Hypersensibilité immédiate

Les produits de contraste iodés (PCI) sont parmi les préparations intraveineuses les plus communément utilisées. En effet, environ 75 millions de procédures médicales diagnostiques et thérapeutiques impliquent l’administration de ces substances dans le monde chaque année. Les réactions d’hypersensibilité immédiate (HSI) et retardée (HSR) aux PCI de dernière génération surviennent dans 1 à 3% des cas et sont un problème notable.

L’orientation rapide des patients et l’exploration allergologique sont primordiales pour leur bonne prise en charge. Des recommandations récentes pour la pratique des tests allergologiques aux PCI ont été émises en 2021 par l’EEACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology)[2]. Cependant tous les points ne font pas encore l’objet d’un consensus, comme la place du test de provocation et de la prémédication. Dans ce contexte, à la lumière des avancées récentes décrites dans la littérature, nous avons souhaité étudier les modalités de l’exploration allergologique et son impact, dans une cohorte de patients pris en charge au sein du centre universitaire des maladies allergiques du CHU de Caen pour une suspicion de réaction d’hypersensibilité aux PCI.

Hypersensibilité : définition

L’hypersensibilité (HS) est un terme très général regroupant l’ensemble des réactions objectives reproductibles, déclenchées par l’exposition à un stimulus défini ne provoquant pas de réaction chez les sujets normaux , On distingue :
➤ L’HS allergique (mécanisme immunologique prouvé).
➤ L’HS non allergique : réaction d’intolérance, pseudo-allergie ou réaction anaphylactoïde ne dépendant pas d’un mécanisme immunologique précis.

Les réactions d’HS sont classées selon le délai de survenue des symptômes après contact avec l’allergène, en hypersensibilités immédiates (HSI) (< 6 heures) ou hypersensibilités retardées (HSR) (> 6 heures).

Hypersensibilité immédiate 

La réaction d’hypersensibilité immédiate (HSI) peut être liée à un mécanisme immunologique (« IgE médiée »), ou à un mécanisme non immunologique (« non IgE médiée »). Des HS, ont été rapportées avec la grande majorité des classes médicamenteuses. Ces réactions peuvent survenir dans les minutes à quelques heures suivant l’exposition, ne sont pas directement liées à la dose ou à l’action pharmacologique du médicament, et présentent un risque de mortalité relativement élevé.

Hypersensibilité immédiate IgE médiée 

L’HS allergique IgE médiée (ou de type 1 selon la classification de Gell et Coombs), survient le plus souvent sur un terrain prédisposant d’atopie. Celle-ci regroupe les formes d’allergie les plus courantes telles que la rhinite allergique, l’asthme allergique, l’allergie alimentaire ou encore l’anaphylaxie. Cependant, il existe des formes non liées au terrain comme les allergies aux médicaments ou aux venins d’hyménoptères. [6] Le mécanisme de l’HS immédiate IgE médiée comporte deux phases :

La 1e dite de sensibilisation (cliniquement muette), comprend la pénétration de l’allergène (par inhalation, ingestion, voie oculaire, cutanée, ou intraveineuse) dans l’organisme et sa présentation aux lymphocytes Th2 par les cellules dendritiques présentatrices d’antigènes. Par la suite, il se produit une interaction entre les lymphocytes Th2 et les lymphocytes B, ces derniers subissent une commutation isotypique permettant de se différencier en plasmocytes sécrétant des IgE spécifiques de l’allergène initial.

La réaction antigène-anticorps est fondamentale à la physiopathologie de l’HS IgE médiée. Les IgE ont une concentration sérique très faible, de 50 à 100 µg/l environ, avec une demi-vie courte de l’ordre de 2 à 3 jours. Ces IgE sont cytophiles, en minorité sous forme libre dans le sang. En effet, elles se fixent rapidement à la surface des cellules par l’intermédiaire du récepteur à haute affinité FcƐRI présent sur les mastocytes (tissulaires) et les polynucléaires basophiles (circulants).

La seconde phase de déclenchement (cliniquement bruyante), se produit lors d’une nouvelle rencontre avec l’allergène. Généralement, les symptômes surviennent rapidement, en moins d’une heure en fonction de la porte d’entrée de l’allergène. Si le contact se fait par voie intraveineuse (comme lors de l’injection de PCI), les symptômes peuvent survenir en quelques minutes voire en quelques secondes. D’un point de vue physiopathologique, lorsque l’allergène pénètre à nouveau dans l’organisme, il rencontre non seulement des cellules dendritiques mais également des mastocytes et/ou des polynucléaires basophiles sensibilisés porteurs d’IgE spécifiques de l’allergène. Si l’allergène passe par voie sanguine, sa reconnaissance s’effectue en quelques secondes par une IgE spécifique permettant le rapprochement de plusieurs autres IgE fixées sur leurs récepteurs. Dès lors qu’au moins deux récepteurs sont activés, le signal est suffisant pour induire une dégranulation des mastocytes et/ou basophiles. Cette dégranulation induit la libération de médiateurs préformés dont les plus importants sont l’histamine (libérée par les mastocytes et basophiles) et la tryptase libérée uniquement par les mastocytes .

L’histamine libérée se fixe ensuite sur ses récepteurs (principalement de type H1 présents au niveau des muscles lisses, de l’endothélium et du système nerveux central). Cette fixation induit la cascade clinique de l’HSI conduisant en quelques minutes à l’hypersécrétion de mucus, la bronchoconstriction, la vasodilatation, l’augmentation de la perméabilité capillaire et l’œdème.

Les basophiles et les mastocytes (en parallèle de la dégranulation des médiateurs préformés) synthétisent également de nouveaux médiateurs dérivés de l’acide arachidonique dits « néoformés » (libérés environ une heure après le contact avec les allergènes). Ces médiateurs sont les leucotriènes (issus de la voie de la lipo-oxygénase) [10], et les prostaglandines (issues de la voie de la cyclo-oxygénase) [11], nécessitant pour leur synthèses l’activation de la phospholipase A2 et permettant d’attirer les cellules de l’inflammation, avec pour conséquence le maintien dans le temps (jusqu’à quelques heures), des manifestations cliniques.

Hypersensibilité immédiate non IgE médiée 

Les réactions d’HSI non IgE médiées, ne nécessitent pas de sensibilisation préalable à l’agent responsable pouvant être un aliment, un médicament, un facteur physique ou un désordre mastocytaire. Ces réactions dites « d’histamino libération non spécifique » sont notamment impliquées dans certaines HS médicamenteuses et sont la résultante de l’effet pharmacologique du médicament sur la membrane des mastocytes et basophiles conduisant à une libération d’histamine. Cliniquement, l’intensité de cette histamino-libération est variable, celle-ci dépend du médicament en cause, de la vitesse d’injection et de sa concentration. Par ailleurs, le contact ultérieur avec le médicament ne provoquera pas nécessairement une nouvelle réaction. Certains médicaments sont potentiellement « histamino-libérateurs » comme les produits de contraste iodés, les curares, les opioïdes, la vancomycine, mais peuvent également induire une réelle HS IgE- médiée.

Prise en charge d’une réaction d’hypersensibilité immédiate 

Devant une réaction d’HSI, la classification de Ring et Messmer permet d’en coter la sévérité. L’adaptation de la prise en charge et des thérapeutiques mises en œuvre dépend de la sévérité de la réaction.

L’anaphylaxie a été récemment définie à partir du grade II, par la World Allergy Organization (WAO), comme étant une réaction d’HS systémique grave, d’apparition généralement rapide et pouvant entraîner la mort. L’anaphylaxie sévère est caractérisée par une altération potentiellement mortelle de la respiration et/ou de la circulation, et peut survenir sans la présence de caractéristiques cutanées typiques ou de choc circulatoire.

Diagnostic clinique

La réaction d’HSI est caractérisée par l’apparition brutale de signes cliniques, quelques minutes (le plus souvent) après le contact avec l’allergène. Plus les symptômes surviennent rapidement après l’introduction de l’allergène, plus la réaction risque d’être sévère avec engagement du pronostic vital. [14] L’interrogatoire est fondamental pour mettre en évidence l’allergène mais ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. En fonction de l’état clinique du patient, les informations peuvent être incomplètes et l’exposition à l’allergène non retrouvée. Les signes cliniques objectifs regroupent les manifestations cutanéomuqueuses, respiratoires, circulatoires et gastro intestinales pouvant être associées ou non. L’évolution de ces symptômes est le plus souvent favorable. Quand ils sont présents, les signes cutanés, cardiovasculaires et respiratoires régressent rapidement alors que l’œdème peut persister plusieurs heures.

Symptômes cutanéomuqueux

Les signes cutanéomuqueux représentent la partie émergée des réactions d’HSI. Un prurit intense, palmoplantaire ou des muqueuses oropharyngées, peut précéder la survenue d’un érythème, d’une urticaire et/ou d’un angiœdème localisé ou généralisé. L’urticaire peut être superficielle, correspondant à un œdème dermique associant papules érythémateuses à centre blanc, œdémateuses, à contours nets, fugaces, migratrices, prurigineuses et ne disparaissant pas à la vitropression. Ces lésions d’urticaires sont de nombre et de localisation très variables.

