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Longueur de corrélation ξ
Le maillage du gel correspond à la distance entre deux réticulations et sert à évaluer la porosité de l’hydrogel, qui peut être macro-poreux, micro-poreux, voire nano-poreux33. La taille des pores est souvent estimée par l’utilisation de la longueur de corrélation ξ, qui a d’abord été introduite comme étant la distance entre deux points de contact au sein d’une chaîne macromoléculaire en régime semi-dilué43 avant d’être étendue aux hydrogels, où ce paramètre représente alors la distance entre deux nœuds de réticulation44. Des études ont montré que ξ était inversement proportionnel à la fraction volumique du polymère dans le solvant φ2 selon une loi de puissance également appelée loi d’échelle, qui ne s’exprimera pas de la même façon selon la concentration du gel ou si le polymère en solution est à l’état semi-dilué ou gel44.
Propriétés rhéologiques des hydrogels
La rhéologie est le domaine relatif à l’étude des propriétés d’écoulement et de déformation des fluides. Elle est notamment appliquée aux polymères qu’ils soient à l’état fondu ou en solution. Le chimiste étatsunien Eugene Cook Bingham en est le pionnier avec ses études sur les fluides présentant un seuil d’écoulement, ne pouvant se déformer qu’après avoir vaincu sa cohésion interne et par la création en 1929 de la ‘Society of Rheology’ où le terme de rhéologie est adopté45,46. La rhéologie a longtemps été appliquée à l’étude de la viscosité dite cinématique d’un fluide ν (exprimant la viscosité dynamique ramenée à la masse volumique du fluide, en m2.s-1), souvent obtenue en mesurant sa vitesse d’écoulement dans un capillaire. Ce dispositif présente l’inconvénient de dépendre de la gravité, qui constituera la force permettant la mise en mouvement du fluide et ne permet pas d’appréhender les propriétés de déformation élastique des fluides, ce qui nécessite l’application de faibles contraintes n’entraînant pas de déformation permanente du réseau de chaînes polymères. D’autres viscosimètres sont basés sur une autre méthodologie, qui repose sur l’application d’une contrainte laminaire de cisaillement horizontale précise sur le fluide à étudier, ce qui permet de s’affranchir de l’impact de la gravité (Figure A-3). Les premiers exemples sont les modèles de Margules, qui a introduit l’utilisation de cylindres concentriques en 1881 et de Couette, qui a développé un viscosimètre rotationnel basé sur les cylindres concentriques doté d’un moteur électrique permettant de contrôler la vitesse du cylindre externe. Il a notamment pu mesurer la viscosité de l’eau avec une erreur de seulement 10 %46. L’essor de l’informatique dans les années 80 a permis de perfectionner les systèmes basés sur les contraintes de cisaillement en permettant un contrôle très précis sur les contraintes appliquées.
Hydrogels chimiques et hydrogels physiques
La majorité des hydrogels synthétiques présentés dans la partie précédente sont réticulés par des liaisons covalentes. A l’inverse, la plupart des hydrogels naturels qui ont été abordés forment un réseau tridimensionnel par agrégation des chaînes selon des mécanismes impliquant des changements de conformation induits par la chaleur ou par la modification de l’environnement salin. Au-delà de leur origine, Il est donc relativement aisé de définir deux types d’hydrogels, à savoir, les hydrogels chimiques, dont les réticulations sont de nature covalente et les hydrogels physiques, dont le réseau est structuré par des liaisons faibles33,51.
Hydrogels chimiques χ
Synthèse
Les hydrogels chimiques peuvent être obtenus de plusieurs manières51 : la copolymérisation d’un monomère avec un agent de réticulation a déjà été évoquée avec l’exemple du HEMA copolymérisé avec le diméthacrylate d’éthylène8. D’autres méthodes sont évidemment possibles, la post-fonctionnalisation de polymères linéaires hydrophiles avec des groupements chimiques adéquats permettant d’établir des ramifications entre chaînes. Par exemple, l’utilisation de molécules multivalentes, pouvant réagir avec plusieurs groupes fonctionnels du polymère est une pratique courante et était déjà employée dans les années 50 par Kuhn et coll. sur leurs hydrogels à base de PAA : les fonctions acide carboxyliques du composé étaient alors estérifiées avec des polyols comme le glycérol en présence d’acide15. Ce type de procédé permet aussi d’obtenir des hydrogels chimiques avec des polymères d’origine naturelle ainsi que le montrent les nombreux exemples dans la littérature52. Citons par exemple la réticulation du pullulane et de l’acide hyaluronique, deux polysaccharides, par le trimétaphosphate de trisodium1,53 ou de la gélatine par le glutaraldéhyde54. Ce procédé peut également être réalisé en deux temps, avec une première fonctionnalisation du polymère avec une molécule multivalente qui réagiront ultérieurement avec un autre agent de réticulation. On peut citer à ce sujet la post-fonctionnalisation de l’acide hyaluronique avec de l’acide adipique dihydrazide suivi par l’ajout d’un diester activé55. Les stratégies de fonctionnalisation sont très larges et l’on peut envisager d’utiliser des réactions d’addition, de condensation, de substitution ou d’ouverture de cycles adaptées aux groupes fonctionnels que l’on trouve régulièrement sur les polymères hydrophiles qui formeront le squelette de l’hydrogel, à savoir principalement les alcools, les acides carboxyliques, voire les amines51,52.
Propriétés mécaniques
L’un des avantages des hydrogels chimiques provient de leurs propriétés mécaniques généralement supérieures à celle des hydrogels physiques et plus faciles à ajuster. La capacité de l’hydrogel à retenir de l’eau a une influence capitale sur ses propriétés mécaniques : plus il est hydraté, plus ces dernières seront faibles et plus la structure résultante sera gonflée13. Ce degré d’hydratation peut être ajusté comme par exemple dans le cas de polymères synthétiques avec la modification de la balance hydrophile-lipophile de la structure, par le biais d’une copolymérisation avec un monomère hydrophobe13. Kolařík et coll. ont ainsi copolymérisé du HEMA avec des comonomères hydrophobes de faible température de transition vitreuse Tg comme l’acrylate d’éthyle, l’acrylate de n-butyle et le méthacrylate de dodécyle. Ceci a abouti à une augmentation du module de Young, de la contrainte maximale et de l’étirement à la rupture des hydrogels, la faible Tg assurant que le matériau ne soit pas trop rigide13. A l’inverse, l’incorporation de comonomères pouvant porter une charge selon le pH, comme l’acide méthacrylique (anionique en milieu basique) ou le méthacrylate de diéthylaminoéthyle (cationique en milieu acide), au sein du squelette d’un hydrogel à base de PHEMA réticulé neutre entraîne l’augmentation du taux de gonflement de l’hydrogel58.
Une autre solution consiste à modifier le degré de réticulation i.e. la masse molaire moyenne de la chaîne macromoléculaire entre deux nœuds de réticulation (Mc), qui est un paramètre clef influant sur les propriétés du réseau hydrogel. Une Mc faible correspond à une rigidité accrue et à un gonflement par absorption d’eau réduit13,33,59. Plus récemment, en prenant l’exemple de polyacrylamides et de poly(2-methacryloyloxyethyl phosphorylcholine), une étude a suggéré que les hydrogels fortement réticulés étaient friables et qu’il suffisait de réduire le nombre de réticulation covalentes au sein d’un réseau hydrogel fortement enchevêtré (C >> C**) pour obtenir des structures à la fois dures et étirables42.
De façon alternative, les propriétés mécaniques de l’hydrogel peuvent être améliorées par l’ajout de renforts, comme des fibroïnes de soie, ce qui aboutit au développement d’une structure composite13,60.
Propriétés réversibles
Du fait de la nature non covalente de leurs réticulations, les hydrogels physiques sont très sensibles à leur environnement physico-chimique, avec des paramètres comme la force ionique du milieu, la nature des sels en solution, le pH ou la température influant fortement sur la formation ou la déformation de la structure hydrogel ainsi que sur ses propriétés. Par exemple, les hydrogels à base d’alginate de calcium sont très sensibles au pH et au milieu salin : en effet, ce polysaccharide devient insoluble lorsque ses fonctionnalités acides carboxyliques sont sous la forme acide non chargée83. De plus, un environnement riche en cations monovalents, comme le sodium ou le potassium, va entraîner la substitution du calcium, qui permet l’établissement de réticulations (Figure A-8), par ces derniers, entraînant ainsi la perte de la structure gel28.
