IDENTIFICATION DES ATHLÈTES À RISQUE
Le sport: un phénomène de société
Le sport du XXe siècle, dans ses multiples acceptations, est compétition, éducation, hédonisme, participation au culte du corps, recherche de performance, spectacle, utilisation du temps socialement libéré alors que nombre de ces sports antiques et médiévaux étaient une préparation à la guerre ou un substitut à celle-ci. (Bodin et Heas, 2002, p. 49) Le sport est un élément culturel de nos sociétés contemporaines qui renseigne sur les structures de la société, ses mutations et les aspirations des individus qui la composent (Bodin et Heas, 2002). Les activités physiques et sportives sont riches d’une diversité de pratiques, de temps et d’ espaces occupés. Selon Bodin et Heas (2002), les sports se sont progressivement intégrés au quotidien de l’individu ainsi qu ‘ à ses temps libres (loisirs, vacances, voyages en tout genre). Cette activité corporelle et physique, qui occupe une part de notre temps est une valeur dominante de nos sociétés modernes. Bodin et Heas (2002, p. Il), mentionnent également que: «Les activités sportives sont avant tout une construction sociale qui met en jeu des interactions humaines, des émotions partagées, un plaisir corporel, un désir d’accomplissement personnel ou de réussite sociale ».
Néanmoins, les activités sportives peuvent également aussi être porteuses d’exclusions, d’exploitations, de violence et d’abus. Plusieurs fonctions semblent attribuées aux activités sportives au sem de la société. Ainsi, le contrôle de la violence, son aspect éducatif, le côté spectaculaire de l’ activité elle-même, la possibilité d’ évasion et la domination politique ou économique par certains pays ne sont que quelques unes de ces fonctions. Comme facteur social, le sport permet un relâchement des émotions dans le cadre de sa pratique et lors d’ un spectacle dans un espace où les règles ont déjà été préétablies. «Le sport est un puissant révélateur de nos sociétés, de nos cultures et de la manière dont elles gèrent et conçoivent le débridement des émotions et la violence acceptable» (Bodin et Heas, 2002, p. 49). Il reflète bien la société actuelle, une société qui baigne dans le culte de la performance, de la concurrence et du rendement.
Considéré par beaucoup « comme un moyen d’ éducation, d’apprentissage, de valeurs et de normes transférables à la vie quotidienne ordinaire [ … ], il permet d’ appréhender et d’ intégrer des habitudes et comportements qui faciliteront la réussite sociale personnelle » (Bodin et Heas, 2002, p. 50). C’est cette valeur éducative qui permet au sport de s’ intégrer aux exigences d’ une société industrielle en pleine mutation (Bodin et Heas, 2002). Selon Bozouls, Magliulo et Peres (1981), le sport est un lieu d’échanges et d’ intérêt collectif dans lequel certains voient une forme de « culture ». C’est un moyen de socialisation. Il initie à l’ ordre exigé par la vie en société et comme activité collective, il contribue à façonner le sentiment d’appartenance à la communauté et donc, à renforcer la cohésion du groupe. Selon Bodin et Heas (2002, p. 13) : « Le sport n’ est cependant pas uniquement un théâtre d’ expression de la violence, il peut aussi être considéré et vécu comme une possibilité d’ insertion, de socialisation et d’acquisition d’ un comportement de citoyen ». Le sport reste la mise en scène d’ une tragédie lisible dans le visage du vaincu sur le podium ou à la fin d’ une finale quelconque. Il a ses côtés scénique et dramatique qui lui sont propres, apportant émotion et passion.
Le sport est vu comme compétitif et demeure avant tout un lieu de construction et de réaffirmation des identités masculines et viriles. Bien entendu, il est également un loisir, une activité de détente ou même dans certains cas, un défoulement, qui sert à détourner les individus des difficultés immédiates de la vie en société. Également le sport offre une compensation aux contraintes du travail. Ajoutons qu ‘on y retrouve maintenant un aspect de fête. Le sport moderne est quelque chose qui se donne à voir, qui se vend. Pour Bodin et Heas (2002,), il est devenu un spectacle ludique, le reflet culturel de nos sociétés compétitives. On peut donc comprendre l’apparition et le développement des médias et autour du sport. Cette médiatisation des sports accapare l’espace public au point que nul ne peut échapper à la connaissance du fait sportif. En tant que spectacle visible et intelligible pour tous, il est devenu « discutable avec tous, par tous et en tout lieu » (Bodin et Heas, 2002, p. 52). Ces auteurs mentionnent également que le sport est à la fois émanation et générateur de soi. Il permet un mélange complexe d’activités sportives, le spectacle, l’économie, l’éducatif, ainsi de suite.
