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L’hydrologie en milieu semi aride
La r´epartition des ressources en eau n’est pas uniforme dans le temps et l’espace et plus de 4 milliards de personnes vivent dans des zones de p´enurie en eau. Dans ces r´egions, la difficult´e pour la gestion de l’eau est de prendre en compte le d´eveloppement mal maˆıtris´e de l’urbanisme, le tourisme et la d´emographie, ainsi que les besoins pour l’irrigation, qui sont en augmentation dans ces zones sensibles aux variations climatiques.
En milieu semi aride le cycle de l’eau pr´esente des caract´eristiques particuli`eres. Le r´egime de pr´ecipitation est de type convectif, c’est a` dire de courte dur´ee et de forte intensit´ avec une forte h´et´erog´en´eit´ spatiale. La variabilit´e temporelle est elle aussi sp´ecifique : par exemple sur la cˆote nord-ouest de l’Australie, une station a enregistr´ une pr´ecipitation annuelle moyenne de 450 mm sur quatre ann´ees cons´ecutives mais avec des cumuls de 570, 70, 680 et 55 mm (Pilgrim et al., 1988). Une large majorit´e des ev´enements pluvieux (64%) pr´esente une dur´ee inf´erieure ou ´egale a` une heure (alors qu’elle n’est que de 47% en milieu temp´er´e) d’apr`es Guntner¨ (2002). Dans le Bassin du Tensift-Haouz au Maroc, les ev´enements pluvieux intenses ont lieu en Novembre et Avril. Par exemple, en Novembre 2014, le centre du Maroc a et´ touch´e par des intemp´eries exceptionnelles, une trentaine de personnes sont mortes et de nombreuses installations ont et´e endommag´ees `a la suite de violentes pr´ecipitations qui ont provoqu´e des inondations et des crues de plusieurs rivi`eres au pied du massif de l’Atlas (Fig. 1.2).
Le ph´enom`ene de ruissellement est aussi caract´eristique du milieu semi aride. Les pr´ecipita-tions intenses, conjugu´ees `a la faible capacit´e d’infiltration des sols expliquent la pr´epond´erance du ruissellement. Ces ruissellements sont caus´es par des sols souvent compact´es et recouverts d’une croute avec une v´eg´etation peu abondante.
L’´evapotranspiration repr´esente un flux important du cycle hydrologique dans ces r´egions semi arides (Hernandez et al., 2000). Cette composante recycle environ 80% des pr´ecipitations (Pilgrim et al., 1988). L’´evapotranspiration (r´eelle) est li´ee `a la disponibilit´e en eau du sol et a` la demande climatique (´evapotranspiration potentielle ou de r´ef´erence – ET0 ). Par d´efinition, cette variable ET0 est d´efinie comme ´etant ”le taux d’´evaporation d’une surface ´etendue de gazon, en croissance active, ayant une hauteur uniforme de 8 a` 15 cm, couvrant compl`etement le sol, et ne souffrant pas de stress hydrique”, selon la l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
La zone semi-aride peut donc supporter une agriculture pluviale, mais avec des niveaux de production plus ou moins r´eguliers. Si les v´eg´etaux des zones arides s’adaptent morphologique-ment et physiologiquement a` leur milieu pour satisfaire plus facilement leur besoin en eau (Chaves et al., 2003), ces strat´egies d’adaptation se font toujours au d´etriment de leur croissance. C’est aussi pour cette raison que de nombreuses r´egions agricoles du globe ont recours `a l’irrigation (Siebert et al., 2005; Wichelns and Oster, 2006), ce qui leur permet, malgr´e le climat et/ou la qualit´e des sols, de cultiver leurs terres et d’obtenir une production agricole suffisante pour ten-ter d’assurer la s´ecurit´ alimentaire. Il est cependant n´ecessaire de g´erer au mieux l’eau mise a` disposition des cultures et donc d’estimer le plus justement possible leurs besoins r´eels dans le temps (Fischer and Hagan, 1965; Pereira et al., 2002). En effet, la consommation de l’eau pour l’agriculture repr´esente 80 `a 90% de l’eau mobilisable (FAO).
