Hydrogénases artificielles : Nouveaux catalyseurs biosynthétiques pour la production d’hydrogène

L’épuisement des réserves de carburants et la prise de conscience des conséquences néfastes des gaz à effet de serre, sous-produits de leur combustion, sur l’environnement ont favorisé la recherche de nouvelles ressources énergétiques, propres et renouvelables. L’hydrogène moléculaire (H2), que l’on appellera hydrogène par la suite par souci de simplicité, prend toute sa place dans cette optique au travers de la pile à combustible. En effet, ce dispositif permet de produire de l’énergie électrique à partir de la réaction de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air en formant de l’eau comme unique sous-produit. Cependant, contrairement à d’autres sources d’énergies primaires comme par exemple les ressources carbonées fossiles, l’hydrogène n’est pas disponible directement. En effet l’élément hydrogène n’est présent que sous forme oxydée sur terre dans différentes sources secondaires comme par exemple dans la molécule d’eau. Il faut donc produire l’hydrogène moléculaire à partir d’autres sources d’énergies. L’enjeu actuel est ainsi de mettre au point un procédé rentable pour produire l’hydrogène à partir de sources renouvelables.

Une réaction de choix de production d’hydrogène est l’électrolyse de l’eau. Cependant, les catalyseurs utilisés actuellement dans ces types de procédés sont majoritairement à base de platine ou d’autres métaux nobles dont le coût rend difficile un développement à grande échelle.

Les hydrogénases 

Présentation

Dès les années 1900, des organismes capables d’oxyder l’hydrogène moléculaire ont été découverts. Bacillus pantotrophus isolé par Kaserer en 1906 en est le premier exemple. Il fallut attendre 1930 et le travail de Stephenson et Stickland sur plusieurs bactéries pour que le nom d’hydrogénase soit donné aux enzymes capables d’activer l’hydrogène moléculaire et/ou de le produire par réaction avec les protons de l’eau (demi-équation électronique écrite ci-dessous). Elles le font à l’équilibre thermodynamique et dans des conditions biologiques, donc souvent douces, c’est-à-dire dans l’eau à pH relativement neutre, à température faible et pression ambiante sauf pour les organismes extrêmophiles.

2H+ + 2e-  ⇌  H2

Les enzymes sont des protéines particulières capables de catalyser une réaction chimique. Ainsi les méthylthiotransferases (MiaB par exemple) sont capables de réaliser une réaction particulièrement difficile à mettre en œuvre pour le chimiste : l’insertion radicalaire d’un atome de soufre dans une liaison C-H. D’autres enzymes font également des réactions plus faciles du point de vue du chimiste comme par exemple l’oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase. Cependant alors qu’industriellement cette réaction se fait à haute température (480°C) avec de l’argent comme catalyseur,  l’alcool déshydrogénase réalise cette réaction en conditions physiologiques et ne possède comme métaux que deux atomes de zinc. Les métaux jouent un rôle important dans le monde biologique. En effet on estime à l’heure actuelle qu’un tiers des protéines du monde vivant nécessitent la présence d’un ou plusieurs ions métalliques comme cofacteurs afin de réaliser leur fonction biologique. Les métaux présents dans ces protéines, appelées alors métalloprotéines ou métallo enzymes, sont majoritairement des métaux abondants de la première série de transition (à l’exception du scandium, titane et chrome) ainsi que quelques métaux de la seconde et de la troisième série comme le molybdène ou le tungstène par exemple. Ils constituent alors, avec leurs ligands, un groupement prosthétique souvent lié à la chaine polypeptidique par liaison avec certain(s) acide(s) aminé(s) (comme par exemple les résidus cystéines par l’atome de soufre ou les résidus histidine via l’atome d’azote de l’imidazole) servant alors de ligand(s) complémentaire(s). L’environnement apporté par la protéine module les propriétés physico-chimiques du complexe inorganique aboutissant, lorsque ce dernier est situé au niveau du site actif, lieu de la catalyse enzymatique, à la formation d’un catalyseur optimisé pour la réaction enzymatique voulue.

Les hydrogénases font partie de la grande famille des métallo-enzymes puisqu’elles renferment, dans leur forme active, des cofacteurs biologiques métalliques, comme nous le verrons ci-dessous. Elles ont diverses fonctions métaboliques suivant leur position dans la cellule. Ainsi dans certains organismes photosynthétiques par exemple, comme l’algue verte Scenedesmus obliquus, l’hydrogénase exploite les électrons amenés par le photosystème I par l’intermédiaire d’une ferrédoxine (Fd). Cette variante de la photosynthèse conduit à la production d’hydrogène par décomposition de l’eau, le dégagement d’oxygène étant effectué au niveau du photosystème II . Le transfert des électrons entre les deux photosystèmes est assuré par des médiateurs mobiles, la plastoquinone PQ et la plastocyanine PC, et par un médiateur fixe le cytochrome b6 f.

Chez les bactéries fermentatives par exemple de type clostridiale les hydrogénases permettent d’évacuer l’excédent d’électrons générés lors de la dégradation de substrat organique comme par exemple le glucose. Chez certaines autres bactéries comme la bactérie pourpre non sulfureuse Rhodobacter sphaeroides on peut également trouver des hydrogénases associées à des nitrogénases afin d’éliminer l’hydrogène produit par ces dernières lors de la réduction du diazote en ammoniaque.

Classification

Les hydrogénases sont classées suivant la nature de leur site actif. On distingue ainsi les hydrogénases avec un site actif binucléaire composé uniquement de fer comme métal (hydrogénases FeFe), celles, apparentées aux hydrogénases même si fondamentalement elles ne catalysent pas l’interconversion de protons en dihydrogène, dont le site actif est composé d’un complexe mononucléaire de fer (hydrogénase sans cluster fer-soufre, Hmd (pour Hydrogen forming Methylene tetrahydromethanopterin Dehydrogenase), voire hydrogénase à fer mononucléaire) et enfin celles dont le site actif est composé d’un dinucléaire de nickel et de fer (les hydrogénases NiFe et une sous-classe : les hydrogénases NiFeSe).

Les hydrogénases FeFe

Elles sont présentes chez les eubactéries et les eucaryotes. Elles sont en majorité monomériques et possèdent toutes comme site actif, appelé cluster H, un complexe dinucléaire de Fer  relié à un cluster 4Fe4S via un souffre pontant. Après quelques incertitudes sur la nature de l’atome central, une étude récente montre que les atomes de fer de ce complexe sont reliés par un ligand pontant de type dithiométhylamine. La sphère de coordination des atomes de fer est complétée par des ligands cyanures et carbonyles. Dans la plupart des hydrogénases FeFe, d’autres clusters FeS permettent le relais d’électrons jusqu’à la surface de la protéine tandis que le relais de protons est assuré au travers de liaisons hydrogène entre certains acides aminés. De plus on peut observer dans la structure tertiaire de la protéine la présence d’un canal permettant à l’hydrogène formé au niveau du site actif d’évoluer jusqu’à la surface de la protéine.

Les hydrogénases Hmd

Il s’agit d’une classe particulière d’hydrogénase. Initialement découverte dans Methanothermobacter thermoautotrophicum par l’équipe de Thauer en 1990, ces enzymes ont été rattachées aux hydrogénases car elles catalysent réversiblement la réduction du N5,N10-methenyl-tetrahydromethanopterin (methenyl-H4MPT+) avec du dihydrogène en N5,N10-methylene-tetrahydromethanopterin (methylene-H4MPT), d’où leur nom Hmd.

Initialement appelées hydrogénases sans métal, elles ont été renommées en 2004 après la découverte de la présence d’un atome de fer dans l’enzyme possédant au moins un ligand carbonyle. La structure de l’hydrogénase Hmd de Methanocaldococcus jannaschii est élucidée en 2008 et permet, outre le fait de savoir que l’enzyme est structurée en une seule unité d’environ 38kDa, de proposer une structure partielle de son site actif.

