Les réactions d’hydroboration, addition d’un atome de bore et d’hydrogène sur une insaturation, ont été largement étudiées et constituent d’excellentes voies d’accès à des organoboranes qui se sont révélés des intermédiaires de synthèse très utiles [1-3]. L’addition peut se faire sur l’un ou l’autre des deux carbones de l’insaturation. Elle s’effectue préférentiellement sur le carbone le moins encombré (addition anti-Markownikov). Cette régiosélectivité peut par contre être modifiée par des effets stériques et des paramètres électroniques [4-6].
Il existe quelques travaux concernant l’hydroboration des esters méthyliques d’acides gras. En 1959, a été décrite la première réaction d’hydroboration de l’oléate de méthyle par le diborane [7] suivie quelques années plus tard de l’action de ce même diborane sur l’undéc-10- énoate de méthyle [8].
L’existence de deux sites réactionnels dans ces EMAG: l’insaturation carbone-carbone et la fonction ester rend leurs réactions d’hydroboration plus délicates à réaliser. Cependant, Il a été démontré que la réduction des groupements esters est beaucoup plus lente que celle des oléfines [9]. En utilisant des conditions opératoires adéquates, il est possible de limiter cette réaction secondaire et d’obtenir une réaction sélective de la double liaison carbone-carbone [7]. D’autres auteurs ont détourné la difficulté en protégeant la fonction ester par un groupement silylé de façon à n’avoir qu’un seul site réactif [10].
Hydroboration de l’undéc-10-énoate de méthyle et de ses dérivés
Dans une première étape, nous avons optimisé cette réaction d’hydroboration sur l’undéc-10-énoate de méthyle qui présente une double liaison terminale plus réactive. Nous avons choisi trois agents d’hydroboration: le diméthylsulfure borane (BMS), le thexylborane [11] et le 9-bora[3.3.1]bicyclononane (BBN), les deux premiers pour leur facilité d’utilisation, le dernier pour son encombrement stérique plus important. Les organoboranes, formés transitoirement, étant assez difficiles à caractériser de par leur sensibilité à l’hydrolyse, sont systématiquement oxydés par de l’eau oxygénée en milieu alcalin. Nous avons utilisé la réaction de Brown [12]. Elle est quantitative mais surtout procède sans isomérisation et avec une totale rétention de configuration. C’est donc une méthode très efficace pour passer d’un dérivé éthylénique à un alcool, avec la possibilité d’étudier la structure de l’organoborane intermédiaire à partir de l’alcool isolé (la régiosélectivité de la réaction d’hydroboration et la détermination des pourcentages d’isomères).
Cas de l’undéc-10-énoate de méthyle
Tous nos tests ont été réalisés en ajoutant le borane à une solution d’undéc-10-énoate de méthyle. Nous avons fait varier la stoechiométrie de la réaction, la température et le solvant . Dans le cas du BMS, quelques soient les conditions opératoires utilisées, l’analyse par RMN du proton montre la disparition des protons éthyléniques ce qui confirme l’hydroboration complète de la double liaison .
Les spectres de RMN du proton montrent également la présence d’un seul isomère avec des triplets caractéristiques à 0.79 ppm pour le produit 1 et à 1.11 ppm pour le produit 2 attribués au groupement CH2B. La RMN du carbone confirme ces résultats avec la présence d’un nouveau signal CH2B à 22.68 ppm (composé 1). Ces données sont en accord avec celles décrites dans la littérature [14].
Par contre, la RMN du bore s’avère beaucoup plus complexe. Par exemple, pour l’undéc-10-énoate de méthyle/BMS (entrée 4), nous avons obtenu plusieurs pics à 18.82, 37.04, 55.96 et 92.88 ppm. Ces signaux pourraient correspondre aux boranes mono-, di- et trisubstitués mais également aux oxydes de bore qui pourraient provenir soit de l’oxydation d’une liaison B-H soit de la réduction du groupe ester. Comme cela a été déjà décrit dans la littérature [12], leur identification est très difficile étant donné la superposition des domaines [10-30 ppm] de BR3 et de R2B(OH). Pour le BBN, la réaction d’hydroboration n’est pas totale, il reste entre 10 et 15% du produit de départ même en chauffant à 50°C pendant deux heures. Cela est vraisemblablement dû à l’encombrement stérique de ce borane .