L’humidit´e du sol pour l’agriculture
L’´etude de l’humidit´e du sol est primordiale pour la gestion de l’eau. Mˆeme si l’humidit´e du sol ne constitue qu’une petite partie (0.15%) de l’eau douce pr´esente `a la surface de la terre (Ding-man, 1994), elle est au centre des ´echanges biosph`ere, atmosph`ere et hydrosph`ere en contrˆolant le partage des pr´ecipitations en ´evaporation, ruissellement et infiltration. Cette variable est un el´ement majeur du cycle de l’eau et elle est consid´er´ee comme une Variable Essentielle du Climat en 2010 par Global Climate Observing System. De plus, pour permettre une bonne croissance v´eg´etative, les plantes ont un besoin d’eau appropri´e en qualit´e, en quantit´e, `a la port´ee de leurs racines et au bon moment. C’est `a dire que l’efficacit´ de l’utilisation de l’eau et des el´ements nutritifs est optimale quand l’apport d’eau fournit la juste quantit´e d’eau dont la culture a besoin et que le sol est a` mˆeme de la retenir dans la zone racinaire. L’humidit´e du sol a ´egalement une forte influence sur la production agricole par sa capacit´e a` transporter les nutriments vers et `a travers les plantes (Fig. 1.3).
Par d´efinition, l’humidit´e du sol repr´esente la quantit´e d’eau pr´esente dans le sol et s’exprime en unit´e volumique (m3 .m−3 ). Ce rapport repr´esente le volume d’eau pr´esent dans un volume de sol consid´er´. Il varie entre 0 pour un sol tr`es sec et la valeur de la porosit´e, c’est a` dire la fraction de volume occup´ee par l’air dans un sol sec. Elle diff`ere en fonction du type de sol consid´er´. Lorsque tous les pores sont remplis d’eau, on parle de saturation du sol.
L’humidit´e du sol se pr´esente sous deux formes : 1) l’eau gravitationnelle qui circule de haut en bas par la gravit´e et 2) l’eau capillaire qui reste sur les particules de terre. Cette eau capillaire est la plus importante pour la croissance de la plante car elle peut ˆetre capt´ee facilement par les racines. L’humidit´e du sol d´epend aussi de la nature du sol lui-mˆeme. L’argile, le limon et le sable ont tous des capacit´es (capacit´e au champs) diff´erentes pour conserver l’humidit´e du sol. Les argiles ont une forte capacit´e de r´etention de l’humidit´e, au contraire des sols sablonneux. En mˆeme temps, il est important que l’eau puisse ˆetre infiltr´ee dans le sol, et ne pas ˆetre perdue par ruissellement ou par ´evaporation. Ceci est appel´ la ”capacit´e d’infiltration” du sol et a une importance capitale en surface (c’est a` dire dans les premiers centim`etres).
La t´el´ed´etection pour le suivi des ressources en eau
Les sciences hydrologiques ´etudient le comportement de l’eau `a la surface du sol et dans le sol. C’est `a dire qu’elles examinent l’ensemble des processus qui interviennent d`es l’instant o`u la goutte de pluie rencontre la surface jusqu’`a l’´ecoulement de l’eau dans les rivi`eres et son ache-minement vers les lacs ou la mer, ainsi que les m´ecanismes de transfert entre l’atmosph`ere, la biosph`ere et les sols `a diff´erentes profondeurs. Il est donc important d’observer et d’analyser la r´epartition spatiale et la dynamique des eaux continentales pour une meilleure compr´ehension du cycle de l’eau. Cependant le d´eveloppement d’un r´eseau dense de mesures au sol est tr`es couteux et demande un investissement humain important.
Depuis une vingtaine d’ann´ees, la t´el´ed´etection par satellite a d´emontr´ un tr`es fort potentiel pour le suivi des flux et des masses d’eau sur l’ensemble des continents. D`es le d´ebut des ann´ees 1990, des estimations syst´ematiques des niveaux d’eau des lacs, fleuves, plaines d’inondation ont et´ d´eduites des altim`etres radar Topex/Poseidon, Jason 1, Envisat et Jason 2 (Frappart et al., 2014, 2015; Papa et al., 2015; Birkett, 1995, 2002). La t´el´ed´etection multi-spectrale fournit aussi de puissants outils pour observer les surfaces continentales et les composantes hydrologiques comme l’humidit´e des sols a` l’aide des satellites SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity ; Kerr et al. (2001)) et SMAP (Soil Moisture Active Passive ; Entekhabi et al. (2010)). La temp´era-ture de surface issue de l’infrarouge thermique fournit ´egalement des informations sur l’´etat des surfaces et sur les variations spatio-temporelles des flux hydrologiques (Anderson, 1997) `a l’in-terface surface-atmosph`ere par l’interm´ediaire du bilan d’´energie et du bilan hydrique (Anderson et al., 2008; Brunsell and Gillies, 2003; Kustas and Anderson, 2009). Depuis 2002, la mission de gravim´etrie spatiale GRACE (Gravity Recovery And Climate Experiment ; Tapley et al. (2004)) permet de suivre les variations int´egr´ees des stocks d’eau continentale. Les satellites m´et´eoro-logiques en orbite autour de la Terre, qu’ils soient g´eostationnaires (les satellites Geostationary Operational Environmental Satellites (GOES), les meteosat) ou polaires (Global Precipitation Measurement (GPM), Tropical Rainfall Measuring Mission (TRMM)) permettent de d´etecter les pr´ecipitations et d’estimer leur intensit´ (Huffman et al., 2007; Hou et al., 2014). De plus la mission franco-am´ericaine SWOT (Surface Water and Ocean Topography) est attendue avec impatience par les hydrologues avec son nouveau radar interf´erom´etrique large fauch´e d´enomm´ KaRIn. Ces donn´ees permettront de d´eterminer les variations temporelles de stock d’eau dans les hydrosyst`emes de surface (lacs, r´eservoirs et zones humides) et leurs dynamiques d’´ecoulement (Biancamaria et al., 2016). L’ensemble de ces nouvelles mesures offre des perspectives pour la compr´ehension du bilan hydrologique et la redistribution de l’eau a` diff´erentes ´echelles ainsi que leurs liens avec la variabilit´e climatique.
