Iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé

Latrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé

Caractéristiques de l’état de santé des sujets âgés

Au cours de l’avancée en âge, les sujets vieillissent et s’exposent de plus en plus au risque de survenue de pathologies. Cette population vulnérable est soumise à différentes pathologies liées en grande partie au vieillissement (Alzheimer, Parkinson) ou non (chutes, infections, dépression) mais dont la fragilité du sujet âgé entraine la gravité (6). Le nombre et la gravité des pathologies augmentent avec l’âge. La population âgée atteint en moyenne 5 à 6 pathologies, évoluant vers une situation de dépendance, une consommation de soins plus importante et une poly médication. Les maladies cardiovasculaires et les cancers prédominent dans la population gériatrique (7). L’état de santé des sujets âgés, en France, est globalement bon, comparé aux pays du même niveau de vie. L’espérance de vie à la naissance continue de progresser (84,8 ans pour les femmes et 78,1 pour les hommes en 2010). Malgré une espérance de vie plus longue pour les femmes, elles sont sujettes à davantage d’incapacités par rapport aux hommes qui déclarent moins de maladies (7). Toutefois, d’après l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques), l’espérance de vie « en bonne santé » ou espérance de vie sans incapacité décroît progressivement depuis quelques années. Elle se définit par le nombre d’années en bonne santé qu’une personne peut s’attendre à vivre. C’est-à-dire sans limitation d’activité dans la vie quotidienne ou sans incapacité majeure. Cette tendance récente peut s’expliquer par une plus grande survie des sujets âgés malades ou souffrant d’un handicap (8).

Consommation de soins

Les personnes âgées de plus de 75 ans constituent une population exposée à un nombre plus important de problèmes de santé. Ainsi, les dernières années de vie sont souvent synonymes d’une consommation importante de soins. D’après l’Institut de Recherche en Santé Publique (IRESP), un sujet âgé de plus de 75 ans consomme en moyenne 4 fois plus qu’une personne de 30 ans en termes de soins et de biens médicaux (produits pharmaceutiques, accessoires et pansements, appareils) (10). La survenue de pathologies chroniques et l’apparition de troubles fonctionnels nécessitant le recours à des aides techniques (aménagements) ou humaines (intervention d’aidants) entrainent un coût élevé. Le financement est réparti entre l’Assurance Maladie (remboursement des soins), les départements (aides financières comme l’Aide Personnalisée d’Autonomie) ou encore les familles. Ce financement est estimé pour l’année 2010 à plus de 34 milliards d’euros, dont 14.4 Md€ pour les soins (42 %) (10).

Consommation de médicaments

D’après la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale (CCSS), la dépense liée à la consommation de médicaments dans la population générale s’élève à 22,6 milliards d’euros, en 2011. Près de 44 % de la dépense remboursée de médicaments en ville est consacrée aux personnes âgées de plus de 65 ans, ce qui représente une grande partie des dépenses (11). Deux classes thérapeutiques pèsent lourdement sur la dépense totale (Figure 1). Elle représente chacune 7,1 % des dépenses globales en médicaments dans la population générale. Sont concernés les régulateurs du métabolisme lipidique avec notamment les statines et les régulateurs du système rénine-angiotensine comprenant la plupart des antihypertenseurs. La part de dépenses consacrées aux sujets âgés de plus de 65 ans, est respectivement de 57,2 % et de 61,4 % (11). Les produits ophtalmologiques et les anti thrombotiques représentent 77 % et 61 % des dépenses globales chez les plus de 65 ans. Cela s’explique par leurs prescriptions fréquemment rencontrées chez cette population gériatrique (11).

Depuis quelques décennies, le taux de consommateurs de médicaments ne cesse de croître, passant de 51 % en 1970, à 65 % en 1991. D’après le Centre de Recherche, d’Etudes et de Documentation en Economie de la Santé (CREDES), la consommation médicamenteuse notamment dans la population gériatrique augmente considérablement (figure 2). Entre 1970 et 1980, la consommation en nombre de conditionnements a fortement progressé de 54 % entre 60 et 69 ans, 80 % de 70 à 79 ans, et de 109 % chez les plus de 80 ans. Cette croissance concerne en particulier les médicaments à visée cardio-vasculaire, les antalgiques, les antibiotiques ainsi que les hypnotiques et psychotropes (12).

