La caractérisation fine du comportement mécanique des métaux au delà de leur limite d’élasticité constitue une étape préliminaire indispensable à la simulation du comportement de structures en service ou de procédés de mise en forme, notamment parce que les matériaux sont de plus en plus optimisés du point de vue des performances comme lors de l’utilisation de composites à matrices métalliques. Les essais de caractérisation classiquement utilisés posent des problèmes d’identifiabilité. D’une part, la multiplication des essais est source de dispersion (voir par exemple Harth et al. 2004). Elle présente des contraintes liées à l’approvisionnement de matière et à la durée des essais. D’autre part, ces essais ne sont pas adaptés aux matériaux structuraux, comme ceux possèdant plusieurs couches (les matériaux de rechargement de matrices de forgeage déposés par fusion-soudage par exemple). Dans ce cas, l’impossibilité de concevoir un essai à champs de contrainte homogènes nécessite de pouvoir mesurer les champs de localisation de la plasticité. En revanche, l’exploitation d’essais à champs hétérogènes permet d’identifier plusieurs paramètres à partir d’un seul essai, ce qui présente un avantage pour caractériser le comportement de matériaux hétérogènes ou anisotropes. Dans ce contexte, l’utilisation d’essais mécaniques statiquement indéterminés (qui n’offrent pas de solution analytique simple) s’avère intéressante car elle permet de concevoir des essais représentatifs du comportement étudié. La détermination de paramètres pilotant une loi de comportement à partir d’une réponse mécanique mesurée au cours d’un essai statiquement indéterminé constitue un problème inverse. Pour traiter ce problème, il est nécessaire de mettre en oeuvre des techniques de mesure et de résolution adaptées. Les mesures de champ cinématique constituent une information très riche (des milliers voir des millions de points de mesure) et permettent la caractérisation des mécanismes mis en oeuvre lors d’un essai complexe. Une approche pour résoudre le problème inverse et tirer parti des mesures de champ fait appel à la méthode de champs virtuels (MCV, Grédiac 1989).
Identification de lois élastoplastiques de métaux à partir d’essais statiquement indéterminés
Les simulations par éléments finis du comportement de structures métalliques soumises à des sollicitations diverses nécessitent la connaissance du comportement élastoplastique de ces matériaux. Les applications de ces simulations concernent notamment l’étude de tenue en service de structures métalliques ou des procédés de formage de métaux. De nombreux travaux ont été menés afin de proposer des méthodes efficaces pour caractériser le comportement élastoplastique des métaux. Les méthodes classiques basées sur la réalisation d’essais statiquement déterminés présentent certaines limites. La caractérisation de comportements élastoplastiques hétérogènes, anisotropes, ou en grandes déformations est difficilement réalisable avec ce type d’essais. Quelques auteurs (Gelin, Ghouati, et Shahani (1994); Gavrus, Massoni, et Chenot (1996); Mahnken et Stein (1997); Ghouati et Gelin (1998); Yoshida, Urabe, et Toropov (1998); Tillier (1998); Niclas et Bourgeois (2000); Ghouati et Gelin (2001); Yoshida, Uemori, et Fujiwara (2001); Szeliga, Matuszyk, Kuziak, et Pietrzyk (2002); Yoshida, Urabeb, Hinoa, et Toropov (2003); Diot, Gavrus, Guines, et Ragneau (2003)) ont d’abord proposé d’étendre le domaine de validité des essais standards. Leur approche est basée sur le recalage d’une réponse mesurée et d’une réponse issue d’une simulation par éléments finis. Cette approche permet de prendre en compte certains effets de structure ou du matériau qui remettent en cause les hypothèses avancées pour interpréter analytiquement ces essais. En poussant encore plus loin cette idée, plusieurs auteurs (Mahnken et Stein (1996b, 1997); Mahnken (1999, 2000); Aoki et al. (1997); Meuwissen et al. (1998); Meuwissen (1998); Kajberg et al. (2004)) ont proposé de l’appliquer à des essais statiquement indéterminés plus originaux. Cette approche permet de mettre en oeuvre des essais plus fortement hétérogènes dont la réponse mécanique est plus riche que celle des essais classiques. Une infinité de configurations est alors envisageable. Selon les cas, le type de réponse mesurée diffère. Les premiers travaux concernaient essentiellement des mesures globales, comme l’effort appliqué ou le déplacement d’ensemble de l’éprouvette ainsi que quelques mesures locales (souvent par jauges de déformation).
La technique employée consiste à minimiser l’écart entre une grandeur issue d’un calcul par éléments finis et cette même grandeur mesurée. Comme le calcul direct est coûteux en temps de calculs, de nombreux travaux concernent l’amélioration de la procédure de minimisation (voir Hisada (1995); Okada et al. (1999) par exemple). Des alternatives aux procédures de recalage par éléments finis pour traiter les essais statiquement indéterminés existent, principalement dans le cas de l’élasticité linéaire (Geymonat et Pagano (2002); Grediac et Pierron (2002); Bonnet et al. (2003); Bonnet et Constantinescu (2005)), mais assez peu ont été appliquées au cas de lois non linéaires (Claire et al. (2002); Chalal et al. (2004b)). La méthode des champs virtuels (MCV) a récemment été étendue pour pouvoir traiter l’élastoplasticité par Grédiac et Pierron (2006). Cette méthode tire avantageusement partie des mesure de champs cinématiques mais nécessite encore des développements avant de pouvoir identifier de manière robuste les paramètres de lois non linéaires.