Cas de l’acide undéc-10-énoïque
L’addition d’une quantité stoechiométrique du BMS sur une solution d’acide undéc10 énoïque dans le THF conduit instantanément à la formation d’un polymère insoluble, l’obtention de ces intermédiaires insolubles a déjà été signalée dans la littérature [15]. Cela est probablement dû à une réaction de réduction de la fonction acide qui est beaucoup plus réactive que l’insaturation carbone-carbone. Des auteurs ont suggéré la formation transitoire de trialkoxyboroxines (RCH2OBO)n qui conduisent après hydrolyse aux alcools correspondants et à l’acide borique [16] (éq. 6). Dans notre cas, il doit se former probablement des cycles plus grands ou des polymères insolubles.
Nous avons tenté une hydrolyse en milieu acide dilué suivie d’une oxydation. L’analyse du mélange réactionnel par RMN du proton montre la formation de plusieurs produits, dont certains présentent des protons éthyléniques et que nous n’avons pas pu identifier.
Partie expérimentale
Synthèse du tri (10-méthoxycarbonyldécyl) borane 1
B[-CH2-(CH2)7-CH2-CH2-COOCH3]3
A (0.75 g, 3.79 mmol) d’undéc-10-énoate de méthyle dans 3 ml de THF, est ajouté goutte à goutte le BMS (0.70 ml, 1.40 mmol) en solution dans le THF (2 M). Le mélange est maintenu sous agitation pendant trois heures à température ambiante. La concentration du solvant sous pression réduite conduit à l’obtention de 0.68 g d’un liquide visqueux identifié au produit 1.
Rdt = 89%.
IR: ν(C=O) = 1741 cm-1.
RMN 1H (CDCl3) (300.13 MHz): δ (ppm) = 0.79 (t, 3 JHH = 6.9 Hz, 2H, CH2-BH2); 1.21 (s.l, 14H, (CH2)7); 1.56 (m, 2H, CH2-CH2-CO); 2.25 (t, 3 JHH = 7.2 Hz, 2H, CH2-CO); 3.61 (s, 3H, OCH3).
RMN13C (CDCl3) (75.48 MHz): δ (ppm) = 22.68 (CH2-B); 24.93, 29.14, 29.25, 29.36, 29.46, 29.55, 29.64 ((CH2)9); 34.06 (CH2-CO); 51.86 (OCH3); 174.22 (CO).
Procédure générale d’oxydation
– conditions fortes:
A une solution d’organoborane (10.00 mmol) dans 10 ml d’acétone, sont ajoutés goutte à goutte 1.5 ml d’HCl (5%). Lorsque le dégagement d’hydrogène a cessé, le solvant est concentré sous vide, le résidu est ensuite dissout dans 10 ml du THF. La solution obtenue est alcalinisée par 10 ml de NaOH (40%) puis traitée lentement par 15 ml d’une solution d’H2O2 à 30%. Le mélange est ensuite chauffé à reflux pendant trois heures. Après refroidissement, le mélange réactionnel est acidifié par une solution d’HCl 35%. La phase organique est recueillie et la phase aqueuse est extraite au chloroforme. Les phases organiques sont réunies et séchées sur sulfate de sodium.
– conditions douces:
A une solution d’organoborane (5.00 mmol) dans 5 ml d’acétone, sont ajoutés goutte à goutte 0.80 ml d’HCl (5%). Lorsque le dégagement d’hydrogène a cessé, le solvant est concentré sous vide et le résidu est dissout dans 5 ml du THF. La solution obtenue est traitée ensuite simultanément par 1.80 ml NaOH (1 M) et 2.20 ml d’une solution d’H2O2 à 13.7%. Le mélange est laissé sous agitation magnétique à température ambiante pendant 30 min. Le mélange est extrait par 15 ml d’éther. La phase organique est traitée par une solution saturée de K2CO3 avant d’être extraite par du THF. Elle est ensuite séchée sur sulfate de sodium. Après évaporation des solvants sous pression réduite, l’analyse du mélange réactionnel par RMN du 1 H permet de calculer les pourcentages relatifs des différents produits formés.
Synthèse de l’acide 11-hydroxyundécanoïque 4
HO-CH2-CH2-(CH2)6-CH2-CH2-COOH
A une solution d’organoborane (B((CH2)10-COOMe)3) (0.76 g, 1.26 mmol) dans 3.5 ml d’acétone, sont ajoutés goutte à goutte 1.5 ml d’HCl (5%). Lorsque le dégagement d’hydrogène a cessé, le solvant est concentré sous vide, le résidu est ensuite dissout dans 3.5 ml de THF. La solution obtenue est alcalinisée par 3.75 ml NaOH (40%) puis traitée lentement par 5.7 ml d’une solution d’H2O2 à 30%. Le mélange est ensuite chauffé à reflux pendant trois heures. Après refroidissement, le mélange réactionnel est acidifié par une solution d’HCl 35%. La phase organique est recueillie et la phase aqueuse est extraite au chloroforme. Les phases organiques sont réunies et séchées sur sulfate de sodium. L’évaporation des solvants conduit à l’obtention d’un solide blanc. La cristallisation dans l’éther à basse température (-30°C) conduit à 0.71 g d’un solide blanc identifié à 4.