Selon les données issues de l’Enquête Santé, Soins et Protection Sociale (ESPS 2002) de l’Institut de Recherche en Economie de la Santé (IRDES), en moyenne, la consommation journalière de médicaments différents s’élève à 3,9 chez le sujet âgé de plus de 65 ans. Plus précisément, elle est de 3 médicaments différents par jour pour les 60-69 ans, 3,9 médicaments pour les 70-79 ans et 4,4 pour les personnes de plus de 80 ans (13). La consommation de médicaments dans la population générale, tous âges confondus, est plus élevée chez les femmes. En moyenne, elles consomme 1,8 médicaments par jour contre 1,2 pour les hommes (13). L’augmentation de la consommation médicamenteuse avec l’âge est souvent la conséquence d’une augmentation du nombre de pathologies liées au vieillissement. D’après la figure 3, le nombre moyen de boîtes de médicaments acquises en un mois augmente avec le nombre de maladies déclarées, peu importe l’âge. Cela démontre un lien étroit entre état de santé et consommation de médicaments (14).

D’après les données issues de l’Enquête Santé, Soins et Protection Sociale (ESPS 2002), le taux de consommateurs de médicaments prescrits ou non sur une journée chez les sujets âgés de plus de 65 ans est en moyenne de 85,6 %. Cette consommation augmente avec l’âge puisque le taux s’élève à 86,4 % chez les sujets de 70 à 79 ans et atteint 89,4 % chez les plus de 80 ans (13). Le taux de consommateurs, en ce qui concerne les médicaments prescrits, augmente progressivement avec l’âge. Il est de 74,9 % pour les sujets de 60 à 69 ans, de 82,4 % pour les sujets de 70 à 79 ans, et atteint 87 % pour les sujets de plus de 80 ans (13). A l’inverse, la prise de médicaments sans ordonnance a tendance à décroître en fonction de l’âge puisque le taux de patients ayant recours à l’automédication est en moyenne de 3,4 % chez les sujets âgés de plus de 65 ans contre 7,8 % chez les sujets de 16 à 39 ans. Il passe de 4,4 % chez les sujets de 60-69 ans, à 1,4 % chez les plus de 80 ans (13). Les raisons de la baisse de la pratique d’automédication dans la population très âgée ne sont pas bien connues : il peut s’agir, entre autres, des troubles cognitifs ou des troubles de la mobilité empêchant le déplacement dans les pharmacies et la demande de médicaments non prescrits.

La modification de l’élimination

Les changements pharmacocinétiques les plus importants concernent l’élimination rénale en raison des modifications anatomiques et fonctionnelles des reins. On observe notamment une diminution de la clairance plasmatique des médicaments à élimination rénale entrainant un allongement du temps de demi-vie. Ces effets s’expliquent par la diminution du flux sanguin rénal, de la filtration glomérulaire, de la sécrétion tubulaire ou encore de la réabsorption tubulaire Ces modifications justifient l’adaptation posologique des médicaments à élimination rénale dont le métabolite actif est éliminé par le rein. Il est en particulier nécessaire de diminuer le dosage ou le nombre d’administrations pour les médicaments éliminés par le rein, et notamment ceux à marge thérapeutique étroite comme la digoxine. Chez le sujet âgé, l’évaluation de fonction rénale est indispensable. Elle doit être appréciée par la clairance à la créatinine, définie à partir de l’équation de Cockcroft et Gault :

Mais le taux de créatinine n’est pas un bon marqueur chez le sujet âgé, en raison d’une réduction de la production de créatinine liée à la perte de la masse musculaire. En 1999, un groupe de travail a développé une autre formule MDRD (Modification of Diet in Renal Diseases Study Group) incluant notamment les concentrations sériques d’urée et d’albumine dans sa version non simplifiée. Cette formule permet d’estimer le débit de filtration glomérulaire (DFG). Elle est plus complexe à utiliser mais semble donner des estimations plus précises chez le sujet âgé. Voici sa version abrégée :

En pratique, aucune recommandation n’a été proposée quant au choix d’une méthode de référence dans la population gériatrique. En 2011, un article paru dans la revue de la médecine interne porte sur une étude qui évalue la fonction rénale chez les sujets de plus de 80 ans. Elle conclue qu’aucune des 2 formules n’est idéale, et que la moins mauvaise alternative semble être l’utilisation de la formule de Cockcroft et Gault (25)…..