Essais statiquement déterminés
L’identification de paramètres pilotant des lois de comportement élastoplastique repose sur la réalisation d’essais mécaniques adaptés aux lois étudiées. Les grandeurs mesurées sont généralement la force et le déplacement qui ne sont pas les grandeurs directement utilisées dans les lois de comportement. Il est donc nécessaire de les convertir en contraintes et déformations. Habituellement, cette conversion repose sur l’hypothèse que la répartition spatiale du champ de contrainte dans une partie des éprouvettes testées est connue a priori. De tels essais sont dits statiquement déterminés et il existe parfois une solution analytique permettant de relier les efforts appliqués à l’état de contrainte dans une zone de l’éprouvette. L’exemple le plus simple et le plus utilisé est l’essai de traction uniaxiale sur éprouvettes axisymétriques ou prismatiques dans lequel les états de contrainte et de déformation sont supposés homogènes. La contrainte uniaxiale dans l’éprouvette est estimée à partir de l’effort appliqué divisé par la section de l’éprouvette et la déformation moyenne est mesurée à l’aide d’une extensomètrie locale. Cet essai est régi par des normes (françaises AFNOR NF EN 10002-1 à 10002-5, américaines ASTM E8M-96, ou internationales ISO 6892) qui définissent précisément la conduite de ces essais afin d’écarter les nombreuses sources possibles d’erreurs. L’alignement des axes d’amarrage de l’éprouvette doit ainsi être contrôlé pour assurer une sollicitation de traction pure. Les dimensions et les tolérances géométriques des éprouvettes sont définies de manière à obtenir un état de contrainte uniaxial dans la partie utile de l’éprouvette, etc… Toutes ces précautions ont pour but de garantir un résultat conforme aux hypothèses qui sont faites pour interpréter les courbes force-déplacement. Mais l’hypothèse d’homogénéité n’est plus valable lorsque la plasticité localise et que le phénomène de striction se manifeste. Différentes méthodes ont été développées (voir par exemple Bridgman 1952; Zhang et al. 1999, 2001) pour prendre en compte et corriger le phénomène de striction et ainsi étendre le domaine de validité de l’essai normalisé. D’autres essais homogènes sont utilisés pour caractériser les métaux. L’essai de compression sur lopins cylindriques permet de caractériser le comportement plastique en compression qui peut être différent du comportement en traction pour certains matériaux comme les mousses métalliques (voir Dillard 2004), les fontes ou les polymères (Tillier 1998). Théoriquement, l’essai est simple à réaliser puisqu’il suffit de placer l’éprouvette cylindrique entre les deux plateaux d’une presse. En pratique, il présente un certain nombre de difficultés. Les plans d’appuis doivent notamment être parallèles et garantir l’unixialité des efforts. Ensuite, il est difficile de s’affranchir de l’hétérogénéité des déformations due aux frottements des surfaces en contact, provoquant ainsi la forme en tonneau caractéristique des essais de compression. Des moyens existent pour limiter les frottements, notamment en lubrifiant le contact ou en adaptant la forme des éprouvettes.
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Table des matières
Introduction générale
1 Identification de lois élastoplastiques de métaux à partir d’essais statiquement indéterminés
1.1 Introduction
1.2 Essais statiquement déterminés
1.3 Essais statiquement indéterminés
1.4 Approches par mesures de champs
1.5 Évaluation des mesures de champs
1.6 Conclusion
2 Cadre de travail : le comportement mécanique des matériaux métalliques au-delà de leur limite d’élasticité
2.1 Introduction
2.2 Modélisation
2.2.1 Relations de comportement
2.2.1.1 Loi de Hooke : élasticité linéaire isotrope
2.2.1.2 Élastoplasticité isotrope
2.2.1.3 Modèle de Voce
2.3 Identification des paramètres du modèle
2.3.1 Essai de traction normalisé
2.3.2 Résultats
3 Identification de lois élastoplastiques par la méthode des champs virtuels
3.1 Introduction
3.2 Identification des paramètres élastiques
3.3 Identification des paramètres plastiques
3.3.1 Cas uniaxial
3.3.1.1 Calcul des contraintes uniaxiales
3.3.1.2 Procédure d’identification
3.3.2 Cas multiaxial
3.3.2.1 Calcul des contraintes 2D
3.3.2.2 Procédure d’identification
4 Mesure des champs de déformation plane
4.1 Introduction
4.1.1 Classement des méthodes
4.1.2 Choix d’une technique
4.2 Principe de la méthode de grille
4.2.1 Obtention des grilles
4.2.2 Aspects géométriques
4.2.3 Démodulation de la phase
4.2.4 Sélection de pixels valides
4.2.5 Région d’intérêt et problèmes de bords
4.3 Calcul des déformations
4.3.1 Lissage et dérivation
4.3.2 Déplacements hors-plan
5 Application à un essai uniaxial hétérogène
6 Application à un essai multiaxial hétérogène
7 Conclusion générale
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