Sans remonter aux origines de l’institution hospitalière, on peut dire que la question des infections se propageant au sein des lieux où les malades sont rassemblés, a toujours existé. Repéré dès le XVIIIe siècle en termes de « fièvres hospitalières », « gangrène » ou « pourriture d’hôpital » [54], les infections associées aux soins ou infections nosocomiales ont toujours alimenté non seulement les polémiques mais également les craintes séculaires à l’égard de l’hôpital, longtemps identifié comme mouroir. Si les antibiotiques ont pu laisser croire à la maîtrise des infections, cette illusion a été de courte durée puisque les premières résistances à la pénicilline apparurent en 1946, soit quatre ans après sa découverte [74]. Néanmoins, les infections nosocomiales ne sont pas le « prix à payer » du progrès médical car elles sont au moins en partie évitables comme l’ont montré certains pays en développant une politique de prévention. Ainsi, aux Etats Unis, il existe depuis 1970 une politique de prévention des infections nosocomiales qui a démontré qu’en moyenne 30% de celles –ci pouvaient être évitées par des méthodes simples et efficaces d’hygiène. De même, en France, les CCLIN (comité de lutte contre les infections nosocomiales) assure la surveillance des infections nosocomiales, rédige les recommandations, forme le personnel, valide les protocoles de soins et participe au contrôle de la prescription des antibiotiques [12].
Dans les pays en voie de développement, peu de données sont publiées sur les infections associées aux soins. Cependant, quelques études menées par certains de ces pays montrent que la prévention des infections nosocomiales est en plein essor depuis quelques années avec un taux de prévalence estimé à environ 25% [10]. Si la guerre est déclarée aux infections nosocomiales depuis plusieurs siècles maintenant, l’élément majeur de cette lutte reste l’hygiène des mains. De nombreux travaux ont par ailleurs démontré que l’augmentation de la fréquence de la pratique de l’hygiène des mains chez le personnel soignant s’accompagnait d’une diminution de la transmission croisée donc d’une diminution de la prévalence des infections nosocomiales. Parmi les plus célèbres nous retiendrons ceux du Dr Ignaz Philippe Semmelweis qui a démontré l’efficacité de la pratique de l’hygiène des mains il y a plus de 160 ans [10]. L’hygiène des mains est classée comme une mesure de niveau d’évidence IA (application vivement recommandée et basée sur des données scientifiques, cliniques ou épidémiologiques obtenues dans des études bien conduites par le CDC/HICPAC) [34]. L’hygiène des mains est le fondement du programme du premier Défi «Clean Care is Safer Care» lancé en octobre 2005 par l’Alliance Mondiale pour la Sécurité des Patients de l’OMS pour promouvoir la sécurité des patients par la prévention des infections associées aux soins. Cette hygiène des mains était assurée principalement par le lavage à l’eau et au savon. Cependant, l’observance médiocre des personnels médicaux et paramédicaux au lavage traditionnel des mains constamment rapportée dans des études depuis 20 ans et l’augmentation graduelle des BMR (Bactéries résistantes à la méticilline) ont conduit à réexaminer les techniques proposées ainsi que leurs réalisations dans le contexte réel des activités. Il a alors été montré que compte tenu de la charge en soins des personnels, une amélioration de l’observance ne pouvait être obtenue qu’en proposant une technique d’hygiène des mains plus simple, plus rapide et plus accessible au lit du malade : la friction hydroalcoolique.
NOTION GENERALES
Définition
On peut définir l’hygiène comme une étude écologique de l’homme envisagée sous l’angle de la santé, c’est-à-dire la science de l’homme considéré dans son milieu, ses collectivités, son environnement et tout ce qui influe sur sa santé [52].Or, l’hôpital est le lieu géométrique de toutes maladies et infections qui influent sur la santé [52].