Comme fait social, le sport est un moment en soi avec ses acteurs (athlètes, spectateurs, dirigeants), sa dynamique propre, ses institutions dans le cadre de leurs interactions (Bodin et Heas, 2002). Comme le mentionnent Bodin et Heas (2202, p. 53) : « [Le sport] est porté par une dynamique expansionniste où les intérêts des dirigeants, des pouvoirs publics, des sportifs professionnels et des sponsors sont intimement liés ». Il représente également un moment où le spectateur se projette dans le héros sportif qui réalise ce que lui-même ne pourra réaliser. Le sport est évasion car il nous permet de (se) fuir, d’éprouver de nouvelles limites et de se renouveler. Il est culture car l’ individu y retrouve des valeurs de société. Il nous renseigne sur les besoins, les désirs, les comportements des individus, l’appartenance sociale et sur les modifications structurelles de la société. « Au niveau politique et économique, le sport n’est pas seulement un défi relevé devant une foule rassemblée mais aussi un combat qui signe la finitude ou la promotion d’ un système économicopolitique » (Bodin et Heas, 2002, p. 53). Malheureusement, le sport n’a pas seulement de bons côtés. Le sport, c’est aussi et avant tout une organisation mondiale (Escriva et Vaugrand, 1996). Il est maintenant devenu intégralement un rouage du capitalisme d’État (Ibid.). Le sport a réussi à développer sa propre industrie. Le spectacle sportif est une marchandise qui est vendue d’après les principes capitalistes.
Le système est simple. Chaque spectacle sportif a sa valeur marchande. Celui-ci attire des masses considérables et cette mobilisation fait en sorte que l’on exploite cette même masse en canalisation de leurs énergies et en renforçant le culte de l’ agression. Selon Escriva et Vaugrand (1996, p. 222) : « L’ activité physique constitue cet espace-temps dans lequel l’agressivité peut se satisfaire sans conséquences ultérieures pour l’ individu puisqu’elle a son début et sa fin sur le terrain de sports ». Le sport est un marché économique qui emploie beaucoup de personnes et accueille les investissements des propriétaires. C’est une gigantesque entreprise de spectacle, de consommation et un moyen de promotion publicitaire, voire une industrie puissante. Nous n’ avons qu ‘ à prendre en exemple tous les fabricants de biens d’équipements et de vêtements de sport à consommer. Mais il faut considérer également, que c’ est maintenant un milieu où les propriétaires se fixent des objectifs financiers tandis que les « pratiquants » revendiquent des offres exorbitantes. Le sport a perdu son caractère ludique pour devenir principalement une entreprise commerciale, assujettie aux règles de la propagande et de la publicité.
Le sport: un phénomène humain Le besoin d’affirmation de soi par voie compétitive demeure la dominante de la culture occidentale. Cette estime de soi, c’est le désir d’être reconnu, de s’ affirmer soi-même, d’effectuer une projection de soi-même sur le monde extérieur (Thomas, 1993). « Dans la compétition, on cesse d’ exister dans le monde quotidien, on pénètre dans un univers transfiguré, imprégné d’ êtres surnaturels» (Thomas, 1993, p. 34). Le sport tend à se caractériser par la recherche du succès à tout prix et par tous les moyens. Selon Magnane (1964, p. 159) : La prouesse sportive considérée comme une fin en soi représente donc une perversion remarquablement caractérisée de l’instinct ludique. Elle encourage le jeune homme à exploiter sans relâche quelque don corporel précocement révélé, à l’ exclusion de tous les autres. C’est refuser l’ avenir et l’ aventure au nom du projet immédiat. Lorsque le sportif poursuit son activité physique dans un esprit de performances et de records, il participe inlassablement à la lutte compétitive avec les autres (Bouet, 1968). « Il est en son être, question de son être » (Bouet, 1968, p. 7).
Le sport est un fait social important de notre époque, voire un des traits majeurs du XX siècle. L’homme de notre civilisation se reflète en lui. C’ est un phénomène concret et complet. Bouet (1968, p. 12) le décrit comme : Un ensemble quelque peu instable de phénomènes de toutes sortes: aspects physiques, physiologiques, biomécaniques; de modalités psychiques diverses allant de la psychologie des mouvements à celle des motivations, en passant par celle des émotions, de phénomènes sociaux et psychosociaux multiples. Le sport intègre des comportements, des rites, des représentations, des normes, des valeurs qui sont d’ ordre économique, éthique, esthétique, pédagogique, politique; il a une histoire et il est dans l’histoire. Pour Bouet (1968, p. 18), « Le sport ouvre au corps humain une vie pour soi où il éprouve ses valeurs propres. [ … ] Le sport implique que le corps ne soit pas le simple support de l’action, mais qu ‘ il soit au coeur même de l’ action, sa substance et non seulement son soutien » (Bouet, 1968, p. 19).
L’ exercice du sport apporte donc une expérience et une connaissance de notre corps, tout en le façonnant et le contrôlant. Le corps humain exploite ses potentialités pour les actualiser par l’ attestation de la victoire, de la performance ou du record. Comme le précise Bouet (1968, p. 24), « L’ expérience corporelle sportive est dispensatrice de sensations de toutes sortes». On y retrouve des aspects de fatigue, de sentiments d’épuisement, mais aussi naissent des sensations agréables comme le critère du plaisir de l’ activité. Pour certains, « la jouissance dans l’ effort physique, [ . .. ] éprouver du plaisir à sentir son corps dans la tension douloureuse » (Escriva et Vaugrand, 1996, p. 222). Pour Bouet (1968), en faisant du sport, nous nous appliquons à vaincre des obstacles et ce n’ est pas par hasard que nous rencontrons un obstacle sur notre chemin. Le sport place un obstacle pour que nous puissions le surmonter et en placer un autre pour aller plus loin. Nous semblons avoir besoin de cet affrontement pour pouvoir nous réaliser. Sans cela, nous ne serions quoi faire de nos muscles. « L’ expérience sportive est essentiellement consacrée à l’ accomplissement d’épreuves. Le sport signifie donc un moyen de mise en demeure de montrer ce dont on est capable » (Bouet, 1968, p. 36).
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Table des matières
REMERCiEMENTS
RÉSlJMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAlJX
1.INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LA PLACE DlJ SPORT
1.INTRODlJCTION
1.1 LE SPORT: UN PHÉ OMÈNE DE SOCIÉTÉ
1.2 LE SPORT: UN PHÉNOMÈNE HUMAIN
1.3 LE SPORT EN MUTATION
1.4 LE SPORT EN TA T QUE MOYEN D’ÉDUCATION
1.5 LE SPORT COMME MOYEN DE PRÉPARATION À LA VIE
1.6 LE SPORT: SES BIENFAITS
1.7 LE BIENFAIT DU SPORT DANS LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE
CHAPITRE 2 L’ACTIVITÉ PHYSIQlJE ET LES JElJNES
2. INTRODlJCTION
2. 1 L ‘ACTIVITÉ PHYSIQUE ET LES JEUNES : UN BILAN DÉSASTREUX
2./. / Les ait
2.1.2 DIMINUTION DES TAUX DE PRATIQUE
2.1. 3 Modification des types et des niveaux de pratique
2./.4 Le décrochage scolaire
2.2 L ES MOTIFS DE PARTICIPATION ET DE DÉSENGAGEMENT
2.2. / Les motffs de participation.