T´el´ed´etection de l’humidit´e du sol
Les premi`eres m´ethodes destin´ees `a suivre l’humidit´e du sol ´etaient bas´ees sur les observa-tions dans le domaine du visible et sur le fait qu’un sol s’assombrit lorsqu’il s’humidifie (Idso et al., 1975). Peu apr`es, l’utilisation de l’infrarouge thermique a et´ une approche prometteuse en utilisant le lien avec le flux de chaleur latente, c’est a` dire qu’un sol humide a une plus grande inertie thermique apparente et est donc relativement ”plus froid” qu’un sol sec voisin (Gillies and Carlson, 1995). Cependant, l’absence de capteurs thermiques d´edi´es `a cette variable avec une r´esolution adapt´ee ainsi que les effets atmosph´eriques, la couverture nuageuse ou encore l’effet de la v´eg´etation ont limit´e le d´eveloppement de ces approches.
Les scientifiques se sont alors tourn´es vers le domaine d’observation dans les micro-ondes (table 1.1) dont le signal est sensible `a la constante di´electrique du milieu observ´e, qui est direc-tement li´ee au contenu en eau (Schmugge, 1983). Les recherches pour estimer l’humidit´e du sol se sont alors focalis´ees sur l’utilisation des radars (diffusiom`etres ou SAR ∗ ) et des radiom`etres. Ces syst`emes op`erent a` basse fr´equence (1 a` 40 GHz) et les informations peuvent ˆetre acquises aussi bien la nuit que le jour et ne sont pas alt´er´ees par les nuages. Deux grands types de capteurs micro-ondes existent pour mesurer l’humidit´e du sol :
– Les capteurs passifs (radiom`etres) mesurent l’intensit´ de l’´emission naturelle d’une surface.
– Les capteurs actifs (radars) envoient un signal vers la surface de la Terre et mesurent l’´ener-gie diffus´ee dans la direction du capteur (r´etro-diffus´ee).
L’utilisation des capteurs actifs ´etait l’approche la plus r´epandue dans les ann´ees 1990. Ces syst`emes permettent des mesures avec une r´esolution spatiale fine (quelques dizaines de m`etres) et reposent aujourd’hui sur l’utilisation de radars SAR. Toutefois, ces syst`emes sont contraints, comme la plupart des syst`emes `a haute r´esolution spatiale, par l’obligation de fonctionner `a une fr´equence temporelle assez faible, ce qui n’est pas compatible avec des exigences hydrologiques ou bien avec l’utilisation des mod`eles de pr´evisions m´et´eorologiques.
Mod´elisations hydrologiques en lien avec la t´el´ed´etection
Mod´elisation ph´enom´enologique
Le suivi hydrologique des surfaces continentales repose sur des mod`eles capables de pr´edire les flux d’eau dans l’espace et dans le temps : l’infiltration dans le sol, l’´evapotranspiration a` l’interface surface-atmosph`ere et les ´ecoulements de surface et souterrains. Il existe des mod`eles qui sont qualifi´es de ”physiques” lorsqu’ils sont con¸cus a` partir de lois physiques (par exemple l’´equation de Darcy-Richards) et des mod`eles ”empiriques” lorsqu’ils sont issus des exp´eriences (par exemple un mod`ele pluie-d´ebit). De ce fait, deux approches de mod´elisation s’opposent pour repr´esenter le plus fid`element possible le comportement d’un syst`eme.