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Table des matières
Introduction générale
Généralités et techniques
Abréviations et symboles
Chapitre I: Hydroboration des EMAG
Introduction
I.1. Hydroboration de l’undéc-10-énoate de méthyle et de ses dérivés
I.1.1. Cas de l’undéc-10-énoate de méthyle
I.1.2. Cas de l’acide undéc-10-énoïque
I.1.3. Cas du chlorure d’undéc-10-énoyle
I.1.4. Cas du N-phénylundéc-10-énamide
I.2. Hydroboration de l’oléate de méthyle
I.3. Hydroboration du linoléate de méthyle
Conclusion
Partie expérimentale
Bibliographie
Chapitre II: Hydrométallation (Si, Ge) des EMAG et de leurs alcools correspondants
Introduction
II.1. Hydrosilylation
II.1.1. Hydrosilylation de l’undéc-10-énoate de méthyle
– Cas du siloxane linéaire
– Cas du siloxane cyclique
II.1.2. Hydrosilylation de l’undéc-10-énol
II.1.3. Analyses physico-chimiques
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du silicium
– Infrarouge
– Spectrométrie de masse
II. 2. Hydrogermylation
II.2.1. Hydrogermylation de l’undéc-10-énoate de méthyle
– Cas du triphénylgermane Ph3GeH
– Cas du diphénylgermane Ph2GeH2
– Cas du phénylgermane PhGeH3
II.2.2. Hydrogermylation de l’undéc-10-énol
II.2.3. Hydrogermylation de l’oléate de méthyle
– Cas du triphénylgermane Ph3GeH
– Cas du diphénylgermane Ph2GeH2
– Cas du phénylgermane PhGeH3
II.2.4. Hydrogermylation de l’octadéc-8-èn-1-ol
– Cas du triphénylgermane Ph3GeH
– Cas du diphénylgermane et du phénylgermane
II.2.5. Caractérisation physico-chimique
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du silicium
– Infrarouge
– Spectrométrie de masse
II.2.6. Propriétés d’auto-organisation en solution
Conclusion
Partie expérimentale
Bibliographie
Chapitre III: Phosphorylation des EMAG et de leurs alcools correspondants
Introduction
III.1. Hydrophosphorylation des EMAG
– Préparation des phosphines de départ
III.1.1. Hydrophosphorylation des EMAG par voie radicalaire
III.1.2. Phosphorylation des EMAG par voie organolithiée
III.1.3. Caractérisation physico-chimique
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du phosphore
– RMN du silicium
– Infrarouge
– Spectrométrie de masse
III.2. Préparation des EMAG O-phosphorés
III.2.1. A partir des dichlorophosphines ArPCl2
III.2.2. A partir des oxydes de dichlorophosphines ArP(O)Cl2
III.2.3. Caractérisation physico-chimique
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du phosphore
– Infrarouge
– Spectrométrie de masse
Conclusion
Partie expérimentale
Bibliographie
Chapitre IV: Polyesters et copolymères métallés (Si, Ge) à motif EMAG
Introduction
IV.1. Polyesters
IV.1.1. Synthèse
– à partir des diesters métallés
– à partir des diols métallés
– à partir de triester germanié
– à partir de triol germanié
– à partir de polyester silicié cyclique
IV.1.2. Caractéristiques physico-chimiques
a/ RMN multinoyaux
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du carbone en phase solide
– RMN du silicium
– RMN du phosphore
b/ Infrarouge
c/ Chromatographie d’exclusion stérique
– Description de la méthode
– Résultats
IV.1.3 Caractéristiques physiques et thermiques
a/ Viscosité
– Description de la méthode
– Résultats
b/ Analyse thermogravimétrique (TGA)
– Description de la méthode
– Résultats
IV.2 Copolymères
IV.2.1. Synthèse
– à partir des diesters métallés
– à partir des diols métallés
IV.2.2 Caractéristiques physico-chimiques
a/ RMN multinoyaux
– RMN du proton
– RMN du carbone
– RMN du silicium
b/ Chromatographie d’exclusion stérique
IV.2.3 Caractéristiques physiques et thermiques
a / Viscosité
b/ Analyse thermogravimétrique (TGA)
Conclusion
Partie expérimentale
Bibliographie
Conclusion générale