De même, la température aura un impact déterminant sur la structure d’un hydrogel physique. Elle va en effet impacter la conformation des chaînes macromoléculaires en solution, son augmentation favorisant l’établissement de structures moins ordonnées, associées à une entropie plus élevée, ce qui satisfera au second principe de la thermodynamique (le cas des polymères thermosensibles à LCST est particulier et sera expliqué plus en détail section 3.1.). Ainsi, dans le cas de gels à base d’agar-agar, le polysaccharide passera de façon réversible de conformation pelote à hélicoïdale en baissant la température24 (Figure A-11). Dans le cas du greffage de polymères à LCST sur un squelette hydrophile, l’élévation de la température.
Les polysaccharides
Historique
Les polysaccharides, polymères naturels issus de la polycondensation des oses, font partie des premiers polymères étudiés, et ce avant que Staudinger n’expose ses théories sur la structure macromoléculaire. Ils entraient dans la composition de remèdes ancestraux basés sur des préparations à base d’extrait de plantes médicinales114,115. Les végétaux contenant de la cellulose étaient utilisées comme combustible (bois), comme composant des cordages (fibres de chanvre) et comme textile (coton, chanvre, lin)116. Il aura fallu attendre le XIXème siècle pour que les premiers polysaccharides soient isolés à partir de sources végétales ou animales. Ainsi les parois végétales peuvent contenir de la cellulose, des pectines, les graines quant à elles sont riches en amidon (composé d’amylose et d’amylopectine). Certaines graines renferment aussi de la gomme de guar, de caroube ou de tara, divers algues contiennent de l’alginate, de l’agar-agar ou encore des carraghénanes. Les exsudats de certains arbres peuvent être composés de gomme arabique ou de gomme karaya. On trouve des polysaccharides également au sein des cellules animales, tels l’acide hyaluronique ou la chitine, ou produits par des bactéries, voire des champignons, comme le xanthane, le dextrane, le pullulane ou encore la gomme gellane74,114,117. L’acide hyaluronique a été isolé au sein de l’humeur vitrée par Meyer et Palmer en 1934118. L’alginate, quant à lui, est extrait depuis la fin du XIXème siècle de certaines algues brunes (du type laminaria sp., Macrocystis sp., Eklonia sp. ou Ascophyllum nodosum) par traitements successifs en milieux acides et alcalins selon des procédés qui jouent sur son caractère insoluble quand il est sous forme acide et soluble quand il est chargé (Figure A-20)114,119-121. Si les oses constituant les polysaccharides ont assez rapidement pu être identifiés par dégradation, il aura fallu attendre les travaux de Staudinger au cours des années 1920 sur les macromolécules pour que se développe la recherche sur la nature des liaisons glycosides constitutives des polysaccharides116. Les progrès réalisés en cristallographie aux rayons X a également permis d’étudier leur structure cristalline122-124. De nombreuses structures de polysaccharides ont été déterminées dans les années 1960 sur la base d’études antérieures incomplètes2,125, avec notamment l’élucidation de la succession de liaisons glycosides 1→3 et 1→4 entre les deux unités saccharides respectives des carraghénanes, des glycosaminoglycanes et de l’agarose124,126-128 ou de l’alternance d’unités acides mannuroniques et acides guluroniques qui constituent l’alginate120,129-131.
La cellulose, dont le motif de répétition est constitué de glucose, a un statut particulier au sein des polysaccharides et de leur histoire, car elle est le polymère naturel le plus abondant de la biomasse, présente dans certaines structures cellulaires et dans les fibres des végétaux. La cellulose a été l’un des premiers polymères modifié chimiquement par l’homme en vue de concevoir des matériaux semi-synthétiques aux propriétés inédites vers la fin du XIXème siècle, à une époque où la bakélite, premier polymère artificiel à base de formol et de phénol n’avait pas encore été découvert (il le sera en 1907)21. Sous forme native, la cellulose représente plus de 80 % de la structure du lin et du chanvre et de 88 à 96 % de la structure du coton, utilisé notamment dans l’industrie textile, où son traitement par la soude la rend parfaitement adaptée à la pose de teinte. Elle est un composé essentiel du papier21. Si elle a été isolée dès 1837 par Anselme Payen116, elle ne sera synthétisée qu’en 1964 par voie enzymatique par l’équipe de William Hassid21,132. Sa modification chimique a entraîné l’émergence de composés semi-synthétiques aux propriétés très différentes du composé naturel, telle la nitrocellulose, un explosif plus puissant que la poudre à canon, découverte de façon fortuite par Henri Braconnot en 1832 par action de l’acide nitrique sur des substances végétales116, le procédé ayant postérieurement été amélioré par Christian Schönbein en 1846, qui d’après l’anecdote aurait enflammé le tablier de coton de sa femme en essuyant un mélange d’acide nitrique et d’acide sulfurique qui s’était déversé dessus21. Additionné de camphre pour le stabiliser, ce composé a par la suite conduit à développer la première matière plastique, le celluloïd, utilisé comme matériau des balles de tennis de tables ou des anciennes pellicules (brevet déposé en 1870 par les frères Hyatt). La cellulose régénérée, dite rayonne de viscose, obtenue par traitements successifs de la cellulose native en milieu alcalin puis acide, est utilisée comme soie artificielle dans l’industrie textile ou comme membrane de filtration et a permis l’obtention de la cellophane, utilisé notamment pour les emballages alimentaires, en étant comprimée entre deux rouleaux au cours du processus d’extraction de la viscose21. D’un autre côté, les éthers de cellulose, tels que la carboxyméthylcellulose, l’hydroxyéthylcellulose, la méthylcellulose par exemple, constituent une large gamme de polysaccharides semi-artificiels hydrosolubles aux multiples propriétés en particulier dans le domaine des épaississants très largement utilisés en formulation aqueuse133-136.