Hospitalisation et risque infectieux
L’homme semble se complaire dans ce paradoxe. Car, depuis des siècles, les hôpitaux qu’il conçoit pour mieux soigner et guérir le malade ont toujours attiré les plus vives critiques en matière d’hygiène. Force est bien de les considérer comme des mouroirs, du moyen âge au XIXème siècle alors que sévissaient de redoutables épidémies de peste et de choléra [25]. Bien que notre travail porte sur l’hygiène des mains, nous présenterons brièvement l’ensemble des mesures d’hygiène d’un point de vue chronologique car l’évolution des connaissances et des pratiques en matière d’hygiène des mains est étroitement liée à l’ensemble de l’hygiène.
L’antiquité
Les documents les plus anciens retrouvés à ce jour sont les Samhitâs, textes transcrits rédigés par Charaka, médecin hindou du premier siècle après J.- C., qu’il a lui-même repris de textes hindous beaucoup plus anciens [38]. Ces textes mentionnent que l’un des principes de base de la prévention des infections veut qu’un hôpital soit construit sous la direction d’un architecte compétent, pour être spacieux, bien aéré, non exposé aux bruits, aux poussières, aux odeurs. Le personnel doit s’y distinguer par sa propreté corporelle et vestimentaire et par ses bonnes manières. De cette période date aussi l’incinération des cadavres, mesure prophylactique qui deviendra par la suite un rite religieux.
Le moyen âge
Elle marque la rupture totale avec les bonnes habitudes de l’antiquité car la médecine devient doctrinale et obscurantiste. Le but principal étant de diffuser la foi avec comme corollaire l’assistance aux malades et l’œuvre de compassion humaine. Les premiers hôpitaux francs sont construits vers le Ve et le VIe siècles et s’étendent dans tout l’Europe. Elles portent le nom de « domus dei » qui deviendra plu tard hôtel dieu. Elles restent à la charge des clergés jusqu’au XVIe siècle. A la suite des croisades, le nombre d’hôpitaux augmente rapidement en France et en Europe sous l’impulsion des souverains et des Ordres Hospitaliers. Dans la plupart des Hôtel-Dieu les malades sont placés dans des salles communes. Il faut attendre la Renaissance au milieu du XVIème siècle pour voir apparaître une conception plus scientifique que religieuse de la maladie [52].
De la révolution française au XIXe siècle
En cette fin de XVIIIème siècle, on s’aperçoit que les malades couchés dans les lits les plus proches de la salle des infectés sont plus souvent contaminés. Jacques Tenon introduit alors en 1788 la notion de séparation entre les malades afin de limiter le risque infectieux [52]. Les découvertes s’accumulent et avec elles les espoirs d’amélioration de l’hygiène publique et hospitalière. Le développement des villes et l’industrialisation incitent les hommes politiques et les médecins à s’occuper des problèmes de santé publique.
Le mauvais état des hôpitaux, en particulier de l’Hôtel-Dieu de Paris, perdure et devient une préoccupation de l’opinion publique. La mortalité hospitalière est de l’ordre de 25% alimentant le mouvement contestataire anti hospitalier mené par Claude Pouteau (1724-1775, chirurgien). Cet état est également dénoncé par Voltaire et de grands savants tels que Bailly (astronome et premier maire de Paris), Coulomb et Laplace (physiciens), Daubenton (naturaliste), Tenon et Lavoisier (chimiste). Ce dernier dénonce l’absence de séparation des malades contagieux et non contagieux [20]. Cependant toutes les mesures d’hygiènes proposées ne trouvent pas leur application.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
CHAPITRE I: HYGIENE HOSPITALIERE