La premi`ere approche discr´etise le milieu en el´ements assez fins de mani`ere `a repr´esenter leurs interactions (flux de mati`eres et d’´energie) a` partir des ´equations de la physique de base. Cette approche, dite discr´etis´ee, m´ecaniste, r´eductionniste ou ascendante (upward ou bottom-up en an-glais), est largement utilis´ee en sciences pour aboutir `a une compr´ehension compl`ete et d´etaill´ee du syst`eme etudi´e. A cause de la tr`es grande h´et´erog´en´eit´ des surfaces continentales, la mise en œuvre des lois physiques n´ecessite g´en´eralement une discr´etisation fine de l’espace et du temps (Or et al., 2013). L’impl´ementation de ce type de mod`ele de plus en plus complexe fonctionnant a` des r´esolutions de plus en plus fines (Wood et al., 2011) n’est possible que grˆace a` des grandes puissances de calcul. Cependant, il est important de garder a` l’esprit que la mod´elisation dis-cr´etis´ee n´ecessite de nombreux param`etres d’entr´ee qu’il est impossible de renseigner avec une pr´ecision connue (Beven and Cloke, 2012). En effet, si les donn´ees de terrain fournissent des me-sures pr´ecises et quasi exhaustives des flux d’eau dans le sol et `a l’interface surface-atmosph`ere, elles ne sont repr´esentatives que d’une petite zone et ces donn´ees spatialis´ees sont indispensables a` la calibration des mod`eles. Bierkens (2015) mentionne en effet que les probl`emes de calibration repr´esentent encore l’un des verrous scientifiques majeurs depuis l’´emergence des suivis hydrolo-giques dans les ann´ees 1980 (Eagleson, 1986).
La seconde approche vise `a repr´esenter directement le ”motif” final a` partir des observations disponibles. Cette approche est alors nomm´ee, empirique, ph´enom´enologique ou descendante (downward ou top-down en anglais). En d’autres termes, cette approche peut se comparer `a une d´emarche d´eductive qui part d’une observation d’ensemble, pour en d´eduire les diff´erents pro-cessus sous-jacents. Un exemple simple est la taille d’un buste dans un bloc de pierre o`u l’artiste fignole pr´ecis´ement et au fur et a` mesure chaque partie du corps. La notion de mod´elisation descendante a souvent et´ utilis´ee en hydrologie lorsqu’il s’agit de construire des mod`eles dont la nature permet une inversion des param`etres de mani`ere univoque a` partir des observations dis-ponibles aux ´echelles d’application (Sivapalan et al., 2003). Cette approche est, par cons´equent, souvent appliqu´ee pas a` pas et de mani`ere hi´erarchique dans l’interpr´etation des observations. Les variables du premier ordre sont d’abord explor´ees, et la complexit´ du mod`ele ´etant alors augment´ee en r´eponse aux lacunes dans la reproduction des observations a` diff´erents niveaux.
Alors que de nombreuses ´equipes de recherche impl´ementent a` grande ´echelle des mod`eles dis-cr´etis´es largement sur-param´etr´es, peu d’´etudes visent `a estimer des param`etres hydrologiques directement par t´el´ed´etection. Dans ce contexte, la mod´elisation ph´enom´enologique apparaˆıt comme un outil int´eressant du point de vue de la r´egionalisation des processus, qui est peu ex-ploit´e et compl´ementaire a` l’approche ascendante/discr´etis´ee. L’approche ph´enom´enologique fait partie de l’approche descendante car elle a l’avantage d’une calibration directe a` partir des obser-vations disponibles, mais elle va au-del`a de l’empirisme pur en tentant d’interpr´eter physiquement les variabilit´es de ses param`etres qui sont souvent de nature semi-empiriques. En d’autres mots, la mod´elisation ph´enom´enologique vise a` repr´esenter un ph´enom`ene (´evaporation, infiltration et ruissellement) a` partir des observations disponibles en coh´erence avec les lois fondamentales, mais sans pour autant ˆetre issue d’une simplification de ces lois.
Couplage entre t´el´ed´etection et mod´elisation
La t´el´ed´etection fournit des donn´ees capables de contraindre les processus mod´elis´es `a l’´echelle de repr´esentation. La t´el´ed´etection multi-capteur est riche en information et peut ˆetre int´egr´ee dans des mod`eles. En effet, de nombreuses variables biophysiques peuvent ˆetre d´eriv´ees des si-gnaux dans les diverses bandes ou domaines spectraux : la couverture de v´eg´etation et l’alb´edo dans le rouge et proche infrarouge, la temp´erature de surface dans l’infrarouge thermique, et l’humidit´e des premiers cm du sol dans les micro-ondes. La sp´ecificit´ spectrale des interac-tions ondes-surface et ondes-atmosph`ere a n´ecessit´ le d´eveloppement des mod`eles de transfert radiatif sp´ecifiques pour chaque domaine spectral. Ainsi, les diff´erentes communaut´es de la t´e-l´ed´etection se sont organis´ees par bandes spectrales, et se sont efforc´ees d’extraire le maximum d’informations `a partir d’un domaine donn´e. Mais ce n’est que depuis peu que des efforts com-muns ont et´ faits entre les diff´erentes communaut´es de ”t´el´ed´etecteurs” mais aussi au sein et entre les agences spatiales internationales : la NASA (avec le progamme Earth Observing System EOS), l’ESA (avec les programmes Living Planet et Copernicus) et la JAXA (avec le programme Global change observation mission GCOM). Il y a donc eu une augmentation significative des programmes spatiaux ayant pour but de cr´eer une synergie multi-spectrale. Un exemple r´ecent de cette motivation est la nouvelle constellation des satellites Sentinels. Les donn´ees du visible, proche infrarouge, infrarouge thermique et micro-onde en bande C seront disponibles avec une r´esolution spatio-temporelle sans pr´ec´edent. Ces strat´egies se basent sur le d´eveloppement d’un syst`eme d’observations compl´ementaires afin de caract´eriser au mieux les surfaces continentales. Cependant, nous identifions des limites a` l’utilisation de la t´el´ed´etection spatiale pour observer directement les processus hydrologiques :
– L’exactitude (accuracy en anglais) de la mesure est aussi importante que la mesure elle-mˆeme. Elle permet de donner une id´ee de la qualit´e des observations en vue de l’utilisation dans des mod`eles. Dans la plupart des ´etudes, on la d´efinit comme l’incertitude li´ee `a l’ins-trumentation et aux mod`eles d’inversions. Cependant, avec l’utilisation des images satellites pour l’hydrologie, il est aussi important de prendre en compte la notion de repr´esentati- vit´e spatiale de la mesure qui joue un rˆole majeur sur l’exactitude de celle-ci. Prenons un exemple : l’erreur de SMOS est estim´ee `a 0.04 m3 .m−3 avec une r´esolution spatiale de 40 km ; les processus `a fine ´echelle ne sont donc pas repr´esent´es correctement mˆeme si l’erreur de SMOS est faible. Par contraste, les mesures issues du radar ont une r´esolution plus fine (jusqu’`a 3 km) que le radiom`etre, mais avec des incertitudes plus grandes (approximative-ment 0.06 m3 .m−3 ; Narvekar et al. (2015)).
Le bassin m´editerran´een : Le Maroc
La M´editerran´ee est un v´eritable microcosme des enjeux des COP (Conf´erence de Parties). Nulle part ailleurs dans le monde, autant de pays en d´eveloppement ne cˆotoient des pays d´e-velopp´es. Environ 10% des pays du monde sont rassembl´es autour de la mer au milieu des terres (du latin m´editerraneus) avec une situation qui les am`ene a` partager un ´ecosyst`eme interconnect´ par des infrastructures physiques, ´echanger des biens et services, en plus d’ˆetre le th´eˆatre de flux et reflux de migrants, voyageurs et r´efugi´es.
D’un point de vue climatique et hydrologique, le bassin m´editerran´een se caract´erise par une forte variabilit´e hydrologique entre des zones soumises `a un climat aride au sud (Afrique du Nord) et a` l’est (Moyen-orient) et plus temp´er´ au nord (Pi˜nol et al., 1991). Cela se traduit par une r´epartition tr`es in´egale des pr´ecipitations autour de ce bassin (71% au nord, 9% au sud et 20% a` l’est). Alors que la ressource en eau est limit´ee sur le pourtour m´editerran´een, des ´etudes climatiques ont par ailleurs montr´e que ces r´egions seraient probablement tr`es touch´ees par le changement climatique (Quereda Sala et al., 2000; Moisselin et al., 2002; Xoplaki et al., 2003) qui tendrait a` diminuer les pr´ecipitations annuelles moyennes (Gibelin et al., 2006; Gao et al., 2006; Ulbrich et al., 2006; Somot et al., 2008), tout en augmentant la probabilit´e d’occurrence des ´ev`enements intenses (Gao et al., 2006). Ces ´ev`enements extrˆemes comprennent en particulier les ´episodes de s´echeresse, avec une tendance a` devenir de plus en plus fr´equents (Giannako-poulos et al., 2009). Le Bassin m´editerran´een est donc vuln´erable aux variations climatiques : la diminution des pr´ecipitations entraˆıne en partie la d´egradation des syst`emes agricoles et la d´esertification (Fig. 2.2). En raison de l’impact des s´echeresses sur l’agriculture, le bassin m´e-diterran´een est qualifi´e de zone prioritaire du changement climatique (Giorgi, 2006). En cas de d´eficit saisonnier, les pays concern´es ont g´en´eralement recours de fa¸con temporaire a` leurs r´e-serves et en particulier `a l’eau contenue dans les nappes souterraines. En Afrique du Nord o`u l’´evapotranspiration potentielle exc`ede le plus largement les pr´ecipitations, le recours aux r´eserves ne peut conduire qu’`a leur ´epuisement a` plus ou moins long terme puisqu’elles ne sont plus ou tr`es peu r´e-aliment´ees. Ces pays, dont l’´economie repose en partie sur le secteur de l’agricul-ture, doivent g´erer au mieux l’eau dont ils disposent grˆace a` l’apport des pr´ecipitations et des ressources disponibles pour l’irrigation.
Zoom sur le bassin de montagne de la Rheraya (zone atelier)
Les ressources en eau pour l’irrigation proviennent majoritairement des montagnes du Haut Atlas qui font office de chˆateau d’eau (Fig. 2.3 et 2.4). Ces bassins de montagnes sont caract´eris´es par une hydrologie de surface tr`es active avec des pr´ecipitations liquides et solides importantes. Les oueds qui drainent ces versants nord des montagnes constituent une source importante d’ali-mentation des nappes dans la plaine du Haouz.
Ce bassin instrument´ de la Rheraya (Fig. 2.4) couvre une superficie de 227 km2 et les altitudes varient de 1084 m `a 4167 m (le plus haut mont d’Afrique du Nord : le mont Toubkal) avec des fortes pentes. De plus, l’enneigement est le plus important de la r´egion du Tensift. Il constitue une part consid´erable des apports d’eau pour la plaine. Son exutoire principal n’est situ´e qu’`a quelques kilom`etres au sud de Marrakech (proche de la ville de Tahanaoute). La v´eg´etation du bassin est assez simple, les fonds de vall´ees d’Im´enane et d’Imlil sont ´etroits et cultiv´es en ´etage avec des cultures fourrag`eres et arbor´ees. Chaque talweg parcouru par un affluent est exploit´ intensivement a` des fins agricoles d`es lors qu’un peu de terre y est pr´esente. La pluviom´etrie moyenne annuelle a` l’exutoire du bassin est d’environ 400 mm avec un ´ecart type de 100 mm. La pluviom´etrie moyenne annuelle peut mˆeme d´epasser les 600 mm a` Aremd, au cœur de la vall´ee d’Imlil. Entre Juin et Septembre les pr´ecipitations sont caract´eris´ees par des orages violents. Pendant l’hiver les ´ev`enements sont de plus longue dur´ee avec de la neige en altitude.
Les observations in situ d’humidit´e du sol
Il existe de nombreuses m´ethodes pour mesurer l’humidit´e du sol in situ (Robock et al., 2000; Walker et al., 2004). Les principales m´ethodes sont d´etaill´ees ci-dessous avec les m´ethodes traditionnellement utilis´ees (les m´ethodes gravim´etrique, par sondes a` neutrons et electromagn´e-tiques) et des m´ethodes plus prospectives (les m´ethodes a` rayons cosmiques `a basse ´energie et par r´eflectom´etrie GNSS) :
La m´ethode gravim´etrique est une m´ethode direct qui permet de mesurer l’humidit´e du sol (Robock et al., 2000). L’id´ee est de pr´elever un volume connu de sol, de le peser, de le s´echer et de le peser une seconde fois. La diff´erence de masse entre les deux pes´ees correspond au volume d’eau evapor´ee et donc au contenu en eau dans l’´echantillon de sol. Les limites de cette m´ethode sont le caract`ere destructif de l’approche, la n´ecessit´ d’avoir un op´erateur en laboratoire pour effectuer lesmesures et leur faible repr´esentativit´ de seulement quelques centim`etres. Les mesures sont donc prises au mieux toutes semaines (Seneviratne et al., 2010). Cependant, cette m´ethode a l’avantage d’ˆetre simple et peu couteuse.
La m´ethode par sondes `a neutrons (Hillel, 1998) est une approche indirecte donnant une mesure pr´ecise en temps r´eel. Elle utilise une source radioactive de neutrons rapides et un d´etecteur de neutrons lents. Les neutrons rapides ´emis par la sonde sont progressivement ralentis par le sol et le flux de neutrons lents est proportionnel `a la densit´ d’atomes d’hydrog`ene, donc l’eau contenu dans les objets observ´es. Ces mesures doivent ˆetre etalonn´ees a` partir des mesures gravim´etriques et de densit´ du sol pour chaque type de sol etudi´ et pour diff´erentes valeurs d’humidit´e du sol. Les inconv´enients de cette approche sont principalement dˆus aux pr´ecautions de manipulations des mat´eriaux radioactifs. De plus, ces sondes ont un coˆut elev´e et ne peuvent pas ˆetre utilis´ees pour des mesures fr´equentes et automatiques.
Les m´ethodes electromagn´etiques (Theta probe – TDR) est une approche indirecte qui mesurent un champ ´electrique dans le sol. L’id´ee est d’utiliser la relation quasi lin´eaire entre le champ ´electrique mesur´ et l’humidit´e du sol. Cependant cette relation d´epend du type de sol. Il est donc n´ecessaire de calibrer, a` partir des mesures gravim´etriques, les mesures pour chaque type de sol afin de faire correspondre la mesure (en mV) et l’humidit´e du sol. Cette approche a l’avantage de pouvoir obtenir des mesures d’humidit´e du sol sur une longue p´eriode avec une r´esolution temporelle elev´ee et de mani`ere automatique, grˆace aux centrales d’acquisition. De plus, ces techniques electromagn´etiques sont non-destructives, non-radioactives et les capteurs sont `a faible coˆut. La pr´ecision est de l’ordre de 2% de volume d’humidit´e du sol. Ces sondes (fig. 2.6) d’humidit´e fournissent uniquement des mesures ponctuelles spatialement. Les donn´ees in situ utilis´ees tout au long de ce manuscrit proviennent de la m´ethode TDR.
D´esagr´egation de l’humidit´e du sol
Methodes bas´ees sur les donn´ees optiques
La plupart des m´ethodes de d´esagr´egation issues de la synergie micro-onde/optique sont ba-s´ees sur les approches du triangle (Carlson et al., 1994) ou du trap´ezo¨ıde (Moran et al., 1994). Dans ces deux approches les variations de la temp´erature de surface (LST) sont associ´ees aux variations de la SSM et de la couverture v´eg´etale (Carlson, 2007; Petropoulos et al., 2009). Ce-pendant la fraction de v´eg´etation stress´ee (d´efinie comme un d´eficit d’eau en zone racinaire) est ajout´ee grˆace `a l’approche du trap´ezo¨ıde, ce qui permet d’expliquer l’augmentation de la temp´erature de v´eg´etation au dessus de la temp´erature d’une v´eg´etation irrigu´ee (Fig. 3.1). En regroupant ces deux m´ethodes, deux types d’approches de changement d’´echelle se distinguent pour estimer la SSM a` haute r´esolution : 1) les m´ethodes empiriques (bas´ees sur la r´egression polynomiale, Chauhan et al. (2003) et 2) les m´ethodes semi-physiques (bas´ees sur l’´evaporation, Merlin et al. (2008a).
Concernant la m´ethode empirique, Piles et al. (2011) ont adapt´e l’approche de r´egression polynomiale pour combiner les donn´ees SMOS et MODIS afin de fournir des donn´ees de SSM `a 10 km et 1 km de r´esolution. Cette approche remplace l’alb´edo de surface dans Chauhan et al. (2003) par la temp´erature de brillance observ´ee `a basse r´esolution par le radiom`etre micro-onde, et sur-echantillonn´ee `a haute r´esolution. La m´ethode de Piles et al. (2011) a et´ appliqu´ee en Australie sur la zone de l’exp´erience AACES (Voir note page 26) pendant la p´eriode de mise en service de SMOS.
Concernant l’autre type d’approche, la d´esagr´egation de Merlin et al. (2008a) est bas´ee sur l’´evaporation et a l’avantage de faire physiquement le lien spatial entre la LST et la SSM en passant par un mod`ele d’efficacit´ ´evaporative du sol (SEE). De plus, une am´elioration signifi-cative a et´ r´ealis´ee dans Merlin et al. (2012) en int´egrant la partition sol/v´eg´etation par une approche d´eriv´ee de Moran et al. (1994). L’algorithme a d’abord ´et´e appliqu´e avec le produit SMOS de niveau 2, en utilisant les donn´ees MODIS a` 1 km sur la zone de AACES (Merlin et al., 2012) pendant un mois d’hiver et un mois d’´et´. Egalement bas´ee sur l’´evaporation, Kim and Hogue (2012) ont d´evelopp´ une m´ethode de d´esagr´egation, nomm´ee UCLA, en s’appuyant sur la formulation de la fraction ´evaporative de Jiang and Islam (2003), et d’une ´equation lin´eaire de changement d’´echelle entre la fraction ´evaporative et SSM. L’algorithme a et´ appliqu´e avec le produit AMSR-E de niveau 3, en utilisant les donn´ees MODIS sur la zone de SMEX04 ∗ .
Ces deux derni`eres m´ethodes ont trois avantages majeurs par rapport aux approches purement empiriques : 1) la loi de conservation, c’est a` dire que la moyenne a` basse r´esolution de la SSM estim´ee `a haute r´esolution est ´egale `a la SSM basse r´esolution (et ce n’est g´en´eralement pas le cas avec les approches empiriques `a cause de la nature non lin´eaire de la fonction polynomiale), 2) un lien physique est ´etabli `a haute r´esolution entre la SSM et l’´evapotranspiration, et 3) une calibration locale n’est pas n´ecessaire. La m´ethode polynomiale de Piles et al. (2011) et la m´ethode ´evaporative de Merlin et al. (2008b) continuent d’´evoluer avec les ´etudes r´ecentes de S´anchez-Ruiz et al. (2014), Piles et al. (2014), Malb´eteau et al. (2016b) et Molero et al. (2016). Une ´etude comparative de ces approches est en cours dans le cadre d’un projet avec l’´equipe de Monash en Australie, et l’Universitat Polytecnica de Catalunya a` Barcelone.
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Table des matières
Remerciements
1 Introduction g´en´erale
1.1 Contexte
1.1.1 Le changement climatique
1.1.2 L’hydrologie en milieu semi aride
1.1.3 L’humidit´e du sol pour l’agriculture
1.1.4 Vers une gestion optimis´ee de l’irrigation ..
1.2 La t´el´ed´etection pour le suivi des ressources en eau
1.2.1 T´el´ed´etection de l’humidit´e du sol
1.2.2 T´el´ed´etection de la temp´erature de surface
1.3 Mod´elisations hydrologiques en lien avec la t´el´ed´etection
1.3.1 Mod´elisation ph´enom´enologique
1.3.2 Couplage entre t´el´ed´etection et mod´elisation
1.4 Objectifs et plan de la th`ese
2 Zonesd’´etudes et Donn´ees in situ
2.1 Le bassin m´editerran´een : LeMaroc
2.1.1 Le bassin du Tensift-Haouz
2.1.2 Zoomsur le bassin demontagne de la Rheraya (zone atelier)
2.2 Le Sud-Est de l’Australie
2.2.1 Bassin duMurrumbidgee
2.2.2 Zoom sur la r´egion de Yanco
2.3 Les observations in situ d’humidit´e du sol
3 D´esagr´egation de l’humidit´e du sol `a partir de la LST 31
3.1 Introduction
3.2 D´esagr´egation de l’humidit´e du sol
3.2.1 M´ethodes bas´ees sur les donn´ees optiques
3.2.2 L’algorithme DisPATCh
3.2.3 Le produit CATDS
3.2.4 Une m´etrique pour ´evaluer l’apport de la d´esagr´egation
3.3 Application : Bassin duMurrumbidgee, Australie
3.3.1 Application aux donn´ees SMOS
3.3.2 Application aux donn´ees AMSR-E
3.4 ARTICLE : DisPATCh as a tool to evaluate coarse-scale remotely sensed soil moisture using localized in situ measurements
3.4.1 R´esum´e
3.4.2 Article
3.5 Synth`ese et Conclusion
4 Humidit´e du sol `a haute r´esolution spatio-temporelle
4.1 Introduction
4.2 M´ethode : Synergie pr´ecipitation/humidit´e du sol
4.2.1 Mod`ele de surface : ”force restore”
4.2.2 Assimilation de l’humidit´e du sol d´esagr´eg´ee
4.3 Application en r´egions semi-arides : Principaux r´esultats
4.3.1 Bassin du Tensift-Haouz, Maroc
4.3.2 Bassin duMurrumbidgee, Australie
4.4 ARTICLE : Towards a soil moisture product at high spatio-temporal resolution : temporally-interpolated spatially-disaggregated SMOS data based on precipitation
4.4.1 R´esum´e de l’article
4.4.2 Article
4.5 Synth`ese et Conclusion
5 Vers une extension du domaine d’applicabilit´e aux r´egions montagneuses
5.1 Introduction
5.2 M´ethode de correction des effets topographiques
5.2.1 Mod´elisation de la temp´erature de surface (effets d’´eclairement et d’altitude)
5.2.2 M´ethode de correction
5.3 Application : La vall´ee d’Imlil auMaroc
5.3.1 Principaux r´esultats
5.3.2 Campagne demesures de validation : Les thermocrons ibuttons
5.4 ARTICLE : Normalizing land surface temperature data for elevation and illumination effects in mountainous areas
5.4.1 R´esum´e de l’article
5.4.2 Article
5.5 Suppl´ement : Application aux donn´ees LANDSAT
5.6 Synth`ese et Conclusion
6 Conclusiong´en´erale
6.1 R´esum´e des travaux
6.2 Limites des m´ethodes et Discussion
6.3 Perspectives d’application
6.3.1 Vers la correction et d´esagr´egation des donn´ees de pr´ecipitations
6.3.2 Vers l’estimation des apports d’eau par l’irrigation
6.3.3 Synergie multi-capteur pour l’´etude du cycle de l’eau
Bibliographie
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