2.2.2 Les motifs de désengagement ou d ‘abandon
2.2.3 Analyse du contexte de pratique
2.2.4 Un regard sur ma pratique
2.2.5 No Ire rôle d’éducateur
2.2.6 Question el obj ectifs de recherche
CHAPITRE3 CADRE THÉORIQlJE
3. 1 LA RUPTURE
3.2 L E DEUIL
3.3 LA RETRA ITE DES SPORTIFS DE HAUT NIVEAU
3.3. / Concept et théories
3.3.2 Mot ifs d ‘engagement
3.3.3 Motffs de désengagement ou d ‘abandon
3.3.4 La transition et reconversion
3.3.4. 1 La fin
3.3.4.2. L ‘avenir
3.4 L ‘ACCOMPAGNEMENT
3.5 CONCLUSION
CHAPITRE 4 LA RECHERCHE
4. \ LE CHOIX MÉTHODOLOGIQUE
4. 1. / Le type de recherche
4. / .2 L ‘entretien compréhensif de Kaufmann
4.2 L ‘ORIENTATION MÉTHODOLOGIQUE
4.2. / L ·éthique
4.2.2 Démarche de recrutement et de sélection des sujets-collaborateurs
4.2.3 Grille de questions
4.2.4 Considérations d ‘ordre matériel
4.2.5 La démarche d ‘analyse de contenu
4.2.5. 1 La grille d’analyse
4.2.5.2 Élabo ration de la méthode d ‘ anal yse/i nterprétation des entretiens
CHAPITRE 5 ANALYSE-INTERPRÉTATION DES ENTRETIENS
5. \ L ‘ENTRETIEN D’ A NNE-MARIE
5. / . / La rupture
5.2./ Le sens
5.3./ Les conséquences
5./.4 Les mentors
5./.5 Les moyens ou outils pour passer à travers la rupture
5.2 L ‘ ENTRETIEN DE CORINNE
5.2. / La rupture
5.2.2 Lesens
5.2.3 Les conséquences
5.2.4 Les mentors
5.2.5 Les moyens ou outils
5.3 L ‘ENTRETIEN DE M AXIME
5.3. / La rupture
5.3.2 Le sens
5.3.3 Les conséquences
5.3.4 Les mentors
5.3.5 Les moyens ou outils
5.4 L ‘ENTRETIEN D’ÉLISABETH
5.4./ La rupture
5.4.2 Le sens
5.4.3 Les conséquences
5.4.4 Les mentors
5.4.5 Les moyens ou outils
5.5 L ‘ENTRETIEN D’ÉMILl E
5.5. / La rupture
5.5.2 Lesens
5.5.3 Les conséquences
5.5.4 Les mentors
5.5.5 Les moyens ou outils
5.6 L’ENTRETIEN DE LI SE
5.6./ La rupture
5.6.2 Lesens
5.6.3 Les conséquences
5.6.4 Les men/ors
5.6.5 Les moyens ou ou/ils
5.7 L’ ENTRETIEN DE CyNTHIA
5. 7. / La rupture
5.7.2 Lesens
5. 7.3 Les conséquences
5. 7.4 Les mentors
5.7. 5 Les moyens ou outils
5. 8 L ‘ENTRETIEN DE SANDRA
5.8./ La rupture
5.8.2 Le sens
5.8. 3 Les conséquences
5.8.4 Les mentors
5.8. 5 Les moyens ou ou/ils
5.9 A NALYSE SYNTHÈSE ET COMPARATIVE..
CHAPITRE 6 INTERVENTION AUPRÈS DES ATHLÈTES
6. 1 L A SITUATION ACTUELLE DA S LE MONDE
6.2 IDENTIFICATION DES ATHLÈTES À RISQUE
6.3 PRINCIPAUX MODÈLES D’ INTERVENTION
6.4 PROCESSUS D’ACCOMPAGNEMENT
6.5 M ON MODÈLE PERSONNEL DE PRÉVENTION ET D’ INTERVENTION
CHAPITRE 7 LES RETOM BÉES
7. 1 BILA PERSO EL
7. / . / Ma mission ou un rêve
7.1.2 La maîtrise comme ou/il de transforma/ion personnelle
7.2 PISTES DE SOLUTION
7.2. / Changement de perspective ou de vision
7.2.2 L ‘écriture
7.2. 3 Laforma/ion
7. 2. 4 Le présent
CONCLUSiON
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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