1.2.2 Le bilinguisme dโun point de vue du nombre de langues requises
1.2.3 Les deux types de bilinguisme
1.2.4 Le paradoxe du bilinguisme
1.3 Une question autour du fameux ยซ Rรถstigraben ยป
1.4 Bienne ยซ ville bilingue ยป
1.5 Lโรฉducation dans un contexte spatial bilingue
1.5.1 Visรฉes de la FiBi
1.5.2 Allophonie et diglossie
1.5.3 Curriculums prescrits
1.6 Principaux acteurs de la FiBi et leurs rรดles
1.6.1 Interactions avec les parents
1.6.2 Collaboration entre enseignant-e-s
1.6.3 La salle des maรฎtres
1.7 ยซ รmetteur-rรฉcepteur
1.8 La communication
1.9 La collaboration et ses exigences
Question de recherche
Chapitre 2. Mรฉthodologie
2.1 Fondements mรฉthodologiques
2.1.1 Type de recherche
2.1.2 Type dโapproche
2.1.3 Types de dรฉmarche
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Rรฉcolte des donnรฉes
2.2.2 Procรฉdure et protocole de recherche
2.2.3 รchantillonnage
2.3 Mรฉthodes et/ou techniques dโanalyse des donnรฉes
2.3.1 Transcription
2.3.2 Traitement des donnรฉes
2.3.3 Mรฉthodes et analyses
Chapitre 3. Analyse et interprรฉtation des rรฉsultats
3.1 Identification des deux enseignantes suite aux entretiens
3.1.1 Genre des enseignant-e-s
3.1.2 La langue maternelle
3.1.3 Collaboration entre les deux enseignantes au sein de la FiBi
3.1.4 Niveaux de langues des enseignantes
3.2 Langues
3.2.1 Direction
3.2.2 Autres enseignants
3.2.3 Avec les parents
3.3 Curriculum prescrit
3.4 Dรฉveloppement de la Filiรจre Bilingue
3.5 Collaboration
3.6 Formations initiales
3.7 Autres aspects
Conclusion
Synthรจse des rรฉsultats
Rรฉflexions personnelles
Limites du mรฉmoire
Apports du mรฉmoire
Prolongement et questionnement
Rรฉfรฉrences bibliographiques
Bibliographie
Webographie
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