Hydrolyse enzymatique de la lignocellulose

La croissance de la demande en énergie, la raréfaction – et donc l’augmentation des prix – des énergies fossiles ainsi que les enjeux environnementaux ont suscités un engouement sans précédent pour les énergies renouvelables et les produits biosourcés. En effet, la demande globale en énergie ne cesse de progresser du fait de la croissance de la démographie mondiale et des modes de consommation de plus en plus énergivores alors que les ressources fossiles (principalement le pétrole, le gaz naturel et le charbon), constituant la majeure partie du bouclier énergétique mondial actuel, sont limitées d’une part et sont responsables des émissions de gaz à effet de serre à grande échelle d’autre part. Différentes alternatives pour aller vers des énergies renouvelables à faible impact environnemental existent et l’une des voies prometteuse est l’utilisation de la biomasse végétale comme matière première renouvelable en vue de la production de biocarburants et de diverses molécules d’intérêt.

La biomasse végétale communément appelée lignocellulose est la source de carbone renouvelable la plus abondante sur terre (Chang & Holtzapple, 2000). Elle se présente sous différentes formes (résidus agricoles, déchets forestiers . . .) et est constituée essentiellement de cellulose, d’hémicellulose et de lignine dans des proportions différentes. Globalement, plus de 75% en masse de la biomasse végétale sont des polysaccharides (Jørgensen et al., 2007) qui peuvent être transformés en sucres simples fermentescibles en vue de la production de biocarburant, par exemple le bioéthanol de seconde génération. Contrairement au bioéthanol de première génération produit généralement à partir des plantes sucrières et amylacées, ce qui pose un problème éthique quant à l’utilisation des produits alimentaires, le bioéthanol de seconde génération ne concerne que les parties moins nobles des plantes et ne présente, de ce fait, aucune compétition directe avec la production alimentaire.

Le fractionnement de la biomasse lignocellulosique et sa transformation en sucres simples peut se faire par voie chimique ou biochimique. La voie chimique est, comme son nom l’indique, basée sur l’utilisation de produits chimiques (généralement des acides forts) pour attaquer et dissoudre les parois végétales. Malgré ses rendements élevés, ce procédé a une empreinte écologique considérable. La voie biochimique, quant à elle, utilise des cultures microbiennes et/ou des cocktails enzymatiques (biocatalyseurs) dans des conditions douces (pH et température) pour dégrader le substrat et a, de ce fait, un faible impact environnemental. Par ailleurs, le coût élevé des enzymes reste un verrou majeur pour son industrialisation.

La transformation de la lignocellulose par voie biochimique en utilisant des cocktails enzymatiques se fait en plusieurs étapes successives. Une première étape de prétraitement du substrat est nécessaire pour le préparer et faciliter ainsi l’action du biocatalyseur. Ces prétraitements peuvent être physiques (e.g. broyage), chimiques (e.g. acides dilués), physico-chimiques (e.g. explosion à la vapeur d’eau) et/ou biologiques (e.g. enzymes spécifiques) et visent généralement à éliminer la fraction lignine et améliorer ainsi l’accessibilité aux fractions hydrolysables (Alvira et al., 2010). L’étape d’hydrolyse est le cœur du procédé, les polysaccharides sont réduits en monosaccharides (hexoses ou pentoses) par l’intermédiaire du biocatalyseur. Ces monosaccharides sont séparés ou directement transformés en produit final, selon le procédé adopté, en dernière étape.

Hydrolyse enzymatique de la lignocellulose

La transformation de la lignocellulose en sucres simples par voie biochimique est un processus complexe qui fait intervenir un nombre important de facteurs interdépendants à différentes échelles. La composition, la structure et la morphologie du substrat, la nature et le mode d’action des biocatalyseurs ainsi que la nature du milieu réactionnel sont autant de paramètres – dynamiques – qui interagissent et conditionnent la vitesse globale de la réaction d’hydrolyse. Cette complexité se traduit aussi par les hétérogénéités tant au niveau compositionnel que structural d’un substrat à un autre, voire même au sein du même substrat selon la zone géographique, la saison et/ou le mode de culture.