I. NOTION GENERALES
I.1. Définition
I.2. Hospitalisation et risque infectieux
I.2.1. L’antiquité
I.2.2. Le moyen âge
I.2.3. De la révolution française au XIXe siècle
I.2.4. Le XIXe siècle
I.2.5. Le XXe siècle
II. ORIGINE DES INFECTIONS NOSOCOMIALES OU INFECTIONS ASSOCIEES AU SOINS
II.1. Définition
II.2. Les microorganismes responsables
II.2.1. Les bactéries
II.2.2. Les virus
II.2.3. Les champignons microscopiques
II.3. Les sources de contamination
II.3.1. L’homme
II.3.2. L’environnement
II.4. Les voies de transmission
II.4.1. L’infection endogène
II.4.2. L’infection exogène
III. FREQUENCE ET SURVEILLANCE DES IAS
III.1. Les comités de lutte contre les infections nosocomiales(CLIN)
III.1.1. Leurs missions
III.1.2. En ce qui concerne le Sénégal
III.2. Critères d’efficacité d’un système de surveillance
IV. LA PREVENTION DES IAS
IV.1. Mesures concernant le patient
IV.2. Mesures concernant le personnel
IV-3. Mesures concernant l’environnement
CHAPITRE II : HYGIENE DES MAINS
I. INDICATIONS DE L’HYGIENE DES MAINS
II. RAPPEL SUR LA FLORE CUTANEE DE TRANSMISSION AU COURS DES SOINS
II.1. Flore transitoire (ou superficielle)
II.2. Flore résidente (ou commensale ou flore profonde)
II.3. Transmission des germes au cours des soins
III. TECHNIQUES DE LAVAGE DES MAINS
III.1. Le lavage simple des mains
III.1.1. Caractéristiques
III.1.2. Avantages et inconvénient
III.1.3. Technique et méthode
III.2. Le lavage antiseptique ou hygiénique
III.2.1. Caractéristiques
III.2.2. Technique et méthode
III.3. Le lavage chirurgical
III.3.1. Caractéristiques
CHAPITRE III : LES SOLUTIONS HYDROALCOOLIQUES : UNE RECOMMANDATION DE L’OMS
I. NOTION GENERALES
I.1. Définition
I.2. Impact de l’utilisation des SHA en santé publique
II. PROCEDES DE FABRICATION DES SHA
II.1. Les constituants
II.1.1. L’alcool
II.1.2. Antiseptique associé
II.1.3. L’émollient
II.2. Formulation de l’OMS de solutions hydro-alcooliques
II.3. Mode d’emploi
III. CONTROLE QUALITE DES SHA
III.1. Contrôle au laboratoire
III.2. Tests d’efficacités
III.3. Contrôle de la tolérance
III.4. Indicateurs de consommation
DEUXIEME PARTIE: EVALUATION DE L’ACCEPTABILITE ET DE LA TOLERANCE CUTANEE DE LA SOLUTION HYDROALCOOLIQUE FORMULATION OMS AU CHNU DE FANN
I.CADRE DE L’ETUDE
I.1. Objectifs de l’étude
I.2. Le lieu de l’étude
I.2.1. Les services cliniques
I.2.2. Le personnel de soins
I.2.3. La pharmacie centrale
II. MATERIELS ET METHODES
II.1. Matériels
II.2. Méthodologie
II.2.1. Type d’étude
II.2.2. Population d’étude
II.2.3. Déroulement de l’enquête
III. RESULTATS
III.2. Evaluation de la fréquence de la pratique de l’hygiène des mains
III.2.1. Estimation de l’intervalle de temps d’usage de la SHA
III.2.2 – Fréquence journalière de contacts directs avec les patients
III.2.3. Evaluation du taux personnelle de pratique de l’hygiène des mains
III.2.4. Apport de ce programme d’hygiène des mains avec la SHA sur votre pratique personnelle de l’hygiène des mains
III.2.5. Proportion de friction hydro-alcoolique pratiquée par rapport aux 5 indications de l’hygiène des mains auxquelles vous avez été confronté
III.2.6. Fréquence de pratique de l’hygiène des mains des soignants par heure de travail
III.3. Evaluation du produit test
III.3.1. Appréciation personnelle du produit test pour l’antisepsie des mains par le personnel soignant
III.3.2. Comparaison entre le produit test et le produit habituellement utilisé à l’hôpital
III.3.3. Espérance d’amélioration personnelle de l’observance à l’hygiène des mains
III.4. Evaluation de l’état de la peau
IV. DISCUSSIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES