La polymédication
La fréquente polypathologie du sujet âgé conduit souvent à une polymédication, fruit à la fois de la prescription médicale et de l’automédication. La polymédication est définie comme la prescription d’au moins cinq médicaments différents (2). Ces deux phénomènes sont liés à l’âge : plus de 10 % des personnes âgées de 75 ans ou plus, en France, prennent quotidiennement entre 8 et 10 médicaments (3)
La iatrogénie médicamenteuse
La iatrogénie médicamenteuse fait partie des syndromes gériatriques. Elle désigne l’ensemble des effets indésirables provoqués par la prise d’un ou plusieurs médicaments. Un effet indésirable médicamenteux est un préjudice survenant au cours d’un traitement médicamenteux résultant d’une réaction indésirable à un médicament non prévisible ou prévisible suite à une erreur médicamenteuse en lien avec un surdosage, un sous-dosage ou à une prescription inappropriée (13). Elle est plus fréquente chez le sujet âgé car elle augmente avec le nombre de médicaments prescrits. Au-dessus de 4 médicaments prescrits, le risque de iatrogénie médicamenteuse est multiplié par 3. Chaque médicament apporte ses risques d’effets indésirables et augmente le risque d’interactions médicamenteuses entre les différentes molécules (6). Les médicaments les plus à risque de iatrogénie sont les médicaments cardiovasculaires, les psychotropes et les antiinfectieux (13). Les quatre principaux facteurs expliquant l’augmentation de fréquence des accidents iatrogènes médicamenteux avec l’âge sont : la polymédication (incluant l’automédication), la modification de paramètres pharmacologiques, le manque de coordination entre les différents prescripteurs, les handicaps physiques, psychiques et sociaux du patient (13).
L’importance des chutes en gériatrie
La chute est un motif d’hospitalisation pouvant être lié aux médicaments. Elle est généralement le résultat de l’interaction de facteurs de risque multiples et de situations évitables. La chute est l’un des problèmes les plus fréquents et les plus graves auxquels sont confrontées les personnes âgées. Elles sont associées à la mortalité, à la morbidité et à la perte d’autonomie. En augmentant le taux d’hospitalisation et d’admission prématurée en maison de retraite, elles représentent un coût élevé et sont devenues un problème majeur de santé publique (24).
Analyse de la concordance entre les évaluateurs et entre les paires d’évaluateurs
Pour l’analyse des données qualitatives, le test kappa a été utilisé́ (39) . Il s’agit d’un test non paramétrique qui permet de mesurer l’accord entre différents observateurs qui ont coté qualitativement des observations. Il prend en compte le phénomène d’accord aléatoire et quantifie l’intensité de l’accord « véritable ». C’est un indice qui vise à « enlever » la portion de hasard dans l’accord observé entre les observateurs. L’accord entre les jugements reflète la conformité́ des informations données par les deux observateurs sur un objet identique. Ce test permet ainsi d’obtenir un coefficient de concordance et donc une estimation du degré de concordance. La concordance est la proportion de sujets pour lesquels il y a un accord entre les observateurs. Elle est évaluée par le calcul du coefficient « kappa », plus il est proche de 1, plus la concordance est bonne. Plusieurs variables ont été définies :
– Hospitalisation liée aux médicaments (Oui/Non).
– La causalité de l’EIM (Certain, probable, possible, peu probable, inclassable)
– L’évitabilité (définitivement évitable, possiblement évitable, non évitable, non évaluable)
– La contribution de l’EIM à l’hospitalisation
La concordance inter-évaluateurs a été déterminée en calculant le pourcentage de concordance entre les paires d’évaluateurs grâce au kappa de Fleis ainsi qu’au sein de chaque paire grâce au kappa de Cohen. Dès lors que la valeur Kappa est supérieure à 0, l’accord entre les évaluateurs, selon la définition, est supérieur à celui que produirait le hasard. Étant donné la complexité et la subjectivité existante lors de l’évaluation d’un EIM, nous avons choisi de définir qu’un seuil Kappa > 0,40 était relié à une concordance recevable. Une valeur p inférieure à 0,05 était considérée comme statistiquement significative.