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Table des matières

Introduction
PARTIE I : Caratéristiques du sujet âgé
1) Quelques chiffres
1.1) Une population qui ne cesse de croître
1.2) Espérance de vie à la naissance
1.3) Caractéristiques de l’état de santé des sujets âgés
1.4) Causes de mortalité
1.5) Dépenses de santé
1.5.1) Consommation de soins
1.5.2) Consommation de médicaments
2) Vieillissement et sujet âgé
2.1) Mécanismes à l’origine du vieillissement
2.1.1) Facteurs génétiques
2.1.2) Radicaux libres et stress biologique
2.1.3) Réaction de Maillard
2.2) Modifications physiopathologiques
2.2.1) Composition de l’organisme
2.2.2) Fonction digestive
2.2.3) Fonction rénale
2.2.4) Fonction urinaire
2.2.5) Fonction hépatique et pancréatique
2.2.6) Appareil respiratoire
2.2.7) Appareil locomoteur
2.2.8) Système cardiovasculaire
2.2.9) Système nerveux 28
2.2.11) Peau et phanères
2.2.12) Organes sexuels
2.2.13) Système immunitaire
2.3) Modifications pharmacologiques liées à l’âge
2.3.1) Pharmacocinétique
2.3.1.1) Absorption
2.3.1.2) Distribution
2.3.1.3) Métabolisation
2.3.1.4) Elimination
2.3.2) Pharmacodynamie
2.4) Vers un vieillissement réussi
2.4.1) La fragilité du sujet âgé
2.4.1.1) Définition du concept de la fragilité
2.4.1.2) Prévalence
2.4.1.3) Signes cliniques
2.4.1.4) Conséquences
2.4.1.5) Prévention
2.4.2) Le concept de vieillissement réussi
2.4.3) Stratégie de vieillissement réussi
3) Iatrogénèse médicamenteuse chez le sujet âgé
3.1) Effets indésirables médicamenteux
3.1.1) Définition d’un effet indésirable médicamenteux
3.1.2) Classification des effets indésirables médicamenteux
3.1.3) Détection des effets indésirables médicamenteux
3.1.4) Prévalence des effets indésirables médicamenteux
3.1.5) Facteurs favorisants la iatrogénèse
3.1.5.1) Liés aux patients
3.1.5.2) Liés aux traitements
3.1.6) Classes médicamenteuses responsables d’effets indésirables
3.1.7) Problématique de l’exclusion des sujets âgés aux essais cliniques
3.2) Conséquences de la iatrogénèse médicamenteuse
3.2.1) Impacts cliniques
3.2.2) Pertes humaines
3.2.3) Impacts économiques
3.3) Le système national de pharmacovigilance
3.3.1) Définition de la pharmacovigilance
3.3.2) Organisation générale de la pharmacovigilance
3.3.3) La pharmacovigilance en pratique
3.4) Prévention des effets indésirables médicamenteux
3.4.1) Règles de prescription et dispensation
3.4.2) Mise en place d’outils par les autorités compétentes
3.4.3) Autres facteurs
PARTIE II : La qualité de la prise en charge médicamenteuse du sujet âgé
1) Le système de management de la qualité (SMQ) à l’officine
1.1) Quelques généralités sur la qualité
1.1.1) Histoire de la qualité
1.1.2) Quelques définitions
1.1.3) Pharmacie et qualité
1.1.4) Objectifs de la qualité en officine
1.2) Le système qualité
1.2.1) La boucle de la qualité
1.2.1.1) Le principe de l’amélioration continue
1.2.1.2) Evaluation de la qualité
1.2.2) Les outils de la qualité
1.2.2.1) Le Brainstorming
1.2.2.2) Le diagramme d’Ishiwaka
1.2.2.3) La méthode QQOQCCP
1.2.3) Organisation du système documentaire
1.2.4.2) Certification
1.3) Application de la qualité en officine
1.3.1) Pourquoi la qualité en officine ?
1.3.1.1) Sécurité de l’acte pharmaceutique
1.3.1.2) Satisafaction du patient-client
1.3.1.3) Relation au sein de l’équipe officinale
1.3.1.4) Interêts économiques
1.3.1.5) Favorise la coordination des soins
1.3.1.6) Avenir de l’officine
1.3.2) La mise en place de la qualité à l’officine
1.3.2.1) Les acteurs de la qualité
1.4) Qualité et sujet âgé
2) La prescription médicamenteuse du sujet âgé
2.1) Quelques rappels sur la prescription de médicaments chez le sujet âgé
2.1.1) Avant de prescrire
2.1.1.1) Interrogatoire
2.1.1.2) L’examen clinique et biologique
2.1.2) Lors de la prescription
