La vaccination contre certains papillomavirus humain (HPV), responsables de la majoritรฉ des cancers du col de l’utรฉrus, est un rรฉel progrรจs dans la prรฉvention de ce cancer. C’est pourquoi le Plan cancer 2009-2013 a fixรฉ comme objectif une amรฉlioration des taux de couverture vaccinale contre les HPV (mesure 13.1). Pourtant, moins d’un tiers des adolescentes franรงaises sont aujourd’hui correctement vaccinรฉes, avec les trois doses nรฉcessaires (donnรฉes antรฉrieures ร la nouvelle recommandation dโavril 2014).
Depuis mars 2007, la Haute Autoritรฉ de Santรฉ (HAS) recommande, pour la vaccination contre le papillomavirus, de proposer la vaccination aux jeunes filles dรจs lโรขge de 14ans (avant lโexposition au risque de lโinfection) mais รฉgalement chez les jeunes filles de 15 ร 23 ans ayant dรฉbutรฉ leur activitรฉ sexuelle dans lโannรฉe. Le choix de la cible vaccinale, cโest-ร -dire les jeunes filles รขgรฉes de 14ans, avait รฉtรฉ fait en 2007 en prenant en considรฉration :
-Lโรขge des premiers rapports sexuels
Cet รขge รฉtait en moyenne de 17.5 ans chez les filles. Environ 3% des femmes dรฉclarent avoir eu des relations sexuelles avant lโรขge de 14ans.
-Les incertitudes concernant la durรฉe de protection
Le recul nโรฉtait alors que de cinq ans et la crainte รฉtait, en recommandant la vaccination dรจs lโรขge autorisรฉ par lโAutorisation de mise sur le marchรฉ (AMM)- actuellement 9 ans pour les deux vaccins de se voir contraint ร recommander ultรฉrieurement des rappels ร des personnes qui nโauraient pas encore รฉtรฉ exposรฉes au risque.
-Lโabsence dโรฉtudes autorisant des co-administrations.
Les seules donnรฉes disponibles ร lโรฉpoque concernaient la co-administration de Gardasil et de vaccins contre lโhรฉpatite B. Ainsi, le rendez-vous vaccinal de 11-13ans pour le rappel DTCaP ne pouvait รชtre utilisรฉ pour administrer une des doses de vaccin contre le papillomavirus. Lโรฉvolution des donnรฉes concernant les vaccins et leurs AMM, la constatation dโune couverture vaccinale trรจs insuffisante en France et les perspectives dโรฉvolution du calendrier vaccinal a amenรฉ la rรฉvision de ces recommandations.
Le Haut Conseil de la santรฉ publique recommande, en cohรฉrence avec les derniรจres donnรฉes de LโEuropean Centre for Disease prevention and Control (ECDC), dans son avis du 28 septembre 2012, que :
โฆ La vaccination des jeunes filles contre le papillomavirus puisse รชtre pratiquรฉe entre les รขges de 11ร 14ans.
โฆ Toute opportunitรฉ, y compris le rendez-vous vaccinal de 11-14ans, soit mise ร profit :
โ pour initier la vaccination de celles qui ne lโauraient pas encore faite avec une possibilitรฉ de co-administration avec un autre vaccin : vaccin tรฉtravalent diphtรฉrie-tรฉtanos-coqueluche-polio, vaccin hรฉpatite B
โ ou pour complรฉter un schรฉma incomplet et notamment pour administrer la 3รจme dose de vaccin ร celles qui ne lโauraient pas encore reรงue ;
โฆ Lโรขge de rattrapage soit limitรฉ ร 20 ans (19 ans rรฉvolus). Cette vaccination nโest plus sous-entendue par la notion de lโรขge de dรฉbut de lโactivitรฉ sexuelle, mรชme si le vaccin sera dโautant plus efficace que les jeunes filles nโauront pas encore รฉtรฉ infectรฉes par les papillomavirus ciblรฉs par la vaccination.
Le Haut Conseil de la santรฉ publique rappelle que lโobtention dโune couverture vaccinale รฉlevรฉe reprรฉsente un objectif prioritaire tant pour la protection des jeunes filles que pour lโinduction dโune immunitรฉ de groupe. Il souligne par ailleurs que ces niveaux de couverture vaccinale รฉlevรฉs sont obtenus dans les pays (Royaume Uni, Australie) qui vaccinent dans les รฉcoles.(1) Cette vaccination, relativement rรฉcente, soulรจve des interrogations notamment autour de son efficacitรฉ, son impact et donc du bรฉnรฉfice rรฉel quโelle apporterait en terme de prรฉvention du cancer du col de lโutรฉrus.