Résultats principaux
Notre étude a permis de valider une méthode standardisée qui identifie les hospitalisations pour chute pouvant être reliées à la consommation de médicaments chez les sujets âgés. La faisabilité de la méthode et le degré de concordance sur la détection des hospitalisations liées à un EIM individuellement et par binômes pluridisciplinaires sont satisfaisants. Parmi les 16 hospitalisations pour chute, 10 sont considérées comme liées aux médicaments. Après accord consensuel entre les binômes pluridisciplinaires ou de manière individuelle, la méthode permet d’évaluer l’évitabilité avec une bonne concordance. Néanmoins, l’évaluation de la causalité et la contribution de l’EIM à l’hospitalisation montrent un degré d’accord insuffisant. Au sein des binômes pluridisciplinaires, la concordance sur la détection des hospitalisations liées à un EIM est satisfaisante. Ce n’est pas le cas entre les binômes d’une même spécialité où ce degré d’accord varie. Il est satisfaisant pour les binômes composés de gériatres et de pharmacovigilants, mais insuffisant pour le binôme de pharmaciens. Pour les autres items (causalité, évitabilité et contribution de l’EIM à l’hôpital) un manque de concordance est démontré au sein de tous les binômes. Les dossiers de patients polypathologiques, possédant de nombreux facteurs prédisposants à la chute sont les dossiers patients qui ont entraîné le plus de divergences entre les binômes pluridisciplinaires lors de l’analyse.
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Table des matières
Introduction
1 Le sujet âgé
1.1 Définition
1.2 La polypathologie
1.3 La polymédication
1.4 Les modifications pharmacologiques liées à l’âge
1.4.1 Les modifications pharmacocinétique
1.4.2 Les modifications pharmacodynamiques
1.5 La fragilité
1.6 Le syndrome gériatrique
2 La iatrogénie et les hospitalisations liées aux médicaments
2.1 La iatrogénie médicamenteuse
2.2 Le manque de coordination entre les différents prescripteurs
2.3 La prescription inappropriée
2.4 Les hospitalisations liées aux médicaments
2.4.1 Définition
2.4.2 Incidence
2.4.3 Evitabilité
3 Les chutes chez la personne âgée
3.1 L’importance des chutes en gériatrie
3.2 Épidémiologie
3.3 Définition de la chute
3.4 Facteurs prédisposants et précipitants
3.5 Les chutes liées aux médicaments
4 Intérêt et originalité de la recherche
5 Question de recherche
Méthode
1 Design du test pilote
2 Critères d’inclusions
3 Recueil de données
4 Les évaluateurs
5 Méthode de détermination des hospitalisations pour chute pouvant être liées à un EIM
5.1 Étape 1 : Dépistage des EIM
5.1.1 Utilisation de la grille de déclenchement
5.1.2 Utilisation des questions de dépistage
5.2 Étape 2 : Évaluation de la causalité
5.3 Étape 3 : Évaluation de la contribution à l’admission à l’hôpital
5.4 Etape 4 : Évaluation de l’évitabilité
6 Analyse statistique
6.1 Description de la population
6.2 Analyse de la concordance entre les évaluateurs et entre les paires d’évaluateurs
Résultats
1 Description de la population
2 Faisabilité de la méthode de détection
3 Analyse de la concordance
3.1 Concordance inter-évaluateurs entre les 6 évaluateurs
3.2 Concordance inter-évaluateurs au sein des binomes évaluateurs avant mise en commun
3.3 Concordance inter-évaluateurs entre les évaluateurs d’une même spécialité
3.4 Concordance inter-évaluateurs entre les binômes évaluateurs
4 Analyse des dossiers patients
Discussion
1 Résultats principaux
2 Comparaison avec d’autres études
3 Interprétation des résultats
4 Force et faiblesse
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexes
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