L’urticaire profonde ou angiœdème, correspond à un œdème dermo hypodermique. Cliniquement, il se distingue comme une tuméfaction ferme, mal limitée, non érythémateuse, non prurigineuse provoquant une sensation de tension douloureuse, voire de dyspnée lorsque l’œdème est laryngé. La localisation de l’œdème au niveau de la sphère orolaryngée conditionne le pronostic (risque d’asphyxie) et est annoncé par une hypersalivation et une dysphonie. Les signes cutanéomuqueux peuvent être initialement absents s’il existe d’emblée un état de choc avec collapsus cardiovasculaire et peuvent transparaitre lors de la restauration hémodynamique.

Symptômes respiratoires

Les symptômes les plus fréquents, bénins, de la sphère respiratoire comprennent la toux, la rhinorrhée, et l’obstruction nasale. En cas d’atteinte plus sévère, on peut observer un œdème marqué au niveau de la muqueuse respiratoire pouvant conduire à une obstruction des voies aériennes supérieures, et/ou à un bronchospasme correspondant à une obstruction des voies aériennes inférieures distales par contractions des fibres musculaires lisses bronchiques. Ce bronchospasme est parfois réfractaire au traitement conduisant à une hypoxémie, une hypercapnie et pouvant conduire à un arrêt cardiaque anoxique. En cas d’atteinte respiratoire sévère la ventilation peut être impossible malgré l’intubation trachéale.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Hypersensibilité : définition
2 Hypersensibilité immédiate
2.1 Hypersensibilité immédiate IgE médiée
2.2 Hypersensibilité immédiate non IgE médiée
2.3 Prise en charge d’une réaction d’hypersensibilité immédiate
2.3.1 Diagnostic clinique
2.3.1.1 Symptômes cutanéomuqueux
2.3.1.2 Symptômes respiratoires
2.3.1.3 Symptômes cardio-vasculaires
2.3.1.4 Autres symptômes
2.3.2 Prise en charge thérapeutique
2.3.2.1 Mesures générales
2.3.2.2 Grade I
2.3.2.3 Grade II
2.3.2.4 Grade III & IV
3 Hypersensibilité retardée
3.1 Physiopathologie des hypersensibilités retardées
3.1.1 Type IVa (Eczéma de contact)
3.1.2 Type IV b (DRESS syndrome/EMP)
3.1.3 Type IV c (SJS-Lyell)
3.1.4 Type IV d (PEAG)
3.2 Toxidermies : aspects cliniques des toxidermies retardées
3.2.1 L’exanthème maculo-papuleux
3.2.2 Les photosensibilités médicamenteuses
3.2.3 SDRIFE (symmetrical drug-related intertriginious and flexural exanthema)
3.2.4 L’érythème pigmenté fixe
3.2.5 Pustulose exanthématique aigue généralisée
3.2.6 DRESS syndrome (Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms)
3.2.7 Syndrome de Stevens-Johnson et nécrolyse épidermique toxique (Syndrome de Lyell)
4 Les produits de contraste iodés
4.1 Présentation et composition des différents types de PCI
4.2 Hypersensibilité aux PCI et réactions croisées
5 Explorations en allergologie des hypersensibilités aux produits de contraste iodés
5.1 Tests cutanés
5.1.1 Prick-tests
5.1.2 Intradermoréactions (IDR)
5.1.3 Patch tests
5.1.4 Cas particuliers
5.2 Tests de réintroduction
5.3 Bilan paraclinique
5.3.1 Tryptase
5.3.2 Histamine
5.3.3 IgE spécifiques
5.3.4 Test d’activation des basophiles (TAB)
5.3.5 Test de prolifération lymphocytaire
5.3.6 Test d’activation cellulaire (Cellular Allergen Stimulation test : CAST)
5.4 Indications et conditions de réalisation de l’exploration allergologique aux PCI
6 Matériels et méthode
6.1 Type d’étude
6.2 Objectifs de l’étude
6.2.1 Objectif principal
6.2.2 Objectifs secondaires
6.3 Population d’étude
6.3.1 Critères d’inclusion
6.3.2 Critères de non inclusion
6.3.3 Critères d’exclusion
6.4 Recueil des patients
6.5 Présentation de l’étude
6.6 Données collectées
6.7 Analyses statistiques
6.8 Accords éthiques
7 Résultats
CONCLUSION

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