Dès lors, le développement d’un modèle cinétique prédictif devient une nécessité afin de mieux gérer cette complexité et ces hétérogénéités et d’appréhender cette étape de transformation d’un point de vue procédé. Cela passe nécessairement par une meilleure compréhension des interactions entres les différents paramètres et des mécanismes réactionnels mis en œuvre.

Facteurs limitants liés au substrat

La nature récalcitrante de la lignocellulose est le résultat direct de sa composition et de sa structure développées pour faire face et résister aux micro-organismes qui l’attaquent et la dégradent à l’état naturel (Zhao et al., 2012). La lignocellulose est composée essentiellement de lignine, d’hémicellulose et de cellulose dans des proportions variables d’une plante à une autre. La cellulose est le constituant majeur (30 à 50% du poids sec de la plante), elle est composée d’un agencement de centaines voire de milliers de molécules de D-glucose via des liaisons glycosidiques β(1 →4) pour former des chaines. Les deux extrémités d’une chaine ne sont pas chimiquement équivalentes : l’une est réductrice et l’autre est non réductrice. Grâce à des liaisons hydrogène et de van der Waals, ces chaines de polysaccharides forment des microfibrilles insolubles qui constituent à leur tour des fibres (Mohnen et al., 2008).

L’hémicellulose représente une fraction allant de 20 à 40% du poids sec total, elle est sous forme de chaines polymères courtes et branchées dont les monomères constitutifs sont des sucres C5 (xylose, arabinose) et C6 (galactose, glucose et mannose) (Balat, 2011). La lignine, quant à elle, est un biopolymère aromatique connecté au xylane via des liaisons covalentes conférant ainsi une grande rigidité au substrat (Limayem & Ricke, 2012). Elle est composée de trois alcools aromatiques : l’alcool p-coumarique, l’alcool coniférique et l’alcool sinapylique (Rubin, 2008).

Composition chimique du substrat

Nous nous intéressons à la conversion des polysaccharides contenus dans la lignocellulose notamment la fraction cellulosique en sucres simples via l’utilisation de cocktails enzymatiques dédiés (cellulases). Il est, de ce fait, évident que la composition du substrat initial aura un impact considérable sur son hydrolysabilité. De plus, il est important de signaler qu’une information sur les fractions de lignine et d’hémicellulose dans le substrat considéré n’est pas toujours pertinente puisque ce qui va impacter considérablement la vitesse de conversion est leur répartition au sein de la matrice lignocellulosique, ce qui est, d’un point de vue pratique, difficilement accessible.

Répartition de la lignine

La lignine, de par sa nature, constitue une fraction récalcitrante que les enzymes cellulolytiques ne peuvent pas fractionner. Elle forme une barrière physique réduisant ainsi l’accessibilité du biocatalyseur aux fractions hydrolysables. De ce fait, la délignification du substrat par les différents prétraitements physico-chimiques libère la cellulose et la rend plus accessible aux cellulases (Grethlein et al., 1984; Mansfield et al., 1999). La lignine ne constitue pas seulement une barrière pour l’accès des cellulases à la cellulose, elle adsorbe irréversiblement les enzymes, ce qui a été rapporté dans la littérature par différents auteurs (Clesceri et al., 1985; Converse et al., 1990; Lee et al., 1994). Cela a un effet direct sur la cinétique d’hydrolyse puisque une partie du biocatalyseur est bloquée par cette adsorption non-réactive. Expérimentalement, l’accès à la fraction massique de la lignine d’un substrat se fait dans la plupart des cas par une hydrolyse acide complète. Elle peut se faire aussi par Spectroscopie Infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR) (Faix, 1988; Stewart et al., 1995b; Emandi et al., 2011).

Répartition de l’hémicellulose

Comme la lignine, l’hémicellulose joue le rôle d’une barrière physique limitant l’accessibilité des cellulases aux fractions hydrolysables (Zhao et al., 2012), de ce fait, son élimination par les différents prétraitements (acide, à la vapeur d’eau . . . ) induit une augmentation de la digestibilité du substrat (Yang & Wyman, 2004; Liao et al., 2005; Öhgren et al., 2007; Mussatto et al., 2008), ce qui a aussi été rapporté en rajoutant aux cocktails cellulolytiques des xylanases capables d’hydrolyser le xylane, l’un des constituants principaux de l’hémicellulose (Tabka et al., 2006; García-Aparicio et al., 2007; Kumar & Wyman, 2009). Néanmoins, comparée à la lignine, l’hémicellulose est plus facile à éliminer par les prétraitements (Zhu & Pan, 2010), à titre d’exemple, l’utilisation de l’acide sulfurique dilué couplé à une température inférieure à 120˚C induit une élimination (conversion en sucres simples C5) de plus de 80% de l’hémicellulose initiale du substrat (Silverstein et al., 2007; Zhao et al., 2008; Zhao et al., 2010).

La lignocellulose, en plus des trois fractions majeures qui la constituent (cellulose, hémicellulose et lignine), contient d’autres constituants, en faibles proportions certes mais qui jouent un rôle, pas toujours négatif d’ailleurs, lors de son hydrolyse enzymatique. Les groupements acétyles par exemple ont été montrés du doigt par différents chercheurs comme facteur freinant la conversion (Grohmann et al., 1989; Kong et al., 1992; Zhu et al., 2008). Quant aux protéines contenues dans le substrat, elles sont divisées en celles qui ont une influence positive et celles qui, au contraire, impactent négativement l’hydrolyse (Zhao et al., 2012) et elles ont fait l’objet de différentes recherches (Cosgrove, 2005; Himmel & others, 2009; Lagaert et al., 2009). Notons enfin que ces protéines sont sensiblement affectées par les différents prétraitements et les conditions de stockage.

Structure/morphologie du substrat

La lignocellulose se distingue par son architecture complexe quelque soit l’échelle à laquelle elle est décrite. L’agencement de ses différents constituants lui confère des propriétés structurales qui sont loin d’être complètement élucidées. Nous décrivons dans ce qui suit les paramètres structuraux et morphologiques les plus importants.

Le degré de polymérisation

Le degré de polymérisation (DP) est le nombre de monomères (D-glucose) constitutifs d’une chaine de cellulose. Il varie sur une large gamme (de <100 à >15000) selon la nature du substrat et les prétraitements qu’il a subi (Zhang & Lynd, 2004). Il est considéré comme un facteur important lors de l’hydrolyse enzymatique étant donné que l’action élémentaire des enzymes a pour conséquence la réduction de la taille des chaines cellulosiques donc leur degré de polymérisation. De ce fait, il est largement abordé dans la littérature (Chang & Holtzapple, 2000; Mansfield et al., 1999; Zhang & Lynd, 2004) ainsi que les différentes méthodes utilisées pour sa détermination (Klemm et al., 1998; Striegel, 1997). Selon la nature du substrat et la méthode utilisée, on peut accéder au degré de polymérisation moyen (DPn) et/ou à une distribution du DP. Plusieurs auteurs (Zhang & Lynd, 2005; Chen et al., 2007a; Gupta & Lee, 2009) ont rapporté l’évolution du degré de polymérisation des substrats étudiés durant leur hydrolyse mais avec des cinétiques plus ou moins rapides, ce qui est dû à la fois à la nature du substrat étudié et à la nature et au type du biocatalyseur utilisé puisque chaque enzyme est caractérisée par son propre mode d’action comme il sera décrit ultérieurement.

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Table des matières

Introduction générale
I Revue Bibliographique
I.1 Hydrolyse enzymatique de la lignocellulose
I.2 Facteurs limitants liés au substrat
I.2.1 Composition chimique du substrat
I.2.1.1 Répartition de la lignine
I.2.1.2 Répartition de l’hémicellulose
I.2.2 Structure/morphologie du substrat
I.2.2.1 Le degré de polymérisation
I.2.2.2 Le taux de cristallinité
I.2.2.3 L’accessibilité
I.2.2.4 La surface spécifique / taille des particules
I.3 Facteurs liés au biocatalyseur
I.3.1 Activité et synergie du cocktail enzymatique
I.3.2 Adsorption des enzymes
I.3.3 Inhibition des cellulases
I.3.4 Désactivation des cellulases
I.4 Facteurs liés aux conditions opératoires
I.5 Conclusion
I.6 Outils de caractérisation
I.6.1 Outils analytiques
I.6.1.1 Sucres réducteurs
I.6.1.2 Sucres simples
I.6.2 Caractérisation physique et physico-chimique du substrat
I.6.2.1 Composition du substrat
I.6.2.2 Degré de polymérisation et distribution de taille
I.6.2.3 Cristallinité
I.7 Approches de modélisation
I.7.1 Approches cinétiques
I.7.1.1 Modèles empiriques
I.7.1.2 Modèles de Michaelis-Menten
I.7.1.3 Modèles prenant en compte l’adsorption
I.7.2 Approches mécanistiques
I.7.2.1 Modèles de chaines polymères
I.7.2.2 Modèles à cœur rétrécissant
I.7.2.3 Modèles stochastiques
I.7.2.4 Modèles de bilan de population
I.8 Synthèse, position du problème et objectif de l’étude
II Matériel et méthodes expérimentales
II.1 Dispositif expérimental
II.2 Substrats et enzymes
II.2.1 Substrats
II.2.2 Enzymes
II.3 Analyses biochimiques
II.3.1 Dosage des sucres réducteurs
II.3.2 Dosage des sucres simples
II.4 Analyses physiques
II.4.1 Rappels théoriques
II.4.1.1 Taille d’une particule
II.4.1.2 Distribution de taille
II.4.2 Morpho-granulomètrie optique
II.4.3 La granulométrie par diffraction laser
II.4.4 Focused Beam Reflectance Measurement (FBRM)
II.4.5 Comparaison des trois techniques
II.5 Synthèse
III Analyse de la modélisation classique
III.1 Modélisation de l’hydrolyse enzymatique par une approche cinétique
III.2 Base de données expérimentales
III.3 Analyse des données expérimentales
III.4 Identification des paramètres
III.5 Exemple de la littérature
III.6 Synthèse et conclusion
IV Outils et méthodes numériques
IV.1 Le formalisme du bilan de population
IV.1.1 Généralités
IV.1.2 La fonction densité en nombre
IV.1.3 L’équation générale du bilan de population
IV.1.4 Terme source dans le cas de l’hydrolyse
IV.2 Méthodes de résolution
IV.2.1 Méthode des classes
IV.2.1.1 Technique des pivots fixes
IV.2.1.2 Technique des pivots glissants
IV.2.2 Méthode des moments
IV.2.2.1 Méthode de quadrature des moments (QMOM)
IV.2.2.2 Méthode de quadrature des moments directe (DQMOM)
IV.2.3 Reconstruction d’une distribution à partir de ses moments
IV.2.3.1 Méthode des splines
IV.2.3.2 Méthode de reconstruction pas la fonction densité de noyau bêta
IV.2.3.3 Méthode du maximum d’entropie
IV.3 Validation numérique des méthodes de résolution du BP
IV.3.1 Résolution analytique de l’équation de BP
IV.3.2 Validation de la méthode des classes
IV.3.3 Validation de la méthode des moments
V Résultats
Conclusion générale

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