Pour ce qui est des autres polysaccharides, les premières applications concernaient également l’industrie textile137 ou l’industrie agroalimentaire. Ainsi, outre l’agar-agar déjà évoqué, les alginates ont été utilisés dans les années 1930 comme stabilisateur pour crème glacée121. Les polysaccharides ont aussi été employés comme milieu de culture (à base d’agar-agar), comme promoteur de cicatrisation des plaies137, comme coagulants pour les procédés de floculation137 ou comme substituant du plasma138.
Structure chimique et propriétés
Les polysaccharides sont des polymères naturels composés par des unités oses, aussi appelés glucides. Les oses de base comme le glucose sont caractérisés par une formule brute de type Cn(H2O)n, n étant généralement compris entre 3 et 9139,140, d’où le terme anglais ‘carbohydrate’ utilisé pour les désigner. Ils sont répartis entre les aldoses, comprenant une fonction aldéhyde en forme ouverte comme le glucose (l’ose le plus abondant dans la nature117), et les cétoses, qui présentent eux une fonction cétone en forme ouverte. Les autres groupes chimiques de la molécule sont toutes des fonctions alcools. Les carbones sont généralement énumérés en fonction de leur position dans la structure moléculaire, avec respectivement le carbone de la fonction aldéhyde des aldoses et celui non asymétrique en α de la cétone des cétoses définissant la position 1 (Figure A-21a). Un autre point très important dans la dénomination d’un ose provient de la distinction entre deux énantiomères D ou L selon la conformation du carbone asymétrique en α du carbone le plus éloigné de l’aldéhyde ou de la cétone (ex : position 5 d’un hexose) et de son orientation dans la représentation de Fischer (Figure A-21b). Très souvent, l’un des énantiomères est majoritaire à l’état naturel, comme le D-glucose pour le glucose, ce que l’on retrouve également chez les acides aminés, à ceci près que c’est la forme L qui est privilégiée chez ces derniers. Enfin, on peut noter l’équilibre conformationnel des oses en une forme ouverte telle que représentée Figure A-21 et une forme cyclique s’accompagnant par la conversion de la fonction aldéhyde des aldoses en hémiacétal et de la fonction cétone des cétoses en cétal (Figure A-22). Il y a deux possibilités de formes cycliques : la forme furanosique, composée d’un cycle à cinq liaisons sur le modèle du furane (à partir des tétroses) et la forme pyranosique, composée d’un cycle à six liaisons sur le modèle du pyrane (à partir des pentoses) (Figure A-22). Les oses pouvant passer à la fois en forme furanosique et pyranosique privilégient généralement l’une des deux, donnant la structure la plus favorable énergétiquement. Par exemple, le glucose privilégie la forme pyranosique. Ces deux formes cycliques peuvent être en conformation α ou β selon l’orientation du groupe fonctionnel en C1 par rapport à celui en C4 (forme furanosique) ou C5 (forme pyranosique) (Figure A-22). Il est à noter que le passage de la conformation α à β et réciproquement se fait de façon continue, du fait que les oses peuvent passer en forme ouverte. Cela n’est plus le cas quand la fonction C1 a été modifiée au niveau de son groupe alcool ou au sein d’un polysaccharide (sauf au niveau de son unité terminale présentant une fonction hémiacétal ou cétal libre). Ces deux conformations revêtent donc une importance cruciale sur la structure du polysaccharide comme nous le verrons par la suite.
