Hydratation du ciment anhydre : la formation des hydrates
Avant de parler d’hydratation, intéressons-nous au ciment anhydre. Du clinker, du gypse et/ou des substituants au clinker sont cobroyés pour donner la poudre de ciment Portland. Un clinker Portland est constitué de [Taylor, 1997] :
❖ 60 à 65% d’alite : Ca3SiO5, noté C3S ;
❖ 20 à 25 % de bélite : Ca2SiO4, noté C2S ;
❖ environ 20 % d’aluminates : aluminates tricalciques (Ca3Al2O6, noté C3A) et alumino-ferrites calciques (Ca4Al2Fe2O10, noté C4AF) ;
❖ une faible quantité de chaux libre (CaO, notée C).
Dans les ciments d’aluminates de calcium (CAC), le composé principal du clinker est l’aluminate monocalcique, noté CA. Celui-ci est broyé pour donner la poudre de ciment. Contrairement aux ciments Portland, aucun ajout n’est réalisé. Dans le ciment Ciment Fondu®, le CA est présent à hauteur de 40 à 50 % [Taylor, 1997]. A noter qu’un récapitulatif de la composition minéralogique et de la composition chimique moyenne correspondante des ciments Portland et Ciment Fondu® est donné en annexe A .
La mise en contact de la poudre de ciment anhydre avec l’eau enclenche le processus d’hydratation des constituants de départ. Bien que le processus d’hydratation soit similaire pour les ciments Portland et alumineux, le mécanisme de nucléation des hydrates est très différent [Baron, 1992]. Dans un ciment Portland, la vitesse de diffusion des ions silicates au sein de la solution est lente et conduit à la précipitation des hydrates autour des grains de ciment. Il y a alors formation d’une barrière de diffusion qui ralentit l’hydratation. A l’inverse, dans un CAC, les ions aluminates diffusent à longue distance. Ceci induit la précipitation massive des hydrates au sein de la solution. Ainsi, les CAC sont des ciments dits « à durcissement rapide ». Pour un E/C égal à 0,4, le degré d’hydratation de la phase CA peut atteindre 80 % dès le premier jour.
Le ciment phospho-magnésien est différent des deux premiers ciments car on ne part pas de clinker mais d’un mélange d’un acide et d’une base qui vont réagir entre eux pour former le matériau final.
Hydratation du ciment Portland
L’hydratation de l’alite (C3S) et de la bélite (C2S) conduit à la formation de silicates de calcium hydratés (C-S-H) et d’un hydroxyde de calcium appelé portlandite (CH). En moyenne, une pâte de ciment durcie ordinaire contient 50 à 70 % de C-S-H et 25 à 27 % de portlandite [Taylor, 1997]. Pour empêcher le phénomène de prise rapide , du gypse (CaSO4, 2 H2O) est habituellement ajouté au clinker. L’hydratation du C3A s’effectue alors en trois étapes et conduit à la formation d’ettringite (couramment notée C3A.3CaSO4.32H2O) et éventuellement de monosulfoaluminates de calcium hydratés, notés C4AS̅H12, suivant la quantité de gypse. Les produits issus de l’hydratation du C4AF sont identiques à ceux obtenus à partir de C3A : les aluminates sont remplacés par des alumino-ferrites.
Hydratation du ciment alumineux
L’hydratation de l’aluminate monocalcique (CA) conduit, en fonction de la température, soit directement à la formation de katoite (C3AH6) et de gibbsite (AH3), soit passe d’abord par la formation de deux aluminates de calcium hydratés métastables (C2AH8 et CAH10). Ces derniers, dans une étape ultérieure dite de conversion, aboutissent aux hydrates stables katoite (C3AH6) et gibbsite (AH3) [Scrivener, 1999] [Taylor, 1997].
Hydratation du ciment phospho-magnésien
L’hydratation du ciment phospho-magnésien résulte d’une réaction acido-basique exothermique entre une base, la magnésie (MgO), et un acide contenant des phosphates. Différents systèmes existent selon la nature de l’acide, le phosphate monoammoniacal NH4H2PO4 (MAP ou ADP) étant le plus employé. En présence d’eau, la réaction conduit à la formation de struvite, MgNH4PO4, 6H2O. Toutefois, un dégagement gazeux d’ammoniac est observé au cours de cette réaction. Pour y remédier, un autre système, utilisant du dihydrogénophosphate de potassium (KH2PO4) à la place du phosphate monoammoniacal, est mis en œuvre. L’hydrate principal formé est alors la K-struvite, MgKPO4,6H2O [Le Rouzic, 2013]. A noter qu’en excès, l’oxyde de magnésium peut s’hydrater en hydroxyde de magnésium, appelée brucite (Mg(OH)2).
Structure des hydrates
La structure des hydrates majoritaires constitutifs des ciments Portland, Ciment Fondu® et phosphomagnésien est détaillée ci-dessous. La brucite, pouvant apparaître à la fois dans les pâtes de ciments Portland et phospho-magnésiens, sera traitée séparément.
Hydrates majoritaires constitutifs d’un ciment Portland
Les C-S-H
Les silicates de calcium hydratés, notés génériquement Cx-Sy-Hz , représentent la phase majoritaire issue du processus d’hydratation d’un ciment Portland. Les propriétés mécaniques, chimiques et de transport du ciment dépendent en grande partie de leurs propriétés. Dans une pâte de ciment, ces hydrates se présentent sous la forme d’un continuum communément désigné par « gel » de C-S-H pour lequel différents modèles existent .