Les hydrogénases NiFe et NiFeSe

Il s’agit de la plus grande classe des hydrogénases. Elles sont présentes chez les archées et les eubactéries. La première résolution de la structure de l’hydrogénase NiFe de Desulfovibrio gigas en 1995  , a permis d’identifier la structure de l’enzyme et une  étude complémentaire en 1996 du même groupe a permis de compléter les informations sur son site actif et de clarifier la nature du 2ème centre métallique, le fer. Contrairement aux hydrogénases FeFe, il s’agit d’une protéine globulaire composée de 2 sous unités (28 kDa et 60 kDa chez Desulfovibrio gigas). Le site actif , est situé dans la grande sous-unité et est plutôt difficile d’accès. Il comprend un atome de nickel et un atome de fer reliés entre eux par deux cystéinates. La sphère de coordination du nickel est complétée par deux autres cystéinates tandis que celle du fer est complétée par deux ligands cyanure et un ligand carbonyle.

La petite sous-unité possède 2 clusters 4Fe4S et un cluster 3Fe4S qui permettent un relais d’électrons de la surface jusqu’au site actif. Le transfert de l’hydrogène se fait grâce au travers de canaux hydrophobes présents dans la protéine. Les études de mutation ou de DFT visant à identifier ces résidus ont conduit à des résultats différents s’expliquant sans doute par l’existence de différents canaux.  Le transfert de protons jusqu’au site actif se fait quant à lui par protonations successives de différents résidus. Des études théoriques réalisées en 2008  par deux groupes différents proposent un chemin identique impliquant majoritairement des résidus glutamate, deux résidus histidine, un résidu tyrosine (dans l’ordre d’implication : Glu18-His20-His13-Glu16-Tyr44-Glu46-Glu57-Glu73) et des molécules d’eau. Il semble que ce chemin coexiste avec au moins un autre ce qui, du fait de l’importance de l’accès des protons au site actif, est cohérent.

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Table des matières

Introduction générale
CHAPITRE I Bibliographie
1. Les hydrogénases
1.1. Présentation
1.2. Classification
1.2.1. Les hydrogénases FeFe
1.2.2. Les hydrogénases Hmd
1.2.3. Les hydrogénases NiFe et NiFeSe
1.3. Sensibilité à l’oxygène
1.4. Activité enzymatique et électrochimie
1.5. Applications technologiques
2. Chimie bio-inspirée et chimie biomimétique
2.1. De l’étude des sites actifs à de nouveaux catalyseurs
2.2. Etude catalytique
2.3. Modèles du site actif des hydrogénases
2.3.1. Analogues synthétiques du site actif des hydrogénases FeFe
2.3.1.1. Les structures
2.3.2. Analogues synthétiques du site actif des hydrogénases NiFe
2.3.3. Des modèles biomimétiques aux modèles bio-inspirés
2.4. Des modèles du site actif de la vitamine B12 : les cobaloximes
2.4.1. La vitamine B12 s : « super-nucléophile » du monde biologique
2.4.2. Les cobaloximes
2.4.3. Relation structure-activité pour la production d’hydrogène catalysée par les cobaloximes
2.4.3.1. Au niveau des potentiels électrochimiques et électrocatalytiques
2.4.3.2. Au niveau de la stabilité
2.4.4. Mécanisme de production d’hydrogène
3. Chimie biosynthétique
3.1. Généralités sur les enzymes artificielles
3.2. Les différentes voies de formation d’une enzyme artificielle
3.2.1. Par liaisons faibles entre les ligands du complexe inorganique et la protéine
3.2.2. Par la coordination de certains acides aminés avec le métal du catalyseur
3.2.3. Par liaison non covalente avec un ou des acides aminés de la protéine
3.3. Les hydrogénases artificielles
3.4. La myoglobine : protéine hôte de choix
CHAPITRE II Catalyseurs et enveloppes protéiques
1. Choix du système d’étude
1.1. Les catalyseurs utilisés
1.1.1. Les cobaloximes
1.1.2. Les complexes diimine dioxime de cobalt
1.1.3. Analogie avec l’hème
1.2. Les hémoprotéines
1.2.1. La myoglobine
1.2.2. L’hème oxygénases
1.2.3. FixL
2. Tentatives d’obtention directe de la myoglobine soluble
2.1. Production de la myoglobine de cachalot sous forme soluble
2.2. Les différentes méthodes de purification
2.3. Analyse de la protéine obtenue
3. Production et purification de l’apo-myoglobine de cachalot fonctionnelle
3.1. Production de la myoglobine de cachalot sous forme de corps d’inclusion et purification
3.2. Analyse de la protéine obtenue
3.3. Reconstitution de l’holo-myoglobine
CHAPITRE III Préparation et caractérisation des hybrides
1. Préparation générale des hybrides
1.1. La myoglobine et les complexes de nickel
1.2. Les complexes de Co(II)
1.3. Les complexes de Co(III)
1.4. Conclusion
2. Caractérisation des hybrides Mb/HO1-[Co(dmgBF2)2(H2O)2]
2.1. Spectroscopie UV/Visible et quantification du cobalt
2.2. Caractérisation de l’état d’agrégation et étude de la stabilité en solution
2.2.1. Caractérisation de l’état d’agrégation de l’hybride Mb-[Co(dmgBF2)2(H2O)2]
2.2.2. Calcul de la constante de dissociation associée à l’hybride Mb-[Co(dmgBF2)2
2.2.3. Etude de l’insertion de l’hème dans l’hybride Mb-[Co(dmgBF2)2(H2O)2]
2.2.4. Etude de l’insertion de l’hème dans l’hybride HO1-[Co(dmgBF2)2(H2O)2]
2.2.5. Conclusions
2.3. Etude spectroscopique sur l’environnement du complexe
2.3.1. Etude de spectroscopie d’absorption aux rayons X
2.3.2. Etude de spectroscopie de Résonance Paramagnétique Electronique (RPE)
2.3.2.1. Description des spectres et détermination de la sphère de coordination du cobalt
2.3.2.2. Etude de saturation du signal et quantification de spin
2.3.2.3. Détermination des constantes du signal (gx, gy et gz) et des couplages hyperfin et superhyperfin
3. Caractérisation des hybrides Mb/HO1-[Co(dmgH)2(H2O)2]
3.1. Spectroscopie UV/Visible et quantification du cobalt
3.2. Etude du degré d’oxydation du cobalt dans l’hybride
3.3. Etude de la forme en solution des hybrides Mb/HO1-[Co(dmgH)2(H2O)2]
3.4. Stabilité des hybrides Mb/HO1-[Co(dmgH)2(H2O)2]
3.4.1. Mb-[Co(dmgH)2(H2O)2]
3.4.2. HO1-[Co(dmgH)2(H2O)2]
4. Etude de Mb-[CoDODOHpnCl2]
4.1. Spectroscopie UV-Visible
4.2. Etude de la stabilité et structures secondaires de l’hybride Mb-[Co{(DO)(DOH)pn}Cl2]
4.3. Etude de la stabilité de l’hybride HO1-[Co{(DO)(DOH)pn}Cl2]
5. Etude de docking
6. Spectrométrie de masse en conditions non dénaturantes
7. Etude cristallographique
CHAPITRE IV Etudes électrochimiques et catalytiques
1. Caractérisation électrochimique
1.1. généralités
1.2. Etude de l’holo-myoglobine, préparation de l’électrode et étude du greffage
1.3. Etude de l’hybride Mb-[Co(dmgBF2)2(H2O)2] (MbCoBF2)
1.4. Etude de l’hybride Mb-[Co(dmgH)2(H2O)2] (MbCoH)
1.5. Etude de l’hybride Mb-[Co{(DO)(DOH)pn}Cl2] (MbCoD)
1.6. Electrodes gélifiées
2. Etude catalytique
2.1. Généralités
2.1.1. Méthode d’analyse
2.1.2. Thermodynamique et cinétique
2.1.3. Les réducteurs chimiques
2.1.4. Les couples photosensibilisateur/donneur d’électrons sacrificiel
2.2. Résultats
2.2.1. Réduction chimique
2.2.1.1. Réducteur Eu-DTPA à pH 7
2.2.1.2. Réducteur Eu-EGTA à pH 7
2.2.2. Conditions photocatalytiques
2.2.2.1. Couple [Ru(bipy)3]Cl2/ascorbate à pH 6
2.2.2.2. Couple déazaflavine/Tris à pH 7
3. Discussion
3.1. Relation entre électrochimie et catalyse
3.2. Influence de la nature du complexe
3.3. Influence de l’enveloppe protéique
4. Conclusion
Conclusion

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