2.1.2.1) S’adapter au patient
2.2) Erreurs de prescription
2.2.1) Prévalence et types d’erreurs de prescription
2.2.2) Causes responsables d’erreurs lors de la prescription
2.2.2.1) Facteurs de risques
2.2.2.2) Modalités de prescription non-optimale du sujet âgé
2.2.2.3) Médicaments potentiellement inappropriés : La liste Laroche
2.2.3) Conséquences des erreurs de prescription
2.3) Comment améliorer la qualité de prescription ?
2.3.1) Prescrire avec pertinence
2.3.2) Etapes clés pour une prescription de qualité
2.3.3) Outils d’aide à la prescription
2.3.3.1) Recommandations HAS et ANSM
2.3.3.2) Banques de données
3) La dispensation des médicaments chez le sujet âgé 6
PARTIE III : Vers une optimisation de la dispensation
1) La dispensation : Un acte pharmaceutique
1.1) Définition de la notion de dispensation pharmaceutique
1.2) Les étapes de dispensation
1.2.1) Accueil du patient à l’officine
1.2.2) Analyse pharmaceutique de la prescription
1.2.2.1) L’analyse reglementaire
1.2.2.2) L’analyse pharmaco-thérapeutique
1.2.3) Délivrance des médicaments
1.2.4) Informations et conseils
1.2.5) Suivi pharmaceutique du patient
1.3) Les difficultées rencontrées lors l’acte de dispensation
1.3.1) Le sujet âgé : un patient complexe
1.3.1.1) Le sujet âgé polypathologique
1.3.1.2) Souffrance morale du sujet âgé
1.3.1.3) Savoir repérer des signes de difficultés
1.3.1.4) Coordination entre les différents acteurs de santé
1.3.1.5) Une population gériatrique hétérogène
1.4) Aspect juridique de la dispensation des médicaments
1.4.1) Droits et devoirs du pharmacien en matière de dispensation
1.4.1.1) Conditions d’exercice de la profession du pharmacien
1.4.1.2) Obligations personnelles
1.4.1.3) La dispensation de médicaments
1.4.2) Les responsabilités juridiques du pharmacien
2) La qualité appliquée à la dispensation
2.1) Les erreurs de dispensation
2.1.1) Nature des erreurs
2.1.2) Types d’erreurs
2.1.3) Causes de survenue des erreurs
2.1.4) Conséquences des erreurs
2.2) Démarche qualité et dispensation
2.2.1) Evaluation des pratiques de dispensation
2.2.1.1) Le guide d’assurance qualité officinale
2.2.1.2) Le site eQo
2.2.2) L’analyse du processus de dispensation
2.2.2.1) Définition du processus de dispensation
2.2.2.2) Mettre en place le processus de dispensation
2.2.2.3) Améliorer le processus de dispensation
2.3) Frains à la qualité de dispensation
2.3.1) Difficultés économiques
2.3.1.1) Mode de rémunération du pharmacien
2.3.1.2) Changement répété de marques de génériques
2.3.2) Difficultés environnementales et temporelles
2.3.2.1) Absence de confidentialité
2.3.2.2) Acte chronophage
2.3.3) Difficultés matérielles
2.3.4) Difficultés relationnelles
2.3.4.1) Au niveau du prescripteur
2.3.4.2) Au niveau du patient
3) Comment optimiser la dispensation des médicaments
3.1) Optimiser la prise en charge médicamenteuse du patient
3.1.1) Prévenir la survenue d’erreurs et le risque iatrogène
3.1.1.1) Mettre à jour les connaissances pharmaceutiques
3.1.1.2) Sécuriser l’acte de dispensation
3.2) S’avoir s’adapter au sujet âgé
3.2.1) Améliorer la relation entre le patient âgé et le pharmacien
3.2.1.1) Identifier et comprendre les besoins du sujet âgé
3.2.1.2) Construire une relation de confiance
3.3) Outils d’aide à la dispensation
3.3.1) Le dossier pharmaceutique
3.3.1.1) Définition et présentation du dossier pharmaceutique
3.3.1.2) Principaux objectifs
3.3.1.3) Quelques chiffres
3.3.1.4) Les limites du dossier pharmaceutique
3.3.1.5) Le DP : Un outil indispensable auprès de la population âgée
3.3.1.6) Le DP de demain ?
3.3.2) L’opinion pharmaceutique
3.3.3) Documentations et outils pratiques à l’officine
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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