L’acide hyaluronique (HA)
Structure et propriétés
L’acide hyaluronique est un glycosaminoglycane, non sulfaté ou lié à une protéine146. Il est synthétisé au sein de la membrane plasmique, d’où il est extrudé, contrairement aux autres glycosaminoglycanes qui sont produits par l’appareil de Golgi146. Pour rappel, il a été isolé en 1934 au sein de l’humeur vitrée par Meyer et Palmer118. Il est un constituant essentiel de la matrice extracellulaire chez les vertébrés et quelques bactéries, ce qui laisse supposer qu’il a été développé de façon précoce au cours de l’évolution naturelle147. On le retrouve notamment au sein de l’humeur vitrée (~100-400 µg.g-1), du fluide synovial au niveau des articulations (à une concentration d’environ 2 mg.mL-1), de la peau (50 % de la masse de HA du corps s’y trouve), des cartilages et du cordon ombilical (~4 mg.mL-1)144,146,148,149. Originellement sa production industrielle se réalisait essentiellement à partir de l’humeur vitrée d’origine bovine ou de crête de coq, mais elle est maintenant de plus en plus obtenue par croissance bactérienne au sein de streptococci148,150,151. Par rapport à d’autres polysaccharides comme les pectines ou l’alginate, présentant des structures variables selon la source d’où ils ont été extraits, l’acide hyaluronique a une structure régulière. Il est composé d’acide D-glucuronique (GlcA) alterné avec de la N-acétylglucosamine (GlcNAc) par des liaisons β 1→3 (GlcA → GlcNAc) et β 1→4 (GlcNAc → GlcA) sur une chaîne macromoléculaire linéaire (Introduction générale, Figure 2, page 4).
Du fait de la présence d’unités acides glucuroniques au sein de sa chaîne macromoléculaire et donc de fonctionnalités acides carboxyliques, le HA est un polyélectrolyte anionique et présente une forte affinité à l’eau. Il est également associé à une forte pression osmotique, cette dernière augmentant de façon exponentielle pour des concentrations croissantes en HA146,152,153. La présence de groupes donneurs et accepteurs de protons sur la structure du HA entraîne la possibilité de formation de liaisons hydrogène, qui sont principalement de nature intramoléculaire avec des ponts constitués par des molécules d’eau dans le cas de solutions aqueuses (Figure A-25)147,154. Ce glycosaminoglycane dispose également de zones relativement hydrophobes au sein de sa structure secondaire. Ces deux propriétés entraînent l’arrangement des chaînes de HA en une structure tertiaire en double hélice en milieu aqueux, qui ont la particularité non usuelle d’être particulièrement rigides, ce qui conduit à une forte augmentation de la viscosité et affecte leur réactivité147,154. Le HA est ainsi plus résistant à l’oxydation de son unité GlcA par le périodate par rapport à d’autres polysaccharides147. Il convient de noter qu’une étude a montré que l’addition de fragments de HA de faible masse molaire à une solution contenant des fragments de plus forte masse molaire entraîne une diminution de l’élasticité ainsi que de la viscosité de cette solution153,154.
Modification chimique
L’acide hyaluronique peut être modifié chimiquement en vue de lui conférer des propriétés dont il ne dispose pas naturellement et ce pour des applications principalement à destination du domaine biomédical. Il dispose en effet de plusieurs fonctionnalités sur lesquelles des réactions peuvent être réalisées, comme des alcools secondaires, un alcool primaire, un amide ainsi qu’un acide carboxylique.