La composition des C-S-H dépend du rapport CaO/SiO2, noté C/S, et de la concentration en hydroxyde de calcium de la solution d’équilibre . Une première classification faite par Taylor distingue les C-S-H(I), dont le rapport C/S est inférieur à 1,5, et les C-S-H(II), dont le rapport C/S est supérieur à 1,5 [Taylor, 1950]. Par la suite, Nonat et Lecoq affinent cette répartition en trois groupes [Nonat, 1998]:
◆ C-S-H(α) : 0,66 < C/S < 1,0 ;
◆ C-S-H(β) : 1,0 < C/S < 1,5 ;
◆ C-S-H(γ) : 1,5 < C/S < 2.
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Table des matières
Introduction générale
Contexte de l’étude
Chapitre 1 : Le ciment : du matériau anhydre aux hydrates
1 Hydratation du ciment anhydre : la formation des hydrates
1.1 Hydratation du ciment Portland
1.2 Hydratation du ciment alumineux
1.3 Hydratation du ciment phospho-magnésien
2 Structure des hydrates
2.1 Hydrates majoritaires constitutifs d’un ciment Portland
2.2 Hydrates majoritaires constitutifs d’un ciment Ciment Fondu®
2.3 Hydrate majoritaire constitutif d’un ciment phospho-magnésien : la K-struvite (MgKPO4.6H2O)
2.4 La brucite (MH)
2.5 Récapitulatif de l’ensemble des hydrates majoritaires constitutifs des ciments Portland, Ciment Fondu® et phospho-magnésien
3 Le ciment : un matériau poreux multi-échelle complexe
3.1 Généralités sur la porosité selon l’IUPAC (Union Internationale de Chimie Pure et Appliquée)
3.2 Porosité des matériaux cimentaires : cas du ciment Portland
4 La matrice cimentaire : un milieu constitué d’eau
5 Conclusions du chapitre 1
6 Références bibliographiques
Chapitre 2 : Synthèses et caractérisations des matériaux cimentaires
1 Protocoles expérimentaux
1.1 Formulation des pâtes de ciment
1.2 Protocoles de synthèse des hydrates cimentaires
1.3 Conditions de stockage des échantillons
1.4 Notations utilisées
2 Caractérisations
2.1 Caractérisation du ciment Ciment Fondu®
2.2 Caractérisation du ciment Portland
2.3 Caractérisation du ciment phospho-magnésien
2.4 Caractérisation de la brucite (Mg(OH2))
3 Conclusions du chapitre 2
4 Références bibliographiques
Préambule aux expériences d’irradiation
Chapitre 3 : Etude de la production de gaz de matériaux cimentaires sous irradiation γ
1 Interaction photons γ/matière
2 Etat de l’art : Transformations chimiques liées aux rayonnements – la radiolyse de l’eau
2.1 La radiolyse de l’eau
2.2 Quantification de la production de gaz – Notion de rendement radiolytique
2.3 Influence des paramètres d’irradiation sur la production de gaz de radiolyse
2.4 Quelques données radiolytiques disponibles dans la littérature
2.5 Production de gaz de radiolyse : influence des paramètres du matériau
2.6 Conclusions et problématique
3 Irradiations γ réalisées
3.1 Irradiation des pâtes cimentaires
3.2 Irradiation des hydrates
4 Production de gaz de matériaux cimentaires
4.1 Production de gaz du ciment Ciment Fondu®
4.2 Production de gaz du ciment Portland
4.3 Production de gaz du ciment phospho-magnésien
5 Comparaison de la production de gaz des différentes matrices cimentaires
5.1 Comparaison de la production de gaz mesurée sur pâtes de ciment
5.2 Discussion sur la production de gaz mesurée sur hydrates de synthèse
6 Comparaison de deux hydrates isostructuraux : la portlandite et la brucite
6.1 Résultats expérimentaux
6.2 Discussion
7 Application industrielle
8 Conclusions du chapitre 3
9 Références bibliographiques
Chapitre 4 : Etude des modifications structurales d’hydrates cimentaires sous irradiation électronique
1 Interaction particule chargée/matière : cas des électrons
1.1 Perte d’énergie par collisions inélastiques entre électrons
1.2 Rayonnement Bremsstrahlung
1.3 Rayonnement Cerenkov
1.4 Perte d’énergie par collisions élastiques
1.5 Collisions balistiques : notion de dpa et calcul par simulation
1.6 En résumé
2 Irradiations électroniques réalisées
2.1 Les échantillons
2.2 Paramètres d’irradiation
3 Etat de l’art sur l’observation des modifications structurales par diffraction de rayons X
4 Données accessibles par DRX sur poudre
4.1 Constitution d’un diffractogramme
4.2 Observation des modifications structurales par DRX
5 Modifications structurales d’hydrates cimentaires
5.1 Evolution des distances interréticulaires : variation dimensionnelle de la structure
5.2 Evolution de la largeur des raies : variation de la taille des cristallites et distorsion de réseau
6 Conclusions du chapitre 4
7 Références bibliographiques
Conclusion générale