En France, nous ne disposons que dโenquรชtes rรฉalisรฉes auprรจs des mรฉdecins concernant lโacceptabilitรฉ vaccinale. Cependant, ร lโรขge de 11ans ce sont les parents les acteurs principaux de la dรฉcision vaccinale pour leurs filles. Lโobjectif principal de notre รฉtude รฉtait dโexplorer les dรฉterminants de la dรฉcision vaccinale auprรจs des parents des jeunes filles en รขge dโรชtre vaccinรฉes. Lโobjectif secondaire รฉtait dโexplorer les avis concernant la nouvelle recommandation relative ร lโรขge de vaccination des jeunes filles auprรจs des parents et de leurs jeunes filles.
Human Papilloma virusย
Dรฉfinition
Les papillomavirus humain ou HPV (Human Papilloma Virus) sont des virus nus (sans enveloppe) de petite taille (45 ร 55 nm de diamรจtre) dont le gรฉnome est constituรฉ dโADN double brin de 8 000 paires de bases environ, avec un seul brin codant et trois rรฉgions gรฉnomiques (cf.figure 1). La rรฉgion L (Late) code pour les protรฉines de structure L1 et L2 composant la capside. La rรฉgion E (Early) code pour 7 protรฉines non structurales E1-E7. La derniรจre rรฉgion, non codante, contient les promoteurs des gรจnes prรฉcoces et des sรฉquences de rรฉgulation de la rรฉplication et de la transcription.
Ils infectent les cellules germinales de la couche basale des รฉpithรฉliums malpighiens. Ils appartiennent ร la famille des papillomaviridae.
Classification des papillomavirus
Il existe un peu plus de 120 gรฉnotypes diffรฉrents qui se distinguent en fonction de leur tropisme (cutanรฉ ou muqueux), de leur propriรฉtรฉ biologique et de leur potentiel oncogรฉnique (bas risque ou haut risque).Une quarantaine dโentre eux a un tropisme prรฉfรฉrentiel pour les muqueuses ano-gรฉnitales. Selon leur pouvoir oncogรจne, on distingue :
– les HPV ร faible risque(LR-HPV)parmi lesquels le type 6 et 11 responsables de condylomes ou vรฉgรฉtations vรฉnรฉriennes,40,42,43,44,54,61,70,72,81.
– les HPV ร haut risque (HR-HPV),parmi lesquels les types 16,18 impliquรฉs dans le cancer du col de lโutรฉrus, mais aussi HPV31,33,35,39,45,51,52,56,58,59,68,73,82.
La diversitรฉ des types de HPV rรฉsulte de leur fort taux de mutation au sein des รฉpithรฉliums humains.
Rรฉpartition des HPV
En France
On dispose de donnรฉes mรฉtropolitaines (รฉtudes EDiTH) portant sur des milliers de prรฉlรจvements provenant de cancers invasifs du col de lโutรฉrus et de cancers de lโanus, ainsi que de lรฉsions de haut grade (CIN 2/3) et bas grade (lรฉsions cytologiques รฉvocatrices de lรฉsions de bas grade, LSIL) du col de lโutรฉrus et de condylomes acuminรฉs. Les gรฉnotypes 16 et 18 sont retrouvรฉs dans 82 % des cancers du col de lโutรฉrus et 78 % des cancers anaux ; dans les condylomes cโest le type 6 (68 %) et le type 11 (16 %) qui prรฉdominent.(4) Les types dโHPV les plus frรฉquents chez les femmes atteintes du cancer du col de lโutรฉrus sont, dans lโordre dรฉcroissant, les types ร haut risque oncogรจne 16,18,45,31,33,52,58,35 et ร faible risque oncogรจne 6 et 11.(2) Cette รฉtude a permis de mieux connaitre la rรฉpartition des gรฉnotypes dโHPV les plus frรฉquents avant la mise en place de la vaccination. Les rรฉsultats des รฉtudes EDITH indiquent quโen France, en estimant une couverture vaccinale de 100%, un vaccin quadrivalent dirigรฉ contre les HPV 6,11,16,18 pourraient prรฉvenir 71 ร 82% des cancers invasifs, de 45 ร 64% des CIN 2/3, de 14 ร 34% des lรฉsions de bas grade, de 63 ร 88% des condylomes. Cependant cet impact potentiel correspond ร une situation optimale de couverture vaccinale et avec des jeunes filles indemnes dโinfection de gรฉnotype 6,11,16 et 18.
Dans le monde
HPV-16 รฉtait le type prรฉdominant dans toutes les rรฉgions, allant de 47,7% en Afrique sub-saharienne ร 69,7% en Europe / Amรฉrique du Nord. VPH-18 รฉtait le deuxiรจme type le plus commun dans le monde entier, avec une prรฉvalence allant de 12,6% dans le Centre Amรฉrique du Sud / 25,7% en Asie du Sud. VPH-45 รฉtait le troisiรจme type le plus commun en Afrique, en Asie et en Amรฉrique du sud Europe / Nord, tandis que le VPH-31 รฉtait le troisiรจme type le plus commun dans le centre de l’Amรฉrique du Sud /. En Afrique du Nord, les HPV 33 et 31 sont, respectivement, les quatriรจme et cinquiรจme types les plus courants, tandis que dans l’Afrique subsaharienne, les HPV 33 et 58 au quatriรจme rang et HPV-56 cinquiรจme. Les quatriรจme et cinquiรจme types les plus communs รฉtaient, respectivement, 45 et 33 en Amรฉrique centrale / du Sud, 52 et 58 en Asie du Sud et 31 et 56/68 en Europe / Amรฉrique du Nord .
Incidence et Prรฉvalenceย
Cโest une des trois principales IST concernant la population gรฉnรฉrale, avec lโherpรจs gรฉnital et les infections ร chlamydia trachomatis. Cโest la premiรจre des infections virales sexuellement transmissibles dans le monde. Les infections gรฉnitales ร HPV surviennent gรฉnรฉralement dans les premiรจres annรฉes du dรฉbut de lโactivitรฉ sexuelle. La prรฉvalence de lโinfection ร HPV varie en fonction de lโรขge avec un pic de prรฉvalence entre 20 et 25 ans. La majoritรฉ des femmes sexuellement actives seront infectรฉes par au moins un type dโHPV au cours de leur vie. La prรฉvalence mondiale de l’infection par le virus du papillome humain (VPH) chez les femmes sans anomalies cervicales est 11-12% avec des taux plus รฉlevรฉs en Afrique sub-saharienne (24%), Europe de l’Est (21%) et l’Amรฉrique latine .
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Table des matiรจres
I. Introduction
I.1 Contexte
I.2 Human Papilloma virus
I.2.1 Dรฉfinition
I.2.2 Classification des papillomavirus
I.2.3 Rรฉpartition des HPV
I.2.4 Incidence et Prรฉvalence
I.2.5 Transmission et persistance de lโHPV
I.2.6 Histoire naturelle de lโHPV au cancer du col de lโutรฉrus
I.3 Cancer du col de lโutรฉrus
I.3.1 Epidรฉmiologie du cancer du col de lโutรฉrus
I.3.2 Moyens de prรฉvention
I.3.2.1 Vaccin anti HPV
I.3.2.2 Frottis cervico vaginal
I.3.2.3 Tests HPV
I.3.2.4 Prรฉservatif
II. Matรฉriel et Mรฉthode
II.1 Type dโรฉtude
II.2 Rรฉalisation de la Bibliographie
II.3 Question de recherche
II.4 Recrutement des participants
II.5 Echantillonnage
II.6 Choix des entretiens semi dirigรฉs
II.7 Elaboration du guide dโentretien
II.8 Recueil des donnรฉes
II.9 Lieu
II.10 Retranscription des entretiens
II.11 Analyse des donnรฉes
II.12 Aspect รฉthique de lโรฉtude
III. Rรฉsultats
III.1 Caractรฉristiques de lโรฉchantillon
III.2 Entretiens
III.3 Rรฉsultats qualitatifs
III.3.1 Dรฉterminants communs de la dรฉcision vaccinale des parents face ร la vaccination de leurs enfants
III.3.2 Dรฉterminants spรฉcifiques ร la dรฉcision vaccinale des parents face ร la vaccination anti HPV de leurs enfants
IV. Discussion
IV.1 Discussion de la mรฉthode
IV.2 Discussion des rรฉsultats
IV.2.1 Les rรฉsultats principaux de notre รฉtude
IV.2.2 Comparaison avec la littรฉrature
IV.2.3 Les incertitudes persistantes
IV.2.4 Perspectives
V. Conclusion
VI. Annexes
VII. Bibliographie