Le HA a, par exemple, été réticulé en émulsion par du trimétaphosphate de sodium afin d’obtenir des microparticules pouvant séquestrer du bleu de méthylène53. L’avantage de cette méthode est qu’elle emploie un agent de réticulation peu toxique et permet de s’affranchir des dérivés plus usuels tels que le glutaraldéhyde ou des bisépoxydes161, par contre le milieu réactionnel, très fortement alcalin, peut induire une sensible dégradation du HA. D’autres méthodes de réticulation impliquent une fonctionnalisation préalable avec du dihydrazide adipique, suivie par la réaction avec une molécule bifonctionnelle entraînant la formation de liaisons covalentes intermoléculaires162,165. Cette voie de synthèse a par exemple été employée afin de réticuler du HA avec des molécules de polyéthylène glycol téléchéliques comprenant des fonctions aldéhydes terminales165. Une voie assez utilisée pour modifier le HA consiste en l’incorporation de fonctions thiols au sein de la structure. Cette méthode permet par exemple de former des hydrogels ou nanogels chimiques réversibles à base de ponts disulfure169,170. Ce type d’hydrogel est très sensible aux conditions réductrices que l’on peut rencontrer au sein des cellules du fait de la présence d’antioxydants170. Du fait de leur réactivité avec des disulfures, les thiols permettent des réactions de post-fonctionnalisation, les dérivés de dithiopyridine étant très employés dans ce but170,171.
Il est possible de fonctionnaliser le HA en générant une fonction amine au sein de ses unités disaccharides par désacétylation à la manière du chitosane. Cette méthode a été employée pour lui greffer de la tyramine-cellobiose labélisée avec de l’iode 125 afin d’étudier son métabolisme par l’organisme172. Elle présente cependant plusieurs inconvénients, à savoir la nécessité de réacétyler les fonctions amines n’ayant pas réagi pour ne pas altérer outre-mesure les propriétés physico-chimiques du HA172 ainsi que la dégradation de la chaîne polysaccharide par β-élimination du fait des conditions de réaction dures utilisées162.
Il est également possible d’oxyder l’acide hyaluronique par l’action du périodate, malgré la relative lenteur de la réaction par rapport à d’autres polysaccharides147,173. Cette réaction, appliquée aux polysaccharides, aboutit généralement à l’ouverture du cycle ose au niveau des carbones C2 et C3, les fonctions alcools situées sur ces positions étant alors converties en aldéhyde, très réactives et pouvant aisément être fonctionnalisées. Dans le cas du HA, la réaction se produira principalement sur l’unité acide glucuronique, la présence d’une fonction amide en position 3 au sein de l’unité N-acétylglucosamine empêchant l’ouverture de cycle au sein de cette dernière (Figure A-26)173,174. Cette réaction présente néanmoins un inconvénient du fait que la structure du HA sera fortement altérée de façon irréversible en cas d’oxydation poussée, qui doit donc rester limitée. Il existe des possibilités alternatives d’obtenir des fonctions aldéhydes au sein de l’unité disaccharide du HA sans provoquer d’ouverture de cycle qui consistent soit à réduire la fonction acide carboxylique de l’unité GlcA, soit à oxyder sélectivement l’alcool primaire de l’unité N-acétylglucosamine. Dans le premier cas, le réducteur employé est le 9-borabicyclo[3.3.1]nonane et dans le second, le système oxydant employé est le périodinane de Dess-Martin (un oxydant spécifique des alcools primaires) qui présente l’inconvénient de pousser l’oxydation vers la formation d’acide carboxylique comme sous-produit175,176. Les fonctions aldéhydes peuvent alors être utilisées pour la formation de bases de Schiff par réaction avec les amines. Cependant, leur forte réactivité constitue également un problème potentiel, obligeant à prendre des précautions lors de la manipulation du HA ainsi modifié, en évitant notamment de l’exposer à la lumière sous peine de fortement altérer sa structure. Par conséquent, il convient de prêter une attention particulière à ce que toutes les fonctions aldéhydes aient bien réagi après la réaction de fonctionnalisation.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre A : Etude bibliographique
1 Les hydrogels
1.1 Historique
1.2 Propriétés physico-chimiques des hydrogels
1.2.1 Degré de gonflement
1.2.2 Densité de réticulation
1.2.3 Longueur de corrélation ξ
1.2.4 Propriétés rhéologiques des hydrogels
1.3 Hydrogels chimiques et hydrogels physiques
1.3.1 Hydrogels chimiques χ
1.3.1.1 Synthèse
1.3.1.2 Propriétés mécaniques
1.3.2 Hydrogels physiques φ
1.3.2.1 Synthèse
1.3.2.2 Propriétés réversibles
1.3.3 Hydrogels basés sur des liaisons covalentes dynamiques
1.4 Autres classifications des hydrogels
1.5 Domaines d’application des hydrogels
2 Les polysaccharides
2.1 Historique
2.2 Structure chimique et propriétés
2.3 L’acide hyaluronique (HA)
2.3.1 Structure et propriétés
2.3.2 Modification chimique
2.3.3 Application des HA modifiés
3 Les polymères thermosensibles
3.1 Principe et propriétés
3.2 Les poly(2-oxazoline)s
4 Les fonctionnalités photosensibles
4.1 Deux catégories principales
4.2 Applications des molécules photochromiques
4.3 Les azobenzènes
5 Conclusion
6 Bibliographie
Chapitre B : Matériels et Méthodes
1 Liste des produits chimiques employés
2 Méthodes de caractérisation chimique
2.1 Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN)
2.2 Spectroscopies d’absorption de la lumière
2.2.1 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
2.2.2 Spectrophotométrie ultraviolet-visible (UV-vis)
2.2.2.1 Principe
2.2.2.2 Mesure de points troubles
2.2.2.3 Cinétique de l’absorbance d’un dérivé d’azobenzène soluble en milieu acide
3 Méthodes de caractérisation physico-chimique
3.1 Chromatographie d’exclusion stérique (SEC) couplée MALLS
3.2 Viscosimétrie à faible cisaillement
3.3 Rhéologie
3.4 Diffusion dynamique de la lumière (DDL)
4 Caractérisation des composés employés
4.1 L’acide hyaluronique
4.1.1 Propriétés physico-chimiques
4.1.2 Conversion en sel de tétrabutylammonium
4.1.2.1 Contexte
4.1.2.2 Réaction
4.2 La Jeffamine® M2005
4.3 Les polyoxazolines
4.4 Les azobenzènes
4.4.1 Modification chimique
4.4.2 Caractérisation
5 Références
Chapitre C : Elaboration d’hydrogels thermosensibles à base de HA-g-M2005
1 Introduction
2 Article
3 Causes de la dégradation du HA1200k en milieu aqueux
4 Conclusion
5 Références
Chapitre D : Elaboration d’hydrogels thermosensibles à base de HA-g-(PiPrOx-co-PnBuOx)
1 Introduction
2 Synthèse du HA-g-PMeOx
2.1 Sélection de la stratégie de synthèse
2.2 Synthèse du PMeOx par voie thermique
2.3 Greffage du PMeOx sur le HA
2.3.1 Protocole de la réaction
2.3.2 Caractérisation moléculaire
2.3.3 Optimisation de la purification
2.3.4 Efficacité du greffage et analyse des propriétés des échantillons
3 Synthèse du HA-g-(PiPrOx-co-PnBuOx)
3.1 Protocole de la réaction
3.2 Caractérisation moléculaire
3.3 Caractérisation physico-chimique
3.3.1 Grandeurs physico-chimiques obtenues par SEC/MALLS/VD/DRI
3.3.2 Analyse de la Tcp par spectroscopie UV-vis.
3.4 Caractérisation rhéologique de la formation des hydrogels par élévation de la température
3.4.1 Mesure de la transition hydrogel par rampe thermique
3.4.1.1 Influence du ratio iPrOx/nBuOx sur Ttrans
3.4.1.2 Influence du DS sur Ttrans
3.4.1.3 Influence du DPPOx
3.4.1.4 Influence de la masse molaire du HA sur Ttrans
3.4.2 Impact du protocole de synthèse sur les propriétés des échantillons obtenus
3.4.3 Etude de la relaxation des gels
3.4.4 Etude de l’injectabilité du gel
5 Références
Chapitre E : Fonctionnalisation du HA avec des composés photosensibles
1 Introduction
2 Fonctionnalisation du HA avec un dérivé azobenzène
3 Propriétés physico-chimiques des HA-g-azo.
3.1 Analyses SEC/MALLS/UV/VD/DRI
3.2 Etude de la transition trans→cis
4 Formation de complexes d’inclusion avec des cyclodextrines
4.1 Complexes avec des cyclodextrines libres
4.2 Fonctionnalisation du HA avec l’α-cyclodextrine
5 Conclusion
6 Références
Conclusion générale et perspectives
Annexe 1 : Calcul du DS des HA-g-PMeOx
Annexe 2 : RMN 2D du HA-g-PMeOx
Annexe 3 : Balayage en fréquence du HA990k-g-(PiPrOx-co-PnBuOx)-0,15 à 10 g.L-1 dans le PBS
Annexe 4 : Détail du calcul de la concentration en azobenzène d’une solution de HA-g-azo
Annexe 5 : Communications et articles
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